Sommaire • Thérapie génique : un traitement prometteur • Lutte contre le cancer : un programme national • Sénologie : un “plus” pour les patientes Cancer Une meilleure application des traitements existants • Suivi ambulatoire : des fonctions multiples • La psycho-oncologie : une spécialité à part entière • Douleur : des progrès dans la prise en charge La 36e édition de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology) s’est déroulée du 20 au 23 mai 2000 à La Nouvelle-Orléans (États-Unis). Les professionnels du monde entier ont communiqué sur les progrès thérapeutiques et les différentes orientations possibles dans le traitement des cancers. Cette année, peu de nouveautés. Surtout des confirmations de l’efficacité de molécules ou de protocoles déjà connus. Et priorité à la qualité de vie du malade. I l est raisonnable aujourd’hui de ne plus attendre de traitement miracle, compte tenu de la diversité des cancers et de l’importance de l’individualité des “terrains” propices au déclenchement de la maladie. Les spécialistes axent donc leur réflexion sur la qualité de vie des malades. L’implication de ces derniers est à l’ordre du jour. La parole leur est donnée (Eurocancer 99) et l’information qui leur est due semble devenir une règle admise, notamment en France, à la suite des États généraux de la santé. L’évolution de la communication a rendu le patient adulte, un patient qui, lorsqu’il se prend en charge, optimise son traitement. Cette évolution relationnelle entre le malade et les soignants engage un partenariat favorable au bon déroulement des soins. Assurer une qualité de soins optimale aux patients atteints de cancer, c’est ce qui est ressorti des interventions faites à l’ASCO. En résumé, un accent particulier doit être mis sur la formation des praticiens à la prise en charge symptomatique des patients, ainsi qu’à leur approche psychologique. De même, une place de plus en plus large doit être offerte aux associa- tions de patients les plus représentatives afin que les malades puissent exprimer leur vécu, attitude susceptible d’orienter le soin vers la qualité. Une étude a été entreprise aux États-Unis, ayant pour but d’apprécier la pertinence des traitements réalisés, l’éventuelle participation à des essais cliniques, l’information donnée aux patients et la perception par celui-ci de son traitement. C’est donc dans l’instauration d’un véritable partenariat entre soignants et patient que réside le concept de qualité car il est de plus en plus certain que l’on ne soigne plus un “cancer” mais un “patient atteint d’une maladie grave”. L’objectif est de prendre en charge le malade dans son environnement social et culturel avec son patrimoine propre. C’est ce concept de soins qui le fera guérir ou, à défaut, optimiser le pronostic en l’aidant à vivre le plus longtemps possible, autonome et sans trop de souffrance et d’effets secondaires handicapants. Cancer du poumon Le cancer du poumon représente la première cause de mortalité aux États-Unis, ●●● 13 Cancer ●●● tuant 160 000 personnes en 1999, c’est-àdire plus que le cancer du sein, du côlon et de la prostate réunis. Les résultats d’une étude de l’ECOG (Eastern Cooperative Oncology Group) regroupant 1 207 patients étaient donc particulièrement attendus. Quatre associations de chimiothérapie ont été comparées en première ligne (cisplatine-paclitaxel, cisplatine-gemcitabine, cisplatine-docetaxel et carboplatine-paclitaxel). Les taux de réponses de ces quatre associations ont été très voisins (respectivement 21,3 %, 21 %, 17,3 % et 15,3 %) et décevants par rapport aux résultats des études de phase II. Aucune différence n’a été observée en termes de survie globale tant chez les patients atteints de tumeurs de stade III que chez les patients atteints de tumeurs de stade IV. Toutefois, la survie à un an dans tous ces protocoles (31 à 36 %) est supérieure à celle observée ces dix dernières années chez des malades suivant des traitements classiques (20 à 25 %). Si aucune de ces associations de chimiothérapie ne semble se distinguer des autres en termes d’efficacité, leurs profils de tolérance sont cependant différents. La bonne tolérance de l’association paclitaxel-carboplatine notamment peut être soulignée. Cette étude ne bouleversera sans doute pas la pratique clinique mais permettra de choisir un protocole en fonction de sa tolérance, de son coût, et de la situation clinique du patient. L’avenir est sans doute dans l’association de trois molécules, les associations sans cisplatine et les associations avec des molécules visant d’autres cibles biologiques telles que l’angiogenèse. En outre, les données de la pharmacogénomique permettront peut-être de sortir de l’ère des traitements empiriques au profit des traitements choisis en fonction des caractéristiques biologiques de la tumeur. Cancers digestifs D’après les intervenants, aucune nouveauté ne viendra cette année modifier la pratique clinique dans le domaine des cancers digestifs. Les premières études comparant 5-FU plus acide folinique en bolus et 5-FU en perfusion continue, dans les traitements adjuvants des cancers coliques, montrent des résultats intéressants en termes de tolérance mais trop peu matures en termes de résultats. Les études adjuvantes dans les cancers gastriques et pancréatiques restent décevantes. Les combinaisons de nouvelles molécules en situation métastatique sont prometteuses, sans plus, selon le Dr Christophe Louvet (hôpital SaintAntoine, Paris). Ici encore, ce sont les nouvelles cibles qui semblent représenter l’avenir de la prise en charge des cancers digestifs la patience semble devoir être de rigueur... Dépistage du cancer colorectal : vers la coloscopie virtuelle C’est au congrès de l’AGA (21-24 mai, San Diego) que Rochester a proposé une nouvelle approche révolutionnaire et non invasive de la coloscopie virtuelle, permettant de détecter des polypes d’un centimètre. Le principe consiste en l’absorption de baryte durant les trois jours précédant l’examen, le traitement de l’image scannographique permettant ensuite la soustraction de tout ce qui est matière fécale dans le côlon. Des études comparatives, prospectives et réalisées en double aveugle, sont bien entendu nécessaires afin d’évaluer la sensibilité et la spécificité de cette méthode. Radiofréquence : une avancée dans le traitement de l’hépatocarcinome Pour le Pr Pierre Louis Fagniez (hôpital HenriMondor, Créteil), les résultats obtenus par une équipe japonaise dans le traitement par radiofréquence du carcinome hépatocellulaire (lésions de moins de 5 cm) sur cirrhose (stades A et B) sont très prometteurs. Les récidives sont en effet La multiplication des essais entraînerait-il des résultats contradictoires ? C’est en effet la seule explication logique aux résultats du NCI (National Cancer Institute) canadien concernant la radiochimiothérapie dans les cancers du col avancés. Conduit sans défaut méthodologique, cet essai donne des résultats contradictoires par rapport aux cinq essais antérieurs ayant démontré l’intérêt de cette même radiochimiothérapie. Il n’y a donc pas, selon le Pr Éric Pujade-Lauraine (Hôtel-Dieu, Paris), de remise en cause de ce standard thérapeutique, mais un constat peut être fait : la multiplication des essais augmente le risque de retrouver des résultats contradictoires ! 14 © Dr Amar-Phanie Cancer du col de l’utérus moins fréquentes et moins précoces qu’à la suite d’une alcoolisation percutanée. La tolérance est excellente, mais le recul est insuffisant pour retrouver des bénéfices en termes de survie. Des études complémentaires randomisées sont donc attendues, comparant notamment radiofréquence et chirurgie. Nouvelles approches thérapeutiques Aujourd’hui, il s’agit essentiellement de trouver de nouvelles cibles de traitement. Ainsi, le concept de traitement anti-angiogénique a trouvé une validation dans une étude randomisée présentée par De Vore (Nashville, États-Unis). Un anticorps monoclonal neutralisant le VEGF (Vascular endothelial growth factor) délivré à hautes doses permet pratiquement de doubler le temps jusqu’à récidive de tumeurs bronchiques traitées par chimiothérapie (7,4 mois versus 4,3 mois). Un risque hémorragique grave, survenu chez des patients atteints de tumeurs épidermoïdes doit cependant être prévenu par la sélection et la surveillance rigoureuse des patients. La transmission du signal prolifératif à partir du récepteur du VEGF peut être bloquée par des agents tels que l’Iressa® ou l’anticorps monoclonal IMC-C225. Ces nouvelles thérapeutiques émergentes doivent venir compléter, voire remplacer des traitements plus classiques dans un avenir proche. Des essais de phase III débutent déjà. Cancer du sein La tendance va vers un traitement plus court mais tout aussi efficace. En effet, selon le NSABP, les femmes ayant un cancer du sein sans atteinte ganglionnaire pourraient bénéficier d’une chimiothérapie associant adriamycine et cyclophosphamide délivrée sur trois mois (4 cures) qui donne des résultats identiques à ceux d’un traitement de six mois de CMF (12 cures). En ce qui concerne l’hormonothérapie versus chimiothérapie dans les cancers du sein de bon pronostic, une étude prospective adjuvante randomisée a été présentée par le Pr Henri Roché (institut Claudius-Regaud, Toulouse), comparant, après la chirurgie, chez des femmes préménopausées, trois ans d’un traitement comprenant un agoniste de la LH-RH (la triptoréline) + 30 mg de tamoxifène et une chimiothérapie de type FEC 50, toutes les trois semaines à six reprises. Les patientes avaient toutes un cancer du sein de bon pronostic (moins de trois ganglions envahis) et au moins un récepteur positif. Avec un suivi de 54 mois, il n’y a pas de différence significative en termes de survie sans récidive. En revanche, le temps jusqu’à rechute est nettement plus court dans le bras chimiothérapie. Il est par ailleurs intéressant de noter que 50 % des patientes retrouvent un cycle normal après l’arrêt du traitement hormonal alors que 40 % des patientes traitées par chimiothérapie connaissent une aménorrhée définitive. Des études prospectives évaluant la qualité de vie sont indispensables, mais il est d’ores et déjà possible de proposer ces deux types de traitements, notamment aux patientes qui refusent la chimiothérapie. Traitement symptomatique © Joubert-Phanie Une étude concernant la prise en charge des bouffées de chaleur chez les patientes atteintes de cancer du sein a connu les honneurs de la session plénière : c’est dire l’importance accordée à la qualité de vie lors de cette réunion. Les bouffées de chaleur sont un symptôme fréquent (40 %) qui altère la qualité de vie des patientes au cours du traitement du cancer du sein, parfois à long terme (3 ans). Dans une étude randomisée, la venlafaxine à la dose de 75 mg/jour, molécule habituellement utilisée dans le traitement de la dépression, réduit de 61 % la survenue de ce symptôme handicapant. L’usage de ce type de molécules paraît être une alternative aux traitements hormonaux souvent contre-indiqués chez ces patientes. Pour conclure, cette année, lors du congrès de l’ASCO, pas ou peu d’études présentées sur les intensifications de doses, pas de “scoop” venant modifier radicalement la pratique clinique. Tout juste un infléchissement “idéologique” vers une plus grande attention accordée à la qualité de vie des patients et à une prise en charge symptomatique. Fait nouveau, certaines associations de patients étaient présentes à la table des orateurs, signe que la voix des patients est sinon écoutée, du moins entendue ! Propos recueillis par en collaboration avec le comité de rédaction de La Lettre du Cancérologue Sarah Haïlé-Fida 15 Cancer Thérapie génique Un traitement prometteur La thérapie génique a généré de formidables espoirs dans le traitement de certains cancers. Aujourd’hui, à cause d’“incidents” signalés aux États-Unis, la prudence est de règle. Et aucune thérapie n’est exploitable à ce jour. Le seul succès est celui d’une équipe française sur le DICS-X qui concerne les enfants atteints d’une grave déficience immunitaire à la naissance. L a thérapie génique est une approche thérapeutique visant à modifier le capital génétique de cellules humaines dans le but, soit de corriger une anomalie génétique préexistante, soit de modifier le comportement des cellules par l’introduction d’un gène étranger. La faisabilité de ce transfert de gènes dans des cellules a été très largement démontrée sur des modèles animaux depuis cinq ans. Si les résultats expérimentaux sont encourageants, le principal enjeu des années à venir consiste à savoir si les études de thérapie génique chez l’homme, encore aux stades initiaux, peuvent trouver leur application. Deux applications potentielles sont actuellement en cours d’évaluation clinique : – les maladies génétiques congénitales (mucoviscidose, myopathies, désordres immunitaires par exemple), au cours desquelles la thérapeutique a pour objet de corriger un déficit génétique congénital. Dans cette optique a été récemment créé un centre de thérapie génique à l’hôpital Necker-Enfants malades ; – les affections malignes, et notamment les cancers, au cours desquelles la thérapeutique a pour but de modifier soit les cellules tumorales ellesmêmes, soit les cellules du système immunitaire. La thérapie génique, dans le domaine du cancer, se heurte encore à plusieurs problèmes : – celui d’identifier les meilleurs gènes candidats à une manipulation génétique ; – celui de trouver les meilleurs “vecteurs” pour introduire ces gènes dans les cellules visées par le traitement ; – enfin des questions éthiques se posent, au moins en théorie. Gènes thérapeutiques et cancer Le développement d’un cancer chez l’homme se fait en plusieurs étapes dont les deux principales sont la prolifération anarchique d’une population cellulaire et la non-reconnaissance par le système immunitaire de cette prolifération anarchique. Il 16 paraît donc logique d’essayer d’agir sur ces deux composantes. En fait, et de manière schématique, trois types de manipulations géniques sont possibles : en premier lieu, le renforcement du système immunitaire, ensuite l’introduction d’un “gène suicide”, enfin la restauration d’un comportement normal des cellules cancéreuses : • Le renforcement du système immunitaire est actuellement l’approche la plus utilisée. Ainsi, à la fin de l’année 1996, sur les 169 protocoles de thérapie génique du cancer approuvés aux États-Unis, la moitié utilise cette approche. Cela peut consister à modifier les cellules tumorales pour les rendre plus faciles à reconnaître par le système immunitaire. De nombreux gènes sont utilisés dans ce but, notamment ceux de l’interleukine 2, du GM-CSF ou d’autres cytokines, substances qui interviennent dans les phénomènes de reconnaissance puis de destruction des cellules tumorales par le système immunitaire. Ce peut être aussi le fait de modifier les cellules du système immunitaire (lymphocytes, fibroblastes, cellules dendritiques), cellules qui interviennent à l’une des étapes de la reconnaissance immunitaire. • L’introduction d’un gène suicide est une approche séduisante qui consiste à introduire dans les cellules tumorales un gène qui les rend sensibles à un traitement peu ou pas actif sur les cellules normales. Ainsi l’introduction du gène TK (thymidine kinase) du virus herpès dans des cellules humaines rend celles-ci capables d’utiliser une molécule antivirale, le ganciclovir, pour s’autodétruire (d’où le terme de gène suicide). D’autres gènes permettent de transformer un antibiotique en une chimiothérapie active au niveau de la cellule tumorale. • La restauration d’un comportement normal des cellules est la dernière approche qui consiste à modifier le comportement anormal de la cellule tumorale. Le meilleur exemple de cette approche est l’utilisation de gènes “suppresseurs de tumeurs”. C’est le cas du gène p53, gène capable, dans ●●● Cancer ●●● les cellules normales, de contrôler la prolifération et d’induire, en temps voulu, la mort programmée de la cellule (encore appelée apoptose). Dans un nombre important de tumeurs, ce gène est anormal, et les cellules tumorales ne sont plus capables de contrôler leur prolifération anarchique. La réintroduction du gène peut donc permettre un arrêt de ce phénomène et la mort des cellules tumorales. Des premiers résultats encourageants chez l’homme ont récemment été rapportés par le Dr Roth (M.D. Anderson, Houston) dans le cancer du poumon. A l’inverse, il est possible d’introduire dans les cellules un gène qui va contrecarrer les effets néfastes d’un gène anormal : c’est l’utilisation de gènes “antisens”. Ces gènes vont donc venir annuler les effets délétères du gène anormal. Comme on le voit, les approches théoriques sont nombreuses. Cependant, la théorie se heurte à un problème pratique : comment amener le gène exclusivement aux cellules visées (ou cellules cibles) ? Quels vecteurs utiliser ? Le problème de la thérapie génique consiste à délivrer aux cellules cibles le gène thérapeutique envisagé. En pratique, cela nécessite l’utilisation de vecteurs, capables de transporter le gène dans la cellule et de lui permettre de s’intégrer dans le capital génétique de la cellule. Actuellement, deux types d’approches sont développées : les vecteurs viraux et les vecteurs chimiques non viraux. Les vecteurs viraux comprennent deux types de virus qui peuvent être utilisés : des virus à ARN et des virus à ADN. • Les rétrovirus ont été les premiers utilisés. D’utilisation simple, ces virus sont composés d’un brin d’ARN entouré de deux “boîtiers de commande” permettant d’en contrôler la prolifération. Ils ne peuvent s’incorporer que dans des cellules se multipliant rapidement, ce qui est le cas des cellules tumorales. Par contre, ces virus nécessitent une “copie ADN” pour pouvoir s’insérer dans le génome de la cellule, ce qui rend cette insertion plus aléatoire. Utilisés les premiers en thérapie génique, ils sont actuellement en partie abandonnés au profit des virus à ADN. •Les adénovirus sont actuellement les vecteurs de choix pour la thérapie génique en cancérologie. En effet, ces virus à ADN infectent facilement un grand nombre de cellules humaines. Des adénovirus défectifs, ayant perdu une partie de leur génome, et notamment leur capacité à se multiplier et à être pathogènes, peuvent être fabriqués. En remplaçant les régions du génome ainsi délétées par le gène que l’on souhaite transférer, on obtient des adénovirus recombinants très efficaces. Par 18 contre, les adénovirus étant des hôtes fréquents chez l’homme, notamment au cours des infections respiratoires, le risque théorique d’une rencontre entre un adénovirus “sauvage” et un adénovirus recombinant, c’est-à-dire porteur d’un gène thérapeutique, existe. Bien que cette hypothèse n’ait jamais été prouvée, leur utilisation nécessite des précautions très importantes pour isoler le malade traité et son environnement (personnel médical, famille...). Ces contraintes limitent encore leur utilisation à des centres équipés d’unités spécialisées, capables d’assurer un isolement sans faille. Il est néanmoins probable que, l’expérience et les résultats des premiers essais cliniques aidant, ces conditions d’isolement très sévères pourront être allégées. D’autres virus sont actuellement en cours d’évaluation, mais leur capacité de transfert de gène est inférieure à celle des adénovirus. En ce qui concerne les vecteurs non viraux, beaucoup d’équipes essaient de les utiliser pour s’affranchir des risques liés à l’utilisation des vecteurs viraux. Ces vecteurs chimiques non viraux sont des lipides, des protéines, etc. Cependant, le pourcentage de cellules “infectées” par ces vecteurs reste très faible, et leur développement en thérapeutique passe par une amélioration de ce transfert de gène. Florence Sebaoun D’après une communication du Dr Bernard Escudier, chef de l’unité d’immunothérapie de l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif, 94). Problèmes éthiques et risques théoriques Sur le plan éthique, le développement du génie génétique nécessite un contrôle rigoureux par les comités d’éthique afin d’éviter des déviations dangereuses. Les risques théoriques de la thérapie génique sont actuellement très limités par l’utilisation de précautions draconiennes, d’une part au niveau de l’acceptation des nouvelles études de thérapie génique (ce qui constitue actuellement un véritable parcours du combattant), d’autre part au niveau du risque de contamination de l’environnement (pour les adénovirus). Un autre risque est immunologique. En effet, l’introduction de gènes étrangers dans l’organisme, notamment à l’aide de virus, peut entraîner une réaction de rejet de l’organisme. Ce risque est particulièrement vrai dans le cadre des maladies génétiques où il est nécessaire que le gène transféré puisse s’exprimer de manière durable. En matière de thérapie anticancéreuse, au contraire, ce risque peut se transformer en bénéfice. Si la tumeur a pu être éradiquée avant le développement du rejet, le risque le plus important est celui de l’inefficacité thérapeutique liée à un transfert insuffisant du matériel génétique transféré aux cellules cibles. En effet, les résultats précliniques très encourageants sont encore difficiles à reproduire chez l’homme, compte tenu de la difficulté à “infecter” un nombre suffisant de cellules. De ce fait, un risque serait de tirer des conséquences trop hâtives de résultats cliniques négatifs, uniquement dus à un transfert insuffisant de matériel génétique. Lutte contre le cancer Un programme national Le gouvernement a mis en place un programme contre le cancer qui se déroule sur cinq ans et s’articule autour de cinq axes principaux. Ce programme intéresse l’ensemble du corps médical et ne saurait relever des seuls centres de lutte contre le cancer. L a première arme est la prévention. Mais tous les cancers ne peuvent pas être prévenus. Par contre, certains parmi les plus fréquents peuvent l’être. Ainsi, les cancers dus au tabac qui sont au nombre de 35 000 par an ou encore ceux dus à l’alcool responsable de 8 % de la mortalité annuelle. Le dépistage s’inscrit aussi dans l’axe d’actions programmées. Le cancer du col de l’utérus se dépiste par la pratique systématique du frottis et le cancer du sein par la mammographie. Ce dépistage devrait se généraliser vers 2001 et le dépistage du cancer du côlon devrait aussi être envisagé d’ici peu. Pourquoi, dans certains cas, ne pas envisager l’étude des prédispositions génétiques ? Il en est question. La qualité de la prise en charge passe, elle, par la pluridisciplinarité, donc par l’association de spécialités complémentaires et convergeant vers le patient. L’amélioration des conditions de vie par une prise en charge sociale et psychologique adaptée aux personnes malades, de même que la garantie des droits de ces personnes, font partie de ce programme. Le dernier axe porte, bien sûr, sur les efforts consentis dans la recherche, notamment celle sur la génétique du cancer, et sur les validations cliniques de recherche fondamentale biologique. Comment l’action se définit-elle ? Le schéma régional d’organisation sanitaire (SROS) de cancérologie a pour but d’améliorer l’organisation de l’offre de soins hospitalière (coordination des acteurs, élaboration de réseaux, offre graduée). Les programmes régionaux de santé (PRS) sont élaborés, sous l’autorité du préfet de région, sur les priorités définies par les conférences régionales de santé (ordonnances du 24 avril 1996). Le PRS appréhende la lutte contre le cancer de façon globale, de la prévention aux soins palliatifs en passant par le dépistage et les soins. D’après le programme présenté en février de cette année par Dominique Gillot, secrétaire d’État à la Santé et à l’Action sociale, 25 des 26 régions ont retenu la cancérologie comme l’une des priorités de leur SROS de deuxième génération (1999-2004). L’évaluation des thérapeutiques, des réseaux, de l’accueil et de la prise en charge des patients est un impératif reconnu par tous. Dix-sept régions sur 24 ont retenu l’objectif de développer un exercice pluridisciplinaire de la cancérologie. Sept n’ont pas précisé le ou les modes de prise en charge des patients. Des structures de soins graduées ont été établies dans 22 régions, 14 fois selon le schéma préconisé par la circulaire de mai 1998. Cinq régions ont élaboré un volet thématique spécifique sur les alternatives à l’hospitalisation complète. Tous les SROS de cancérologie ont abordé la lutte contre la douleur et le développement des soins palliatifs. Neuf régions ont été plus loin en développant des volets spécifiques sur ces deux thèmes. Toutes les régions ont mis en place des dispositifs de coopération ou une collaboration entre les structures prenant en charge les patients cancéreux [rédaction de protocoles communs, utilisation de la télémédecine, mise en commun de compétences techniques et d’équipements, élaboration d’un dossier médical minimum accessible à tous les professionnels de santé (dans le respect de la confidentialité)]. Toutes les régions se sont engagées dans le développement d’une organisation en réseau, le cadre territorial d’un réseau pouvant être la région (dans plus de la moitié des cas) et/ou le département, le secteur sanitaire, voire infrasectoriel (bassin de santé, bassin hospitalier ou local). L’ensemble des régions s’est positionné pour la mise en place d’un dossier médical commun minimum et pour la généralisation de protocoles de soins formalisés, validés par les spécialistes et régulièrement évalués et actualisés. Tous les SROS de cancérologie proposent d’améliorer la formation des professionnels : formation initiale et continue des médecins et infirmiers à la prise en charge de la douleur, aux soins palliatifs et à l’accompagnement psychologique des patients cancéreux. Andrée-Lucie Pissondes D’après les textes du Programme national de lutte contre le cancer. 19