ECRITS DE LA MARGE Masque libéral et salariat sans nom « La prise de conscience de l'injustice sociale nécessite elle aussi le langage pour la penser. » Cynthia Fleury, Les irremplaçables, éditions Gallimard, 2015 C'est toujours comme ça : tu te mets devant la page blanche et tu ne sais pas par quoi commencer. Pourtant, les mots tournent dans ta tête depuis si longtemps, mais sur lequel tirer qui te mène à une écriture qui ne soit surfaite, qui dise quelque chose où parfois les mots s'égarent en un verbe creux ? Puisqu'il est de bon ton de se redresser, de ne plus s'en laisser compter par un système politique et économique à bout de souffle, si nous nous mettions à réfléchir à ce que nous vivons, aux moyens d'en tirer des leçons afin de clairement établir ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas ? Par Xavier Lainé Est-ce qu'une fois, une seule fois, dans une profession baladée depuis presque toujours au fil de ses incertitudes, il serait possible de s'asseoir, non pour vanter nos errements dans les couloirs de la République mal en point, mais pour établir ce que sont nos rêves. C'est quoi, notre métier ? Quelle place tient-il aujourd'hui ? Quel rôle social avons-nous ? Quelles sont nos souffrances ? Quels sont nos plaisirs ? De quels moyens rêvons-nous qui nous mettent à l'oeuvre plutôt qu'au travail ? Actu'Alizé - N°32 - Avril 2016 - 15 Devons-nous demeurer en cet état où tout semble fixé d'avance, dans un jeu de dupe qui ronge peu à peu notre condition, avec notre assentiment, au point de la rendre toujours plus précaire, toujours plus contraignante. C'est quoi un statut de libéral ou de salarié ? Est-ce bien ce que nous croyons, ou l'arbre qui cache la forêt ? Sans doute est-ce une chance d'avoir pu expérimenter les deux faces de ce tripalium ! J'ai pu ainsi juger de l'assujettissement des uns et des autres à des impératifs qui ne sont pas les nôtres. Car au fond, que voulons-nous ? Avez-vous regardé cette excellente série sur Arte, intitulée, justement « Tripalium ».Ce mot, à l'origine du mot travail, désignait chez les Romains un instrument de torture... Alors, puisqu'il est temps de nous inscrire dans l'imagination d'autre chose que ce monde qui nous enferme, allonsnous demeurer à l'écart des réflexions en cours, nous contenter d'un « entrenous » mortifère, sous la houlette des certitudes d'une minorité ? Regardons bien : si les choses sont claires dans le monde salarié, un somptueux écran de fumée nous cache la réalité absurde de ce que certains osent encore appeler libéral.