2016-2017 Les formes ophtalmiques Les formes ophtalmiques – UE 11 : Pharmacie galénique et biopharmacie – Semaine : n° 18 (du 06/02/17 au 10/02/17) Date : 07/02/2017 Heure : de 16h45 à 18h Binôme : n°22 Professeur : Pr. Pascal ODOU Correcteur : 51 Remarques du professeur PLAN DU COURS I) Généralités A) Histoire B) Les produits administrés par voie ophtalmique C) Anatomie de l’œil II) Catégories III) La cinétique post administration des collyres IV) Facteurs influençant l'absorption A) Tenant au PA B) Tenant au véhicule V) Les collyres A) Les grandes règles pour les collyres B) Les propriétés des collyres C) Mode de fabrication D) Les conditionnements des collyres E) Les contrôles F) Étiquetage G) Les conseils pour l'administration H) Le degré de pénétration des PA VI) Les injections intra-oculaires A) Principe B) Les principales utilisations 1/8 2016-2017 I) Les formes ophtalmiques Généralités L'oeil est sans défense réelle. A) Histoire L'un des premiers traitements ophtalmiques fut l'application d'un extrait liquide de foie. L'efficacité de cet extrait s'explique par la présence dans sa composition de vitamine A : effets cicatrisants – ensuite au cours de l'histoire de nombreux extraits de plantes ont été appliqués. On trouvait des présentations sous formes de petits bâtonnets ou d'eaux distillées – puis au XIXème siècle, ont été introduits des alcaloïdes (atropine, pilocarpine) – au début du XXème siècle, les formes ophtalmiques ont subi la stérilisation et des conservateurs (qui peuvent entraîner des effets indésirables) ont été ajoutés = développement de formes industrielles – En 1950, les antibiotiques et corticoïdes sont administrés par voies ophtalmiques pour améliorer le pronostic des infections oculaires – Aujourd'hui les préparations ophtalmiques sont stériles B) Les produits administrés par voie ophtalmique - Antiseptiques locaux, anti-glaucomateur, antibactériens locaux, anti-inflammatoires locaux : représentent 50% - Produits oculaires : produits de contactologie, suppléance lacrymale, solutions pour lavage oculaire externe, chirurgie du globe oculaire, cicatrisants, antiallergiques locaux, mydriatiques (ex : atropine), cataracte, autres (anesthésiques locaux, antiviraux) → On injecte 0,1 mL dans le globe pour traiter les infections de l'oeil en général C) Anatomie de l’œil Présence de 3 membranes : la sclérotique, l'uvée et la rétine Si on traite par un collyre : on traite l'ensemble du globe oculaire (on applique le collyre sur la partie extérieure) Si on fait une injection : on doit percer la sclérotique (traitement + efficace) II) Catégories Les préparations ophtalmiques sont définies dans toutes les pharmacopées (Européenne, britannique, japonaise et américaine) de la même manière. Plusieurs catégories de préparations ophtalmiques sont ainsi décrites : – les collyres (forme galénique majoritaire) – les solutions pour lavage ophtalmique (s'utilise généralement avec une lumière ou une compresse humectée) – les poudres pour collyres et les poudres pour solutions pour lavage ophtalmique : la poudre n'est pas stable en solution et on met ces produits au niveau de cette technique en lyophilisant – les préparations ophtalmiques semi-solides : les pâteux, action très longue sur l'oeil – les inserts ophtalmiques : il engendre une gêne et rend la technique peu utile On distingue plusieurs formes, toutes les pharmacopées (européennes, américaines, britanniques et japonaises) sont d'accord pour la description des formes. Définition des préparations ophtalmiques : Ce sont des préparations liquides, semi-solides ou solides, stériles, destinées à être appliquées sur le globe oculaire et/ou sur les conjonctivites ou à être introduites dans le sac conjonctival. 2/8 2016-2017 Les formes ophtalmiques Attention : cette définition exclue les préparations destinées à la voie intra-vitréale (=intracamérulaire). Ces formes sont considérées comme des formes parentérales. Dans la définition de la forme ophtalmique, il n'y a pas l'injection dans l'oeil, qui est une forme parentérale III) La cinétique post-administration des collyres Un collyre se comporte comme un corps étranger. Il va donc provoquer lors de son administration : – une fermeture des paupières – un larmoiement – une réaction douloureuse – une rougeur de la conjonctive L'objectif de la formulation est de minimiser ces réactions. Les larmes vont entraîner une dilution des principes actifs. Le mouvement palpébral va alors éliminer le principe actif par le canal lacrymal puis les fosses nasales. La cinétique d'élimination est la suivante : • Après 2 minutes : 60% du principe actif est éliminé par divers mécanismes ( d'où une concentration très forte dans les collyres) – clignement des paupières – hypersécrétion lacrymale, – drainage par fosses nasales, – fixation du PA aux protéines lacrymales – dégradation du PA par les enzymes lacrymales • Après 8 minutes : le principe actif est dilué au 1000ème • Après 15 – 25 minutes : tout le principe actif est éliminé → Ceci explique le fait qu'on mette des concentrations importantes dans les formes ophtalmiques. Cette voie d'élimination par les canaux lacrymaux explique qu'il existe une possibilité de passage par voie systémique ce qui engendre des effets indésirables Exemple : le traitement du glaucome à angle fermé, traité par les β-bloquants (en très forte concentration). Les β-bloquants peuvent passer dans la circulation systémique, agissent sur les récepteurs cardiaques et engendrent une bradycardie (= ralentissement du rythme cardiaque) Pour retarder l'élimination, il existe deux techniques : les formes semi-solides et les implants ( cependant, il y a un problème de taille pour ce dernier ) IV) A) – Facteurs influençant l'absorption Tenant au PA Structure moléculaire Si la taille de la molécule est trop grosse, il n'y aura pas de pénétration (ex : macromolécules) La DMLA (= dégénérescence maculaire liée à l'âge): le collyre pour traiter cette maladie est impossible car la molécule est trop grosse donc on doit injecter le produit. – Etat de dissolution du principe actif Les solutions sont utilisées pour une action immédiate. Les suspensions sont utilisées pour une action retardée, prolongée : il faut que la dissolution du solide soit 3/8 2016-2017 Les formes ophtalmiques réalisée au préalable. La particule doit avoir un diamètre très petit sinon le globe oculaire se raye – Caractères ioniques du PA Seule la fraction liposoluble, non ionisée est absorbable. Toutefois, il est indispensable que la molécule possède une certaine hydrophilie pour la résorption. Peu de produits peuvent être absorbés. Exemple : alcaloïdes bases absorbés D'où l'importance du coefficient de partage entre les constituants aqueux et lipidiques de la cornée. Le coefficient de partage Kow (eau/octanol) permet de voir si la molécule est lipophile ou hydrophile. Aucun produit ionique n'est absorbable B) – Tenant au véhicule Viscosité L'ajout d'agent viscosifiant permet une action prolongée car le collyre est plus difficilement diluable dans les larmes et plus difficilement éliminable par les larmes, donc cela augmente le temps d'action et de contact avec la cornée d'ou absorption plus importante. Pour les formes ophtalmiques à libération prolongée : PVP, dérivés de la cellulose Attention : plus c'est visqueux et plus cela entraîne une sécrétion de larmes d'où l'utilité de trouver un équilibre entre les deux pour que ce soit agréable Les poloxamères sont des liquides mais en contact avec les larmes, ils gélifient instantanément : gélification extemporanée. – Tension superficielle La tension superficielle sera diminuée par ajout de tensioactifs. Cette baisse de la tension superficielle facilite le mouillage de la surface de l’œil, ce qui augmente la surface de contact principe actif/œil d'où une augmentation de l'absorption du principe actif (=promoteurs d’absorption) Attention: certains promoteurs comme les dérivés d’ammonium NH4+ peuvent détériorer la cornée au long cours (de moins en moins utilisés) – Osmolarité L'hypotonicité améliore la perméabilité cornéenne, mais elle est mal tolérée (douleurs). C'est pour cette raison qu'en général on recherche l'isotonie aux larmes, plus confortable pour le patient Exemple : NaCl à 0,9% et glucose à 5% (mais colle les paupières et favorise l'accumulation bactérienne) – Le pH En général, le pH doit être physiologique soit environ 7,4. A ce pH, la tolérance est meilleure. Ce pH va jouer sur le degré d'ionisation des principes actifs et donc entraîner des modifications d’absorption. Le pH de collyre doit être ajusté pour ne pas avoir de ionisation de la molécule. Il est possible d'utiliser des solutions tamponnées à pH neutre pour être sûr qu'il n'y ait pas de ionisation du produit au cours de la conservation. – Concentration en PA Le principe actif est toujours concentré dans le véhicule afin d'éviter la problématique liée à la dilution par les larmes (il faut trouver un certain équilibre). 4/8 2016-2017 – Les formes ophtalmiques La taille des gouttes Pour une même dose de principe actif, il vaut mieux des petites gouttes concentrées que des grosses diluées. Les petites gouttes seront mieux tolérées et ainsi l’observance sera meilleure. La taille des gouttes est comprise entre 30 à 50 µL de collyre par goutte. Si la goutte est plus grosse, elle coule vers l'extérieur. – L'hydro-miscibilité Les collyres huileux se mélangent moins bien aux larmes, ils ont donc une action plus longue. Et par rapport aux pâteux, la paupière ne colle pas. Attention, il entraîne une vision trouble pendant 2 à 3h. Il y a donc un problème de confort car il faut les utiliser le soir ou la nuit. V) Les collyres A) Les grandes règles pour les collyres • si il existe des problèmes de stabilité : il y aura une utilisation des principes actifs sous formes sèches et stériles à dissoudre ou mettre en suspension dans un liquide stérile approprié immédiatement avant l'emploi • si les récipients sont multi-doses : un conservateur antimicrobien à concentration convenable sera ajouté, sauf si la préparation présente intrinsèquement des propriétés anti-microbiennes adéquates • si les collyres prescrits sont sans conservateur antimicrobien : ils doivent être conditionnés en récipients unidoses ou récipients multi-doses empêchant ainsi la contamination microbienne du contenu après ouverture • si les collyres sont utilisés au cours d'opérations chirurgicales: pas de conservateur antimicrobien et les collyres seront conditionnés en unidose (= emploi unique) B) – Les propriétés des collyres les solutions Elles doivent être stériles, limpides (comme toutes les solutions), indolores (c'est une question de pH), neutres, de même pression osmotique que les larmes – les suspensions Ils doivent être stériles, non limpides, indolores (c'est une question de pH), neutre, de même pression osmotique que les larmes. Pour les suspensions, la Pharmacopée Européenne ajoute un contrôle de la taille des particules pour éviter le problème de rainure de l'oeil. C) Mode de fabrication Les séquences pour un processus de fabrication d'un collyre à l’hôpital et dans l'industrie sont les mêmes mais le matériel est différent et adapté à la quantité fabriquée Le processus est le suivant : 1- DISSOLUTION On réalise le mélange des excipients et du ou des PA : – Industrie : dans des cuves thermostatées 5/8 2016-2017 – Les formes ophtalmiques Hôpital : dans un flacon 2- FILTRATION Elle sera clarifiante et éventuellement stérilisante 3- REMPLISSAGE – Industrie : système par injection – Hôpital : système de filtration par seringue 4- BOUCHONNAGE 5- SERTISSAGE 6- STÉRILISATION FINALE Quand le produit est thermostable, on utilise la stérilisation par la chaleur humide à 121°C. Sinon on réalise un conditionnement aseptique D) – Les conditionnements des collyres Flacons souples avec un embout capillaire en polyéthylène non déformable Très employés, la taille de la goutte sera fonction de la taille du trou effectué dans l'embout – Récipients unidoses (0 ,3 à 0,5 mL) en polyéthylène en plaquettes soudées à chaud Sans agent microbien, plus cher mais plus sûr Il faut tourner pour casser le polymère, le trou a toujours le même diamètre, c'est pré-fabriqué, c'est le fait de tourner qui casse la paroi. – Système multiple ( multi-dose) sans conservateur pour le patient L’intérêt de ces systèmes est très important pour la tolérance dans le cadre des traitements chroniques (glaucome, œil sec) ou des allergies. On a un système dans le bouchon, une membrane qui est filtrante, qui va laisser passer l'air et qui va chasser le produit mais il peut pas y avoir de bactérie qui rentre Les systèmes : système ABAK ou système COMOD - ABAK : flacon multi-dose sans conservateur pour le patient, pas de pénétration de micro-organismes pendant 8 semaines - COMOD : flacon multi-dose muni d'une pompe sans air permettant la délivrance d'un collyre sans conservateur. Stérilité garantie pendant 12 semaines malgré l'absence de conservateur dans la forme galénique. E) Les contrôles – La stérilité : ce test est à réaliser pour toutes les préparations ophtalmiques. – La taille des particules Sur 10µg de phase solide examiné au microscope • 20 particules au plus ont une dimension > 25µm • et 2 d'entre elles au plus ont une dimension > 50 µm 6/8 2016-2017 • Les formes ophtalmiques et aucune > à 90 µm Autres contrôles : – limpidité (solution) – neutralité, mesure du pH et du pouvoir tamponné – isotonie (abaissement cryoscopique) – viscosité – tension superficielle – volume de remplissage – dosage des PA – identification des constituants – essai de tolérance chez les lapins car leur œil est très sensible. On n'a pas le choix que de tester sur les animaux mais ils sont dans des conditions « favorables »: fond sonore pour limiter le stress etc. On utilise « seulement » leur œil et leur peau, après on évite d'utiliser les animaux. F) Étiquetage Pour les récipients multi-doses, il faut retrouver sur l'étiquette une durée limite d'utilisation, après ouverture du récipient inférieur à 4 semaines (un collyre entamé ne doit jamais être réutilisé) G) Les conseils pour l'administration Procédure d’administration – après s'être soigneusement lavé les mains – tête inclinée en arrière, prendre la paupière inférieure entre le pouce et l'index, la tirer vers l'avant afin de former une poche – instillation des gouttes dans le cul-de-sac de la conjonctive, sans toucher l’œil, la paupière ou les cils – fermer l’œil et bouger le globe oculaire afin de permettre une bonne répartition du collyre – comprimer les points lacrymaux pour diminuer le drainage par les larmes pendant une minute – refermer le flacon sans toucher l'embout (en général, 8 personnes sur 10 ratent l'oeil : « normalement », rien ne doit couler de l'oeil) → Attention : Si on porte des lentilles, on ne doit jamais les remettre dans les 15min qui suivent l’administration d'un collyre H) Le degré de pénétration des PA +++ La mise au point d'un collyre est toujours délicate Activité de surface : Ce sont des topiques oculaires pour traiter des infections superficielles comme les conjonctivites Produits dont l’absorption est recherchée dans l’œil – Anesthésiques locaux Ces produits sont utilisés pour les petits interventions ou affections douloureuses, mais il faut éviter leur emplois 7/8 2016-2017 Les formes ophtalmiques répétés car ils ralentissent la cicatrisation et peuvent entraîner des lésions graves Exemple : procaïne (attention effet systémique : les arythmies) Myotiques – Ces produits sont utilisés dans le traitement du glaucome pour faire baisser la pression intra-oculaire. Quand le traitement est débuté, il l'est à vie. On utilise souvent pour ces produits, des formes à libération prolongée Exemple : pilocarpine – Mydriatiques Ces produits sont utilisés pour la dilatation de la pupille lors de fond d’œil de mise au repos de l'iris Exemple : atropine – Antibactériens et antibiotiques (essentiellement fluoroquinolones, sulfamines...) – Anti-inflammatoires et corticoïdes VI) A) Les injections intra-oculaires Principe • la voie sous-conjonctivale (après collyre anesthésique) : injection dans l'humeur aqueuse, cornée, iris • la voie intra-oculaire ou intracamérulaire +++ : cette voie permet un apport rapide d'une dose de charge très importante d'antibiotiques dans l'oeil, au niveau intra-oculaire Exemples : Antibiotiques, anti-fongique, anti-inflammatoires, anesthésiques locaux, enzymes comme la hyaluronidase qui permet d'évacuer les déchets. B) Les principales utilisations – Antibiotiques (ex : cefuroxime) – Anti-fongiques – Anti-inflammatoires – Anesthésiques locaux – Enzymes (hyaluronidase : traitement de la cataracte) – Cytotoxiques et traitement du glaucome (ex : mitomycine) – Anti-VEGF (ex : Bevacizumab) 8/8