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P R O F E S S I O N N E L L E
Chère Lectrice, cher Lecteur
Dans le n° 283 de La Lettre du Rhumatologue, p. 47, nous avons ouvert cette rubrique “Vie
professionnelle” à votre intention. Que vous soyez hospitalier ou libéral, faites-nous part de vos
sentiments et de vos idées pour le futur.
B. Combe et J. Sibilia,
rédacteurs en chef
Les relations ville-hôpital (suite...)
L
e point de vue du Dr Boumier (La Lettre du Rhumatologue n° 282, mai 2002, p. 36) traduit un vrai malaise du
médecin libéral que le corps hospitalier ne doit pas occulter. Or, la remise en question des relations entre libéraux et hospitaliers exige une réflexion profonde, et j’aimerais alimenter cette
rubrique en ajoutant mon point de vue à celui du Dr Boumier et en
espérant ainsi susciter d’autres réactions.
D’accord, monsieur Boumier, les règles de prescription des antiTNFα peuvent creuser un abîme entre la médecine hospitalière et
la médecine libérale.
Pour des raisons géographiques, certains patients, éloignés d’un
centre hospitalier universitaire, ne peuvent tout simplement pas se
déplacer facilement et de façon répétée pour bénéficier de ce type
de traitement. La médecine du rhumatologue de proximité amené
à exprimer son impuissance pour la prescription de ces biothérapies est donc différente de la médecine de CHU. Finalement, il y
a perte de chance pour le patient.
Pour des raisons de “passe-droit” ou de connivence, il semble que
les places soient parfois accordées plus facilement aux patients suivis au sein de l’hôpital qu’aux patients externes.
Et puis, quel médecin libéral n’a pas essuyé le refus de prise en
charge à 100 % d’une polyarthrite débutante sévère, mais ne répondant pas aux critères de définition de PR en vigueur chez les médecins conseils de la Sécurité sociale ? À l’heure où l’on insiste pour
initier précocement un traitement de fond de cette maladie, il faut
avant tout en informer nos confrères, ceux qui tiennent les cordons
de la bourse !
Surtout, confier un patient à un service de rhumatologie pour un
traitement par anti-TNFα, c’est souvent un peu l’abandonner. Le
Dr Lecoq en a conscience, mais estime que cela traduit une peur
du changement de la part du médecin libéral. Les faits sont là, pourtant. La fréquence des hospitalisations ne rend plus obligatoires
les consultations intercurrentes avec le rhumatologue libéral, si
bien que même en cas de complications, l’hôpital prend la place
La Lettre du Rhumatologue - n° 285 - octobre 2002
du médecin de proximité. Certains d’entre nous ressentent la sensation d’être dépossédés de la prescription. La passation du pouvoir thérapeutique rompt souvent la relation médecin-malade, installée pourtant depuis des années. C’est aux médecins hospitaliers
de favoriser la pérennité de ce lien – certains le font – et de ne pas
accaparer le patient inutilement.
Peut-être y a-t-il moyen de créer des relations innovantes entre hospitaliers et libéraux ?
Il y a un passage entre médecine hospitalière et médecine libérale
pour beaucoup d’entre nous à un ou plusieurs moments de notre
vie professionnelle. Ces passages vécus ou possibles doivent rappeler aux uns et aux autres qu’il s’agit d’une même médecine, que
le respect et l’humilité vis-à-vis des autres soignants sont des qualités basiques, que le but commun est le mieux-être de la personne
malade. Ce mieux-être peut dépendre d’une médecine de proximité comme d’une médecine hospitalière lourde.
Savoir, dans la prise en charge d’une personne malade, prendre la
main, mais aussi la laisser au bon moment, demande une certaine
finesse, qui échappe parfois à certains d’entre nous.
La solution passe-t-elle par le développement de réseaux ? La lourdeur de fonctionnement de certaines institutions rend dubitatif. Un
interlocuteur hospitalier disponible par médecin libéral pour des
relations claires, transparentes, souples, sans appropriation de
patients (ah, les convocations de patients à l’hôpital éloigné pour
résultats d’examen ou “synthèse” quand le rhumatologue est à
quelques kilomètres !), voilà le souhait des médecins libéraux ! Le
médecin libéral a par ailleurs le plus souvent développé des relations de confiance avec les autres professionnels de santé de sa
région. Il sait avec qui collaborer pour le traitement des patients
ayant des PR graves. Le médecin libéral travaillerait-il en réseau
sans le savoir, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose ?
Sur de telles bases, voir les relations entre les différents acteurs de
santé comme un partenariat ne relève pas, selon moi, de l’utopie.
Dr F. Duriez, rhumatologue libérale
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