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Chimioprévention et oncogénétique
Extraits de la 2e Conférence de Saint-Gall
● Ch. Monnerat*
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a Deuxième conférence de prévention du cancer et
d’oncogénétique s’est tenue du 14 au 16 février
2002 à Saint-Gall (Suisse), sous les auspices de
l’ISCaC (International Society of Cancer Chemoprevention) et
de l’ESO (European School of Oncology) (1). Cette conférence était principalement axée sur le screening, l’analyse des
facteurs de risque et sur la chimioprévention des cancers du
sein, du côlon et de la prostate. Quelques aspects de la génétique de la prédisposition au cancer ont été évoqués, souvent
de façon assez générale, notamment pour la génétique de prédisposition au cancer colorectal ou au cancer de la prostate.
Nous rapportons ci-après le résumé de trois présentations particulièrement intéressantes concernant la génétique de prédisposition au cancer.
jour (3-5), en créant des amorces spécifiques afin d’obtenir des
produits de PCR de 400 paires de bases. Afin de couvrir toute
la partie exprimée du génome, 500 000 PCR sont nécessaires,
soit, pour les 20 lignées de cellules normales et les 20 lignées
néoplasiques, la réalisation de plus de 15 millions de PCR.
Chaque paire de produits de PCR sera analysée ensuite afin
d’identifier la présence d’hétéroduplexes reflétant la présence
éventuelle d’une mutation dans l’exon ou la partie d’exon analysés. Ce travail titanesque devrait prendre près de 4 ans, produire une base de données de toutes les mutations présentes
dans les 20 lignées néoplasiques choisies et conduire, à terme,
à l’identification de nouveaux gènes importants dans la cancérogenèse.
MUTATION 1100delC DE CHEK2 ET CANCER DU SEIN
THE CANCER GENOME PROJECT
Richard Wooster a présenté le Cancer Genome Project, la stratégie du Sanger Institute dans la détection de nouveaux gènes
importants dans la cancérogenèse et la susceptibilité au cancer
(2). Leur théorie est que les anciennes techniques d’identification de gènes telles que le linkage, la cytogénétique ou la
recherche de pertes d’hétérozygoties n’ont permis que de localiser de façon peu précise les gènes d’intérêt. Leur principe est
d’analyser précisément l’intégralité des gènes identifiés dans le
génome humain en 2001 en comparant l’ADN d’une cellule
normale à celui d’une cellule néoplasique. La première tâche a
été d’identifier 20 lignées de cellules cancéreuses stables,
notamment sans phénotype d’instabilité des microsatellites,
permettant d’obtenir de l’ADN en quantité suffisante et de
façon reproductible. La seconde difficulté était de choisir une
technique d’amplification de l’ADN très sûre afin de pouvoir
reproduire les résultats et d’analyser les nouveaux gènes
d’intérêt identifiés dans les 20 premières lignées dans une nouvelle série de 48 lignées cellulaires (evaluation set), puis dans
2 000 autres lignées (prevalence set). La DOP-PCR (degenerate oligonucleotide primed PCR) permettait une amplification
globale du génome, mais pas de façon suffisamment reproductible (seulement 85 % de l’ADN amplifié d’une même lignée
était identique). Par conséquent, la stratégie choisie a été
d’amplifier séparément chacun des 30 000 gènes identifiés à ce
* Centre pluridisciplinaire d’oncologie, CHUV, Bugnon 46, Lausanne.
La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 4 - juillet-août 2002
La présentation de Douglas Easton (université de Cambridge)
a exposé le rôle de la mutation 1100delC de CHEK2 comme
gène de prédisposition au cancer du sein (6). Cette mutation a
été décrite initialement par Bell en 1999 dans une famille avec
un syndrome de Li-Fraumeni (7). Le gène CHEK2 (8), situé
sur le chromosome 22, code pour une protéine participant à la
régulation du cycle cellulaire en G1 par l’intermédiaire de P53
et en G2 par l’intermédiaire de BRCA1. L’analyse de liaison
d’une famille européenne (pedigree EUR60) connue pour une
prédisposition aux cancers du sein et de l’ovaire et testée négative pour une mutation de BRCA1 et BRCA2 donnait un LODscore positif en plusieurs points du chromosome 22. Quelques
individus atteints de cancer du sein étaient porteurs de la mutation 1100delC de CHEK2, mais l’analyse de ségrégation de
cette mutation n’était pas concluante, puisque plusieurs individus atteints n’étaient pas porteurs de la mutation. Un screening
de la mutation 1100delC a été effectué dans une population
témoin d’individus non atteints, chez des patients avec un cancer du sein d’apparence sporadique et chez des patients avec
une histoire familiale de cancers du sein, positifs ou négatifs
pour une mutation de BRCA1 ou BRCA2. Les résultats de cette
analyse cas-témoin sont détaillés dans le tableau I (p. 150).
Dans le groupe de 1 071 patients avec cancer du sein d’apparence familiale et négatifs pour une mutation de BRCA1/2, la
prévalence de la mutation 1100delC de CHEK2 était, de façon
statistiquement significative, plus élevée que dans les trois
autres groupes. Cette prévalence était d’autant plus élevée que
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le nombre d’individus avec cancer du sein était élevé dans la
famille. Aucun excès de sarcomes ni de gliomes n’a été
retrouvé, ce qui ne confirme pas l’hypothèse que CHEK2 (ou
du moins la mutation 1100delC) soit impliqué fréquemment
dans le syndrome de Li-Fraumeni. On ne sait pas pourquoi la
mutation 1100delC de CHEK2 a une prévalence si élevée dans
la population (environ 1 %). Les femmes porteuses de cette
mutation ont un risque relatif de développer un cancer du sein
de 2 et les hommes d’environ 10. Le risque de développer un
autre type de cancer est inconnu.
Tableau I. Screening de la mutation 1100delC de CHEK2.
Individus analysés
Population témoin (individus non atteints)
Patients avec cancer du sein sporadique
Patients avec cancer du sein familial, BRCA1/2 négatif
Patients avec cancer du sein familial, BRCA1/2 positif
Nombre Porteurs
(%)
1 620
636
1 071
520
1,1
1,4
5,1
1,0
TAMOXIFÈNE DANS LA CHIMIOPRÉVENTION DU CANCER
DU SEIN
Toute une session a été consacrée à la chimioprévention du
cancer du sein. La place du tamoxifène a été rediscutée,
notamment en fonction de la définition des femmes à risque de
développer un cancer du sein, et l’étude d’autres molécules
comme le raloxifène ou l’anastrozole a été évoquée.
Lawrence Wickerham, au nom du NSABP (9), a rappelé les
résultats de l’étude NSABP-P1 (10). Il s’agit de la première (et
de la seule) étude prospective qui a démontré l’efficacité préventive du tamoxifène administré chez les femmes à risque de
cancer du sein défini selon le modèle de Gail (11). La réduction d’incidence du cancer du sein dans le groupe traité était de
49 %. L’impact de cette étude sur la pratique de la chimioprévention par tamoxifène aux États-Unis n’est pas quantifiable,
mais, selon le modèle de Gail, près de 29 millions d’Américaines pourraient bénéficier de cette chimioprévention. L’orateur a cependant souligné qu’il n’existe pas de consensus international à ce sujet, notamment en raison des études
européennes négatives. Le calcul risque-bénéfice n’est pas évident, particulièrement en ce qui concerne la qualité de vie de la
chimioprévention, certes efficace en termes de réduction
d’incidence du cancer du sein, mais pas en termes de survie.
Aux États-Unis, le tamoxifène est surtout administré chez les
femmes atteintes d’un carcinome lobulaire in situ ou d’une
hyperplasie atypique, pour lesquelles le risque relatif individuel de cancer du sein invasif est de près de 8 et la réduction
d’incidence attendue de près de 66 %.
Trevor Powles (université de Cambridge) a très intelligemment
discuté l’emploi du tamoxifène dans un contexte de prédisposition familiale au cancer du sein. Les femmes porteuses d’une
mutation délétère de BRCA1/2 ne représentent qu’une fraction
des cas familiaux de cancer du sein. L’identification des gènes
conférant un risque modéré de développer un cancer du sein
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est une priorité afin, d’une part, d’identifier les femmes susceptibles de bénéficier d’une chimioprévention et, d’autre part,
de déterminer quel agent chimiopréventif serait le plus approprié. L’orateur a rappelé l’étude de chimioprévention par
tamoxifène (20 mg/jour pendant 8 ans) qu’il a dirigée au Royal
Marsden Hospital (RMH) (12). Cette étude était négative, avec
34 cas de cancer du sein invasif dans le bras tamoxifène,
contre 36 pour le groupe témoin. Contrairement à l’étude
NSABP-P1, les critères d’inclusion n’étaient pas basés sur le
modèle de Gail, mais plutôt sur l’histoire familiale. Il est donc
probable que la population de l’étude RMH comportait davantage de femmes porteuses d’une mutation d’un gène de prédisposition au cancer du sein que la population de l’étude du
NSABP. En effet, sur les 70 cas de cancer du sein invasifs survenus dans l’étude RMH, 40 concernaient des femmes à risque
élevé de cancer du sein selon le modèle de Claus (13) (qui,
contrairement au modèle de Gail, quantifie plus précisément
l’histoire familiale). Trevor Powles a rétrospectivement stratifié, à l’aide des logiciels d’analyse d’arbres généalogiques
BRCAPRO et Cyrillic (14, 15), la population de l’étude RMH
entre les femmes avec un risque de cancer du sein inférieur ou
supérieur à 50 %. Chez les femmes avec un risque inférieur à
50 %, le tamoxifène exerce un effet protecteur, avec une
réduction du risque de cancer du sein invasif de 53 %. En
revanche, chez les femmes avec un risque de cancer du sein
supérieur à 50 %, le tamoxifène exerce un effet délétère, avec
une augmentation du risque de cancer du sein invasif de 37 %.
Cet effet serait dû à l’effet agoniste partiel du tamoxifène sur
les récepteurs estrogéniques. Cette étude, bien que rétrospective, justifie la prudence actuelle qui consiste à ne pas prescrire
de tamoxifène chez les femmes à haut risque de développer un
cancer du sein en raison de leur histoire familiale ou d’une
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mutation délétère prouvée de BRCA1/2.
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É F É R E N C E S
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I B L I O G R A P H I Q U E S
1. St-Gallen-Tumor prevention and genetics. 2002. http://www.oncoconferences.ch/
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15. Cyrillic. 2002. http://www.cyrillicsoftware.com/bottom.htm
Vœux d’artistes
Cette association loi 1901 présente une exposition
unique sur un thème unique :
L’ENVOL.
35 artistes (sélection unique),
350 toiles (pièces uniques),
35 x 35 cm (format unique),
235 € (prix unique),
au profit de L’ENVOL pour les enfants européens.
Du 17 au 28 septembre 2002, Espace Kiron, 10, rue de
la Vacquerie, 75011 Paris.
Soirée d’accrochage réservée à la presse et aux artistes,
lundi 16 septembre 2002 de 18 à 23 heures.
Buffet italien.
Contact presse : Nathalie Dran.
Tél. : 01 40 27 07 53 ou 06 71 18 47 67.
XIXe Congrès
de la Société française
de psycho-oncologie
Cancers et sociétés
Jeudi 19,
vendredi 20 et
samedi 21 septembre 2002.
Centre de Congrès du Palais des Papes,
Avignon.
Secrétariat du congrès :
Rebecca Cabaret, RMG, BP 149, 84000 Avignon.
Tél. : 04 90 27 50 57.
Fax : 04 90 27 50 58.
E-mail : [email protected]
La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 4 - juillet-août 2002
XXIVes Journées
nationales de la
Société française
de sénologie
et de pathologie
mammaire
Cancer du sein et
qualité de la vie.
Palais des Congrès
Le Corum, Montpellier,
les 13, 14 et
15 novembre 2002.
Inscriptions et hébergement : Claire Morel, Alpha Visa Congrès,
624, rue des Grèzes, 34070 Montpellier.
Tél. : 04 67 03 03 00. Fax : 04 67 45 57 97.
E-mail : [email protected]
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