Le mot disparaît, les symptômes restent Hystérie

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Hystérie
Le mot disparaît, les symptômes restent
L’hystérie a disparu des classifications et les symptômes se
répartissent dans diverses catégories diagnostiques telles que
les troubles somatoformes, les troubles dissociatifs ou la
personnalité histrionique.
C
e trouble, si déroutant par son
grand polymorphisme symptomatique, est difficile à prendre
en charge par les soignants désarmés devant les pièges tendus par
le patient hystérique, d’où une
abondance d’examens complémentaires, voire une escalade
thérapeutique.
Un peu d’histoire
L’hystérie interroge depuis l’Antiquité et serait le prix à payer
pour l’homme du fait de son
appartenance à une espèce sociale dont la communication est
partiellement allusive et métaphorique. On peut concevoir
cette maladie comme une expression symbolique des conflits
psychiques en des symptômes
corporels et/ou psychiques variés, paroxystiques ou durables.
L’évolution, au fil du temps, des
codes sociaux de communication et de représentation pourrait être à l’origine des modifications de modalités expressives,
aujourd’hui plus discrètes qu’auparavant.
Décrite depuis plus de 40 siècles,
l’hystérie a été perçue et traitée
différemment selon les époques.
Hippocrate en a fait une maladie
organique, liée surtout à une privation de relations sexuelles et à
un dessèchement de l’utérus. Le
Moyen Âge a plongé l’hystérie
dans le surnaturel (possession
diabolique) et ce n’est qu’au
XIXe siècle que l’on a admis sa localisation au cerveau. Les aimants
et l’hypnose ont alors été considérés comme des moyens privilégiés d’accéder non pas à la lésion anatomique mais à un
trouble fonctionnel cérébral. Janet et Freud posent la question de
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la personnalité hystérique et des
conditions favorables à l’éclosion
des troubles hystériques. Les rapports entre le trait de la personnalité hystérique et les conversions somatiques restent mal
cernés, mais il est admis que ces
symptômes ont une fonction
dans l’économie psychique du
patient se trouvant dans une impasse qui ne peut pas être exprimée par les mots. La conversion
apparaît alors comme un mécanisme névrotique de défense afin
de diminuer l’angoisse née des
conflits internes ou à la suite d’un
choc émotionnel.
D’après certains auteurs, l’hystérique ne peut avoir de soi qu’une
image fragile, fondée sur un narcissisme archaïque, et il est séducteur parce qu’il se veut possesseur. Dans la classification
DSM III (cf. encadré), la personnalité histrionique (comportement théâtral et excessif) est
considérée comme un facteur
prédisposant au trouble de
conversion. Rappelons à ce propos l’étonnante fluctuation des
symptômes : on a décrit les crises
tétaniformes ou convulsives, des
accidents somatiques durables
survenant surtout au niveau des
organes de relation (paralysies,
contractures, mouvements anormaux, atteintes sensitives, algies
rebelles), les troubles visuels, la
surdité (dysphonie), les spasmes,
les symptômes d’expression psychique (troubles de la mémoire,
inhibition intellectuelle, troubles
de la vigilance).
Nouveaux aspects
On a assisté à une relative disparition des grandes crises spectaculaires “à la Charcot” et à l’ap-
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002
parition de nouveaux aspects de
l’hystérie. « La séduction de l’hystérique (attirer le regard, susciter
l’intérêt, entraîner un engouement
affectif) doit s’opérer de manière
plausible et s’appuyer sur des
idéaux sociétaux de l’époque où elle
s’exprime. Au XXIe siècle, l’hystérie
semble épouser une nouvelle forme
en adéquation avec le rapport de
nos contemporains au corps, à sa
forme, à sa fonction, à la santé en
général », observe le Dr Philippe
Nuss (hôpital Saint-Antoine). En
bref, c’est la course pour garder
la jeunesse de l’apparence et des
fonctions, être toujours en forme.
Toutefois, derrière l’inaltérable
adaptabilité se glisse la fatigue
chronique, l’insomnie, des pannes
diverses.
Il reste que les manifestations
hystériques ne sont pas toujours
faciles à reconnaître d’après l’allure particulière (inorganicité,
mobilité) ou les circonstances de
leur apparition. Ce qui ne devrait
pas faire oublier aux soignants
que l’inorganicité n’est pas synonyme d’absence de troubles
et que ces patients ont besoin
d’aide.
Ludmila Couturier
Qu’est-ce que le DSM ?
Le DSM, ou Manuel diagnostique et statistique des troubles
mentaux, symbolise la nouvelle
psychiatrie née aux États-Unis et
qui s’est étendue dans le monde
entier. La troisième édition du
DSM, le DSM III, qui date de
1980, rompt avec la psychanalyse qui inspirait la précédente
version. Pour ses auteurs, il faut
que n’importe quel psychiatre
confronté à un même patient
fasse le même diagnostic. En
France, le DSM est diversement
commenté.
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