Cancérologie Les nouvelles préoccupations des patients Pendant longtemps, le souci principal des cancérologues a été de maintenir les patients en vie. Les progrès thérapeutiques ont soulevé d’autres préoccupations, notamment celles concernant la qualité de vie, y compris la vie sexuelle. L a dernière étude réalisée par l’équipe du Pr Khayat (Pitié-Salpêtrière, Paris) sur 100 patients atteints de cancer confirme les précédentes. Il devient essentiel de prendre en compte l’impact des effets indésirables de la chimiothérapie anticancéreuse sur les patients. Une évolution cependant. Alors qu’il n’y a pas si longtemps les patients mettaient en avant les souffrances dues aux nausées, aux vomissements et à l’anxiété liés aux traitements, le principal critère soulevé aujourd’hui concerne le retentissement des traitements sur la famille et le partenaire. L’alopécie arrive en deuxième position, suivi par la fatigue. Ces résultats confirment les progrès majeurs réalisés grâce aux traitements antiémétiques modernes, aux chambres implantables et aux facteurs de croissance. C’est aussi l’attention portée à la diminution de la toxicité des traitements. La fatigue se traite par les transfusions, l’érythropoïétine, les modifications du traitement et surtout l’écoute du patient. Le vécu est cependant sensiblement différent selon le sexe. Pour les hommes, la fatigue permanente est gênante en elle-même alors que, chez les femmes, la répercussion familiale apparaît au premier plan. Une affaire de couple L’annonce de la maladie traumatise le patient mais aussi la famille et particulièrement le conjoint. Or, le couple, quand il est solide, reste la pierre angulaire de l’équilibre psychologique du patient. La diminution de la libido, présente chez les deux sexes, semble être considérée par les femmes comme plus sévère chez elles. Les résultats de l’enquête de la Pitié-Salpêtrière montrent que neuf patients sur dix souhaiteraient qu’on leur propose spontanément, en début de maladie, une aide psychologique, non seulement pour eux mais aussi pour le conjoint. Celui-ci doit en effet réinventer sa relation de couple et sa sexualité, faute de quoi, il développera une pathologie propre. Sexe et image de soi En fonction de la localisation du cancer, l’attitude du patient et celle de son conjoint sont différentes. Les cancers, qui atteignent notamment l’image de soi, requièrent une collaboration affective plus active des proches. Le conjoint d’un patient cancéreux souffre aussi et vit difficilement les défaillances psychologiques et sexuelles de son partenaire, il ne sait pas quelle attitude adopter. La personne atteinte subit une blessure narcissique difficile à cicatriser. Elle est marquée au plus profond d’ellemême et doit faire son propre travail de deuil en évitant d’aggraver par son attitude les blessures narcissiques de son partenaire. L’idéal est que le couple accepte l’idée qu’il y a problème et que l’un et l’autre se fassent aider ensemble pour rechercher des solutions. Lors de la consultation, après avoir évalué l’impact strictement organique de la maladie, les problèmes secondaires à la chimiothérapie, la radiothérapie ou la chirurgie, il faut savoir faire s’exprimer les patients qui sont à la recherche de la vérité permettant de trouver une solution acceptable et la plus appropriée possible pour les deux conjoints. Les cancers atteignant la vie sexuelle, comme le cancer de la prostate chez l’homme, le cancer du sein ou les cancers gynécologiques chez la femme atteignent plus ou moins gravement la qualité de vie et l’état de santé en général. Ainsi, après une intervention chirurgicale, la douleur physique est amplifiée par la douleur morale. Vingt-six pour cent des femmes interrogées par la Sofres ont l’impression “qu’on leur a enlevé une partie de leur féminité, que leur image est altérée”. En affectant directement ou indirectement les organes de la reproduction et la vie sexuelle, les cancers gynécologiques sont responsables, outre le traumatisme physique, d’un traumatisme psychique important pouvant favoriser une dépression. Les conséquences sexuelles telles que dyspareunie, sténose vulvaire, sécheresse vaginale, etc., ne doivent pas être négligées. Les femmes interrogées expriment un besoin important d’informations sur le parcours qui les attend. Le flou et les non-dits sur la nature des traitements et leurs différentes étapes sont générateurs d’angoisse. D’après l’enquête Sofres Bristol-Myers Squibb et la Ligue nationale contre le cancer, l’attente des femmes concerne surtout l’amabilité du personnel soignant (66%), sa disponibilité (51 %), la fréquence des visites du médecin (49 %). La majorité souhaite avoir la possibilité de parler avec quelqu’un en dehors de l’équipe médicale. Reconnues unanimement comme étant plus proches des malades, les infirmières doivent œuvrer pour accompagner ce besoin de qualité de vie qui intègre aussi la vie sexuelle. Même s’il est difficile de surmonter les tabous, il est temps de pouvoir proposer de façon naturelle aux patients la rencontre de personnes qui pourra les aider dans leur sexualité. Des patients tellement démunis qu’ils osent difficilement aborder cette demande, considérée, à tort, comme inopportune par rapport à l’épreuve du cancer. A.-L.P. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 35 - mars 2002 15