Les effets négatifs des stratégies de dépistage font rarement l’objet d’analyses quantifiées. Les programmes nationaux de dépistage du cancer du sein n’échappent pas à ce manque de rigueur scientifique et nous disposons d’assez peu d’informations (aucune en ce qui concerne la France) quant à leurs conséquences parfois délétères pour la santé des femmes. Outre les quelques cancers induits par les irradiations mammaires itératives, les effets iatrogènes du dépistage du cancer du sein ont pour origine la notion statistique de faux positif et le concept épidémiologique de cancer non évolutif. Par expérience, nous savons tous que certaines lésions mammographiques suspectes se révèleront en définitive comme totalement bénignes. Ce taux de faux positifs est difficile à estimer pour les raisons citées en préambule. En France, les taux de rappel annuels – estimation indirecte du taux de mammographies suspectes - varient entre 6 et 8 % avec un taux de vrais positifs de 0,6 %. À noter que le risque de faux positifs se majore au fil du temps atteignant 23 % pour 7 mammographies en Grande-Bretagne. Pour des raisons tenant à la fois à l’imprécision de la sémiologie cytologique mais également au concept même de cancer, un certain nombre de patientes feront l’objet de diagnostic de cancer du sein par excès. Le suivi prolongé des volontaires incluses dans les essais portant sur le dépistage mammographique, les études post-mortem en population générale révélant bon nombre de cancers du sein sans traduction clinique, la stagnation de la mortalité malgré une inflation des diagnostics de cancer du sein en France, l’absence de baisse d’incidence compensatoire dans les décennies suivant l’introduction des dépistages organisés, laissent à penser qu’environ 25 % des cancers du sein détectés sont probablement peu ou pas dangereux. Ces diagnostics par excès – le plus souvent des formes in situ – n’apportent aucun bénéfice médical démontré aux patientes qui, bien au contraire, se voient proposer une mastectomie, une chimiothérapie ou une radiothérapie inutiles. Ainsi, le dépistage du cancer du sein entraîne un risque de faux positif d’autant plus élevé que la femme sera jeune et qu’elle subira de nombreuses mammographies. Ces faux positifs seront à l’origine d’explorations inutiles, anxiogènes, douloureuses. Ils pourront déboucher sur des diagnostics par excès aboutissant à de lourds traitements carcinologiques (risque relatif de 1,2) ne modifiant pas le pronostic. Pour les aider à choisir, nos patientes doivent prendre connaissance de ces informations absentes de la plupart des documents officiels français sur le dépistage du cancer du sein. Dr Jean-Michel Brideron « Dépistage mammographique des cancers du sein » Rev Prescrire 2007; 27 : 758-62