R U M E U R S Revue de presse grand public ● M. Escoute* “Tant que Napoléon a choisi d’appeler ses batailles Austerlitz ou Wagram, tout s’est très bien passé : quand il a décidé d’en baptiser une Waterloo, vous avez vu le résultat.” Pierre Dac t qu’à Dieu ne plaise que celle contre Myriad Genetics ne soit pas portée sur les mêmes fonts baptismaux ! Parce que, je ne sais pas si vous le sentez comme moi, mais, indiscutablement, la température rectale actuelle de notre bonne vieille planète est, médicalement parlant, fort alarmante ! À croire qu’il y a collusion astrale entre Mars, Pluton, Uranus et Saturne, ce que ne cesse de marteler notre grande prêtresse Babeth Teissier, docteur ès sociologie, diplôme fraîchement et hautement acquis auprès de nos clairvoyants universitaires, lui permettant, in extremis, d’éviter la rôtissoire en place de Grève. Car, nul doute que le monde s’agite : les bottes se cirent, les uniformes s’époussettent, les armes se démontent et se remontent dans le noir avec force jurons, ça sifflote “La Madelon”, et même les mouches évitent toute flatulence pour ne pas se prendre un Tomahawk entre les ailes. La dernière destination à la mode est un petit pays où il n’y a que du soleil, du sable, quelques anthrax, et même pas la mer ! Non, vraiment, je vous le dis, l’ambiance générale n’est pas à la sérénité : les Américains font rien-qu’à-embêter-tout-le-monde et les journalistes n’ont que le mot “guerre” à la plume ! Reprenons, si vous le voulez bien, le petit différend euro-américain dont je vous avais entretenus, il y a quelques mois, sur l’air “Myriaaad, ton univers impitoyâââble”, car, comme le feuilleton dont est tiré le susdit air, vous vous doutez bien qu’il existe some rebondissements et que l’abominable J.R. (alias Mark Skolnic, directeur scientifique de Myriad) n’a pas encore dit son last word ! Surtout quand on apprend (Le Monde diplomatique) qu’il a en plus “piqué” ses trouvailles au gentil Bobby (alias Mike Stratton, de l’Institut britannique de recherche contre le cancer) et qu’il dépose des demandes de brevet tous azimuts à la cadence d’un pistolet Uzi : le dernier en date concernant HOB1 ou Human Obesity 1 (L’Est Républicain). Quand on sait que l’obésité est en passe de devenir le premier fléau des pays riches, on imagine sans peine les retombées économiques de ce genre de licence ! Skolnic a dû trop regarder James Bond contre Dr No, et il n’a jamais dû réussir à dire correctement My name is Bond, James Bond, alors il a préféré l’autre… Et, pendant ce temps-là, la bataille fait rage et les gros titre nous assènent des : “La guerre des gènes” (Le Nouvel Observateur, Comprendre et agir, Biotech Futur), “Cancer du sein et de l’ovaire en première ligne” (Biofutur), “Cancer du sein : le bras de fer sur les tests” (Le Figaro), “Cancer du sein et guerre des brevets” (Le Nouvel Observateur), où il est rapporté que ces tests de séquençage direct, hormis le fait, connu, qu’ils ne dépistent pas toutes les mutations, coûtent la bagatelle de 1 032,30 euros, contre 175 euros pour des techniques de chromatographie liquide ! De quoi, vraisemblablement, faire sursauter même les assureurs américains qui vont devoir rembourser le test ! Myriad continue cependant à faire la sourde oreille, exigeant le bénéfice absolu des royalties sur chaque test réalisé (on se croirait au Monopoly !), et pousse même l’outrecuidance jusqu’à passer des spots télévisuels publicitaires sous le titre “Be E * Clinique Sainte-Catherine, Avignon. 38 ready against cancer” style téléachat, pour vendre son test avec réponse assurée sous huitaine sous pli cacheté ! Y a des claques qui se perdent, quand même ! Mais les Français y veillent, et ils ont réussi à entraîner derrière eux de nombreux pays européens, formant une véritable levée de boucliers et déposant des oppositions à ces brevets auprès de l’OEB (Office européen des brevets). Réponse en… 2006 ! De toute manière, des solutions existent sous la forme de licences d’office et de licences obligatoires, outils juridiques mis à la disposition des États pour des raisons de santé publique. Et ne pas oublier, comme le souligne Alain Gallochat dans Les Échos, qu’en pleine terreur collective de la maladie du charbon qui frappait les États-Unis, les autorités américaines ont menacé le groupe allemand Bayer de lui retirer son droit de propriété sur l’antibiotique spécifique à cette maladie pour “besoin national” ! Que disait Moïse, déjà, sur son rocher ? “Ne fais pas aux autres…” (Mais non ! Pas notre cher Moïse Namer national, celui de la Bible, enfin !). Mais les Américains ne sont, bien sûr, pas tous des impérialistes autocratiques et l’on peut noter qu’une parlementaire américaine, Lynn Rivers, a déposé au Congrès un projet de loi visant à exclure les séquences génétiques du champ des brevets. Et il serait un peu benêt d’imaginer que les financements publics seuls pourraient alimenter la recherche, et un peu frivole d’oublier que ces guérillas touchent à un problème éthique, moral, religieux, philosophique, et j’en passe, à savoir le génome humain et l’éternel problème de sa brevetabilité. Et qui dit génome souffle… clonage… thérapeutique ou, pire, reproductif, et l’ombre terrible de l’Empire des Ténèbres obscurcit brutalement les cieux virginaux. Mais le Jedi veille… Et, du fond de son antre ministériel, la prunelle malicieuse et déterminée, la gestuelle onctueuse et le vocable limpide, condamne à vingt ans de réclusion criminelle tout fol insensé violant les lois divines (AOL infos, Yahoo actualités). Et même si Raël remonte dans sa soucoupe, il pourrait être poursuivi en extraterritorialité pour crime contre l’humanité ! Mais inflexibilité n’est pas synonyme de surdité, et notre charismatique ministre de la Santé, malgré son désir d’interdiction de tout type de clonage, écoutant les chœurs s’élevant du monde scientifique et des associations de malades (“L’Académie des sciences se porte au chevet des biothérapies”, Les Échos), par dérogation limitée à cinq ans, propose d’autoriser des recherches sur des embryons existants et ne faisant plus l’objet d’une éventuelle procédure parentale. Et, décidément, notre valeureux ministre (eh oui, hélas, je crains fort que l’audition du discours inaugural des 24es Journées de la SFSPM ne m’ait lamentablement réduite à l’état de groupie totalement hystérique) est aux journaux ce que Sarkozy est au petit écran : omniprésent ! Pas moins d’une cinquantaine de journaux (La Provence, Le Progrès, L’Est Éclair, Libération, Les Nouvelles de Falaise et Condé, L’Écho républicain, Santé Magazine, etc., etc.) annonce sur l’air mieux connu des “trois rois mages” (dont l’original, moins connu, est celui de… l’Arlésienne) la mise en route pour 2004 du dépistage organisé des cancers du sein à tout le territoire français ! La Lettre du Sénologue - n° 19 - janvier/février/mars 2003 Mais si, mais si, on va y arriver, faut pas désespérer ! Le dossier de presse, aussi épais que celui d’Elf Aquitaine, concerne, lui, “le plan cancer” et “les onze propositions pour relever le défi cancer” (L’Express, Yahoo actualités, AOL infos, Le Télégramme de Brest, Les Échos, La Croix, Le Figaro, et toute la PQR réunie). En octobre 2002, dans un article de L’Express intitulé “Cancer : une lutte à repenser” aussi sombre que le pronostic d’un T4d N3 M1, Vincent Olivier dressait un état des lieux de la politique de lutte contre le cancer en France : impossibilité d’évaluation financière et de suivi épidémiologique, incohérence de gestion des équipements lourds et des campagnes de prévention, multiplicité des bailleurs de fonds et malversation des budgets alloués, isolationnisme de certains consuméristes, etc, etc., autant dire une politique au stade de soins palliatifs. Et, deux mois et demi après, tombait sur le bureau exécutif un rapport d’expert présenté par Lucien Abenhaïm (directeur général de la Santé), confirmant, certes, les innombrables défaillances du système politique, mais s’appuyant, enfin, sur une évaluation subitement chiffrée, qui permettait le lancement d’une série de onze propositions ratifiées par un tandem de choc : Claudie Haigneré et Jean-François Mattei. On ose ? Allez ! on ose : ma parole mais c’est Hercule et ses illustres travaux (Bon je sais, il en manque un, mais… quand on aime, on ne compte pas, là !) ! Sans vouloir vous les détailler, l’accent est notamment mis sur le renforcement de la politique de prévention primaire (L’Expansion, L’Indépendant), avec, comme priorités, l’alcoolisme et le tabagisme… en n’oubliant pas, cependant, que les mesures de prévention les plus efficaces sont celles qui ne modifient pas le comportement des individus eux-mêmes. Car, comme le souligne ironiquement Skarabanek (idées fausses, idées folles en médecine) : “Bien que la définition de la santé par l’OMS puisse être un idéal – un état de bien-être complet physique, mental ou social –, elle représente un but inaccessible… sauf peut-être lors d’un orgasme”. Nice, 12-14 juin 2003 XXIes Journées de gynécologie de Nice et de la Côte-d’Azur XXVes Journées nationales de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire Et, comme toujours, quelques perles. Qui ment ? Dans Le Journal du Centre, Le Quotidien de la Réunion, L’Est Républicain : “À propos du dépistage du cancer du sein”, 59 % des femmes de plus de 40 ans affirment que leur médecin généraliste n’a jamais pratiqué de palpation des seins, mais 49 % des médecins déclarent le faire systématiquement ! Mais que peuvent donc bien palper 8 % de médecins ? Dans France Antilles : une équipe de pédiatres de Boston démontre l’effet antidouleur de l’allaitement en piquant le talon de 30 nourrissons, dont 15 pendant qu’ils tètent, et s’extasient sur le fait que ces derniers pleurent moins. Votre maman ne vous a pas appris, à vous aussi, à ne pas parler la bouche pleine ? Dans La Santé de l’Écolier, “La femme, son cerveau, ses hormones”, où l’on apprend que la baisse de prolactine rend dominateur et que, chez le singe, plus le taux est bas, plus l’animal est dominant. Quand on vous le dit, que c’est la faute à nos hormones ! Catherine de Médicis n’était pas une ignoble mégère sanguinaire, mais juste une pauvre femme hypoprolactinémiante. Dans Paris Match : “Homosexualité : les gènes aussi importants que l’environnement”. Des chercheurs californiens ont démontré que le patrimoine génétique était aussi important que l’environnement en manipulant génétiquement la mouche à vinaigre, très active sexuellement, la rendant ainsi transitoirement homosexuelle… Ben voyons ! Entre nous, ça a dû faire drôle aux mouches non manipulées ! Dans Viva Magazine, “Débat tous azimuts sur le cancer du sein”, les propos rapportés d’un confrère : “Entre soignants et patients, la responsabilité est partagée”. Biennnnn ! Et encore mieux : “C’est votre santé. À vous aussi de vous en occuper.” Incredible ! Un vent de fronde médical se lèverait-il enfin ? Ce confrère seraitil un clone de Christian Fletcher, des Révoltés du Bounty ? (S’il est aussi le clone de Marlon Brando dans la première version ou celui de Mel Gibson dans la seconde, il peut toujours envoyer ses coordonnées au journal, qui transmettra…). ■ Président du congrès : Jean Belaisch Inscriptions : Med congrès,7, rue Paradis, 06000 Nice. Tél. : 04 93 82 13 73 – Fax : 04 93 82 21 72 E-mail : [email protected] Sénologie 2003 Nice, 17-19 septembre 2003 Attention ! Date inhabituel le Président du congrès : Pr Moïse Namer Renseignements et inscriptions : Acropolis, servcice de gestion des congrès, 1, Esplanade Kennedy, 06300 Nice. Tél. : 04 93 92 81 59/61 – Fax : 04 93 92 83 38 E-mail : [email protected] Site web : www.nice-acropolis.com La Lettre du Sénologue - n° 19 - janvier/février/mars 2003 39