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E V U E
REVUE DE PRESSE
R
Interaction naltrexonemorphiniques en anesthésiologie
Dans les Annales françaises d’anesthésie et de réanimation, B. Tesson et
coll. (CHU d’Angers et CH du Mans)
rapportent une observation d’interaction probable du sufentanyl (anesthésique) avec la naltrexone, chez une
femme de 52 ans hospitalisée pour
une intervention gynécologique :
deux réactions d’éveil ont eu lieu,
l’une à l’intubation et l’autre à l’incision alors que les agents administrés
et les doses utilisées paraissaient suffisants pour empêcher ces réactions.
Cela suggère l’hypothèse d’une résistance accrue aux morphiniques chez
les personnes traitées par un antimorphinique comme la naltrexone.
Les auteurs conseillent, en cas d’anesthésie générale chez un ancien toxicomane aux opiacés ou un alcoolique
traité, de rechercher la prise de naltrexone et, s’il s’agit d’une intervention
programmée, de discuter l’arrêt préopératoire du médicament avec son
prescripteur. S’il est impossible, les
doses de morphinique doivent être augmentées suffisamment et l’état ventilatoire postanesthésique surveillé en
conséquence en raison du risque accru
de dépression respiratoire.
B. Tesson et coll. Annales françaises
d’anesthésie et de réanimation.
Vol.18, n° 2, 1999 : 230-2.
S. B.
Sevrage tabagique
et régime hypocalorique
Associer un régime hypocalorique à
des gommes de nicotine augmente les
chances de succès d’un sevrage tabagique, d’après une étude suédoise
(Dr Tobias Danielson et coll.,
Stockholm) publiée dans le British
Medical Journal.
La moitié des femmes ayant participé
à un tel programme ont arrêté de
fumer en quatre mois et ont perdu en
moyenne 2,1 kg, contre 35 % seule-
Le Courrier des addictions (1), n° 5, décembre 1999
D E
ment ayant suivi le même programme
mais sans régime.
Deux cent quatre-vingt-sept femmes
ont participé à cette étude (137 avec
régime, 150 sans) après l’échec d’un
sevrage tabagique antérieur. Après un
an, 28 % de celles du premier groupe
s’abstenaient toujours de fumer,
contre 16 % dans le groupe contrôle.
Le programme utilisait une gomme à
mâcher à la nicotine, un régime hypocalorique contrôlé par une diététicienne
et, par intermittence, un substitut de
repas.
Dans la pratique cependant, ces résultats reconnaissent quelques biais. En
effet :
– le substitut de repas était fourni gratuitement ;
– les rencontres avec le(la) diététicien(ne) étaient régulières ;
– les participantes à l’étude ont bénéficié de onze séances de groupe de
45 minutes dans le cadre du programme
de seize semaines.
Soit autant de mesures difficiles à
reproduire en pratique, en dehors
d’un cadre de recherche.
P R E S S E
est 1,8 fois supérieur à celui du nonfumeur. Ces données ont permis aux
auteurs de calculer que si aucun des
hommes suivis n’avait été fumeur, ils
seraient 64 % à vivre encore avec un
âge compris entre 65 et 84 ans, 25 ans
après l’inclusion dans l’étude. En
revanche, si tous avaient été fumeurs,
ils n’auraient été plus que 47 % à
vivre au terme des 25 années de suivi.
Cette étude, qui s’est inscrite dans la
durée, démontre également que l’arrêt définitif du tabagisme permet,
après dix années d’abstinence complète, de ramener le risque au même
niveau de celui qui n’a jamais fumé.
Enfin, ce travail permet de conclure
définitivement qu’aucun pays ne protège ses habitants fumeurs des risques
liés au tabagisme, par ses habitudes
de vie ou par tout autre facteur: ceuxci ne connaissent pas de frontières!
D.R. Jacobs Cigarette smoking and
mortality risk. Archives of Internal
Medicine 1999 ;159 : 733-40.
F.A.R
S. B.
Pas de frontières pour le
risque tabagique !
Une grande étude multicentrique de
seize cohortes réunissant 12 763
hommes de 40 à 59 ans, suivis durant
25 ans dans sept pays différents
(Croatie, Finlande, Grèce, Pays-Bas,
Serbie, États-Unis et Japon), vient de
conclure à l’identité des risques liés
au tabac dans des pays de culture différente. Ainsi, indépendemment des
habitudes de vie, le tabagisme est toujours associé à un risque accru de
maladies cardiovasculaires et de cancer du poumon, mais aussi de six
autres cancers : de la bouche, du
larynx, de l’œsophage, du pancréas,
de la vessie et du rein.
Globalement, le risque de décès,
toutes causes confondues, est, chez le
fumeur, de moins de dix cigarettes par
jour 1,3 fois supérieur à celui du nonfumeur ; quant au risque de celui qui
fume plus de dix cigarettes par jour, il
188
Les risques de naissances
prématurées dues au
tabagisme
Une étude menée en Suède pendant
10 ans (1983-1993) sur 243 858
femmes a montré que le risque d’un
accouchement très prématuré au
cours de grossesses successives est
certes plus élevé chez les fumeuses
mais surtout chez celles qui ont déjà
eu de tels antécédents obstétricaux.
Ce “sur-risque” lié au tabac est multiplié pour celles qui fument jusqu’à
neuf cigarettes par jour, et par 1,6
pour celles qui fument dix cigarettes
et plus par jour. Celles qui avaient
cessé de fumer n’avaient pas de risque
accru d’accouchement prématuré,
tandis que celles qui commençaient à
fumer au cours de leur deuxième
grossesse couraient le même risque
d’en avoir un que celles qui n’avaient
jamais arrêté la cigarette.
New England Journal of Medicine,
1999 ; 341 : 943-8.
F.A.R
Les gènes de la dépendance
à la nicotine
Depuis 1988, on assiste globalement à
une légère baisse de la mortalité par
cancers dans les États membres de
l’Union européenne. Toutefois, le
cancer du poumon fait exception à la
règle, du moins chez les femmes.
Alors que chez l’homme, la mortalité
par cancer du poumon a légèrement
diminué, passant de 52,4 pour
100 000 en 1985-1989 à 49,8 pour
100 000 en 1990-1994 (contre 74,3
pour 100 000 entre 1980 et 1984 !), la
mortalité continue de progresser chez
les femmes : elle est actuellement de
9,6 pour 100 000 alors qu’elle n’était
que de 8,9 pour 100 000 durant la
période 1985-1989.
Pour les autres principaux cancers, les
enseignements tirés d’une base de
données de l’Organisation mondiale
de la santé, sont les suivants :
• cancers dont le taux de mortalité est
stable chez l’homme : estomac, poumon ;
• cancers dont le taux de mortalité est
stable chez la femme : ovaire ;
• cancers dont le taux de mortalité est
en baisse chez la femme: colo-rectal,
col utérin, estomac, sein, leucémies ;
• cancers dont le taux de mortalité est
en progression chez la femme : poumon, pancréas.
Si l’on ne considère plus que la
tranche d’âge des femmes de 35 à
64 ans, la progression de la mortalité
par cancer du poumon est encore plus
marquée, passant de 7,7 pour 100 000
femmes en 1955-1959 à 14,3 en 19901994. Désormais, ce cancer est la troisième cause de mortalité par cancer
chez la femme après celui du sein, du
côlon et du rectum. En résumé, en
1995, le classement s’établissait ainsi :
sein, côlon et rectum, poumon, ovaire,
estomac, utérus, pancréas, leucémies.
En 1955, l’ordre était le suivant : estomac, sein, côlon et rectum, poumon,
ovaire, utérus, leucémies, pancréas.
Levi F. et coll. Lancet 1999 ; 354 :
742-3.
F.A.R
Nous ne sommes pas tous égaux face
au risque de devenir fumeur après
une première cigarette et plusieurs
études confirment l’influence majeure
d’une prédisposition génétique.
Cette hypothèse avait été soulevée
grâce à des travaux comparant des
séries de jumeaux, fumeurs ou nonfumeurs : ils montraient une similitude des comportements dans les
fratries face au tabac. Deux articles
ont fait le point sur les gènes qui
seraient impliqués dans l’intoxication tabagique.
Dans le premier, Caryn Lerman
démontre, dans une grande série (289
fumeurs et 233 non-fumeurs) que
fumeurs et non-fumeurs se distinguent par une variation du gène
SLC6A3-9 responsable du transport
de la dopamine. En particulier, le
groupe des porteurs de ce gène comprend non seulement moins de
fumeurs mais aussi moins d’individus
ayant commencé à fumer avant 16 ans
et plus d’individus ayant eu des
phases d’arrêt plus longues. Ces différences entre les deux groupes sont
d’autant plus grandes que la variation
du gène SLC6A3 est associée à une
variation du gène codant pour les
récepteurs D2 dopaminergiques, portant sur les allèles A2. Ce dernier élément illustre l’importance du rôle de
la dopamine, neuromédiateur impliqué dans les processus de dépendance
aux drogues.
Dans la deuxième étude, Sue Sabol
confirme l’implication des variations
du gène SLC6A3 dans la dépendance
tabagique et décrit son association
avec des comportements stéréotypés,
mesurables par des échelles. En particulier, les porteurs du gène SLC6A3-9
sont moins à la recherche de nouveautés, ce qui a été corrélé avec une
moindre exposition au risque de
dépendance.
D’autres gènes sont vraisemblablement impliqués dans ce processus de
dépendance aux drogues qui reste
complexe. Il en est ainsi des gènes
codant pour les récepteurs dopaminer-
189
REVUE DE PRESSE
Le cancer du poumon
en progression
chez les femmes
giques ou encore de ceux codant pour
les récepteurs nicotiniques.
Lerman C. et coll. Health Psychology
1999 ; 18 : 14-20.
Sabol S. et coll. Health Psychology
1999 ; 18 : 7-13.
F.A.R.
L’ecstasy serait-elle
tératogène ?
Le registre national britannique de
tératologie vient de faire la synthèse
des dossiers de 136 femmes qui ont
pris de l’ecstasy entre juin 1989 et
juin 1998, dont 62 avaient consommé
plusieurs produits potentiellement
dangereux pour le fœtus, la majorité
d’entre elles ayant consommé cette
drogue au cours du premier trimestre
de leur grossesse. Sur les 78 enfants
nés vivants (48 avaient décidé d’interrompre leur grossesse, 8 ont fait une
fausse couche), 12 présentaient des
anomalies congénitales (pied-bot,
malformations cardiaques), soit 15 %
des enfants, alors que le taux des malformations congénitales moyen est de
2 à 3 %. Affaire à suivre et ecstasy à
déconseiller pendant la grossesse...
Mac Elhaton et coll. Lancet 1999 :
1441-2.
F.A.R.
La greffe du foie a autant
de chances de succès chez
un cirrhotique, même en cas de
récidive de l’alcoolisme
G.P. Pageaux et coll. (hôpital St-Éloi,
Montpellier) ont analysé le suivi pendant quatre ans de greffes hépatiques
réalisées chez 53 patients transplantés
pour cirrhose alcoolique et chez
48 patients greffés pour d’autres
affections hépatiques. Les résultats de
cette étude, publiée dans Gut, ne montrent pas de différence significative
entre les deux groupes : la survie, le
taux de rejet d’organe et le taux d’infection ou de cancer ne sont pas différents.
E V U E
REVUE
R
•
Survie globale à 1, 2, 3 et 5 ans :
75 %, 69 %, 67 % et 62 % chez les
patients alcooliques ; 83 %, 72 %, 66 %
et 61 % chez les non-alcooliques.
• Taux de rejet aigu : 47,1 % chez les
alcooliques contre 43,7 %.
• Taux de rejet chronique : 5,6 %
contre 6,2 %.
• Taux de retransplantation : 11 %
contre 14 %.
Au total, 15 alcooliques sur 53 ont
recommencé à boire, de manière sévère pour un tiers d’entre eux, sans incidence sur le taux de survie globale.
Ces résultats, qui contredisent les
arguments exposés contre la transplantation chez les alcooliques (faible
observance du traitement immunosuppresseur, taux élevé d’infection en
raison d’une alimentation réduite),
devraient amener à renoncer à toute
discrimination en matière de greffe
D E
hépatique dans cette population, soulignent les auteurs.
G.P. Pageaux et coll Gut 1999 ; vol.
45, n°3 : 421-6 et 326-7.
S. B.
Toxicomanie IV et
neuropathies périphériques
Une étude de l’équipe du Dr Alan
Berger (États-Unis) met en évidence la
prévalence importante des neuropathies
périphériques chez les toxicomanes utilisant la voie intra-veineuse. Elle a porté
sur un échantillon de 212 usagers de
drogues, dont 50 % de séropositifs HIV.
Les neuropathies périphériques
étaient présentes chez 24,5 % des
patients séronégatifs, soit 3 à 4 fois
les taux observés dans la population
P R E S S E
générale ou dans la population homosexuelle masculine séronégative.
Elles étaient présentes chez 32,1 %
des patients séropositifs. Autres
caractères :
– elles étaient de nature axonale ;
– leur fréquence augmentait avec
l’âge et la consommation d’alcool ;
– elles étaient asymptomatiques chez
81 % des sujets séronégatifs, 71 %
des séropositifs.
Les auteurs estiment qu’elles doivent
être recherchées systématiquement
avant de débuter un traitement antirétroviral efficace auquel on attribue à
tort leur apparition. Ils affirment la
necessité d’études plus poussées pour
déterminer si les patients séropositifs
atteints au départ d’une neuropathie
périphérique présentent plus de risques
d’en développer une iatrogène.
S. B.
À Lyon, bientôt des cellules non-fumeurs ?
Une expérience intéressante et qui porte déjà ses fruits : le programme d’aide à l’arrêt du tabagisme entrepris depuis près d’un an par le Dr Emmanuel Khalatbari, de l’hôpital Édouard-Herriot, dans la
prison Saint-Paul de cette ville, en collaboration avec le service médicopsychologique des prisons (SMPR) et l’association
Jeunes unis sans tabac (JUST). Une vingtaine de détenus et trois groupes de parole se sont réunis et ont réalisé un film de 25 minutes sur
la “double peine” de la dépendance nicotinique en prison. Déjà, il est question de revendiquer plus d’heures de sport, des aides à l’arrêt du
tabac, la création de cellules non-fumeurs...
Les médecins et leurs patients tabagiques
L’enquête, menée fin 1998 par le CFES auprès d’un échantillon représentatif de 2073 médecins généralistes exerçant en libéral, s’est intéressée, entre autres, à la prise en charge du sevrage tabagique par les omnipraticiens (Baromètre santé médecins généralistes) : ainsi, le nombre
de personnes accueillies dans leurs cabinets pour être aidées dans l’arrêt du tabac est de 1,94 par semaine (2,19 en 1993). Les méthodes
qu’ils ont proposées pour cesser de fumer sont essentiellement le patch (65,1 % contre 45 % en 1993), suivi par l’arrêt radical (19 % contre
32,2 %). L’acupuncture et l’auriculothérapie sont en perte de vitesse (6,4 % contre 10 %).
Si l’on compare ces données avec celles recueillies auprès des Français interrogés sur les méthodes qu’ils estiment les plus efficaces (enquête de
l’IFOP pour le CFES et la CNAMTS, réalisée en août 1998 auprès d’un échantillon représentatif de 2006 Français), ce sont la volonté et la motivation qui sont citées comme les méthodes les plus efficaces (par 71 % des fumeurs et 73 % des anciens fumeurs), le patch n’étant évoqué
que par 33 % des fumeurs seulement et 12 % des anciens fumeurs. L’acupuncture est mise en avant par 13 % des fumeurs et 12 % des
anciens fumeurs. Seuls 3 % des fumeurs et 2 % des anciens fumeurs font référence au soutien de leur médecin. Ces médecins (du moins 4
sur 10) se sentent pourtant personnellement (relativement) efficaces pour lutter contre le tabagisme (5,5 % très efficaces et 37,3 % assez
efficaces). En ce qui concerne le sentiment d’efficacité de ces professionnels sur d’autres thèmes de prévention, moins d’un tiers d’entre
eux disent avoir prise sur les consommations de drogues et d’alcool, mais plus des deux tiers sur l’abus des psychotropes, l’alimentation,
l’usage du préservatif ou le dépistage des cancers.
Rappelons que la direction générale de la Santé a lancé, il y a quelques mois, le programme Nicomède de formation des médecins généralistes à la lutte contre le tabagisme : coordonné par la Ligue nationale contre le cancer, ce programme a pour mission de former 3 000
médecins d’ici à la fin de l’an 2000.
F.A.R.
(La Santé de l’Homme n° 342, juillet-août 1999 - E-mail : [email protected])
Le Courrier des addictions (1), n° 5, décembre 1999
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