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Nombre d'or et suite de Fibonacci
Frédéric Élie, juillet 2011
La reproduction des articles, images ou graphiques de ce site, pour usage collectif, y compris dans le cadre des études scolaires et
supérieures, est INTERDITE. Seuls sont autorisés les extraits, pour exemple ou illustration, à la seule condition de mentionner
clairement l’auteur et la référence de l’article.
« Filles des nombres d'or,
Fortes des lois du ciel,
Sur nous tombe et s'endort
Un dieu couleur de miel »
(Paul Valéry, Cantique des Colonnes)
Dans cet article nous nous intéressons au nombre d'or d'un point de vue strictement
mathématique, plus particulièrement algébrique et arithmétique. Nous laissons donc de côté les
aspects qui relèvent du symbolisme, de la mystique, et des tentatives qui consistent à voir dans
la nature l'omniprésence du nombre d'or. Pour ces aspects, il existe une littérature abondante
qu'il serait inutile de reproduire ou de référencer ici.
Nous nous limitons à présenter le nombre d'or par sa définition algébrique (c'est la solution
d'une équation du second degré particulière), nous décrivons sa représentation géométrique, sa
présence dans le pentagone régulier, ce qui nous conduira à une relation trigonométrique
fondamentale entre le nombre d'or, noté φ, et le nombre π.
Nous démontrerons comment le nombre d'or est obtenu à partir de la suite de Fibonacci, et nous
ferons une incursion dans la théorie des fractions continues par laquelle on peut calculer φ de
façon itérative et qui permet de démontrer le caractère irrationnel de ce nombre.
Enfin, il existe un développement en série qui permet de calculer π en fonction de φ, avec une
précision aussi fine que l'on veut selon l'ordre de troncature. Sans en donner une démonstration
complète, nous en présenterons une esquisse.
Avec le nombre d'or, il y a déjà largement de quoi occuper le mathématicien dans pratiquement
tous les domaines des mathématiques.
©Frédéric Élie, juillet 2011 - http://fred.elie.free.fr - page 1/36
1 – DÉFINITION ALGÉBRIQUE DU NOMBRE D'OR φ
L'architecte romain Vitruve a introduit sa « loi » sur l'harmonie et les proportions dans une
œuvre picturale:
« Pour qu'un espace divisé en parties inégales apparaisse agréable et esthétique, il devra
exister entre la plus petite et la plus grande partie la même relation qu'entre cette dernière et
l'ensemble. »
Cette formulation équivaut à celle d'Euclide:
« Une droite est dite coupée en extrême et moyenne raison quand, comme elle est toute
entière relativement au plus grand segment, ainsi est le plus grand relativement au plus petit. »
Traduite sous forme algébrique, la formulation d'Euclide peut être représentée par la figure 1
dans laquelle on a:
AB AC
=
=
BC AB
égal par définition au nombre d'or φ, appellation adoptée en l'honneur du sculpteur Phidias qui
l'adopta en premier.
Figure 1 – Définition du nombre d'or φ
Si l'on pose BC = 1 alors la relation précédente donne:
AC= AB BC=AB1
AB1
AB=
=
AB
ce qui fournit l'équation algébrique du second degré:
φ² – φ – 1 = 0
En fait φ est la racine positive de l'équation algébrique du second degré:
x² – x – 1 = 0
=
1 5
=1,618 ... 1
2
La racine négative est notée φ' et vaut:
 '=
1− 5
= - 0,618...
2
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Entre les deux racines on a les relations:
φφ' = - 1
φ + φ' = 1
autrement dit:
 '=
−1
ou  '=1−

 2
Remarque: Ces relations sont l'application d'une propriété générale des racines des équations
du second degré:
ax² + bx + c = 0
où le discriminant est:
=b²−4ac
racine positive:
racine négative:
−b 
2a
−b− 
X '=
2a
X=
et l'on a:
−b  −b−  b² − c

=
=
2a
2a
4a²
a
−b  b 
b
X X '=
−
=−
2a
2a
a
XX '=
On en déduit la construction géométrique des segments AB et BC de la figure 1 (figure 2):
figure 2 – Construction géométrique du partage d'un segment selon le nombre d'or
Soit I le milieu d'un segment AC. CD est la perpendiculaire en C de longueur égale à la moitié
IC du segment AC:
CD = IC = AC/2
Le cercle de centre D et de rayon CD coupe la droite AD au point E. On a donc:
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DE = DC
On trace le cercle de centre A et de rayon AE: ce cercle coupe le segment AC au point B et l'on
a les rapports suivants:
AB/BC = AC/AB = φ
B sépare donc AC en deux parties AB et BC qui sont dans le rapport du nombre d'or.
PREUVE: - On pose BC = 1. Appliquons le théorème de Pythagore au triangle ACD qui est
rectangle en C:
AD² = AC² + CD²
Compte tenu des relations suivantes:
CD = AC/2
AC = AB + BC = AB + 1
AD = AE + ED avec AE = AB et ED = DC
AD = AB + DC = AB + AC/2 = AB + (1 + AB)/2 = (3/2)AB + 1/2
il vient:

2

1 AB ²
3
1
AB
=1 AB ²
2
2
4
or:
3
1
5
AB =  1AB
2
2 2
soit:
AB =
c'est-à-dire:
1− 5 1− 5  53 −2−2  5
=
=
−4
5−3   5−3  53
AB=
1 5
=
2
CQFD.
2 – RELATION TRIGONOMÉTRIQUE ENTRE φ ET π
Il existe une relation qui permet de calculer le cosinus de π/5 lorsque l'on connaît la valeur du
nombre d'or φ:
cos
 
=
5 2
3
où π/5 = 36°.
Sous son aspect simple, la relation (3) peut être démontrée de différentes façons: à partir de
relations trigonométriques dans le pentagone (méthode la plus simple), jusqu'à l'application de
la théorie des nombres complexes dans la constructibilité géométrique des polygones réguliers
(théorème de Gauss-Wantzel).
Nous développerons en détails la méthode trigonométrique dans le pentagone régulier, et nous
survolerons seulement celle qui est rattachée au théorème de Gauss-Wantzel.
2.1 – Relation trigonométrique entre φ et π dans le pentagone régulier
Considérons le pentagone régulier ADCBEA de la figure 3. Il est inscrit dans le cercle de centre
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O et de rayon R.
figure 3 – Pentagone régulier
Les côtés étant égaux (pentagone régulier), on a:
AD = DC = CB = BE = EA
et les sommets A, D, C, B, E étant sur le cercle, on a:
OA = OD = OC = OB = OE = R
Les triangles de sommet O, AOD, DOC, COB, BOE, EOA sont donc identiques et isocèles: ils
se déduisent l'un de l'autre par une rotation de centre O et d'angle multiple entier de:
γ = 2π/5 = 72°
Examinons n'importe lequel d'entre eux, par exemple BOC. On a dans ce triangle:
γ = (BOC) = 2π/5 donc: 2π/5 + 2β = π, qui donne β = 3π/10 = 54°
Considérons le triangle BAC, de sommet A et de base opposée BC. Nous allons montrer que:
AC
=
AD
(on aurait de même AB/AE = φ). De cette relation on déduira ensuite sans difficulté la relation
(3).
PREUVE: - Dans le triangle rectangle OHB, rectangle en H:
3
10
3
OH =OBsin =Rsin
10
BH =OBcos =Rcos
donc:
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
AH = AOOH =R 1sin
3
10

Théorème de Pythagore pour le triangle AHB, rectangle en H:

AB² =BH²  AH²=2R² 1sin
3
10

donc:

AB= 2 R 1sin
3
10
Or: AH = AB cos(α/2) où α est l'angle au sommet A de BAC, d'où:
 AH
cos =
=
2 AB

R 1sin
3
10


3
 2 R 1sin
10
ce qui donne:
=

1sin
3
10
2
α = π/5 = 36°
donc:

AC= AB= 2 R 1sin
AD =BC=2BH=2Rcos
3
10
3

=2ABsin
10
2
soit:
AC
=
AD
AB
2ABsin

2
=
1
2sin

2
=
1
2sin

10
En posant θ = π/10, dans le triangle BOH, avec β = 3θ et γ/2 = 2θ, on a:
cos3 =sin2  4
La relation (4) implique:
3 2 =

2
et l'on vérifie que l'on a bien: θ = π/10 = 18° comme il se doit.
Cherchons une équation en sinθ, déduite de (4), qui va permettre de relier sinθ à φ:
On applique les formules trigonométriques, bien connues depuis la maternelle ( 1):
cos3 =4cos3 −3cos 
sin2=2sin  cos =2cos  1−cos² 
1 Démontrer ces formules en exercice, en utilisant par exemple les identités d'Euler:
cos=
expj exp− j 
2
sin =
expj −exp− j 
2j
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(4) se réécrit donc:
4cos 3 −3cos =2cos   1−cos² 
En divisant par cosθ (pourvu qu'il ne soit pas multiple impair de π/2):
4cos² −3=2 1−cos² 
que l'on réexprime à l'aide de sinθ:
4(1 – sin²θ) – 3 = 2sinθ
finalement:
4sin² 2sin −1=0
5
Posant x = sinθ, (5) est une équation du second degré en x:
4x² + 2x – 1 = 0
dont la racine positive est:
x=
1 5−1
'
=−
2 2
2
avec φ' = 1 – φ.
Avec, par ailleurs, θ = π/10, on a donc:
sin =sin
 −1
1
=
=
10
2
2
d'après (2). Il s'ensuit:
AC
=
AD
1

2sin
10
AC
=
AD
=
6
CQFD.
La relation (6) montre que le triangle ADC est un triangle d'or: sa base AC et ses côtés AD ou
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CD sont dans le rapport du nombre d'or.
La relation:
sin =
−1
2
peut s'exprimer à l'aide du cosinus. En effet:
cos2 =1−2sin² 
soit:
cos
2
 

−1
=1−2
5
2
donc:
2cos

=1− ²2 
5
or φ est solution de φ² – φ – 1 = 0, d'où en remplaçant dans l'expression ci-dessus:
2cos

=1−−12 =
5
 
cos =
5 2
qui est la relation cherchée (3).
2.2 – Quelques conséquences de la relation (3): apothème et longueur des côtés dans un
pentagone régulier
On appelle apothème le segment OH dans le pentagone régulier (figure 3).
Longueur de l'apothème:
1
R
OH = R = 1 5 7
2
4
PREUVE: - On a: OH = OB sinβ = R sin(3π/10) = R sin3θ
c'est-à-dire:
[  ]
−1
−1
OH = R
3−4
2
2
2
où l'on a utilisé sinθ = (φ – 1)/2 et sin3θ = 3sinθ – 4sin3θ.
En développant:
OH = R
−1
R
[3− ²−2 −1]= −1 22− ²
2
2
Comme φ² = φ + 1, il vient:
OH =
R
R
R
−11=  ²−1= 1−1
2
2
2
OH =
R

2
CQFD.
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Longueur des côtés: b = BC = CD = DA = AE = EB
b=R

2−1 R
=  10−2  5 8

2
PREUVE: - D'après (6), on a: b = BC = AD = AC/φ
AC =AB= 2 R 1sin3
où θ = π/10 vu précédemment.
Comme: sin3θ = 3sinθ – 4sin3θ = sinθ (3 – 4sin²θ) = (φ – 1)/2.(3 – 4((φ – 1)/2)²)
= (1/2)(φ – 1)(φ + 1) = φ/2
où l'on a utilisé φ² = φ + 1, on a:
 
AC² =2R² 1

2
donc:

AC²
2
b²=
=2R²
²
²
1
soit:
b=R

 2 = R 2 −1

CQFD.

Fonctions trigonométriques des angles multiples de π/20 = 9°:
De la relation (3) on tire:
sin

 3−
=sin36 °=
5
2
9
où l'on a utilisé:
sin



= 1−cos²
5
5
et: φ² = φ + 1
En utilisant les formules trigonométriques reliant un angle avec l'angle moitié ou l'angle double
cos2x = 2cos²x – 1 = 1 – 2sin²x
1 + cos x = 2 cos²(x/2)
1 – cos x = 2 sin²(x/2)
et en remplaçant φ² par φ + 1, on démontre sans difficulté les relations suivantes (exercice !!!):
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4

=cos144 °=−
5
2
2   2
sin
=
5
2

1
cos =cos9 ° =  2  2
20
2

1
cos =cos18 ° =  2
10
2
3
1
cos
=cos27 ° =  2 3−
10
2
6
3
1
cos
=cos
=cos54 °=  3−
20
10
2

1
cos =cos9 ° / 2=  2  2  2
40
2

1
cos =cos 9° / 4=
2  2 2 2
80
2
..............
1 
1
cos n
=cos9 ° / 2n =
2  2....... 2  2
2
2 20
 n termes 
cos

 

2.3 – Constructibilité de polygones à n côtés et construction géométrique (à la règle et au
compas) du pentagone régulier
Nous avons établi les relations trigonométriques dans le pentagone régulier en supposant celuici déjà construit.
En fait, à l'inverse, comment et suivant quels critères, peut-on construire, à la règle et au
compas, un pentagone régulier, et plus généralement, un polygone à n côtés?
Bien plus, comment d'abord être certain qu'un polygone est constructible à la règle et au
compas? Est-ce le cas du pentagone régulier?
Construire une figure géométrique plane à partir d'un ensemble E de points du plan, à l'aide
seulement de la règle et du compas, cela signifie que cette figure sera obtenue à partir:
- d'un ensemble D(E) de droites du plan passant par deux points distincts de E;
- d'un ensemble C(E) de cercles du plan de centre un des points de E et de rayon égal à la
distance entre deux points distincts de E.
Les définitions sur le caractère constructible d'une figure géométrique plane en découlent alors
naturellement:
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DÉFINITION: constructibilité en une étape d'un point du plan à partir de l'ensemble E:
Un point P du plan est dit constructible en une étape à partir de l'ensemble E de points du plan
prédéfinis si P est l'une des intersections suivantes:
- de deux droites distinctes de D(E)
- de deux cercles distincts de C(E)
- d'une droite de D(E) et d'un cercle de C(E).
DÉFINITION: constructibilité en n étapes d'un point P n du plan:
Un point Pn du plan est dit constructible en n étapes à partir de l'ensemble E de points du plan
prédéfinis s'il existe une suite P1, P2, ..., Pn de points du plan telle que chaque point P k soit
constructible en une étape à partir des points précédents {P 1,..., Pk-1} et des autres points de E:
E  {P1,...,Pk-1}.
On identifie le plan avec R² (où R est l'ensemble des nombres réels). L'ensemble des points E
est donc un sous-ensemble de R²:
E  R²
Soit Coord(E) l'ensemble des coordonnées des points de E: c'est un ensemble de nombres
réels, donc:
Coord(E)  R
Soit Const(E) l'ensemble des points constructibles, à la règle et au compas, à partir des points
de l'ensemble E. C'est aussi un sous-ensemble du plan:
Const(E)  R²
Soit enfin Op(Coord(E)) l'ensemble des nombres réels que l'on peut obtenir à partir des valeurs
des coordonnées de Coord(E) par un enchaînement fini des 5 opérations:
pour tout a, b de Coord(E): a+b, a-b, ab, a/b, √a
THÉORÈME: - L'ensemble des coordonnées des points constructibles Const(E) est identique à
l'ensemble Op(Coord(E)) des nombres réels obtenus par un nombre fini des opérations
précédemment indiquées:
Coord [Const E ]=Op[Coord  E ] 10
PREUVE: - Il est clair que Op[Coord(E)]  Coord[Const(E)]: les coordonnées des points
constructibles à partir de E contiennent les valeurs obtenues par des opérations sur les
coordonnées par des enchaînements finis des 5 opérations ci-dessus sur les coordonnées des
points de E, Coord(E).
Reste à démontrer que Coord[Const(E)]  Op[Coord(E)].
Il revient au même de montrer que les coordonnées des points constructibles de Const(E) sont
toutes obtenues par des enchaînements finis des 5 opérations ci-dessus sur les coordonnées
des points de E, Coord(E).
Constructible à la règle et au compas signifie que l'on traite des coordonnées de droites et de
cercles dans R²:
- Droite de D(E) passant par deux points distincts (X,Y) et (X', Y') de l'ensemble E: c'est
l'ensemble des points (x, y) de R² tels que:
D(E) = {(x, y)  R² / (x – X)(Y' – Y) – (y – Y)(X' – X) = 0}
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(on reconnaît l'équation d'une droite passant par deux points).
- Cercle de C(E) dont le centre est un point (X 0, Y0)  E et de rayon R égal à la distance
euclidienne entre deux points (X,Y) et (X',Y') de E:
R=  X − X '  ²Y −Y ' ²
C(E) est donc l'ensemble des points (x,y) de R² tels que:
C(E) = {(x,y)  R² /(x – X0)² + (y – Y0)² = R²}
Il s'ensuit que les droites et les cercles constructibles à partir de l'ensemble des points E sont
de la forme:
D(E) = {(x,y)  R² / ax + by + c = 0}
C(E) = {(x,y)  R² / x² + y² +Ax + By + C = 0}
où les paramètres a, b, c, A, B, C sont des nombres réels obtenus à partir des 5 équations à
partir des coordonnées des points de E, Coord(E); par identification, on a en effet:
a = Y' – Y (soustraction dans E)
b = X – X' (soustraction dans E)
c = Y(X' – X) – X(Y' – Y) (soustraction et multiplication dans E)
A = -2X0 (multiplication dans E)
B = -2Y0 (multiplication dans E)
C = X0² + Y0² - (X – X')² – (Y – Y')² (élévation au carré, soustraction, addition dans E)
L'intersection de deux droites d(E) et d'(E) de D(E) conduit à un système de deux équations
linéaires à deux inconnues (x, y):
(x, y)  d(E)  d'(E): ax + by + c = 0
a'x + b'y + c' = 0
dont la solution s'exprime en fonction des paramètres a, b, c, a', b', c' qui sont éléments de
Op[Coord(E)]:
bc ' −b ' c
ab ' −a ' b
ca ' −c ' a
y=
ab ' −a ' b
x=
Les coordonnées (x,y) des points construits à la règle à partir de E sont donc obtenues à partir
d'opérations sur les coordonnées des points de E: multiplication, soustraction, division.
Quant à elle, l'intersection de deux cercles c(E) et c'(E) de C(E) conduit à une équation
quadratique. En effet:
(x,y)  c(E)  c'(E): x² + y² +Ax + By + C = 0
x² + y² + A'x + B'y + C' = 0
en soustrayant les deux expressions terme à terme on exprime linéairement y en fonction de x:
y=
C ' −C A' −A

x
B−B ' B−B '
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que l'on réinjecte dans la première équation, ce qui donne une équation du second degré en x.
Sa résolution fait intervenir les opérations addition, soustraction, multiplication, division et racine
carrée dans Coord(E). Il en est de même pour la solution y.
Même consclusion pour l'intersection d'une droite d(E) de D(E) avec un cercle c(E) de C(E):
d(E)  c(E) = {(x,y)  R² / ax + by + c = 0 et x² + y² + Ax + By + C = 0}
Les coordonnées du point obtenu est solution d'une équation quadratique, exprimées par les 5
opérations sur Coord(E).
Conclusion: on a bien Coord[Const(E)]  Op[Coord(E)].
CQFD.
La relation (3), cos(π/5) = (1/2)(1 + √5)/2, est de la forme p + q√r, où p, q, r sont des nombres
rationnels: p, q, r  Q.
Nous allons montrer que cette forme permet à ce nombre d'être constructible à la règle et au
compas, et que par conséquent cos(π/5), et donc le pentagone régulier, peut se construire à la
règle et au compas.
La démonstration n'est pas immédiate. On aura besoin des résultats suivants.
PROPOSITION: - Soit Const(1) l'ensemble des nombres constructibles à partir de l'unique point
E = {1} en utilisant des enchaînements finis des 4 opérations: (a-b), (a+b), (ab), (a/b), où donc a
et b sont égaux à 1. Alors on a:
Const 1=ℚ
11
autrement dit cet ensemble engendre le corps des nombres rationnels Q.
PREUVE: - Il est évident que Q  Const(1) puisque tout nombre rationnel s'écrit p = n/m où n et
m sont des nombres entiers, obtenus par conséquent par addition, soustraction et multiplication
de 1.
On a aussi Const(1)  Q puisque toute opération entre deux nombres rationnels donne encore
un nombre rationnel: on dit que Q est stable pour ces quatre opérations.
Donc: Const(1) = Q.
CQFD.
On s'intéresse ensuite aux nombres de la forme p + q√r où p, q, r sont des nombres rationnels.
PROPOSITION: - Soit Const[Const(1), √r] l'ensemble des nombres constructibles par les quatre
opérations (addition, soustraction, multiplication, division) à partir de l'ensemble Const(1) = Q et
d'une racine carrée √r où r est un nombre rationnel positif.
Alors les éléments de Const[Const(1), √r] sont de la forme p + q√r où p, q  Q:
Const [Const 1 ,  r ]={ pq  r / p , q∈ℚ} 12
PREUVE: - Tous les nombres p + q√r sont par définition éléments de Const[Const(1), √r].
Réciproquement, toute opération sur des nombres construits à partir de Const(1) = Q (cf. (11))
et √r, par les quatre opérations conduit à des nombres de la forme p + q√r:
pour tout nombre rationnel s et t les opérations suivantes donnent en effet:
s+t, st, s-t, s/t, s√r, t√r, t+s√r, s+t√r, etc.
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qui sont de la forme (12).
CQFD.
Généralisation: considérons une succession d'ensembles de nombres constructibles à partir
d'un ensemble précédent, par les quatre opérations et la racine √r, avec r rationnel positif:
En = Const(En-1, √r)
Alors l'ensemble qui lui succède est défini par:
E n1=Const  E n ,  r ={uv  r /u , v∈ E n } 13
La démonstration est immédiate puisque l'ensemble des u+v√r est stable pour les quatre
opérations et la racine √r.
Les nombres u+v√r sont des nombres réels. La stabilité des E n vis-à-vis des quatre opérations
entraîne qu'ils constituent un sous-corps du corps des nombres réels R.
Si u et v sont éléments d'un sous-corps K de R alors l'ensemble
K[√r] = {u+v√r / u,v  K}
est un sous-corps de R.
Pour s'en convaincre, il suffit de remarquer que u+v√r est stable pour les quatre opérations (en
fait un sous-corps K(+,.) est défini par rapport aux opérations addition et multiplication pour
lesquelles il existe des inverses, donc des opérations de soustraction et de division).
La chaîne de sous-corps Q  K1  K2  ...  Kn  ... de R où
Kn = Kn-1[√rn] avec rn > 0
s'appelle une tour d'extensions quadratiques, K n étant une extension quadratique du corps K n-1.
Remarque: - Les considérations précédentes s'étendent au cas général. Soit q un nombre réel.
L'ensemble des nombres u + vq, avec u, v rationnels (éléments du corps Q) définit un corps
noté Q[q] appelé extension algébrique de Q.
Q[q] est un corps car il est stable pour les opérations (+, .) (addition, multiplication) et leurs
opérations inverses (-, /) (soustraction, division).
Tout polynôme à coefficients rationnels en q:
Pn(q) = a0 + a1q + a2q² + ... + anqn
où ak  Q est donc réductible à un binôme de degré 1
P1(q) = u + vq
où u, v sont rationnels. Cela se démontre sans difficulté de par la stabilité de Q[q]: Pn(q)
appartient à Q[q] on peut donc lui appliquer des divisions successives par des binômes du
premier degré en q, également éléments de Q[q], qui donnent encore un polynôme de Q[q].
De plus, toute fraction rationnelle en q à coefficients rationnels est réductible à un binôme du
premier degré en q.
Si q = √r, tout ensemble de nombres
u + v√r
forme donc un corps Q[√r] appelé extension quadratique de Q, car il est lui aussi stable pour les
quatre opérations.
Or pour r = 5, nous avons q = (1+√5)/2 il y a donc, de par la stabilité, égalité des deux corps:
Q[q] = Q[√5]
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Ainsi, tout binôme de degré 1 dans Q[q]: P1(q) = u + vq peut s'exprimer par un binôme de degré
1 dans Q[√5]: P'1(√5) = u' +v'√5, où u, v, u', v' sont des rationnels, et réciproquement. Les
relations de passage sont immédiates:
- d'une part: v = 2v' et u = u' – v'
- d'autre part v' = v/2 et u' = v/2 + u.
On rappelle que Q est aussi un ensemble de nombres constructibles (relation (11)).
Du résultat (13) on déduit alors le théorème suivant:
THÉORÈME: constructibilité d'un nombre réel à la règle et au compas - Soit K  R un
sous-corps des nombres réels. Un nombre réel z  R est constructible à la règle et au compas
à partir de K, par les 4 opérations, si et seulement si z est contenu dans une tour d'extension
quadratique dans R: Q  K1  K2  ...  Kn  ...
Conclusion: la relation (3) montre que cos(π/5) est constructible à la règle et au compas
puisque, d'après le théorème précédent, son égalité avec φ/2 entraîne qu'il est élément d'une
tour d'extension quadratique, c'est même un élément du sous-corps Q[√5].
Comme l'angle π/5 intervient dans la construction du pentagone régulier, celui-ci est
constructible à la règle et au compas.
Pour en savoir plus sur toutes ces questions, voir par exemple [Eisermann].
Voici une méthode de construction à la règle et au compas du pentagone régulier (figure 4):
étape 1 – tracer le cercle de centre O et de rayon OA.
Sur le rayon OD placer le milieu M
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étape 2 – Tracer le cercle (C') de centre M et de rayon MA.
Il coupe OB en J. Tracer le cercle (C) de centre A et de rayon AJ.
Il coupe le cercle initial en E et F. Les segments AF et AE sont les côtés identiques
du pentagone régulier inscrit dans le cercle de centre O et de rayon OA.
Étape 3 – Le cercle de centre E et de rayon EA coupe le cercle initial en G.
Le cercle de centre F et de rayon FA coupe le cercle initial en H.
Les segments AF, FH, HG, GE et EA sont les côtés égaux d'un pentagone régulier.
Figure 4 – Construction à la règle et au compas du pentagone régulier
2.4 – Constructibilité du pentagone régulier par le théorème de Gauss-Wantzel
Génaralisant le théorème précédent au cas du corps des nombres complexes C, le théorème
de Wantzel (2) énonce:
THÉORÈME DE WANTZEL: - Un nombre complexe z est constructible à la règle et au compas
si et seulement si l'extension Q(z)/Q se décompose en une tour d'extension quadratique.
Q(z) est le corps n-cyclotomique, c'est-à-dire Q auquel on adjoint une racine primitive z n-ième
de l'unité. Il contient toutes les racines n-ième de l'unité, c'est le corps de décomposition sur Q
du polynôme cyclotomique d'indice n. L'extension Q(z)/Q est le plus petit sur-corps de Q qui
contient z.
Un n-ième polynôme cyclotomique usuel Pn(z) est défini par
2 Ce théorème est dû à Pierre-Laurent WANTZEL, en 1837
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P n  z =
∏
0 kn

z−exp
2jk
n

où k et n sont premiers entre eux (kn = 1).
Le théorème de Gauss (ou de Gauss-Wantzel) se déduit (de manière logique et non
chronologique!) du théorème de Wantzel (1796). Il énonce:
THÉORÈME DE GAUSS-WANTZEL: - Un polygone régulier à n côtés est constructible, à la
règle et au compas, si et seulement si n est le produit d'une puissance de 2 et d'un nombre fini
de nombres premiers de Fermat distincts.
Un nombre premier de Fermat est de la forme:
k
p=22 1
où k est un nombre entier. Par exemple, pour k = 0, 1, 2 les premiers nombres premiers de
Fermat sont 3, 5, 17, ...
Après développement Pn(z) donne un polynôme de degré ε(n) où ε est la fonstion indicatrice
d'Euler. C'est un polynôme unitaire, de racines simples.
Le développement des premiers polynômes cyclotomiques fournit:
P1(z) = z-1
P2(z) = z+1
P3(z) = z²+z+1
P4(z) = z²+1
P5(z) = z4+z3+z²+z+1
P6(z) = z²-z+1
P7(z) = z6+z5+z4+z3+z²+z+1
Puisque, dans le théorème de Wantzel, z est la racine n-ième de l'unité, cela entraîne que z est
racine de Pn(z) = 0.
Et puisque, d'après le théorème de Gauss-Wantzel, le nombre n = 5 est un nombre premier de
Fermat, la construction du pentagone régulier est constructible car ses sommets de
coordonnées z sont racines de P5(z) = 0.
La démonstration de ces théorèmes est plutôt compliquée et nous mènerait aux divers énoncés
de la théorie algébrique des nombres et en particulier à l'exploitation du fait que l'extension
Q(z)/Q est de degré ε(n) et qu'elle est de Galois [Washington, 1997].
Nous n'irons pas plus loin dans cette initiation. Consulter par exemple [Carrega], [Lang],
[Samuel].
On peut comprendre l'esprit du théorème de Gauss-Wantzel, sans développer une théorie
algébrique des nombres compliquée, de la manière suivante:
Considérons le polynôme:
P(z) = z5 – 1
(14)
où z est un nombre complexe. L'équation P(z) = 0 possède 5 racines:
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z k =exp2j
k
5
où k = -2, -1, 0, 1, 2.
P(z) s'écrit alors:
P  z = z−1 z−expj
2
2
4
4
 z−exp− j
 z −expj
 z −exp− j
 15
5
5
5
5
Par ailleurs on a aussi:
P(z) = z5 – 1 = (z – 1)(z4 + z3 + z2 + z + 1)
(16)
où l'on reconnaît le polynôme cyclotomique de rang n = 5, P 5(z):
P(z) = (z – 1) P5(z)
(16 bis)
L'égalité de (16) et (15) donne:
 z−expj
2
2
4
4
4
3
2
 z−exp− j
 z −expj
 z−exp− j
=P 5  z =z z  z  z1
5
5
5
5
Après développement et élimination des termes en z de part et d'autre de l'égalité, cette identité
amène à poser:
2
2
 z −exp− j
=z² az1
5
5
(17)
4
4
 z−expj
 z −exp− j
=z² bz1
5
5
 z−expj
par identification, on obtient pour les coefficients a et b:
a+b=1
ab = 1
donc a et b sont solutions des équations:
a² – a – 1 = 0
b² – b – 1 = 0
qui sont les équations algébriques du nombre d'or de solutions:
a ou b = φ = (1+√5)/2 ou φ' = (1-√5)/2
Le développement de (17) donne aussi, compte tenu des relations d'Euler:
(z – expj2π/5)(z – exp-j2π/5) = z² – 2(cos2π/5)z + 1
(z – expj4π/5)(z – exp-j4π/5) = z² – 2(cos4π/5)z + 1
l'identification avec a et b donne:
a = -2cos2π/5 = (1 - √5)/2 = φ' = 1 – φ
ou: a = -2cos4π/5 = (1 + √5)/2 = φ
de même pour b. On a donc:
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cos(2π/5) = (φ – 1)/2
cos(4π/5) = - φ/2
Utilisons la formule: cos2u = 2 cos²u – 1 avec u = π/5, il vient:
2cos²(π/5) – 1 = (φ – 1)/2
soit:
cos(2π/5) = (φ/2)²
ce qui donne finalement la relation (3):
cos
 
=
5 2
Ainsi la relation (3), et la constructibilité à la règle et au compas du pentagone régulier, résultent
aussi du théorème de Gauss-Wantzel pour un polynôme cyclotomique de rang n = 5 côtés du
polygone.
3 – NOMBRE D'OR ET SUITE DE FIBONACCI
En 1817, le mathématicien français Edouard Lucas introduisit la suite de Fibonacci comme une
variante de la suite de Lucas.
Les suites de Lucas et de Fibonacci ont en commun la forme de relation de récurrence: le
terme de rang n est la somme des deux termes précédents. Ainsi, soit U n le terme de rang n, on
a:
Un = Un-1 + Un-2
(18)
Mais leur différence est dans le choix des termes initiaux:
- pour Fibonacci: U1 = 1, U2 = 1, on note alors la suite (un);
- pour Lucas: U1 = 1, U2 = 3, on note alors la suite (vn).
Fibonacci est un mathématicien toscan, né à Pise en 1175, et son véritable nom est Leonardo
Pisano. Son surnom signifie « filius Bonacci » (fils de Bonacci, le chanceux). Il introduisit la
numération décimale et les chiffres dits « arabes », qui sont en réalité originaires de l'Inde.
Quels sont les rapports entre la suite de Fibonacci et:
- d'une part, la suite de Lucas?
- d'autre part, le nombre d'or φ?
A la dernière question, énonçons déjà le résultat important: le rapport de deux termes
consécutifs de la suite de Fibonacci tend vers le nombre d'or quand leur rang n augmente
indéfiniment:
=lim 
n ∞
u n1
 19
un
Il semble que ce soit l'astronome Johannes Kepler qui, le premier, ait découvert ce résultat de
manière empirique.
Quant à la première question, écrivons les premiers termes de la suite de Fibonacci et de la
suite de Lucas:
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n
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
...
u(n)
1
1
2
3
5
8
13
21
34
55
89
144
233
377
...
v(n)
1
3
4
7
11
18
29
47
76
123
199
322
521
843
...
On remarque que pour toute valeur du rang n des suites, on a toujours: v n = u2n/un.
Par exemple: n = 4, 2n = 8, u8 = 21, u4 = 3, v4 = 7 = 21/3 = u8/u4 !
C'est un résultat général:
v n=
u 2n
un
20
Le rapport d'un terme de la suite de Fibonacci de rang 2n au terme de rang n est égal au terme
de rang n de la suite de Lucas.
Les figures ci-après montrent le comportement de la suite de Fibonacci (représenté en échelle
logarithmique car les termes de la suite deviennent très grands rapidement) et du rapport
un+1/un (on voit qu'il tend rapidement vers φ).
terme u(n) de la suite de Fibonacci
1,00E+12
1,00E+10
1,00E+08
1,00E+06
1,00E+04
1,00E+02
1,00E+00
0
10
20
30
40
50
60
rang n
Evolution des termes de la suite de Fibonacci
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2,000000
1,900000
1,800000
u(n+1)/u(n)
1,700000
1,600000
1,500000
1,400000
1,300000
1,200000
1,100000
1,000000
0
5
10
15
20
25
30
35
rang n de la suite de Fibonacci
Evolution du rapport u(n+1)/u(n) vers le nombre d'or
Dans les paragraphes qui suivent, je propose des démonstrations des résultats (19) et (20).
3.1 – Première démonstration de la relation (19): formule de Binet
Considérons l'ensemble (E) des suites (Un) vérifiant la relation de récurrence (18):
Un = Un-1 + Un-2
(E) est un ensemble stable: pour toute paire de suites de (E), (U n) et (U'n), la suite (Vn) suivante
appartient aussi à (E) quels que soient les nombres réels a et b:
Vn = aUn + bU'n
(21)
= a(Un-1 + Un-2) +b(U'n-1 + U'n-2)
= (aUn-1 + bU'n-1) + (aUn-2 + bU'n-2)
= Vn-1 + Vn-2
On cherche, parmi les suites de (E), des suites géométriques de raison r telles que:
Un = U0 rn
avec: Un = Un-1 + Un-2
soit: U0rn = U0rn-1 + U0rn-2
donc: U0rn-2(r² – r – 1) = 0
dont les solutions non triviales (U0 ≠ 0, r ≠ 0) vérifient donc:
r² – r – 1 = 0
On reconnaît l'équation algébrique du nombre d'or, de solutions:
r ==
1 5
2
r ' = '=
1− 5
=1−
2
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Les deux suites géométriques qui appartiennent à (E) sont alors:
Un = U0 φn
U'n = U0 φ'n
Choisissons U0 = 1. Dans la relation (21) on a:
- une suite de Fibonacci si a et b sont tels que V 1 = 0 et V2 = 1
- une suite de Lucas si a et b sont tels que V 1 = 1 et V2 = 3.
Pour la suite de Fibonacci (le cas de la suite de Lucas est laissé en exercice!) il vient alors:
Vn = aφn + bφ'n
n = 0 → V0 = 0 = a + b
n = 1 → V1 = 1 = aφ + bφ'
ce qui fournit: b = -a et a = 1/(φ – φ') = 1/√5 d'où b = -1/√5.
Pour la suite de Fibonacci on doit avoir aussi pour n = 2, V 2 = 1, les valeurs de a et b
conduisent bien à cette condition:
V 2=
1
1
 ²− ' ²  ²−1− ²
 ²−  ' ²=
=
=1
5
5
5
5
La suite de Fibonacci est donc bien décrite par:
V n=u n=
1
n
n
 − '  22
5
connue sous le nom de formule de Binet.
Calculons maintenant le rapport de deux termes consécutifs de la suite de Fibonacci donnés
par (22):
u n1  n1− ' n1
=
un
n − ' n
or on a (relation (2)): φφ' = -1 donc:
u n1  n11/n1
=
un
n 1/n
lorsque n   les termes 1/φn+1 et 1/φn tendent vers 0 et donc:
u n1 n1
 n =
un

ce qui est le résultat (19).
3.2 – Deuxième démonstration de la relation (19): suite de Cauchy
On sait que la condition nécessaire et suffisante pour qu'une suite (q n) converge vers une limite
finie est qu'elle vérifie le critère de Cauchy: à partir d'un certain rang N il existe un nombre
©Frédéric Élie, juillet 2011 - http://fred.elie.free.fr - page 22/36
arbitrairement petit ε qui est supérieur à la valeur absolue de la différence de deux termes
consécutifs de la suite.
Autrement dit, l'écart entre deux termes consécutifs de la suite tend à devenir nul pour les rangs
élevés de la suite:
Pour tout rang N, il existe un nombre arbitrairement petit ε tel que si n > N alors nous avons:
| qn+1 – qn| < ε
Nous allons vérifier si le terme de la suite q n = un+1/un, où (un) est une suite de Fibonacci,
satisfait au critère de Cauchy.
On examine d'abord la condition nécessaire: si la limite Q de (q n) existe alors elle est solution
de:
Q=lim qn =lim
n ∞
n∞
  

u n1
u u
1
=lim n n−1 =1lim
un
u
u
/u
n∞
n ∞
n
n
n−1


or lim 1/(un/un-1) = lim 1/qn-1 = lim 1/qn = 1/Q.
Donc la limite Q vérifie:
Q = 1 + 1/Q
qui est l'équation du nombre d'or: Q = φ ou bien Q = φ' = 1 – φ.
Condition suffisante: il reste à démontrer l'existence de la limite avec le théorème de Cauchy.
Autrement dit (qn) est-elle une suite de Cauchy: |q n – qn-1| < ε ?
De un+1 = un + un-1, on tire:
q n1=1
q n1−qn=
1
1
−
=
qn q n−1
1
=1
qn
1
1
1
qn−1
1
1
−
1
q n−1
1
qn−1
=
q² n−1 −q n−1−1
qn 1q n−1 
le numérateur est un polynôme du second degré dont les racines sont φ et φ' (car il est de la
forme x² – x – 1), donc il s'écrit (qn-1 – φ)(qn-1 – φ'), d'où:
q n1−qn=
q n−1−q n−1− ' 
q n 1q n−1 
pour n suffisamment grand, on a q n > 1 donc qn+1 – qn < (qn-1 – φ)(qn-1 – φ'). A partir d'un certain
rang N, qn-1 est proche de l'une des racines, donc il existe ε tel que |q n-1 – φ| < ε ou bien tel que
|qn-1 – φ'| < ε. Donc on a soit |q n+1 – qn| < ε|qn-1 – φ'| soit |qn+1 – qn| < ε|qn-1 – φ|, donc la quantité
|qn+1 – qn| est bornée par un nombre que l'on peut rendre arbitrairement petit.
La suite (qn) est de Cauchy, donc sa limite existe et est nécessairement égale à φ.
3.3 – Une démonstration de (20)
Toute suite de Fibonacci-Lucas
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Un+1 = Un + Un-1
peut s'interpréter comme l'action d'un opérateur différence finie appliqué à une fonction U(x):
DU(x) = U(x+1) - U(x)
Dans le cas particulier d'une suite, la variable x est un nombre entier n (l'indice), dans ce cas on
écrira:
Un = U(n)
On a donc:
DU(n) = U(n+1) – U(n)
Nous allons établir une relation entre l'opérateur D et le nombre d'or φ.
Calculons:
U(n+2) = U(n+1) + U(n)
qui est la relation de récurrence de Fibonacci-Lucas. En exprimant U(n+1) par l'opérateur D:
U(n+1) = DU(n) + U(n)
il vient:
U(n+2) = DU(n) + 2U(n)
= (1 + D) U(n) + U(n)
Appliquons l'opérateur D à U(n+2):
DU(n+2) = D(1 + D)U(n) + DU(n)
on a aussi: DU(n+2) = U(n+3) – U(n+2)
or: U(n+3) = U(n+2) + U(n+1)
donc:
DU(n+2) = U(n+2) + U(n+1) – U(n+2) = U(n+1)
ce qui fournit le résultat général pour des suites de Fibonacci-Lucas:
U k =DU k 1  23
Nous avons l'égalité:
U(n+1) = DU(n+2) = D(1 + D)U(n) + DU(n)
or:
U(n+1) = DU(n) + U(n)
d'où:
D(1 + D)U(n) + DU(n) = DU(n) + U(n)
soit:
D(1 + D)U(n) = U(n)
L'opérateur D appliqué à une suite de Fibonacci-Lucas vérifie donc l'identité:
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D(1 + D) = 1
soit:
D² D−1=0
24
Ses racines sont: -φ ou bien -φ'. Pour les termes de rang élevé, seule convient ici la racine
positive -φ' = (5 – 1)/2. Or on sait que φ' = -1/φ d'où la relation entre D et φ pour les grands n:
D=
1

25
Pour trouver une relation entre la suite de Lucas et celle de Fibonacci, il nous faut trouver une
relation entre la suite de Lucas et φ, la relation entre la suite de Fibonacci et φ étant déjà
connue par la relation de Binet (22).
Pour cela, on a vu au paragraphe (3.1) que l'expression générale d'une suite de FibonacciLucas est de la forme:
Un = aφn + bφ'n
où a et b sont fixés par les deux premiers termes de la suite.
Pour la suite de Fibonacci, U 1 = 1 et U2 = 1 ont conduit à a = 1/√5 et b = -1/√5 (relation de Binet
(22)).
On observera que pour n grand, φ' n tend vers zéro et que, pour une suite de Fibonacci comme
de Lucas, on a Un ≈ aφn, ce qui justifie bien la relation (25) par laquelle on a:
DUn+1 ≈ Un+1 /φ = aφn+1/φ = aφn = Un
Pour la suite de Lucas, a et b sont déterminés par:
n = 1: U1 = 1
n = 2: U2 = 3
d'où:
1 = aφ + bφ'
3 = aφ² + bφ'²
ce qui donne (compte tenu de φφ' = -1 et φ² = φ + 1):
a=b=1
La suite de Lucas est donc reliée au nombre d'or par:
n
U n=  '
n
26
−2n
=1  27
ou ce qui revient au même par:
−n
 U n−1
n 1

on notera désormais la suite de Lucas par v n et celle de Fibonacci par un.
En utilisant la relation de Binet (22), le calcul de u 2n/un ne pose aucune difficulté:
u 2n n −−n  n−n
=
n
n −n
un
 −−1 
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Le calcul s'achève en examinant la parité de n:
- pour n pair, l'expression précédente se réduit à φ n + φ-n, c'est-à-dire à vn donné par (26) pour
n pair;
- pour n impair, l'expression précédente devient φ n – φ-n, c'est à dire encore vn donné par (25)
pour n impair.
Conclusion: dans tous les cas on a la relation (20)
v n=
u 2n
un
Remarque: on a vu que pour n grand les termes des suites de Fibonacci et de Lucas se
comportent comme:
un ≈ φn/√5
vn ≈ φn
par conséquent: vn+1/vn = un+1/un → φ pour n grand. Le nombre d'or est également la limite du
rapport des deux termes consécutifs de la suite de Lucas.
4 – LES PUISSANCES DU NOMBRE D'OR
PROPOSITION: - Les puissances du nombre d'or φn forment une suite de Lucas-Fibonacci:
Un+1 = φn+1 = φn + φn-1 = Un + Un-1
PREUVE: - En remarquant que φn+1 = φ²φn-1 et que φ² = φ + 1 il vient:
φn+1 = (φ + 1)φn-1 = φn + φn-1
CQFD.
 n1=n n −1
28
Puisque la suite un = φn est de Lucas-Fibonacci, vérifions qu'elle satisfait bien la condition
générale vue plus haut:
u n=a  nb  ' n
29
où a et b dépendent des valeurs des deux premiers termes de la suite u 1 et u2 (on rappelle que
pour une suite de Fibonacci on a u 1 = 1 et u2 = 1, ce qui conduit à la relation de Binet (22), et
pour une suite de Lucas on a u1 = 1 et u2 = 3, ce qui conduit à la relation (26)).
De la proposition ci-dessus il découle:
un = φn = aφn + bφ'n
or n = 1: u1 = φ1 = φ = aφ + bφ'
d'où:
b = (1-a)φ/φ'
n = 2: u2 = φ² = aφ² + bφ'²
Compte tenu de φ² = φ + 1 et φ' = -1/φ on obtient: a = 1 et b = 0
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donc φn = aφn vérifie bien (29) comme il se doit.
On va maintenant établir une formule très simple qui permet de calculer toute puissance de φ,
φn, par un simple binôme de degré 1 en φ. Les coefficients de ce binôme sont des termes de la
suite de Fibonacci.
Pour cela on utilise un raisonnement par récurrence.
Calculons à la main les premiers termes de φn compte tenu de la relation φ² = φ + 1, et
essayons de dégager une relation de récurrence:
De (28) on tire:
n = 2: φ² = φ2-1 + φ1-1 = φ + 1
n = 3: φ3 = φ3-1 + φ3-2 = φ² + φ = 2φ + 1
n = 4: φ4 = φ4-1 + φ4-2 = φ3 + φ2 = 2φ + 1 + φ + 1 = 3φ + 2
n = 5: φ5 = φ5-1 + φ5-2 = φ4 + φ3 = 3φ + 2 + 2φ + 1 = 5φ + 3
n = 6: φ6 = φ6-1 + φ6-2 = φ5 + φ4 = 5φ + 3 + 3φ + 2 = 8φ + 5
n = 7: φ7 = φ7-1 + φ7-2 = φ6 + φ5 = 8φ + 5 + 5φ + 3 = 13φ + 8
etc...
Les coefficients 1, 2, 3, 5, 8, 13... sont les premiers termes de la suite de Fibonacci (u n).
La suite semble se comporter comme:
φn = unφ + un-1
Si c'est vrai pour n+1, alors c'est vrai pour tout n. Calculons:
φn+1 = φφn = φ(unφ + un-1) = unφ² + un-1φ
= un(φ+1) + un-1φ = (un + un-1)φ + un
= un+1φ + un
Ainsi toute puissance de φ s'exprime comme un binôme de degré 1 dont les coefficients sont
les termes de la suite de Fibonacci.
 n=u n un −1
30
5 – RELATION ENTRE φ ET π
On peut montrer que le produit πφ est égal à la somme de Biwabik SB (appellation donnée par
Ed Oberg et Jay Johnson en l'honneur d'une petite ville au nord su Minnesota):
 =S B 31
où:
∞
S B=1∑ a k
k=1
1
u 2k−1 u 2k
où les un sont les termes de la suite de Fibonacci, et où les coefficients a k sont donnés par:
ak = bk + ck
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avec:
bk = (-1)k/(2k+1)
et:
ck = 0 si k n'est pas de la forme 3m+1 (m entier positif)
ck = bk si k = 3m+1
donc:
ak = (-1)k/(2k+1) si k ≠ 3m+1, m ≥ 0
ak = 2(-1)k/(2k+1) si k = 3m+1, m ≥ 0
= a3m+1 = 2(-1)3m+1/(6m+2)
E. Oberg et J. Johnson [Oberg, Johnson] ont montré (31) à partir de la formule d'Oberg et de la
série de Gregory-Leibniz [Elie, juillet 2011B].
Vajda montra que [Vajda]:
∞
=4−∑ 
k=0
∞
1
1
=1 ∑ −1k
u2
u
u
k=2
k k−1
k
∞
 

1
=∑ arctan
4 k =1
u 2k 1
mais aucune relation entre π et φ explicite n'était exprimée par ces formules.
Pour établir cette relation entre π et φ, Oberg et Johnson exploitèrent:
- d'une part la formule d'Oberg:
arctan(1/1) = arctan (1/2) + arctan (1/3)
arctan (1/3) = arctan (1/5) + arctan (1/8)
arctan (1/8) = arctan (1/13) + arctan (1/21)
...................
arctan 1/u n =arctan 1/u n1arctan 1/u n2  32
- d'autre part, la série de Gregory-Leibniz:
dx
4
6
=∫ 1−x² x − x ...dx
1x²
x3 x5 x7
arctan  x =x−  − ...
3 5 7
arctan  x =∫ 
pour x = 1 on a donc:
−1k

1 1 1
=arctan 1=1−  − ...
−...
4
3 5 7
2k 1
Posant x = 1/b, la formule de Gregory-Leibniz donne:
−1k
1 1
1
1
1
arctan  = − 3  5 − 7 ...
−...
b b 3b 5b 7b
2k1
soit:
∞
∞

1
1 sin k / 2 1
1
1
1
arctan  =∑  k 
= ∑  4k 
−
b k=0 b
k
b k=0 b
4k 1 4k3

33
L'application de (33), avec b = u n, à (32) aboutit naturellement (mais après quelques laborieux
calculs) à la formule de Biwabik:
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∞
 =1∑ a k
k =1
1
u 2k−1 u 2k
34
qui s'explicite ainsi:



2
1
1
1
1
1
2
1
1
1
1
1
=1

−
−

−
4
3 u 1u 2  5 u3u 4  7 u 5u 6 
9 u 7u8  11 u 9u10  13 u 11u 12 




2
1
1
1
1
1

−
−....=5,083203692...
15 u 13u 14  17 u 15u16  19 u17u18 
Les termes de cette série u 1+u2φ, u3+u4φ, u5+u6φ, etc. sont de la forme uk-1+ukφ, donc valent
φk d'après l'expression (30) des puissances de φ.
A partir de la formule de Biwabik il est possible d'exprimer π en fonction d'une série faisant
intervenir uniquement des puissances de φ (donc sans les nombres de Fibonacci).
En effet, dans (34) on remplace les nombres de Fibonacci par la formule de Binet (22):
u n=
1
 n− ' n
5
Comme √5 = 2φ-1 et φ' = -1/φ, il vient:
u n=
donc:
1
n
n1 −n
 −1  
2 −1
1
 2k−1−2k1
2 −1
1
u 2k=
 2k −2k 
2 −1
1
u 2k−1 u2k =
 2k−12k 1
2 −1
u 2k−1=
or: φ2k-1 + φ2k+1 = φ2k (φ + 1/φ) = φ2k-1 (2 + φ)
d'où:
∞
 =1∑ a k
k =1
2 −1

2
2k−1
or: (2φ-1)/φ2k-1(2+φ) = φ-2k
ainsi:
∞
 =1∑ a k −2k
k =1
où ak = 2(-1)k/(2k+1) si k = 3m+1
= (-1)k/(2k+1) si k ≠ 3m+1
En séparant les termes dont les indices sont de la forme k = 3m+1 des autres on arrive à:
∞
 =4 ∑ 
j =0
−1 j
−2j −6j−2 
2j1
finalement:
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∞
=4 ∑
j =0
−1 j
−12j12 −32j1 
2j1
35
valeur de la série S(N) à la troncature N
Bien sûr, on ne peut jamais calculer une série infinie, on doit s'arrêter à une troncature N qui
fournit un résultat d'autant plus précis que N est élevée. La courbe ci-dessous montre
l'évolution de la série (35) en fonction de l'ordre de troncature N à laquelle on arrête la somme.
On observe une convergence assez rapide vers le nombre π.
3,45
3,40
3,35
3,30
3,25
3,20
3,15
3,10
3,05
3,00
0
10
20
30
40
50
60
rang de la troncature N de la série
Evolution de la somme (35) à l'ordre de troncature N
6 – IRRATIONNALITÉ DE φ: THÉORÈME DE HURWITZ
Le nombre d'or φ est un nombre irrationnel parmi une infinité non-déno:mbrable (transfinie)
d'autres.
Quoi qu'en disent les tenants de la mystique du nombre d'or, il n'a rien de particulier sur un plan
philosophique, sauf que, sur un plan mathématique:
φ est un nombre irrationnel, c'est même le plus irrationnel des nombres irrationnels.
En d'autres termes φ est le nombre irrationnel que l'on puisse approcher par des nombres
rationnels le plus difficilement.
Remarque épistémologique: - Ceux qui voient en φ la symbolique d'une « harmonie du
monde » en seront pour leurs frais, dans la mesure où l'harmonie du monde regroupe tout ce
que l'on peut faire, observer ou prédire avec une précision parfaite. Car le fait de ne pas pouvoir
décrire φ par des nombres rationnels (que l'on peut construire avec une précision aussi
poussée que l'on veut) montre plutôt que le nombre d'or est le symbole de l'impossibilité d'une
connaissance infiniment précise des choses. C'est donc plutôt un élément du « chaos »
(désordre) plus que du « cosmos » (ordre) (tout en nous souvenant que les concepts d'ordre et
de désordre dans la nature sont un projection sur celle-ci de nos subjectivités cognitives que
tentent de formaliser des théories scientifiques comme la Thermodynamique ou les sciences de
l'information et des systèmes complexes...). Mais on peut se consoler en se souvenant que,
selon les théories modernes des systèmes complexes à structure dissipative interne, l'ordre
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(notion anthropique comme je l'ai dit) s'autoconstruit à partir de structures dissipatives
chaotiques sous certaines conditions (Prigogine, Atlan, Le Moigne, Bergé...).
Et j'en profite pour dire qu'il serait temps maintenant, je crois, de libérer la pensée humaine
d'une stratégie unique qui consiste à passer son temps à découper l'univers en des familles
opposées: la matière/l'esprit, l'ordre/le désordre, les phénomènes/les noumènes, les ondes/les
corpuscules... Tout ceci résulte non pas d'une propriété ontologique de l'univers mais des
irréductibles limites de nos systèmes cognitifs à la saisir, et qui ont forgé des concepts issus de
l'évolution biologique. Et au cours de celle-ci, le rapport entre nos modes de perception de
l'environnement et la nature confère à nos systèmes cognitifs une portée principalement
macroscopique. Cette difficulté à sortir de cette limite, pour nos systèmes cognitifs humains,
nous condamne à exprimer le monde avec des mots et des concepts qui nous sont familiers, et
donc réducteurs, si ce n'est que la méthode expérimentale, née au départ à partir d'eux, mais
les dépassant ensuite de plus en plus par une construction de plus en plus abstraite, mais
toujours vérifiable par l'expérience, soit l'unique façon de dépasser ces limites, ces horizons.
Nos symbolismes ne peuvent pas nous porter plus avant et la seule symbolique qui nous donne
les moyens de comprendre un peu le monde parce que, justement, elle nous montre les limites
de nos symbolismes (mystiques, culturels, éthiques...) est la symbolique scientifique, mais
celle-ci laisse toute sa place à l'émotion, au sens du beau, au désir de tradition, bref aux valeurs
humanistes, dès lors qu'elle incorpore l'homme, au lieu de l'évincer, dans sa façon de saisir ce
qu'il croit issu du réel.
Revenons en effet à l'irrationalité de φ. Elle repose sur le théorème de Hurwitz (1891) [Hurwitz]:
THÉORÈME DE HURWITZ: - Pour tout nombre irrationnel algébrique X ( 3) il existe une infinité
de rationnels h/k, où h  Z et k  N*, tels que:
|X – h/k| < 1/√5k²
L'ensemble des couples (h, k) est infini si et seulement si le sous-ensemble des (h, k) où h et k
sont premiers entre eux (hk = 1) est infini.
Nous allons voir comment on arrive au théorème de Hurwitz en partant du théorème
d'approximation de Liouville.
La propisition suivante exprime l'optimalité du caractère irrationnel de φ:
PROPOSITION: optimalité – [Hardy, Wright]
La constante √5 est optimale: si X = φ et si √5 est remplacé par n'importe quel nombre C > √5
alors:
|φ – h/k| < 1/Ck²
3 Un nombre algébrique est par définition racine d'un polynôme de degré n, à coefficients rationnels, par opposition aux
nombres transcendants.
©Frédéric Élie, juillet 2011 - http://fred.elie.free.fr - page 31/36
est vérifiée uniquement pour un ensemble fini de rationnels h/k.
PREUVE de la proposition d'optimalité: - Comme C > √5 on peut poser C = √5/a avec
0<a<1.
Soit X = φ et posons θ = √5k²(φ-h/k).
On veut donc vérifier que |θ| ≤ a.
On a: φ = θ/√5k²+h/k
Elevons θ au carré:
θ² = 5k4 [φ(1-2h/k) + 1 + h²/k²]
où l'on a utilisé φ² = φ + 1. En remplaçant φ par l'expression ci-dessus on a:
θ² = 5k4 [(1-2h/k)(θ/√5k²+h/k) + 1 + h²/k²]
soit:
θ²/5k² = θ/√5 (1 – 2h/k) – h² + hk + k²
or:
h/k = φ – θ/√5k² = (1+√5)/2 – θ/√5k²
donc:
θ/√5.(1-2h/k) = θ/√5 – 2 (1+√5)/2.θ/√5 + 2θ²/5k² = 2θ²/5k² – θ
Posons le polynôme en h: P(h) = h² – hk – k², alors
θ²/5k² = 2θ²/5k² – θ – P(h)
P h=
2
− 36
2
5k
Les racines de P(h) = 0 sont h = φk ou bien φ'k. Or h et k sont entiers donc cette solution est
impossible, on a donc |P(h)| ≥ 1. De (36) il découle que:
|θ²/5k² – θ| ≥ 1
or par l'inégalité de Schwartz:
|θ²/5k² – θ| ≤ |θ|²/5k² + |θ| < a + a²/5k²
puisque |θ| ≤ a. Finalement:
a + a²/5k² > 1
ou encore:
k² < a²/5(1-a)
ce qui donne un nombre fini de solutions pour l'entier k.
CQFD.
Ainsi C = √5 est la plus grande constante pour laquelle l'inéquation
|φ-h/k| < 1/Ck²
a une infinité de solutions.
Or on avu que φ est la limite des fractions de Fibonacci (19), on a donc intérêt à choisir h et k
comme les termes successifs de la suite de Fibonacci: h = u n+1, k = un:
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∣
−
∣
un 1
1

un
 5 u² n
37
Par ailleurs l'infinité du nombre de solutions Ck² qui vérifient (37) résulte du fait que φ peut
s'exprimer par une fraction continue dont les termes peuvent être poussés aussi loin que l'on
veut, puisque φ est solution positive de
X = 1 + 1/X
et en remplaçant X du dénominateur par cette expression, on obtient de proche en proche la
fraction continue:
1
X =1
38
1
1
1
1
1...
On pourrait aussi utiliser: X² = X + 1 → X = √(1+X), et remplacer le X dans la racine carrée par
cette expression , ce qui donne de proche en proche:

X = 1 1 1 1... 39
Les courbes suivantes montrent la converge,ce vers le nombre d'or à partir des formules (38) et
(39):
2,00
1,90
calcul par (38) ou (39)
1,80
1,70
1,60
1,50
1,40
1,30
1,20
1,10
1,00
0
10
20
30
40
50
60
nombre d'itérations n
Convergence vers φ des calculs par (38) (en rouge) et (39) (en jaune)
Terminons par le théorème d'approximation de Liouville. Pour cela nous avons besoin de la
définition suivante:
DÉFINITION: APPROCHABILITÉ D'UN RÉEL PAR DES RATIONNELS – Un nombre réel X
est approchable par des nombres rationnels p/q (où p et q sont des entiers) à l'ordre n s'il existe
une constante C(X), dépendant de X, telle que:
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|X – p/q| ≤ 1/C(X)qn
(40)
pour une infinité de rationnels p/q de forme irréductible (c'est-à-dire pq = 1) (4).
On montre que tout nombre irrationnel X est approchable à l'ordre 2 au moins: n ≥ 2 (la
démonstration, que l'on ne présentera pas ici, utilise la méthode des tiroirs de Dirichlet
[Laroche]).
Pour améliorer l'approche d'un réel par des rationnels, la stratégie est alors d'augmenter l'ordre
n dans (40).
Si X est un nombre algébrique, donc solution de P n(X) = 0, où Pn est un polynôme de degré n à
coefficients entiers, alors l'ordre de l'approximation (40) doit être choisi égal au degré n, dans ce
cas l'approximation est optimale.
Un nombre algébrique X de degré n ≥ 2 ne peut donc pas être approché mieux que par (40).
Ceci entraîne, réciproquement, que l'on peut trouver une constante K(X) telle que pour tout
rationnel p/q l'inégalité (40) soit violée: c'est le théorème de Liouville, qui permet de fournir un
critère nécessaire, mais non suffisant, sur la transcendance d'un nombre réel ( 5).
En effet, un nombre transcendant (non algébrique) ne vérifie pas le théorème de Liouville: pour
un nombre transcendant, il peut être approché par une infinité de valeurs approchées p/q, à 1/q
près, à l'ordre n aussi élevé que l'on veut.
THÉORÈME: APPROXIMATION DE LIOUVILLE
Soit X un nombre algébrique de degré n ≥ 2, alors il existe une constante positive C(X),
dépendant uniquement de X, telle que pour tout couple d'entiers p, q, on a:
|X – p/q| > 1/C(X)qn
PREUVE: - Soit un nombre réel algébrique X, il est donc racine de l'équation:
Pn(X) = a0 + a1X + a2X² +... + anXn = 0
où les coefficients aj sont des nombres entiers. Cette équation se réécrit:
−1=
a n−1 a n−2
a

... 0 n
2
an X an X
an X
41
Soit M = max |ak/an| où 0 ≤ k ≤ n, on montre que toute racine X k de Pn(X) = 0 a un module
inférieur à 1+M:
| Xk| ≤ 1+M
En effet: pour tout X tel que |X| ≥ 1+M le second membre de (41) a un module inférieur à:
∣
∣ [
a n−1 a n−2
a0
1
1
M
1

...
M
...

=1
2
n
n
an X an X
1M
1M
1
an X
1M 
1−

1M
]
4 On rappelle que la notation pq désigne le plus grand commun diviseur, donc lorsqu'il vaut 1 cela signifie que p et q sont
premiers entre eux (donc p/q est irréductible)
5 Condition nécessaire, mais non suffisante, car il existe des nombres transcendants (c'est-à-dire non solutions d'équations
algébriques) qui ne sont pas facilement approchables. Voir [Duverney].
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donc |Xk| < 1+M où Xk est une racine quelconque de Pn(X) = 0.
Soit p/q une valeur approchée de X à 1/q près, différente des racines de P n(X) = 0:
p/q ≠ Xk
Pn(Xk) = 0 avec 0 ≤ k ≤ n
Pn(p/q) = A/qn où A entier positif.
Le théorème des accroissements finis donne:

P n  X k −P n  p/q= X k −
p dP n
c
q dX

où
X k c
p
q
42
Donc, des relations précédentes, on a:
−A
p dP n
= X k−
c
n
q dX
q


d'où:
∣
X k−
∣
∣
p dP n
A
 c = n
q dX
q
or |c| < |Xk| + 1 donc |c| < 2+M puisque |Xk| < 1+M
et dPn(c)/dX = a1 + 2a2c +...+nancn-1
donc:
dP n
c ∣a 1∣2∣a 2∣...n∣a n∣2M n−1 =K
dX
∣
∣
par application de l'inégalité de Schwartz. K dépend uniquement des coefficients a j de Pn(X)
puisque M dépend de ces coefficients.
En appliquant à (42):
∣
∣ ∣
∣
1 A
p
p
1
≤ n X k− K  X k−  n
n
q
q Kq
q q
On peut toujours choisir q > K, donc si X est un nombre réel algébrique il vérifie:
|X – p/q| > 1/qn+1
pour q assez grand.
Il suffit donc qu'un nombre réel X possède une infinité de valeurs approchantes rationnelles p/q,
à 1/q près, différentes de X, telles que |X – p/q| > 1/q n+1, pour que X n'est pas un nombre
algébrique, donc est transcendant: si cela arrive pour des valeurs de n indéfiniment croissantes
alors X est transcendant.
CQFD.
INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES:
[Carrega] – Jean-Claude Carrega: Théorie des corps, la règle et le compas – Hermann éd.,
2001
[Duverney] – Daniel Duverney: Théorie des nombres – Dunod, 1998
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