Dossier thématique D ossier thématique Traitement symptomatique de la carcinose péritonéale d’origine digestive Palliative treatment for peritoneal carcinomatosis # Bernard Denis, Gilles Breysacher, Pascale Chiappa* POINTS FORTS ASCITE Physiopathologie, pronostic Le traitement diurétique (spironolactone) mérite toujours d’être tenté dans l’ascite néoplasique, car il suffit pour contrôler les symptômes dans un tiers des cas. Le traitement médicamenteux bien conduit (morphine + butyl-bromure de scopolamine + halopéridol et/ou octréotide) offre une qualité de vie supérieure ou égale à la chirurgie dans l’occlusion sur carcinose péritonéale, permettant le plus souvent d’éviter l’aspiration nasogastrique et l’hydratation parentérale. L’occlusion intestinale n’est pas une contre-indication à la morphine ni à l’alimentation et à l’hydratation orales. La sonde nasogastrique est un instrument de torture qui doit être proscrit chaque fois que possible en fin de vie. En cas de nécessité absolue, son utilisation doit être limitée à une durée maximale de 3 jours. Les corticoïdes ne sont pas plus efficaces qu’un placebo dans l’occlusion néoplasique… Leur utilisation doit se limiter à un test thérapeutique de courte durée (5 jours). Mots-clés : Ascite – Occlusion intestinale – Cancer abdominal – Cancer pelvien – Soins palliatifs. Keywords: Ascites – Intestinal obstruction – Abdominal neoplasms – Pelvic neoplasms – Palliative care. L a carcinose péritonéale (CP) témoigne d’une maladie évoluée et est associée à une survie souvent limitée. Son pronostic dépend de la tumeur d’origine, qui détermine les deux principaux facteurs pronostiques, l’évolutivité et la chimiosensibilité. Avec une survie médiane de 4 à 7 mois, le pronostic des CP d’origine colorectale est meilleur que celui des CP d’origine gastrique ou pancréatique (1 à 3 mois). Cet exposé est dédié au traitement symptomatique palliatif des CP, auquel il est nécessaire de recourir en fin de vie lorsque les traitements précédents ont échoué et que surviennent ascite ou occlusion. Il a fait l’objet de mises au point récentes (1-3). * Médecine A, hôpital Pasteur, Colmar. 44 HGE 2(XI) MARS AVRIL 2008.indd 44 L’ascite est la conséquence de deux principaux facteurs : l’obstruction tumorale lymphatique et l’augmentation de la perméabilité vasculaire à l’albumine. Plus rarement, en cas de métastases hépatiques diffuses associées à la CP, elle est la conséquence de l’hypertension portale, comme dans la cirrhose. La présence d’une ascite est un facteur de mauvais pronostic dans un contexte de CP. Elle est associée à une médiane de survie de 1,4 mois en cas de primitif gastrique ou pancréatique et de 3,7 mois en cas de primitif colorectal. Traitement L’ascite ne doit être traitée que si elle est symptomatique. Le traitement n’est pas codifié. La figure 1 résume la stratégie thérapeutique proposée. Traitement diurétique On considère habituellement que les diurétiques sont moins efficaces dans l’ascite néoplasique que dans l’ascite cirrhotique. En fait, le contrôle de l’ascite par diurétiques est possible chez environ un tiers des malades (4). Les chances de succès sont d’autant plus importantes qu’il existe des métastases hépatiques ou des œdèmes associés. Cette stratégie mérite toujours d’être tentée. Elle repose principalement sur la spironolactone (100 à 200 mg/j, et jusqu’à 450 mg/j), éventuellement associée au furosémide (4). L’efficacité et la tolérance sont évaluées par la mesure quotidienne du poids et du périmètre abdominal, la surveillance des effets indésirables, en particulier la soif et la déshydratation, de l’ionogramme sanguin et de la fonction rénale. Le traitement doit être interrompu en cas d’échec au bout de 2 à 3 semaines ou d’effets indésirables. Le régime désodé est abusif, mais il faut éviter les apports excessifs de sodium. Ponctions d’ascite Si le traitement diurétique échoue, les ponctions d’ascite à la demande sont nécessaires. En cas de CP diffuse ou d’ascite cloisonnée, un guidage échographique peut s’avérer nécessaire. Les ponctions de gros volumes permettent de soulager rapidement le patient et de réduire la durée d’hospitalisation. Elles peuvent cependant se compliquer d’hypovolémie, d’insuffisance rénale et d’hyponatrémie. De plus, les ponctions itératives font courir un risque infectieux et conduisent à une déplétion protéique avec aggravation de la dénutrition. La perfusion systématique La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. XI - n° 2 - mars-avril 2008 14/04/08 16:03:27 Ponction d’ascite diagnostique et évacuatrice Et initier parallèlement - Spironolactone 100 à 150 mg/j ± furosémide - Éviter les apports excessifs de sodium Évaluer l’efficacité et la tolérance Échec ou intolérance Ponctions itératives Poursuite du traitement diurétique Ponctions fréquentes Survie estimée < 3 mois Drainage péritonéal Survie estimée > 3 mois Shunt péritonéo-veineux Figure 1. Stratégie thérapeutique proposée pour l’ascite néoplasique. d’albumine (6 à 8 g par litre d’ascite évacuée) n’a pas été évaluée dans ce contexte. Elle est inutile si la durée de vie prévisible est inférieure à 3 mois, mais permet probablement de limiter les effets délétères des ponctions dans le cas contraire. Drainage péritonéal Pour éviter des ponctions trop fréquentes, on peut laisser un cathéter intrapéritonéal en place afin d’évacuer périodiquement l’ascite à domicile (5). Ce type de cathéter peut être posé sous anesthésie locale, sous contrôle échographique et radioscopique. Certains utilisent un cathéter de drainage pleural (5), d’autres un cathéter de dialyse péritonéale tunnellisé. Ces cathéters sont verrouillés et drainés périodiquement par gravité dans un sac stérile chaque fois que nécessaire. La durée de perméabilité du drain varie de 1 à 2 mois. Ce type de drainage fait courir un risque infectieux, qui peut être diminué grâce à la tunnellisation du cathéter, sa protection par un sachet d’urostomie, l’utilisation d’une antibioprophylaxie lors de la pose et le respect de règles strictes d’asepsie lors de la pose et des manipulations itératives. Dérivation péritonéo-veineuse La dérivation péritonéo-veineuse par valve de Le Veen ou de Denver a été proposée (6). Ce type de dérivation chirurgicale est peu réalisé en France. Il permet de soulager durablement les La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. XI - n° 2 - mars-avril 2008 HGE 2(XI) MARS AVRIL 2008.indd 45 symptômes dus à l’ascite dans 64 à 77 % des cas. La mortalité périopératoire est non négligeable, évaluée entre 5 et 23 %, et la morbidité est de 25 % (6). La plupart s’accordent pour limiter la place de la dérivation péritonéo-veineuse à de rares indications en cas d’échec des autres traitements chez des patients dont l’ascite est invalidante et dont l’espérance de vie est supérieure à 3 mois. Cela exclut a priori les ascites consécutives à un cancer gastrique ou pancréatique. Cette approche est contre-indiquée en cas d’ascite mucineuse, hémorragique ou cloisonnée. Succès Arrêt du traitement diurétique Ponctions d’ascite à la demande Ponctions peu fréquentes Dossier thématique D ossier thématique OCCLUSION Diagnostic Même lorsque la maladie néoplasique est évoluée, avec présence d’une récidive régionale ou de métastases à distance, la fréquence des occlusions non néoplasiques est non négligeable, voisine de 15% (2). Les investigations nécessaires pour préciser la nature et le niveau de l’obstacle ne doivent être réalisées que si l’état du patient permet d’envisager un traitement désobstructif, chirurgical ou non. Les clichés d’abdomen sans préparation (ASP) n’ont aucun intérêt. Le scanner est l’examen de choix. Il permet le diagnostic d’occlusion et souvent de préciser le siège et la nature de cette occlusion. Lorsqu’elle est plus ou moins chronique, incomplète, il permet de guider le choix des explorations ultérieures, endoscopiques ou radiologiques, hautes ou basses. Les explorations radiologiques (lavement opaque et transit du grêle) sont particulièrement utiles en cas d’occlusion incomplète ou douteuse, d’occlusion colique ou d’occlusion grêle proximale. L’entéroscanner tend actuellement à supplanter les opacifications intestinales. Traitement Le traitement chirurgical est abordé ailleurs. Toutes les études publiées sont convergentes et démontrent qu’un traitement médical bien conduit offre dans la grande majorité des cas une qualité de vie supérieure ou égale à un traitement chirurgical (7). Il ne faut cependant pas que les progrès du contrôle médicamenteux des symptômes d’occlusion conduisent à oublier la chirurgie en cas de cause accessible à un geste chirurgical simple (8). Un avis chirurgical, qui doit être donné par un chirurgien senior ayant examiné le patient est donc indispensable : un avis sur dossier n’a pas lieu d’être ! Il n’y a pas de critère absolu qui permette de sélectionner les patients qui vont tirer bénéfice d’un geste chirurgical. Le choix doit tenir compte du désir du patient et de sa famille. La figure 2 résume la stratégie thérapeutique proposée lors de l’installation du syndrome occlusif. Prothèses gastro-intestinales Le traitement désobstructif endoscopique repose sur l’utilisation de prothèses. Il concerne les sténoses unifocales et accessibles. Dans un contexte de CP, l’obstacle est souvent multifocal ou sur le grêle. Aussi est-il nécessaire d’explorer au préalable la totalité du tube digestif, en particulier le grêle par transit baryté ou entéroscanner, pour s’assurer de l’absence d’obstacle multifocal associé. Les résultats des prothèses ont été surévalués 45 14/04/08 16:03:29 Dossier thématique D ossier thématique État général conservé (performance status OMS : 0 ou 1) Geste désobstructif non exclu a priori Oui Non TDM abdomino-pelvien Pas de sonde nasogastrique Traitement médicamenteux symptomatique (figure 3) Sonde nasogastrique en aspiration 3 jours au maximum + Traitement médicamenteux symptomatique (figure 3) + Corticoïdes i.v. 5 jours au maximum Le syndrome occlusif se lève : arrêt du traitement Le syndrome occlusif ne se lève pas ou récidive rapidement Poursuite du traitement médicamenteux symptomatique + réalisation rapide du bilan morphologique endoscopique ou radiologique Geste de désobstruction + – Traitement médicamenteux symptomatique (figure 3) Avis du patient et de sa famille Arguments en faveur d’une cause bénigne d’occlusion ou doute/récidive néoplasique non connue Facteurs de bon pronostic (absence d’ascite, de masse palpable ou de carcinose diffuse) Obstacle unique accessible à prothèse Oui Prothèse Non Chirurgie Figure 2. Stratégie thérapeutique proposée lors de l’installation du syndrome occlusif. dans l’enthousiasme des premières séries publiées. La seule étude contrôlée randomisée évaluant prothèse endoscopique contre chirurgie pour le traitement palliatif d’une occlusion sur cancer colique gauche a dû être prématurément interrompue en raison d’un nombre élevé de complications dans le groupe endoscopie (9). Les résultats fonctionnels sont moins bons dans les lésions métastatiques. Les prothèses assurent un contrôle définitif des symptômes d’occlusion chez environ 60 % des patients (2). Ces résultats vont-ils s’améliorer grâce au progrès technique ou se dégrader en raison de leur plus grande diffusion ? Quoi qu’il en soit, leur place est restreinte dans un contexte de CP. 46 HGE 2(XI) MARS AVRIL 2008.indd 46 Nutrition et hydratation L’alimentation orale n’est pas contre-indiquée en cas d’occlusion, surtout si celle-ci est distale ! Avec un traitement symptomatique bien conduit, la plupart des patients peuvent boire et manger de petites quantités d’aliments sans résidus, principalement lisses (8). Ils sont absorbés dans le tube digestif proximal et permettent un apport calorique suffisant. L’objectif n’est évidemment pas d’apporter 1 800 kcal/j, mais de conserver au patient le plaisir gustatif d’ingérer quelques aliments choisis. L’utilité d’une nutrition parentérale dans ce contexte est controversée. Elle est inutile lorsque la durée de survie prévisible est courte. Elle n’est indiquée que chez un petit nombre de patients jeunes, en bon état général (performance status OMS < 2, ou score de Karnofsky > 50), dont la durée de survie prévisible est supérieure à 3 mois (10). La question de l’hydratation est elle aussi controversée. Les besoins hydriques en fin de vie sont réduits : 500 ml à un litre par jour suffisent. Les patients qui peuvent boire ne nécessitent pas d’hydratation parentérale. Celle-ci ne prolonge pas la survie, mais accentue les problèmes de rétention et de sécrétions bronchiques, et donc les besoins d’aspiration. De plus, l’intensité de la soif et de la sécheresse de la bouche n’est pas influencée par le volume d’hydratation orale ou parentérale (11). Il faut donc maintenir le patient sur un versant sec et contrôler la sécheresse de la bouche par la boisson, par l’utilisation de petits moyens comme des glaçons à sucer ou des morceaux d’ananas, et surtout par la réalisation systématique et fréquente, idéalement toutes les 2 heures, de soins de bouche avec une solution de bicarbonate de sodium à 14 ‰ (8). Traitement médicamenteux Le traitement médicamenteux permet de soulager les symptômes d’occlusion et d’éviter dans la plupart des cas l’aspiration nasogastrique et l’hydratation parentérale (12). Il doit être ajusté quotidiennement en fonction des symptômes qui doivent être eux-mêmes évalués systématiquement plusieurs fois par jour. Il n’est pas standardisé. Il fait appel à l’association de plusieurs médicaments, en moyenne trois, administrés par voie parentérale à l’aide d’une pompe portable sur un accès veineux central ou par voie sous-cutanée. La figure 3 résume les modalités pratiques de conduite du traitement médicamenteux. Contrôle de la douleur : le traitement de la douleur n’est pas spécifique. Il obéit aux règles habituelles : évaluation régulière, prescription à intervalles réguliers et non “à la demande”, paliers OMS, prévention des effets indésirables, etc. La morphine n’est pas contre-indiquée en cas d’occlusion! L’association à un antispasmodique est souvent nécessaire (8). Le butyl-bromure de scopolamine ou de hyoscine (Scoburen® ampoules à 20 mg, 60 à 380 mg/j) est l’antispasmodique de choix, du fait de son effet mixte antipéristaltique et antisécrétoire. Il ne faut pas utiliser l’hydrobromure de scopolamine (Scopolamine®, Scopoderm®), aux effets centraux gênants. Contrôle des nausées et des vomissements : les nausées et les vomissements sont les symptômes les plus pénibles et les plus difficiles à contrôler. L’objectif est l’absence de nausées et la La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. XI - n° 2 - mars-avril 2008 14/04/08 16:03:31 * Traitement initial au pousse-seringue électrique (PSE) [les trois produits peuvent être mélangés] : – morphine 30 mg/j ; – butyl-bromure de scopolamine 60 mg/j ; – halopéridol 5 mg/j. * En cas d’inefficacité sur la douleur : 1. Augmenter la posologie de morphine par titration ; 2. En cas de coliques intestinales : ° augmenter le butyl-bromure de scopolamine (maximum 380 mg/j) ; ° voire introduire l’octréotide s.c. au PSE à 0,3 mg/j. * En cas d’inefficacité sur les nausées et vomissements : 1. Augmenter les posologies de : – butyl-bromure de scopolamine (maximum 380 mg/j), – halopéridol (maximum 15 mg/j). 2. Associer ranitidine (i.m., i.v.) 150 mg/j ; 3. En cas d’échec, après 5 jours : octréotide par voie s.c. au PSE commencer par 0,3 mg/j et titrer jusqu’à 0,6 mg/j maximum ; 4. En cas d’échec : pose provisoire d’une sonde nasogastrique en aspiration, dans l’attente de la réalisation rapide d’une gastrostomie de décharge. Figure 3. Stratégie thérapeutique médicamenteuse proposée pour l’occlusion intestinale. réduction des vomissements à un épisode ou moins par jour. Sur le plan diététique, les aliments froids et lisses en petites quantités sont mieux supportés, et il faut éviter les odeurs alimentaires trop envahissantes. Certains facteurs associés tels qu’hypercalcémie, insuffisance rénale, ascite importante, infection, hypertension intracrânienne, douleur ou anxiété doivent être recherchés et traités. L’association de plusieurs molécules aux modes d’action différents est souvent nécessaire. Les molécules les plus intéressantes sont l’halopéridol, la lévomépromazine, le métoclopramide, le butyl-bromure de scopolamine et l’octréotide (2). – Prokinétiques : le métoclopramide (Primpéran®) stimule la motricité gastrique et intestinale. Il faut l’éviter en cas d’occlusion complète, car il peut induire des coliques intestinales. La posologie optimale est atteinte par titration (60 à 240 mg/j), soit par injections toutes les 4 heures, soit, mieux, par perfusion continue à l’aide d’une pompe. – Neuroleptiques : l’halopéridol (Haldol® ) a un effet antiémétique puissant. Il est utilisé par voie sous-cutanée à la dose de 5 à 15 mg/j. – Antisécrétoires : les antisécrétoires, qu’il s’agisse du butylbromure de scopolamine ou de l’octréotide, ont un effet antiémétique. L’intérêt de ces deux molécules est leur action mixte, antiémétique et antalgique. Le butyl-bromure de scopolamine est utilisé à la dose de 40 à 120 mg/j. L’octréotide est administré par voie sous-cutanée ou intraveineuse, soit par injections toutes les 12 heures, soit par perfusion continue. La dose initiale est de 0,3 mg/j ; la posologie est augmentée progressivement jusqu’à l’obtention d’un contrôle satisfaisant des symptômes (8). Certains optent pour une stratégie inverse, avec une dose initiale de 0,6 mg/j suivie d’une diminution progressive de la posologie à la recherche de la dose minimale efficace. La dose La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. XI - n° 2 - mars-avril 2008 HGE 2(XI) MARS AVRIL 2008.indd 47 Dossier thématique D ossier thématique habituellement nécessaire s’élève entre 0,15 et 0,6 mg/j. Des doses plus importantes n’apportent pas de bénéfice (13). Le contrôle des vomissements est rapide, satisfaisant ou complet dans 75 % à 100 % des cas. Il permet l’ablation de la sonde nasogastrique chez deux patients sur trois. Il peut être utilisé seul ou en association avec le traitement antiémétique conventionnel, éventuellement mélangé dans le même pousse-seringue (8). Deux essais randomisés contrôlés ont montré que l’octréotide était significativement plus efficace que le butyl-bromure de scopolamine pour le contrôle des nausées et des vomissements (11, 14). Lorsque les vomissements ne sont pas contrôlés par l’une de ces deux molécules, on peut les associer, puisque leurs mécanismes d’action sont différents. La place de l’octréotide reste à définir : première ligne ou deuxième intention lorsque le traitement antiémétique conventionnel échoue ou occasionne des effets indésirables gênants ? Deux essais contrôlés randomisés sont en cours pour l’évaluation des dérivés retards de la somatostatine dans cette indication. Les antihistaminiques H2 induisent une réduction du volume de sécrétion gastrique supérieure ou égale à celle causée par les inhibiteurs de la pompe à protons. La ranitidine peut être administrée par voie intramusculaire ou intraveineuse à la dose quotidienne de 150 mg (2). Corticoïdes : l’efficacité des corticoïdes n’est pas prouvée. Leur usage repose sur des études non contrôlées qui ne permettent de conclure ni sur leur efficacité ni sur leur posologie optimale. Deux essais contrôlés n’ont pas montré de différence significative entre corticoïdes et placebo (15, 16). Dans ces essais, une résolution spontanée de l’occlusion survenait dans 33 % à 60 % des cas sous placebo. Les posologies recommandées sont très variables, de 8 à 100 mg/j de dexaméthasone, et de 50 mg/j de prednisone à 1 000 mg/j de méthyl-prednisolone. On peut les utiliser à titre de test thérapeutique de courte durée (5 jours) en pratique à la dose de 6 à 16 mg/j de dexaméthasone ou de 1 à 2 mg/kg/j de méthyl-prednisolone (17). Laxatifs : les laxatifs peuvent être utiles en cas d’occlusion incomplète sur obstacle colique ou rectal. Les macrogols, le docusate sodique, l’huile de paraffine et l’hydroxyde de magnésium sont les laxatifs recommandés par les équipes spécialisées en soins palliatifs. Les laxatifs stimulants doivent être évités, car ils risquent d’induire des coliques intestinales (8). Aspiration nasogastrique L’aspiration nasogastrique est inadaptée en fin de vie. Elle est source d’un inconfort important et de complications. Elle ne doit être utilisée que pour de courtes durées, inférieures à 3 jours, dans deux situations : Lors de l’installation de l’occlusion : l’aspiration nasogastrique entraîne la levée, le plus souvent transitoire, de l’occlusion dans moins de 20 % des cas (8). Lorsque l’occlusion se lève sous simple aspiration nasogastrique, le délai est habituellement inférieur à 3 jours. Il ne faut pas prolonger l’aspiration au-delà de 3 jours. Lorsqu’un traitement désobstructif est exclu d’emblée, il ne faut pas poser d’aspiration nasogastrique, mais instaurer le traitement médicamenteux des symptômes. 47 14/04/08 16:03:32 Dossier thématique D ossier thématique Lorsque l’occlusion est installée : l’aspiration nasogastrique est posée en cas d’échec du contrôle médicamenteux des symptômes, le plus souvent en cas d’occlusion haute, dans l’attente de la réalisation rapide d’une gastrostomie de décharge (2). Gastrostomie et jéjunostomie de décharge La gastrostomie permet, en dernier recours, d’éviter l’inconfort de l’aspiration nasogastrique. Elle est réalisée par voie percutanée endoscopique, radiologique ou mixte. La présence d’une ascite néoplasique ou d’une CP n’est pas une contre-indication, mais rend le geste plus difficile. En cas d’ascite, il suffit de drainer, même partiellement, l’épanchement avant le geste. L’impossibilité d’obtenir une transillumination correcte empêche le recours à la technique perendoscopique. Le geste peut alors, particulièrement en cas de CP ou d’antécédents chirurgicaux, être guidé par échographie ou par scanner. Avec une gastrostomie, la plupart des patients peuvent ingérer des boissons et des aliments mixés. La sonde de gastrostomie est clampée pendant les repas et le reste ensuite aussi longtemps que le patient le tolère. Lorsque les symptômes réapparaissent, la sonde est déclampée, mise en décharge par simple gravité sur un sac, sans aspiration (8). CONCLUSION Malgré les progrès récents, la prise en charge symptomatique palliative de la CP reste difficile. Les niveaux de preuve des différents traitements proposés sont faibles, fondés sur des études non randomisées ou des avis d’experts. Les travaux publiés démontrent cependant qu’il est possible de contrôler efficacement les symptômes d’occlusion à domicile, par un traitement médicamenteux, sans avoir recours à une sonde nasogastrique ou à un traitement désobstructif, chirurgical ou non. De même, une ascite néoplasique peut être prise en charge à domicile. Le gastroentérologue ne doit pas oublier qu’autour du tube digestif il y a une personne et son entourage ! Il doit prendre en compte l’ensemble des symptômes, digestifs ou non, mais aussi les problèmes psychiques et sociaux rencontrés par le patient et sa famille. La prise en charge des symptômes spécifiques à la CP s’intègre dans une prise en charge active et globale, qui se doit d’être réellement multidisciplinaire. N RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Denis B, Elias D. Prise en charge symptomatique de la carcinose péritonéale. Gastroenterol Clin Biol 2004;28:D17-D25. 2. Denis B, Ollier JC. Occlusion intestinale et cancer abdomino-pelvien évolué. Gastroenterol Clin Biol 2002;26:372-85. 3. Ripamonti C, Twycross R, Baines M et al. Clinical-practice recommendations for the management of bowel obstruction in patients with end-stage cancer. Support Care Cancer 2001;9:223-33. 4. Greenway B, Johnson PJ, Williams R. Control of malignant ascites with spironolactone. Br J Surg 1982;69:441-2. 5. Sartori S, Nielsen I, Trevisani L et al. Sonographically guided peritoneal catheter placement in the palliation of malignant ascites in end-stage malignancies. Am J Roentgenol 2002;179:1618-20. 6. Zanon C, Grosso M, Apra F et al. Palliative treatment of malignant refractory ascites by positioning of Denver peritoneovenous shunt. Tumori 2002;88:123-7. 7. Woolfson RG, Jennings K, Whalen GF. Management of bowel obstruction in patients with abdominal cancer. Arch Surg 1997;132:1093-7. 8. Baines MJ. The pathophysiology and management of malignant intestinal obstruction. In: Doyle D, Hanks G, Mac Donald N (eds). Oxford textbook of palliative medicine. 2nd Ed. Oxford. Oxford: University Press, 1998:526-33. 9. Van Hooft J, Fockens P, Marinelli A et al. Premature closure of the Dutch Stent-in I Trial: colonic stenting vs. surgery in left-sided colonic obstruction for incurable colorectal cancer. Gastrointest Endosc 2007;65:AB253 (abstract). 10. Bozzetti F, Amadori D, Bruera E et al. Guidelines on artificial nutrition versus hydration in terminal cancer patients. European Association for Palliative Care. Nutrition 1996;12:163-7. 11. Mercadante S, Ripamonti C, Casuccio A et al. Comparison of octreotide and hyoscine butylbromide in controlling gastrointestinal symptoms due to malignant inoperable bowel obstruction. Support Care Cancer 2000;8:188-91. 12. Baines M, Oliver DJ, Carter RL. Medical management of intestinal obstruction in patients with advanced malignant disease. A clinical and pathological study. Lancet 1985;2:990-3. 13. Khoo D, Hall E, Motson R et al. Palliation of malignant intestinal obstruction using octreotide. Eur J Cancer 1994;30A:28-30. 14. Mystakidou K, Tsilika E, Kalaidopoulou O et al. Comparison of octreotide administation vs conservative treatment in the management of inoperable bowel obstruction in patients with far advanced cancer: a randomized, double-blind, controlled clinical trial. Anticancer Res 2002;22:1187-92. 15. Laval G, Girardier J, Lassaunière JM et al. The use of steroids in the management of inoperable intestinal obstruction in terminal cancer patients: do they remove the obstruction? Palliat Med 2000;14:3-10. 16. Hardy J, Ling J, Mansi J et al. Pitfalls in placebo-controlled trials in palliative care: dexamethasone for the palliation of malignant bowel obstruction. Palliat Med 1998;12:437-42. 17. Feuer DJ, Broadley KE. Corticosteroids fort the resolution of malignant bowel obstruction in advanced gynaecological and gastrointestinal cancer. Cochrane Database Syst Rev 2000;(2):CD001219. >>> LAB’INFOS Baraclude® disponible en solution buvable L’entécavir (Baraclude®) est maintenant disponible sous une forme buvable dosée 48 HGE 2(XI) MARS AVRIL 2008.indd 48 à 0,05 mg/ml à côté des comprimés pelliculés à 0,5 et 1 mg. Cette forme trouve tout son intérêt chez l’insuffisant rénal lorsque la clairance à la créatinine est inférieure à 50 ml/mn, y compris chez les patients hémodialysés ou traités par dialyse péritonéale ambulatoire. Rappelons que Baraclude® est indiqué dans le traitement de l’infection chronique par le virus B, infection touchant 300 000 personnes en France. La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. XI - n° 2 - mars-avril 2008 14/04/08 16:03:34