LA RECHERCHE DE MÉDICAMENTS Pourra-t-on un jour remplacer les gènes défectueux ? 57 le chiffre 35 RECHERCHE enfants dans le monde vivent aujourd’hui grâce à un gène thérapeutique introduit par un vecteur viral dans les cellules souches de la moelle osseuse. La thérapie génique est entrée dans le vocabulaire commun avant qu’elle n’ait fait la preuve de son efficacité autrement que dans des cas isolés ou d’une manière transitoire. La progression des connaissances laisse entrevoir de nombreuses possibilités thérapeutiques, mais aussi des risques, car la régulation de l’expression des gènes apparaît d’une plus grande complexité que ce qu’on avait imaginé. État des lieux Pistes d’avenir La thérapie génique intervient pour corriger les défauts d’un gène. Elle consiste à injecter un gène sain dans la cellule pour remplacer le gène défectueux afin de produire des protéines thérapeutiques spécifiques pour combattre ou corriger la maladie. Les thérapies géniques réalisées par l’équipe d’Alain Fischer pour traiter les enfants bulles ont fait naître de grands espoirs, malheureusement tempérés par l’apparition d’une forme de lymphome chez certains enfants traités. Un vecteur est nécessaire pour conduire le gène sain à la cellule visée et atteindre le gène défectueux. On a presque toujours recours à des systèmes artificiels capables de franchir la barrrière membranaire, en transportant avec eux le gène compensateur du défaut génétique. Les meilleurs systèmes vecteurs se révèlent être les virus, qui ont développé au cours de l’évolution un très grand nombre de stratégies leur permettant de pénétrer dans la cellule, mais aussi d’intégrer leur génome. La modification des protocoles et des vecteurs viraux utilisés a toutefois permis de pratiquer cette thérapie génique avec succès en France et en Grande-Bretagne. Récemment, d’autres succès de thérapies géniques dans le traitement de l’adrénoleucodystrophie 1 et de la thalassémie ont ouvert de nouvelles perspectives. Les entreprises du médicament croient au potentiel de la thérapie génique et même de la chirurgie génique Elles suivent attentivement les recherches de nouvelles stratégies thérapeutiques : des essais2 sont en cours pour « court-circuiter » les altérations consécutives aux mutations apparaissant au niveau des ARN-messagers (codon-stop) ou des pré ARN-messagers (saut d’exon). Elles s’intéressent à une autre voie d’avenir qui consiste à intervenir directement au cœur de l’ADN, soit une véritable chirurgie du gène. Elles suivent les travaux sur les méganucléases, des « ciseaux moléculaires à ADN » qu’on peut utiliser pour remplacer, supprimer ou modifier des séquences de façon extrêmement ciblée. Des essais sont en cours pour traiter de cette manière, le xeroderma pimentosum (maladie de peau) et l’anomalie de RAG-13. Mi-décembre 2011, quasi-guérison par thérapie génique de 4 patients atteints d’une forme sévère d’hémophilie B. Sur 6 patients, 4 ont vu leur maladie passer d’un stade sévère à un stade banalisé, ce qui leur permet de mener une vie presque normale. (1 et 2) François Gros. « Les mondes nouveaux de la biologie », éditions Odile Jacob, janvier 2012. Ibid.cité. (3) Maladie qui cause des déficiences immunitaires aiguës. 100 QUESTIONS QUE L’ON NOUS POSE - JUIN 2012