NUTRITION 21 Toxi-infections Rééduquer à l’hygiène des aliments Les nouveaux risques Les nouveaux risques alimentaires sont apparus au cours de ces dernières années, liés à l’industrialisation et à la commercialisation de produits d’origine animale à grande échelle et à la rapide circulation des denrées alimentaires à travers le monde. Aussi le risque d’épidémies peut-il toucher un grand nombre de personnes à partir d’une seule source contaminée. On a aussi assisté à l’émergence de microorganismes capables de croître à basse température et de survivre dans des conditions hostiles, voire de développer une multirésistance aux antibiotiques. Le risque d’infection d’origine alimentaire est accru aussi du fait de changements dans les habitudes alimentaires, notamment la tendance à consommer des produits frais crus ou faiblement cuits. De surcroît, une tranche de plus en plus importante de la population consommatrice paraît plus sensible aux infections (personnes âgées, sujets immunodéprimés, diabétiques, patients ayant une maladie chronique sous-jacente). Les salmonelles sont les bactéries les plus souvent identifiées au cours des toxi-infections alimentaires collectives (définies par au moins deux cas groupés d’une symptomatologie similaire dont on peut rapporter la cause à une même origine alimentaire), c’est-à-dire dans 80 % des cas. Parmi plus de 2 000 sérotypes connus de Salmonella enterica, seuls quelques-uns sont à l’origine des infections alimentaires en France. Salmonella enteridis, un nouveau pathogène émergeant depuis 1985, est devenu actuellement prédominant dans les épisodes épidémiques. Rapportons une épidémie en 1994 qui a atteint plus de 200 000 personnes aux ÉtatsUnis après consommation de glaces contaminés. La contamination humaine se fait par l’intermédiaire des carcasses de volailles ou d’œufs contaminés, mais aussi par un fromage cru à la suite d’une contamination d’origine bovine. Au RoyaumeUni, on observe que des souches de Salmonella typhimurium (qui ont émergé à partir de 1990) sont devenues une cause majeure de salmonelloses humaines dans ce pays. Le rôle des antibiotiques Or il s’agit de souches multirésistanes aux antibiotiques : près de 90 % des souches sont résistantes à l’ampicilline, à la streptomycine, aux sulfamides et aux tétracyclines, et 30 % le sont également à la ciprofloxacine. On admet que cela résulte de l’utilisation massive d’antibiotiques chez les animaux. Inconnue avant 1982, la bactérie Escherichia coli 0157H7, un commensal de la flore digestive des bovins, est actuel- lement responsable de diarrhée hémorragique parfois associée à un syndrome hémolytique urémique, l’étiologie la plus fréquente d’insuffisance rénale aiguë chez l’enfant. Cette bactérie qui entraîne la contamination de certains aliments d’origine animale et végétale est résistante à l’acidité gastrique et à des températures de près de 60 °C. Les épidémies dues à la consommation d’hamburgers mal cuits ont été décrites. D’autres entérobactéries comme Shigella ou Yersinia sont les causes de cas sporadiques de diarrhée. En ce qui concerne le Campylocter jejuni, qui est un germe répandu parmi de nombreux animaux d’élevage et responsable de zoonoses, les souches survivent bien dans l’environnement mais sont sensibles à la chaleur (et donc détruites rapidement par la cuisson) et à la plupart des antibiotiques ; toutefois des résistances ont été rapportées à l’érythromycine et aux fluoroquinolones. Les aliments contaminés à l’origine d’épidémies sont le lait cru non pasteurisé, la viande de bœuf et la chair de volailles mal cuites, les œufs, les glaces, certains végétaux et les fruits de mer. >> DOSSIER L es toxi-infections d’origine alimentaire résultent de l’ingestion d’aliments contaminés par un micro-organisme pathogène ou une toxine. Il s’agit le plus souvent de diarrhées infectieuses avec déshydratation, parfois associées à des complications secondaires telles que des arthrites postinfectieuses ou des neuropathies périphériques (syndrome de Guillain-Barré avec des paralysies des membres). On estime, à partir d’un réseau sentinelle, que 3 600 000 patients environ consultent chaque année un médecin pour une diarrhée probablement infectieuse. © Burger/Phanie Certes, dans les pays industrialisés, d’importants moyens ont été mis en œuvre pour le contrôle et la prévention des infections d’origine alimentaire. Cependant, de nouveaux micro-organismes pathogènes ont émergé du fait de leur capacité d’adaptation à des environnements nouveaux et aux mutations de l’industrie alimentaire. >> Professions Santé Infirmier Infirmière N° 63 • mai 2005 22 DOSSIER >> DOSSIER >> Infos ... Conduite à tenir En cas de doute sur la nourriture ingérée et surtout si deux personnes ou plus présentent les mêmes symptômes, il faut consulter un médecin. Les toxi-infections alimentaires collectives doivent être déclarées obligatoirement aux directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS). Les services vétérinaires et ceux de la Concurrence, Consommation et Répression des Fraudes seront également sollicités. La bactérie largement répandue dans la nature, Listeria monocytogenes, est une cause majeure de méningo-encéphalites et d’infections materno-fœtales, entraînant une mortalité globale de 25 à 30 % et des séquelles neurologiques dans 40 % des cas. Cette bactérie peut être transmise par les fromages au lait cru, la charcuterie, le saumon fumé, les salades ou certains plats cuisinés. Certaines bactéries produisent dans les aliments les toxines qui sont responsables de signes cliniques de toxi-infections. Ainsi les staphylocoques (Staphylococcus aureus) produisent les entérotoxines qui entraînent le vomissement, les crampes abdominales et la sévère diarrhée dans les heures qui suivent l’absorption de l’aliment contaminé (pâtisseries, mayonnaise, etc.). Autre germe produisant des entérotoxines, le Bacillus cereus, est retrouvé surtout dans les plats cuisinés et il est incriminé dans 1 à 2 % des foyers de toxiinfections alimentaires dans les pays occidentaux. Citons aussi Clostridium perfringens produisant une toxine dans l’intestin 8 à 24 heures après la contamination par le biais des viandes en bouillon ou des sauces et Clostridium botulinum responsable du botulisme, une grave atteinte du système nerveux central. Il faut aussi savoir que de très nombreux épisodes diarrhéiques sont dus à des virus contaminant les aliments et l’eau de boisson, tels que rotavirus, calicivirus, entérovirus, virus de Norwalk ou astrovirus. Enfin certains parasites protozoaires peuvent être à l’origine d’épidémies de toxi-infections alimentaires. On comprend qu’il n’est jamais superflu de rappeler les mesures d’hygiène de base : le lavage des mains avant de se mettre à table ou de cuisiner, la conservation des aliments à basse température (vérifiée au besoin par le thermomètre) et la cuisson adéquate des aliments. LC 18es Journées de nutrition pratique Dietécom 2005 Professions Santé Infirmier Infirmière N° 63 • mai 2005 Les probiotiques Un avenir prometteur Depuis quelques années l’intérêt pour les produits probiotiques s’accroît au fur et à mesure des avancées de la recherche dans ce domaine. Pour les experts européens certains prérequis sont indispensables. L a survie des probiotiques pendant le transit gastrointestinal reste à être prouvée et des études cliniques contrôlées doivent être faites. Un large champ d’application se dessine, non seulement dans le rétablissement de l’équilibre de la flore et de la fonction barrière de l’intestin, et donc dans le traitement des affections gastro-intestinales, mais aussi dans la stimulation des réponses immunes et la prévention des pathologies atopiques. Présents dans l’alimentation Les probiotiques sont présents dans l’alimentation humaine depuis que l’on consomme du lait fermenté, mais ce n’est qu’au début du XX e siècle que Metchnikoff a découvert que le yaourt traditionnel provient de la fermentation du lait sous action de deux bactéries, Streptococcus thermophilus et Lactobacillus bulgaricus ou L. acidophilus. Aujourd’hui, certains aliments et divers compléments alimentaires contiennent des probiotiques tels que lactobacilles, bifidobactéries, Streptococcus thermophilus, Enterococcus ou Saccharomyces boulardii. Ces micro-organismes ne présentent pas de danger pour le consommateur, aucun incident imputable à l’ingestion de probiotiques chez les individus en bonne santé n’a été décrit. Dans la définition de l’OMS, il est souligné que les probiotiques sont les microorganismes ingérés vivants et capables d’exercer des effets bénéfiques sur la santé. Ce qui sousentend que ces micro-organismes sont capables de survivre dans le tract digestif pour pouvoir agir. À noter que les produits dits “prébiotiques” sont les ingrédients alimentaires non digestibles (fructanes et oligosides de galactose) qui stimulent de façon sélective certaines souches bactériennes de la flore résidente de l’intestin. Pour comprendre les vertus des probiotiques en termes de santé, il convient tout d’abord de rappeler les fonctions de la flore intestinale qui est composée de plusieurs centaines d’espèces de bactéries. À sa naissance le tube digestif du nouveau-né est stérile, mais dès les premières heures il est colonisé par les bactéries provenant de la filière maternelle : on s’est aperçu récemment de l’importance d’un accouchement naturel pour une acquisition rapide d’une flore intestinale normale chez les nouveaunés. Une flore bactérienne utile À partir de deux ans environ, chaque individu va conserver une flore bactérienne qui lui est propre et qui est stable dans le temps, en dehors de déséquilibres pathologiques. A côté de la fonction de digestion-absorption des nutriments non digestibles et de la production de vitamines (acide folique, vitamines K), les bactéries de la flore dominante sont capables de s’opposer par antagonisme bactérien à l’implantation de bactéries exogènes pathogènes (tout en produisant des substances antimicrobiennes), et par là de renforcer ou de reconstituer l’effet barrière de l’intestin. D’autres fonctions de la flore font l’objet de recherche, notamment leur rôle dans la maturation du système