dossier thématique Toxicité cardiovasculaire des traitements anticancéreux Imagerie des complications cardiaques des traitements anticancéreux (médecine nucléaire, IRM)1 Imaging of chemotherapy-induced cardiotoxicity (nuclear medicine, cardiac MRI) A. Manrique*, D. Agostini** L © La Lettre du Cardiologue 2009; 421:14-5. 1 * Service commun des investigations humaines, GIP Cyceron, Caen. ** Service de médecine nucléaire, CHU de Caen. es anthracyclines constituent une classe thérapeutique essentielle dans la prise en charge initiale des lymphomes et du cancer du sein. Une autre molécule, le trastuzumab, s’est récemment imposée comme un élément indispensable dans l’arsenal thérapeutique du cancer du sein. La cardiotoxicité reste un effet indésirable sérieux des anthracyclines comme du trastuzumab, lequel peut être à l’origine d’une myocardiopathie présentant les mêmes caractéristiques cliniques que celle induite par les anthracyclines. Cette toxicité conduit parfois à limiter, voire à interrompre, le traitement malgré son efficacité sur le plan carcinologique. Des données suggèrent que, lors du traitement des lymphomes, la prévalence de la cardiotoxicité est élevée et que les doses seuils au-delà desquelles elle apparaît sont probablement sous-estimées. Ainsi, la prévalence des complications cardiaques dans l’année suivant une chimiothérapie par CHOP a été estimée rétrospectivement à 20 % dans une série de 135 patients atteints de lymphome non hodgkinien (1). Une dose cumulée supérieure à 200 mg/­m2 et un âge supérieur à 50 ans sont des facteurs de risque importants (1). Une diminution précoce de la fraction d’éjection évaluée par mesure isotopique est détectable dès le seuil de 200 mg/­m2, et semble prédictive d’une toxicité cardiaque tardive (2). La surveillance en cours de traitement fait donc très couramment appel aux méthodes d’imagerie pour 252 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 5 - mai 2009 l’évaluation de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG). Scintigraphie des cavités cardiaques La ventriculographie isotopique, ou scintigraphie des cavités cardiaques, est un examen de réalisation simple qui constitue depuis plus de 20 ans une méthode de référence pour calculer la FEVG. L’examen est réalisé en respiration libre, en oblique antérieur gauche à 45°, après marquage des globules rouges in vivo au 99mTc. L’acquisition dure entre 6 et 10 minutes et ne nécessite aucune préparation particulière. La synchronisation à l’électrocardiogramme nécessite en principe que le patient soit en rythme sinusal, mais l’examen reste possible en cas de fibrillation auriculaire si le rythme n’est pas trop irrégulier. Le traitement informatique des données dure moins d’une minute, et les outils automatisés, largement disponibles, assurent une excellente reproductibilité interexamen de la technique (< 5 %). La réalisation d’un dépistage précoce, avant que n’apparaissent les signes cliniques d’insuffisance cardiaque, est de la plus haute importance. Chez les patients traités par anthracyclines, l’attitude couramment admise consiste à surveiller de façon régulière la FEVG, dont la diminution précède et Résumé Les techniques scintigraphiques de surveillance des chimiothérapies restent dominées par l’angiographie isotopique. La place de l’IRM reste encore à définir. Mots-clés Angiographie isotopique Résonance magnétique annonce la survenue retardée des signes cliniques (3, 4). Il est proposé un arrêt du traitement lors de l’apparition d’une dysfonction ventriculaire gauche attestée par la combinaison d’une FEVG inférieure à 50 % et d’une diminution d’au moins 10 % de la FEVG par rapport à la valeur initiale. Cette attitude repose sur l’algorithme, proposé en 1987 par R.G. Schwartz et al. (5) : l’utilisation de cet algorithme évalué sur 1 500 patients traités par anthracyclines et suivis durant 7 ans, avait entraîné une diminution d’un facteur 4 de l’incidence d’insuffisance cardiaque cliniquement avérée. Une nouvelle évaluation de la FEVG est recommandée après des doses cumulatives de 240-300 mg/m2 et de 400-450 mg/m2 de doxorubicine, puis après chaque dose supplémentaire. Une surveillance plus rapprochée est recommandée chez les patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche à l’état de base ou une maladie cardiaque connue, et en cas de radiothérapie concomitante ou antérieure ou d’exposition simultanée à tout autre agent cardiotoxique (6). Concernant le suivi des patients sous trastuzumab, un algorithme de surveillance rapprochée de la fraction d’éjection toutes les 12 semaines a été récemment proposé par l’équipe de la Mayo Clinic (7), fondé sur la cinétique d’apparition des complications cardiaques rapportées dans les essais thérapeutiques, mais son efficacité pour prévenir des complications tardives reste encore à déterminer. L’évaluation de la fraction d’éjection à l’effort par méthode isotopique a été proposée avec un certain succès, mais reste très limitée en pratique en raison de l’état clinique de ces patients, souvent altéré sous les effet conjugués de la maladie, de la chimiothérapie et des pathologies associées (anémie, etc.). Autres techniques scintigraphiques Par le passé, la scintigraphie myocardique aux anticorps antimyosine marqués avait permis de différencier une lyse myocytaire authentique d’une diminution transitoire et réversible de la FEVG après chimiothérapie par anthracyclines (8, 9). En effet, il avait été rapporté qu’une action inotrope négative pouvait être responsable d’une altération transitoire de la fonction contractile après une cure d’anthracyclines, ce qui justifiait de ne mesurer la FEVG qu’à distance de la dernière cure, avant la réalisation de la cure suivante. Les anticorps antimyosine marqués à l’indium, ne se fixant au niveau du myocarde qu’en cas d’externalisation de la myosine intracellulaire consécutivement à la lyse cellulaire, permettaient de mettre en évidence de façon non invasive les lésions myocardiques secondaires à la toxicité des anthracyclines. Cette technique, pourtant prometteuse, a été abandonnée après le retrait des anticorps antimyosine marqués, dont le marché a été jugé trop étroit. Summary Among isotopic technics to detect cardiac side-effects of anticancer drugs, radionuclide angiography remains in first line. Although MR imaging is also helpful, its indications remain to be more acurately defined. Keywords Radionuclide angiography Magnetic resonance IRM L’IRM cardiaque permet une analyse morphologique des cavités cardiaques et le calcul des fractions d’éjection des deux ventricules. Sa complexité d’utilisation au regard de la simplicité des méthodes échographiques ou encore scintigraphiques n’en fait cependant qu’un examen de seconde intention dans cette indication. En revanche, l’IRM offre des possibilités originales de caractérisation tissulaire. Il a été montré que, en cas de lésion myocardique secondaire à un infarctus ou à une myocardite, une augmentation importante du signal survient 15 à 20 minutes après l’injection d’un produit de contraste paramagnétique (sels de gadolinium), augmentation qui permet de mettre en évidence les lésions à un stade initial. Dans une étude récente (10), une IRM cardiaque a été effectuée chez 10 patientes présentant une toxicité avérée au trastuzumab, dont le diagnostic reposait sur une diminution de FEVG inférieure à 40 % en scintigraphie ou en échographie. Les 10 patientes de cette étude présentaient toutes un hypersignal tardif en IRM après injection de gadolinium, prédominant au niveau de la paroi latérale, et de siège sous-épicardique dans tous les cas. Ce type de lésions est très similaire à ce qui est observé dans les cas de myocardite. Cela est cohérent avec la récupération fréquente d’une fonction ventriculaire gauche normale après interruption du traiteLa Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 5 - mai 2009 | 253 dossier thématique Toxicité cardiovasculaire des traitements anticancéreux Imagerie des complications cardiaques des traitements anticancéreux (médecine nucléaire, IRM) ment chez ces patientes, rendant parfois possible la reprise du traitement dans un second temps. Dans cette dernière étude, 6 des 10 patientes ont vu leur fonction ventriculaire gauche se normaliser après interruption du trastuzumab. Cependant, les 4 autres patientes présentaient des signes de dysfonction persistante à 6 mois, et ce malgré un traitement approprié de l’insuffisance cardiaque, incluant IEC et bêtabloquants. Conclusion L’imagerie des complications cardiaques des chimiothérapies reste très largement fondée sur l’utilisation de la fraction d’éjection isotopique. L’IRM cardiaque avec injection est une technique prometteuse, particulièrement pour l’évaluation des complications liées à l’utilisation du trastuzumab chez les patientes suivies pour un cancer du sein. ■ Références bibliographiques 1. Limat S, Demesmay K, Voillat L et al. Early cardiotoxicity of the CHOP regimen in aggressive non-Hodgkin’s lymphoma. Ann Oncol 2003;14:277-81. 2. Nousiainen T, Jantunen E, Vanninen E, Hartikainen J. 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Vol. I - N° 1 janv-fév-mars 2008 Vol. I - N° 1 janv-fév-mars 2008 is e g u e fr a n ç a ti o n e n la n a rm fo e d P é ri o d iq u e fran çai se n en lan gue de form atio Pér iod iqu e Abonnez-vous à La Lettre du Cancérologue revues 20 revues dont notre nouvelle revue et accédez à plus de 20 Il vous est possible de télécharger gratuitement le premier exemplaire paru ce : DaTeBe SAS Société éditri ISSN : en cours CPPAP en cours Trimestriel site e l r u s s u k.fr R e n d e z - vo .edimar www