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Ménopause : le THS du XXIe siècle
! A. Lesur*
Quelques semaines
après le congrès à
Paris de l’AFEM
(Association Française de l’Étude de la
Ménopause), Évelyne
Drapier-Faure a réuni
plus de 400 personnes
autour du thème “Le
THS du XXIe siècle” (Lyon, 29-30 janvier 1999). Une session
entière était consacrée au sein, preuve tangible que ce sujet
déborde largement les préoccupations des cancérologues et
touche toutes les spécialités s’intéressant à la femme. Alain
Bremond, chirurgien au centre anticancéreux de Lyon, et Pascale Romestaing, radiothérapeute à l’hôpital Lyon-Sud, étaient
les modérateurs de cette session. Nous retiendrons quelques
points clés de cette manifestation :
! Le dépistage du cancer du sein entre 40 et 50 ans ne se
conçoit que dans le cadre d’un contrôle de qualité drastique,
* Service de chirurgie, centre Alexis-Vautrin, Vandœuvre-lès-Nancy.
La Lettre du Gynécologue - n° 243 - juin 1999
compte tenu de la difficulté de lecture des seins denses. Trois
points peuvent résumer la position d’Alain Bremond sur ce
sujet :
– Il existe une réduction de mortalité avérée dans de nombreuses études, mais le bénéfice est plus faible que pour les
femmes plus âgées.
– Les inconvénients du dépistage sont plus nombreux, avec
des faux positifs et des indications de biopsie chirurgicale plus
fréquents.
– La nécessité d’une organisation centralisée, avec lecture du
dépistage par des experts, et d’une prise de décision multidisciplinaire spécialisée en cas de dépistage positif est impérieuse.
! Avec son éloquence habituelle, Henri Tristant (Paris) a évoqué la question de l’adéquation entre le dépistage actuel et le
traitement hormonal substitutif. La question étant : “le dépistage actuel est-il adapté aux femmes sous THS ?”, Henri Tristant la retourne en demandant : “le traitement hormonal substitutif est-il bien adapté au dépistage ?”. L’augmentation de
densité des seins sous THS, qui rend les lectures beaucoup
plus difficiles, est développée, avec des analogies certaines
avec la question précédente.
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En conclusion : pour la surveillance des femmes sous THS, la
mammographie devra toujours comporter une incidence de
face et une incidence oblique externe. Son rythme pourra être
annuel ou biennal, la périodicité annuelle étant préférable chez
les femmes à haut risque familial ou personnel, ou dont le seuil
de détection des anomalies radiologiques est plus élevé que
pour d’autres.
! Marc Espié (Saint-Louis) a fait une synthèse de la question
actuelle du traitement hormonal substitutif et du risque de cancer du sein.
Toutes les analyses mettent en évidence les nombreux biais
méthodologiques, quelles que soient les études considérées.
Quoi qu’il en soit, à la différence du cancer de l’endomètre, il
n’a pas été mis en évidence de risque accru important de survenue de cancers du sein à travers toutes ces études. Marc
Espié a également développé un point original, en s’intéressant
à la mortalité des cancers sous traitement hormonal substitutif.
En effet, si l’on retrouve souvent une augmentation de l’incidence du cancer du sein, et notamment dans l’étude des NordAméricaines rapportée par Grodstein, on note aussi une réduction globale de la mortalité. Cette réduction est, bien sûr, le fait
de la diminution des maladies cardiovasculaires, mais elle est
également significative pour la mortalité par cancer, et notamment pour le cancer du sein, du moins dans les premières
années d’utilisation. De nombreux auteurs s’accordent à
retrouver un risque réduit de mortalité par cancer du sein chez
les utilisatrices d’estrogènes.
! C’est également Marc Espié qui a rapporté les données sur
la consommation d’alcool et les cancers du sein. Il est maintenant connu depuis plusieurs années que l’alcool, chez les
femmes ménopausées, induit une augmentation majeure du pic
d’estrogènes. Quelques études sont mentionnées, comme
celles de Gapstur, rapportant un risque très important avec
l’association alcool et antécédent familial de cancer du sein
(2,5). L’étude de l’IOWA retrouve également un risque de
1,88 s’il existe un traitement hormonal substitutif associé à de
l’alcool. Enfin, Potter, en 1995, retrouve un lien avec l’alcool
chez les patientes porteuses de tumeurs RH-. Zumoff (1997)
retrouve un rôle aggravant de l’alcool chez des femmes sous
THS.
À noter une précision très utile : 30 à 60 g d’alcool correspondent à 2,5 canettes de bière, 3 à 6 verres de vin et 2 à 4 verres
de liqueur ; on ne précise pas la taille du verre...
! Pascal Bonnier (Marseille) a présenté sa série de
142 patientes sous THS au moment du diagnostic de cancer,
comparées à 284 patientes n’ayant jamais reçu d’hormonosubstitution, appariées par l’âge et la date de traitement. Ses
conclusions actuelles sont que le traitement hormonal substitutif n’affecte pas les caractéristiques pronostiques des cancers
du sein. Bien évidemment, la surveillance régulière à laquelle
sont soumises les patientes traitées réduit le nombre des
tumeurs avancées. Il retrouve également, comme dans les
études citées précédemment, un nombre élevé de tumeurs bien
différenciées, de faible dimension, avec des facteurs de pronostic favorables. Il soulève néanmoins certaines des questions
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que suscitent ces cancers sous THS : les difficultés de dépistage radiologique avec diminution de la sensibilité, de la spécificité et augmentation du nombre de cancers de l’intervalle, les
problèmes thérapeutiques de ces cancers (les patientes doiventelles être considérées comme ménopausées ou non ménopausées, l’arrêt du traitement est-il équivalent à une castration ?).
! La patiente ayant été traitée pour un cancer du sein, la prescription d’un traitement hormonal substitutif est-elle possible ?
Anne Lesur (Nancy) a refait le point sur cette question délicate
en détaillant les arguments “pour” et “contre” cette hypothèse,
s’interrogeant également sur la demande réelle des patientes et
sur la population concernée. L’apparition de nouvelles molécules de type SERM résoudra peut-être cette difficile question,
pour laquelle il n’y a pas encore de consensus dans ce contexte,
la prescription d’estrogènes restant du domaine des cas
d’espèces, à discuter de façon pluridisciplinaire.
! Faut-il ou non incriminer la progestérone dans la genèse
possible des cancers du sein ? P. Brettes (Strasbourg) a fait le
point sur cette question, insistant sur l’innocuité très probable
de la progestérone seule. Les associations estroprogestatives
sont plus difficiles à étudier et les conclusions sont discordantes. Des schémas de mode d’action sur les cyclines ont fort
bien illustré les théories endocriniennes, notamment développées par Sutherland et Eden.
! Enfin, J.C. Colau (Paris) a évoqué la prescription d’un traitement hormonal substitutif dans la pathologie mammaire. On
en retiendra qu’il n’existe pas de prescription généralisée, mais
uniquement individualisée, en tenant compte du profil de la
patiente, de ses risques personnels et familiaux. Le cancer in
situ et le cancer invasif du sein restent une contre-indication
absolue à son avis. Avec beaucoup d’humour, il a illustré la
difficulté de s’en référer à des preuves bibliographiques incontestables.
! À noter également l’intervention d’Évelyne Drapier-Faure
(Lyon) elle-même sur les phyto-estrogènes, qui semblent
séduisants par leur action “estrogénique-like”, tout en n’ayant
apparemment pas d’effet délétère au niveau mammaire.
E. Drapier-Faure a appelé à la prudence face aux conclusions
hâtives d’expérimentations animales ou d’études encore très
préliminaires. Elle a également évoqué les problèmes
d’absorption intestinale, conditionnant l’effet de ces molécules
et responsables de leurs effets inconstants. Cela demeure
incontestablement une voie de recherche pour l’avenir à
laquelle de nombreux laboratoires s’intéressent. Il semble que
les phyto-estrogènes pourraient apporter un confort nouveau
aux patientes ayant eu un cancer du sein et souffrant de signes
climatériques forts. Des études randomisées sont absolument
indispensables pour confirmer ces données.
! Le reste du congrès s’est déroulé dans la bonne humeur et la
qualité des exposés. Nous félicitons chaleureusement Évelyne
Drapier-Faure pour son énergie, sa maîtrise de l’organisation,
le choix des items et la réponse pratique apportée à des gynécologues actifs.
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La Lettre du Gynécologue - n° 243 - juin 1999
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