Compte-rendu des Deuxièmes rencontres francophones sur l’angiogenèse tumorale CONGRÈS RÉUNION

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CONGRÈS
RÉUNION
Compte-rendu des Deuxièmes rencontres
francophones sur l’angiogenèse tumorale
N. Charbonnier*
D’après les présentations de J. Jacquemier, O. Lucidarme, J. Pouysségur,
J.O. Contreres, G. Pagès, D. Azria, P. Fumoleau, J. Gligorov, J.M. Extra, D. Malka,
R. Adam, J.F. Morère, et S. Culine
Avignon, les 7 et 8 décembre 2007
Angiogenèse et le point de vue
du pathologiste
(J. Jacquemier, Marseille)
Angiogenèse, lymphangiogenèse
et carcinogenèse
Différentes méthodes, à l’aide de marqueurs plus
ou moins spécifiques utilisés pour quantifier le
niveau d’angiogenèse et apprécier le compte de
microvaisseaux, ont mis en évidence une corrélation significative entre ce dernier et les différentes étapes de la carcinogenèse dans le cancer du
sein : l’augmentation du nombre de microvaisseaux
observée est plus importante dans les tumeurs
de haut grade que dans les tumeurs de bas grade.
En revanche, il n’a pas été mis en évidence de
progression de la lymphangiogenèse au cours de
la carcinogenèse.
Impact pronostique de l’angiogenèse
et de la lymphangiogenèse tumorale
Plusieurs données suggèrent l’intérêt pronostique
du compte des microvaisseaux au stade de lésions
non invasives. Notamment, l’étude de Teo et al.,
qui a évalué l’angiogenèse tumorale sur 355 cas
de cancers du sein intracanalaires et in situ (dont
32 ont développé ultérieurement une récidive invasive), a démontré une augmentation du nombre
des microvaisseaux au sein des lésions tumorales
(versus tissu normal), augmentation particulièrement élevée parmi les 32 cas de cancers qui ont
ensuite récidivé. La réponse à la chimiothérapie
(survie sans récidive [SSR] et survie globale [SG])
semble aussi significativement corrélée au niveau
d’angiogenèse (figure 1).
Plusieurs études portant sur le cancer du sein et
le cancer colorectal indiquent que le pronostic est
directement lié au compte des microvaisseaux et
que le nombre de métastases augmente avec la
densité vasculaire.
Bien que peu de travaux aient été réalisés sur le
rôle pronostique de la lymphangiogenèse, la valeur
prédictive du niveau de cette dernière sur l’envahissement ganglionnaire dans le cancer du sein est
établie, en particulier sur les carcinomes lobulaires
infiltrants et les cancers micropapillaires.
Angiogenèse et réponse thérapeutique
À partir des données de l’étude pivot de Hurwitz et
al., une analyse rétrospective initiée afin d’évaluer
l’intérêt prédictif de différents facteurs a montré
que le bévacizumab allongeait significativement la
survie des patients, et ce indépendamment du niveau
d’expression du VEGF, du niveau de thrombospondine et de la microdensité vasculaire. Des études
précliniques et cliniques suggèrent un rôle potentiel
prédictif des cellules endothéliales progénitrices
circulantes vis-à-vis de la réponse aux thérapeutiques
antiangiogéniques, mais leur identification reste
encore délicate et non standardisée.
* Médecin journaliste, Vaucresson.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 6 - juin 2008 |
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CONGRÈS
RÉUNION
1,0
0,9
Survie sans maladie
0,8
MDV < 33,17/mm2
33,17 < MDV < 43,5/mm2
0,7
0,6
0,5
43,5 < MDV ≤ 56,4/mm2
0,4
MDV > 56,4/mm2
0,3
0,2
0,1
0,0
0
12
24
36
48
60
Mois
72
84
96
108 120
MDV: microdensité vasculaire
Figure 1. Angiogenèse tumorale et cancer du sein : un impact pronostique.
Évaluation par l’imagerie
de l’angiogenèse
(O. Lucidarme, Paris)
Les effets spécifiques et précoces des traitements
antiangiogéniques nécessitent l’identification de
nouveaux critères d’efficacité, complémentaires
de ceux utilisés jusqu’à présent (critères RECIST ou
OMS). La visualisation de la microcirculation tumorale
caractérisée par des capillaires sanguins d’une taille
inférieure à 150 μm et par une vitesse circulatoire
inférieure à 1 mm/seconde n’est pas possible avec
les techniques d’imagerie classiques. Trois nouvelles
techniques d’imagerie fonctionnelle de la microcirculation sont en cours d’évaluation, l’IRM dynamique,
le scanner fonctionnel et l’échographie dynamique, le
principe consistant à injecter par voie i.v. un produit
de contraste et à apprécier ensuite la vitesse et l’intensité du rehaussement du tissu tumoral.
Le scanner fonctionnel présente un certain nombre
d’avantages, parmi lesquels sa grande disponibilité,
une quantification solide des données (il existe une
relation linéaire entre le rehaussement et les concentrations d’iode) et l’existence de logiciels adaptés
faciles d’accès. L’interprétation des données obtenues à partir de coupes axiales peut être limitée du
fait des mouvements respiratoires. Cet examen est
particulièrement adapté à l’exploration de zones
cérébrales.
L’IRM dynamique utilise des paramètres différents
dont le Ktrans, constante de transfert fonction de la
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perfusion et du couple perméabilité-surface capillaire, et l’aire sous la courbe (ASC) de la concentration de gadolinium. Un traitement antiangiogénique
efficace permet de réduire le Ktrans et l’ASC de la
concentration de gadolinium. Non irradiante et
applicable dans tous les plans de l’espace, il s’agit
d’une technique très sensible avec de petites doses
de produit de contraste. Cette technique est la
méthode d’imagerie la plus étudiée et la plus utilisée
actuellement.
L’échographie de contraste, simple, non agressive
pour le patient et la plus sensible de toutes les
techniques d’imagerie disponibles, est un examen
particulier utilisant des microbulles de gaz (environ
35 μm) qui restent strictement intravasculaires.
Ces microbulles constituent de bons marqueurs des
vaisseaux mais ne permettent pas d’apprécier la
perméabilité capillaire, ce qui limite leur utilisation
en recherche clinique. Cette technique est particulièrement intéressante pour l’étude qualitative du
réseau vasculaire tumoral.
Angiogenèse, autophagie
et signalisation hypoxique
(J. Pouysségur, Nice)
Outre le VEGF produit par les cellules tumorales, qui
joue un rôle clé au cours de l’angiogenèse, d’autres
facteurs importants ont été identifiés et pourraient
constituer de nouvelles cibles thérapeutiques.
Les tip cells sont des cellules endothéliales spécifiques situées à l’extrémité du capillaire, qui ne
se divisent jamais et qui sont capables d’émettre
des filopodes très riches en VEGFR2 ; elles agissent
comme de véritables antennes de détection des
zones hypoxiques pour amener le vaisseau là où le
besoin existe.
Les angiopoïétines jouent aussi un rôle important :
l’angiopoïétine 1 permet le recrutement des péricytes et la maturation des néovaisseaux sanguins.
L’angiopoïétine 2, antagoniste naturel de l’angiopoïétine 1, bloque la signalisation du récepteur Tie-2
et favorise l’action du VEGF, et donc la néovascularisation. La production d’angiopoïétine 2 et de VEGF
est induite par l’hypoxie.
La production du facteur HIF-1 induite par l’hypoxie
stimule de multiples mécanismes comme l’angiogenèse, l’érythropoïèse, l’autophagie, la glycolyse
anaérobie, etc., et joue un rôle clé. Son expression
a d’ailleurs été identifiée dans un grand nombre
de tumeurs solides comme un facteur de mauvais
CONGRÈS
RÉUNION
pronostic. Des cibles thérapeutiques nouvelles
comme les anhydrases carboniques impliquées dans
le métabolisme anaérobie (sous la dépendance de
HIF-1) sont actuellement en cours de validation.
L’autophagie, processus très complexe déclenché
rapidement (en 24-48 heures) par l’hypoxie, a probablement un rôle important dans la survie des cellules.
Bloquer ce processus pourrait ainsi constituer une
nouvelle approche thérapeutique.
Angiogenèse
et voies signalétiques :
biologie de l’angiogenèse
(J.O. Contreres, Paris)
Le VEGF joue un rôle clé au cours de l’angiogenèse tumorale, et les résultats des grands essais
de phase III menés avec le bévacizumab, premier
anticorps anti-VEGF, l’ont démontré. La néo-angiogenèse est un processus complexe qui associe
une augmentation de la densité vasculaire et de
profondes anomalies des vaisseaux à l’origine d’une
diminution de l’apport sanguin, d’une augmentation
de la pression interstitielle et d’un état hypoxique
persistant (Ferrara N et al., Nat Med 2003). Outre
la densité vasculaire, il est intéressant d’étudier les
mécanismes impliqués au cours du remodelage
vasculaire anormal lié à l’angiogenèse tumorale,
d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques et,
ainsi, d’envisager de nouveaux traitements capables
de normaliser les vaisseaux tumoraux et d’augmenter
l’efficacité des traitements cytotoxiques. L’équipe de
l’Institut des vaisseaux et du sang (IVS) a montré,
sur un modèle expérimental d’hépatocarcinome
chez la souris, une augmentation du marquage des
cellules endothéliales au cours de l’évolution de la
maladie, mais aussi une structuration des sinusoïdes
particulièrement anarchique, irrégulière, avec des
vaisseaux dilatés et associés à un phénotype de type
artériel. Les facteurs impliqués dans ce processus
d’artériolisation appartiennent à la famille des
NOTCH, notamment NOTCH4 et Dll4, molécules
spécifiques de la cellule endothéliale artérielle. La
deuxième famille qui intervient dans le processus de
différenciation artérioveineuse est la famille des Eph
et des éphrines, avec EphB4, marqueur veineux, et
l’éphrine B2, marqueur artériel dont la surexpression
est induite in vitro par NOTCH4. Une augmentation
du marquage de NOTCH4, de Dll4, et de l’éphrine B2
au niveau des sinusoïdes tumoraux a d’ailleurs été
démontrée. Le VEGF, en induisant une augmenta-
Cellule tumorale
Cellule endothéliale
Cellule endothéliale
VEGF-A
VEG FR
DII4
NOTCH4
DII4 soluble
ADAM-10
Préséniline
Éphrine B2
NOTCH4 activé
Artérialisation
L 685 458
VEG FR
VEGF-A
Cellule tumorale
Figure 2. VEGF et induction d’un phénotype artériel.
tion de l’expression de NOTCH 4 et de l’éphrine B2,
détermine ce phénotype artériel (figure 2).
Rôle de l’angiogenèse
en oncologie et intérêt
des antiangiogéniques
(bévacizumab) –
voies de signalisation Erk,
angiogenèse et développement
tumoral (G. Pagès, Avignon)
L’analyse quantitative du taux intratumoral ou
plasmatique de VEGF par la technique ELISA (enzyme
linked immunosorbent assay) dans différents types
de tumeurs montre qu’il constitue un marqueur de
mauvais pronostic. La question est donc d’évaluer
l’intérêt d’une quantification du VEGF-A afin de
mieux apprécier le pronostic de la tumeur et d’envisager éventuellement un traitement antiangiogénique.
Différentes voies de signalisation sont impliquées
dans l’expression du VEGF-A, parmi lesquelles la
voie MAP-kinase, avec l’activation des protéines Erk
(Extracellular signal-Regulated Kinases). Différents
travaux ont montré que l’inhibition de cette voie,
notamment Erk, provoquait une réduction importante de l’incidence des tumeurs, ainsi qu’une
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 6 - juin 2008 |
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CONGRÈS
RÉUNION
diminution de leur taille et de leur vascularisation.
Il existe donc un lien moléculaire entre la voie de
signalisation Erk, le niveau d’expression du VEGF et
la néovascularisation tumorale.
Cancer du sein ou de la prostate
hormonorésistant traité par docétaxel :
de l’intérêt de l’association
docétaxel-bévacizumab
Un effet synergique de l’association docétaxel-bévacizumab a été mis en évidence. Des travaux menés
sur des lignées cellulaires de cancer du sein (MDA
MB 231) et de cancer de la prostate (PC3) montrent
que le docétaxel active le promoteur du VEGF et
induit une augmentation de sa transcription, avec
une augmentation du VEGF intracellulaire et une
diminution du VEGF sécrété. La question qui se pose
est donc celle de savoir si, à l’arrêt du traitement
par docétaxel, il n’existe pas un risque de relargage
massif de VEGF.
Angiogenèse et radiothérapie
(D. Azria, Montpellier)
Angiogenèse et hypoxie
Les conditions d’oxygénation d’une tumeur déterminent sa sensibilité à la radiothérapie. Dings et
al. ont rapporté récemment des résultats justifiant
l’utilisation d’un antiangiogénique pour lutter contre
l’hypoxie tumorale et améliorer la radiosensibilisation ; ces données confirment les travaux de Jain et
al. et ceux de Winckler, qui suggèrent une normalisation “temporaire” de la vascularisation tumorale
au cours du traitement antiangiogénique.
Facteurs angiogéniques
et radiorésistance intracellulaire
dès le début du traitement en même temps que la
radiothérapie ? Les premiers éléments de réponse
encourageants ont été apportés par l’étude de Moyal
et Willett, dans laquelle un patient a présenté une
réponse pathologique complète sous radiothérapie +
bévacizumab.
Radiorésistance et cellules souches
En présence de cellules souches neurales, Bao et
al. ont montré un taux de survie de cellules tumorales de glioblastomes plus élevé qu’en l’absence
de cellules souches, données suggérant un rôle des
cellules souches dans la radiorésistance (repopulation tumorale au décours de la radiothérapie ?).
Sensibilité des cellules endothéliales
et contrôle tumoral
Le tissu sain et, en particulier, les cellules endothéliales participent à l’action antitumorale de la
radiothérapie, une moindre apoptose radio-induite
des cellules endothéliales favorisant une radiorésistance. Au cours d’une étude prospective menée
auprès de 399 patients traités par radiothérapie, une
évaluation du niveau d’apoptose radio-induite de
lymphocytes T, CD4 et CD8 a été réalisée (Ozsahin M
et al., Clin Cancer Res 2005). Les résultats ont montré
que le niveau d’apoptose des lymphocytes T induit
par la radiothérapie est un bon facteur prédictif de
la toxicité à long terme. C’est une technique rapide
qui pourrait être utilisée pour détecter les patients
particulièrement sensibles à la radiothérapie.
Nouvelles voies thérapeutiques
en angiogenèse
(P. Fumoleau, Dijon)
Stratégies anti-VEGF
La comparaison des effets antitumoraux provoqués par la radiothérapie, par un anti-VEGF ou par
l’association radiothérapie-anti-VEGF sur différentes
tumeurs transplantées chez la souris indique un
bénéfice supplémentaire avec l’association radiothérapie-anti-VEGF. Les rayonnements entraînent
l’activation de certaines voies de signalisation de
survie (angiogenèse) favorisant l’expression de
facteurs de croissance. Pourrait-on d’emblée bloquer
ce signal de survie avec un antiangiogénique donné
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Parmi les nouveaux agents anti-VEGF, l’aflibercept
présente une haute affinité pour l’ensemble des
isoformes du VEGF et pour le PIGF. Une première
étude américaine de phase I a permis d’évaluer le
profil de tolérance de la molécule (hypertension
artérielle, dysphonie, épistaxis, céphalées, fatigue)
et d’identifier la dose efficace, et différentes études
de phase II menées en monothérapie ou en association à une chimiothérapie ont confirmé son
CONGRÈS
RÉUNION
activité antitumorale. Plusieurs études de phase III
sont actuellement en cours dans différentes indications (cancer de la prostate, cancer bronchique
non à petites cellules [CBNPC], cancer colorectal et
cancer du pancréas).
Les inhibiteurs de tyrosine kinase
Ces petites molécules à large spectre peuvent agir
au niveau de la cellule endothéliale et au niveau de
la cellule tumorale. Un développement important est
en cours dans ce domaine, avec différents inhibiteurs
de tyrosine kinase, parmi lesquels le pazopanib en
étude de phase II.
L’angiogenèse ne se limite pas au VEGF
Parmi les nouveaux traitements antiangiogéniques
à l’étude, les vascular disruptive agents (VDA) sont
des agents qui induisent une apoptose des cellules
endothéliales et une diminution du débit sanguin. Les
premiers résultats des études de phase I menées avec
ces molécules indiquent une activité intéressante,
mais au prix d’une toxicité cardiaque importante.
Des résultats intéressants ont été retrouvés dans
l’essai de Stupp avec le cilengitide, inhibiteur sélectif
des intégrines αvβ3 et αvβ5. Parmi les nombreuses
autres pistes antiangiogéniques, la voie NOTCH fait
l’objet d’une recherche importante.
Angiogenèse
et cancer du sein métastatique :
données cliniques et réflexions
(J. Gligorov, Paris)
L’angiogenèse, un facteur prédictif
dans le cancer du sein
Sotiriou et al. ont évalué la valeur pronostique de deux
signatures moléculaires (signature d’Amsterdam avec
70 gènes, et signature de Rotterdam avec 76 gènes)
impliquées dans le développement du cancer du sein,
parmi lesquelles la voie de l’angiogenèse. L’analyse des
caractéristiques des patientes atteintes d’un cancer
du sein métastatique ou en rechute locale et incluses
dans l’étude E2100 (Miller, 2007) montre qu’environ
1 patiente sur 4 (23 %) était âgée de plus de 65 ans et
que 33 % de patientes présentaient une tumeur triplenégative. Les résultats mettent en évidence l’efficacité
significative de l’association bévacizumab-paclitaxel
sur la réponse objective (RO) [36,2 % versus 16,4 %
sous paclitaxel seul] et sur la survie sans progression
(SSP), presque doublée dans le groupe chimiothérapie-bévacizumab (13,3 mois versus 6,7 mois) et avec
une médiane jamais observée jusque-là avec aucune
autre chimiothérapie. La survie globale, comparable
dans les deux groupes, était significativement plus
élevée dans le groupe bévacizumab-chimiothérapie
que dans le groupe chimiothérapie seule au cours de
la première année de traitement. L’analyse par sousgroupes des données de SSP confirme ce bénéfice lié
à l’association chimiothérapie-bévacizumab quel que
soit le profil des patientes, avec un bénéfice particulièrement élevé dans la population RH+ (13,6 mois
versus 8,2 mois).
Une deuxième étude portant sur 106 patientes
atteintes d’un cancer du sein métastatique surexprimant HER2, traitées par capécitabine seule ou
associée au bévacizumab a ensuite été initiée par
Sledge et al., à un stade plus précoce de la maladie,
en traitement de première ligne. L’objectif principal
de l’étude a été atteint, avec un allongement de
la SSP (8,4 mois versus 4,9 mois) dans le groupe
capécitabine-bévacizumab, plus marqué chez les
patientes RH+.
Surexpression de HER2 et du VEGF,
des facteurs de mauvais pronostic
Konecny et al., en 2004, avaient montré que la
surexpression conjointe de HER2 et du VEGF dans
le cancer du sein était associée à une diminution de
la survie. Une étude de phase II menée par Pegram
(SABC 2006), portant sur l’association trastuzumabbévacizumab et dont les résultats ont été présentés
à l’ASCO 2007, indique un taux de progression élevé,
de 56 %, et un contrôle de la maladie dans 83,8 %
des cas.
Angiogenèse
et cancers gynécologiques
(J.M. Extra, Marseille)
Cancer du sein
Trois grands sujets ont été abordés au cours de cette
communication : la résistance aux cytotoxiques, le
cancer du sein inflammatoire et les nouvelles perspectives avec les traitements antiangiogéniques.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 6 - juin 2008 |
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CONGRÈS
RÉUNION
La résistance anatomique et les difficultés de
diffusion des cytotoxiques liées à des anomalies
vasculaires et à l’hypoxie sont des mécanismes
centraux de la résistance aux cytotoxiques. Les
antiangiogéniques semblent favoriser une réversion
de ces mécanismes et, ainsi, favoriser l’activité de
la chimiothérapie.
Les cancers du sein inflammatoires, relativement
rares (1 % à 4 % des cas), constituent des formes
très agressives, caractérisées par une surexpression
de E-Catherine et de MUC-1 et par un déséquilibre
de la balance RhoC-GTPase/WISP 3 qui favorisent
l’angiogenèse tumorale et le tropisme cutané de
ces tumeurs. Les résultats de deux études pilotes
menées avec le bévacizumab (Wedam, 2006 ; Yang,
2005) suggèrent un effet intéressant dans ces
contextes, avec une augmentation de l’apoptose
tumorale.
Plusieurs essais avec les antiangiogéniques sont en
cours dans le cadre du cancer du sein pour évaluer
l’intérêt de cette approche selon le statut HER2, en
néo-adjuvant et en adjuvant.
une augmentation significative du taux de RO, de
la durée de la réponse, de la SSP et de la SG, et ce
quel que soit le profil des patients. L’incidence des
effets indésirables spécifiques au bévacizumab, en
particulier l’hypertension artérielle, a été confirmée
dans les deux grandes études de cohorte, BRITE et
BEAT (ASCO GI 2008). Plus récemment, toujours
en traitement de première ligne métastatique,
d’autres résultats ont confirmé l’efficacité de différentes associations de bévacizumab-chimiothérapie :
FOLFIRI-bévacizumab (étude du BICC-C), FOLFOX/
XELOX-bévacizumab (étude NO 16966) [Cassidy,
ESMO 2006].
Traitement de deuxième ligne
métastatique
L’essai de phase III mené par Giantonio (ASCO
GI 2005), qui a comparé les associations FOLFOX-4
et FOLFOX-4 + bévacizumab, a montré un bénéfice
significatif en faveur du bras chimiothérapie-bévacizumab sur le taux de réponse, la SSP et la SG.
Cancers de l’ovaire
Il existe un vrai rationnel pour l’utilisation des
antiangiogéniques dans les cancers de l’ovaire,
et les résultats récents d’une étude de phase II
portant sur 62 patientes traitées en deuxième ou
troisième ligne par le bévacizumab en monothérapie ont montré des taux de réponse de l’ordre de
20 %, une durée médiane de SSP de 4,7 mois et une
survie médiane de 16,9 mois (Burger, 2007). Une
étude de phase III de grande envergure, ICON7,
est actuellement en cours, prévoyant l’inclusion
de 1 520 patientes.
Antiangiogéniques :
le modèle du cancer colorectal
(D. Malka, Paris)
Traitement
au-delà de la deuxième ligne
Les essais menés en troisième ligne ou plus ne
montrent pas d’effet significatif du bévacizumab.
En revanche, l’étude BOND (Cunningham, 2004),
étude de phase II randomisée, retrouve un effet
manifeste de l’association irinotécan-cétuximab,
avec une augmentation significative du taux de
réponse et de la SSP, et l’essai BOND-2 (Saltz,
2007), étude de phase II randomisée évaluant l’intérêt d’une association bévacizumab-cétuximabirinotécan chez des patients ayant progressé sous
irinotécan, met en évidence des résultats encourageants. À partir de ces données, différentes études
de phase III ont été mises en place afin d’évaluer
l’intérêt de l’association bévacizumab/anti-EGF/
HER1/chimiothérapie en traitement de première
ligne.
Traitement de première ligne
métastatique
Menée en traitement de première ligne métastatique
auprès de patients atteints d’un cancer colorectal
avec l’association IFL (irinotécan, 5-fluoro-uracileleucovorine) ± bévacizumab, l’étude de Hurwitz
et al. (N Engl J Med, 2004) a montré des résultats
jamais atteints jusque-là dans cette indication, avec
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Maintien du bévacizumab
au-delà de la progression
Les données du registre BRITE (ASCO 2007)
suggèrent une SSP et une SG plus longues chez
les patients ayant poursuivi le bévacizumab après
progression.
CONGRÈS
RÉUNION
Chimiothérapies ayant fait l’objet
d’essais récents
Les effets de l’association FOLFOXIRI en traitement de première ligne comparés à ceux du LV5FU2
associé à l’irinotécan au cours d’un essai de phase III
(Falcone, ASCO 2006), mettent en évidence une
augmentation significative du taux de RO, un taux
de résection secondaire R0 triplé chez les patients
qui présentaient des métastases hépatiques exclusives et un allongement significatif de la SSP et
de la SG.
L’administration d’oxaliplatine en intra-artériel,
associé au LV5FU2 i.v., donne un taux de RO de
64 %, et 4 patients sur 28 dans cette étude ont pu
bénéficier ensuite d’une résection complète de leurs
métastases hépatiques.
L’intérêt d’associer le bévacizumab à la chimiothérapie en situation adjuvante fait actuellement l’objet
de quatre grandes études, dans lesquelles plus de
10 000 patients devraient être inclus.
Bévacizumab et cancer
colorectal métastatique :
le point de vue du chirurgien
de bévacizumab et la chirurgie. Ces études suggèrent donc que l’administration de bévacizumab
n’est pas associée à un risque accru de complications opératoires. Dans une série rétrospective de
56 patients (Gruenberger, ASCO 2007) traités par
l’association XELOX-bévacizumab et ayant ensuite
bénéficié d’une chirurgie des métastases hépatiques, le taux de complications postopératoires est
de 21 %, pourcentage habituellement observé avec
ce type de chirurgie et sans augmentation du risque
de saignements postopératoires. Dans les séries
plus importantes comme celle de l’étude NO 16966
(Saltz, WCLC 2007) et celle du registre BEAT (Berry,
ECCO 2007), des saignements sont survenus dans
1,9 % à 3,2 % des cas, et l’incidence des perforations
digestives est restée faible, de 0,6 % à 1,8 % des cas,
chez les patients traités par bévacizumab.
Dans le sous-groupe des 20 patients de l’étude
BEAT opérés moins de 6 semaines après l’arrêt du
bévacizumab, aucune complication opératoire n’a
été observée.
Traitements antiangiogéniques
en oncologie thoracique
(J.F. Morère, Bobigny)
(R. Adam, Villejuif)
Malgré les progrès de la chimiothérapie, la survie à
5 ans des patients atteints d’un cancer colorectal
métastatique avec des métastases hépatiques
non opérables reste inférieure à 5 %, tandis que
l’exérèse des métastases hépatiques permet de
gagner environ 30 % de survie à 5 ans. Les résultats
concernant la résection chirurgicale des métastases
dans l’étude NO 16966 (Saltz, 2007) indiquent une
majoration nette du nombre de patients dans le
groupe traité par bévacizumab/FOLFOX/XELOX
(versus FOLFOX/XELOX seul) pouvant bénéficier
secondairement d’une chirurgie de leurs métastases,
mais avec une différence qui n’atteint pas la significativité. Les résultats du registre BEAT incluant
1 965 patients montrent que 15 à 20 % des patients
qui présentaient des métastases hépatiques exclusives ont pu bénéficier d’une chirurgie curative avec,
dans un grand nombre de cas, une résection de type
R0 (Berry, ECCO 2007). Même si les études réalisées
ont chacune concerné un faible nombre de patients,
aucune corrélation n’a été mise en évidence, d’une
part, entre les complications opératoires et l’administration ou non de bévacizumab et, d’autre part,
le délai (< ou ≥ 60 jours) entre la dernière perfusion
Les résultats de l’étude américaine de phase III
menée par Sandler et al. (Sandler, 2006) auprès de
878 patients atteints d’un carcinome non épidermoïde de stade IIIB ou IV traités par carboplatinepaclitaxel ± bévacizumab ont mis en évidence un
bénéfice significatif en faveur du groupe traité par
le bévacizumab, en termes de taux de RO, de SG
et de SSP. Le bévacizumab est le premier anticorps
monoclonal ayant démontré son intérêt en traitement de première ligne métastatique, associé à la
chimiothérapie dans les stades avancés de CBNPC.
C’est la première fois que la SG est supérieure à 1 an
en situation métastatique. L’incidence de l’hypertension artérielle (6 % versus 0,7 %), des hémorragies (4,5 % versus 0,7 %) et des neutropénies (24 %
versus 16,4 %) est apparue plus élevée dans le groupe
bévacizumab.
Les standards de chimiothérapie étant différents en Europe de ceux utilisés aux États-Unis,
une deuxième étude de phase III internationale,
AVAIL, a évalué en traitement de première ligne
l’efficacité et la tolérance de l’association cisplatine-gemcitabine ± bévacizumab avec deux doses,
7,5 mg/kg et 15 mg/kg (Reck, WCLC 2007), chez
plus de 1 000 patients atteints d’un CBNPC non
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 6 - juin 2008 |
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CONGRÈS
RÉUNION
épidermoïde, de stade IIIB inopérable, de stade IV
ou en récidive métastatique et le critère principal
était la SSP. Les résultats ont mis en évidence un
allongement significatif du temps jusqu’à progression et une augmentation du taux de RO et de la
durée de la réponse, avec un bénéfice similaire pour
les deux doses de bévacizumab. L’incidence des
hémorragies pulmonaires a été acceptable dans le
groupe bévacizumab (9,7 % et 7 % versus 4,9 %).
Ainsi AVAIL est la seconde étude de phase III ayant
démontré l’intérêt d’associer le bévacizumab à la
chimiothérapie dans le traitement de première ligne
des CBNPC métastatiques.
D’autres traitements ciblés sont développés dans le
CBNPC, dont les inhibiteurs de tyrosine kinase.
± L’efficacité de l’erlotinib a été démontrée versus
placebo chez des patients atteints de CBNPC après
échec d’un traitement de première ligne (résultats
significatifs sur la SSP et la SG) [Shepherd, 2005].
± Le sunitinib et le sorafénib sont d’autres inhibiteurs de tyrosine kinase dont le développement
est moins avancé, avec uniquement des résultats
d’études de phase II pour l’instant.
± L’association bévacizumab-erlotinib donne des
résultats intéressants, avec des durées de SSP et des
taux de SG à 6 mois comparables à ceux observés
avec l’association chimiothérapie-bévacizumab
(Fehrenbacher, ASCO 2006).
± La thalidomide refait son apparition dans une
étude française de phase III menée chez des patients
atteints de cancer bronchique à petites cellules
(CBPC), répondeurs à un premier traitement par
2 cycles de chimiothérapie (étoposide, cisplatine,
cyclophosphamide, épirubicine) puis randomisés en
deux groupes, poursuivant le traitement par 4 cures
de chimiothérapie seule ou associée à la thalidomide (Pujol, ASCO 2006). Malgré l’arrêt prématuré
de cette étude, lié au recrutement insuffisant, les
données de SG dans le bras thalidomide montrent
un effet intéressant.
Angiogenèse
et cancers du rein
(S. Culine, Montpellier)
La seule molécule utilisée jusqu’à il y a quelques
années pour le traitement du cancer du rein métastatique était l’interféron α, avec une SG médiane
de 13 mois et un groupe dit “à bon pronostic” qui
en bénéficiait particulièrement. Le cancer du rein
présente des caractéristiques qui en font un bon
candidat pour certaines thérapeutiques ciblées,
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parmi lesquelles la perte de la fonctionnalité du
facteur VHL, qui conduit à une surexpression de
facteurs proangiogéniques, dont le VEGF et la voie
PI3K-AKt-mTOR, particulièrement active. Trois
nouvelles approches développées avec succès
devraient modifier l’histoire naturelle du cancer
du rein :
VL’approche anti-VEGF avec le bévacizumab
dans l’étude de phase III coordonnée par Escudier,
menée auprès de 649 patients atteints d’un
cancer du rein métastatique et traités en première
ligne par interféron α ± bévacizumab. Les résultats
présentés à l’ASCO 2007 par Escudier et al.
montrent un gain significatif en termes de SSP
(10,2 mois versus 5,4 mois).
VLe ciblage du VEGFR avec le sorafénib et le
sunitinib
± L’étude de phase III TARGET (Escudier, 2007),
qui a inclus des patients atteints d’un cancer du
rein à cellules claires en traitement de deuxième
ligne, a montré un allongement significatif de la
SSP dans le bras sorafénib (5,5 mois versus 2,8 mois
sous placebo), mais l’objectif principal de l’étude,
la SG, est resté comparable dans les deux groupes
de traitement.
± En traitement de première ligne, les effets du
sunitinib ont été comparés à ceux de l’interféron α
dans une étude de phase III (Motzer, 2007) ayant
inclus 750 patients atteints d’un cancer du rein
métastatique. Cette étude retrouve un bénéfice
significatif sur le temps sans progression en faveur
du sunitinib (11 mois versus 5 mois).
VL’inhibition de la voie mTOR avec le temsirolimus
Au total, 626 patients atteints d’un carcinome rénal
avancé de pronostic défavorable et non antérieurement traité ont été inclus dans une étude de
phase III (Hudes, 2007). Les résultats montrent un
allongement significatif de la SG, de 49 %, dans le
groupe traité par temsirolimus, avec une médiane de
survie de 10,9 mois, versus 7,3 mois dans le groupe
interféron α (p = 0,008).
Le ciblage de l’EGFR, évalué dans deux études en
traitement de deuxième ligne avec le lapatinib et
dans une étude en association avec le bévacizumab
(versus bévacizumab seul), ne semble pas apporter
de bénéfice supplémentaire. Le choix de chacune
de ces options devra reposer sur l’identification de
paramètres pronostiques et de critères prédictifs de
réponse aux traitements, ce qui fait actuellement
l’objet d’une recherche active.
O
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