R H U M A T O L O G I E P É D I A T R I Q U E Rhumatologie pédiatrique Juvenile arthritis ● T. Schaeverbeke, V. Devauchelle P o i n t s f o r t s ✔ Les anticorps anti-CCP sont fréquemment retrouvés au cours de la forme polyarticulaire tardive de l’arthrite juvénile idiopathique, qui est certainement une forme juvénile de la polyarthrite rhumatoïde. ✔ L’hexacétonide de triamcinolone intra-articulaire a une efficacité et un taux de maintien thérapeutique supérieurs à ceux de l’acétonide de triamcinolone dans les oligoarthrites juvéniles. ✔ Confirmation de l’efficacité inconstante de l’etanercept dans le traitement de la forme systémique de l’arthrite juvénile idiopathique. ✔ Efficacité de l’anticorps antirécepteur de l’IL-6 dans le traitement de la forme systémique d’arthrite juvénile idiopathique. ACR 2003 a compté un nombre assez important de communications consacrées à la rhumatologie pédiatrique, certaines apportant des éléments de réponse à des questions pratiques, tel le risque d’induction de poussées articulaires par une vaccination au cours de l’arthrite juvénile idiopathique, d’autres ouvrant de nouvelles perspectives thérapeutiques dans cette même maladie. L’ ANTICORPS ANTI-PEPTIDES CITRULLINÉS DANS L’ARTHRITE JUVÉNILE IDIOPATHIQUE Si les notions de sensibilité et de spécificité des anti-CCP sont désormais parfaitement connues dans la polyarthrite 40 rhumatoïde de l’adulte, l’intérêt de la recherche de tels anticorps restait à évaluer au cours des rhumatismes infantiles, ce qu’ont réalisé trois études. Low et al. (145) ont recherché la présence d’anticorps antiCCP chez 66 enfants porteurs d’une arthrite juvénile idiopathique, selon trois techniques différentes. Les résultats de ces trois techniques sont globalement homogènes ; nous ne retiendrons donc que ceux de l’ELISA correspondant à la seule technique de dosage utilisable en pratique. Des anticorps anti-CCP ont été identifiés chez 75 % des jeunes malades ayant une polyarthrite séropositive pour le facteur rhumatoïde, contre 25 % des enfants ayant une oligoarthrite ou une polyarthrite sans facteur rhumatoïde, et aucun enfant ayant une forme systémique de la maladie (Still). Des résultats très voisins étaient présentés par Hassfeld et al. (146) : chez 100 enfants atteints d’arthrite juvénile idiopathique, des anti-CCP étaient retrouvés chez 50 % des jeunes patients ayant une polyarthrite séropositive pour le facteur rhumatoïde, aucun des enfants ayant une oligoarthrite ou une polyarthrite séronégative, et 6 % des enfants présentant une forme systémique. Enfin, Majka et al. (LB517) ont conduit un travail similaire sur une population de 326 patients porteurs d’une arthrite juvénile idiopathique. Ils ont mis en évidence des anti-CCP chez 20,5 % d’enfants présentant une polyarthrite, majoritairement chez des enfants ayant une polyarthrite à début tardif et présentant également un facteur rhumatoïde, et chez seulement 1,2 % des enfants ayant une oligoarthrite et aucun des enfants présentant une forme systémique. Les résultats de ces trois travaux sont donc très homogènes. Des anticorps anti-CCP peuvent être mis en évidence au cours des arthrites juvéniles idiopathiques. Ces anticorps sont très majoritairement retrouvés dans la forme polyarticulaire à début tardif, associés à la présence d’un facteur rhumatoïde. Ils ne sont que beaucoup plus rarement retrouvés au cours des oligoarthrites ou des formes systémiques. Deux conclusions s’imposent donc : la polyarthrite à début tardif correspond bien à la forme juvénile de la polyarthrite rhumatoïde, et les anti-CCP sont très spécifiques de la polyarthrite rhumatoïde, y compris chez l’enfant. La Lettre du Rhumatologue - n° 298 - janvier 2004 H U M A T O L O G I E VACCINATION ANTI-MÉNINGOCOQUE DU GROUPE C ET ARTHRITE JUVÉNILE IDIOPATHIQUE La question du risque d’induction de poussées de rhumatisme inflammatoire par une vaccination est récurrente, notamment chez l’enfant. Sans fournir de réponse définitive, l’expérience rapportée par un groupe hollandais est rassurante, et mérite d’être mentionnée. Une dramatique épidémie de méningite à méningocoque du groupe C, survenue aux Pays-Bas en 1997, a conduit à une large campagne de vaccination contre cet agent. Ronaghy et al. (138) ont eu l’idée d’évaluer le retentissement de cette vaccination chez des enfants présentant une arthrite juvénile idiopathique. Quatre-vingt-six enfants ont été inclus dans cette étude, 35 d’entre eux présentant une oligoarthrite, 33 une polyarthrite et 18 une forme systémique d’arthrite juvénile idiopathique. Certains de ces enfants recevaient des traitements de fond ou des immunosuppresseurs : sulfasalazine, méthotrexate, léflunomide, veinoglobulines, etanercept, infliximab ou traitements combinés. L’activité de la maladie articulaire a été évaluée 6 mois avant et 6 mois après la vaccination, sur les score articulaires, le HAQ et l’appréciation globale du patient. L’efficacité vaccinale a été évaluée à 6 mois sur le taux d’IgG anti-méningocoque C . Aucune poussée d’arthrite n’a été enregistrée à la suite de la vaccination, et ni la maladie ni son traitement ne semblent avoir altéré la réponse vaccinale, des taux d’IgG anti-méningocoque C considérés comme protecteurs étant retrouvés, y compris chez les patients traités par immunosuppresseurs. ÉTUDE COMPARATIVE DE L’ACÉTONIDE ET DE L’HEXACÉTONIDE DE TRIAMCINOLONE INTRA-ARTICULAIRE AU COURS DE L’ARTHRITE JUVÉNILE IDIOPATHIQUE La corticothérapie locale est très utilisée chez l’enfant, notamment dans les mono- et oligo-arthrites, et fait volontiers appel aux corticoïdes retard pour éviter la multiplication des gestes. Zulian et al. (1697) ont étudié l’efficacité respective de l’acétonide de triamcinolone (Kenacort®) et de l’hexacétonide de triamcinolone (Hexatrione®) chez des enfants présentant une arthrite juvénile idiopathique responsable de l’atteinte de deux articulations symétriques, dont l’une a fait l’objet d’une injection intra-articulaire de 1 mg/kg d’hexacétonide de triamcinolone (maximum 40 mg), l’autre de 2 mg/kg d’acétonide de triamcinolone (maximum 80 mg). L’évaluation articulaire, faite à 1, 3, 6, 9, 12 et 24 mois, portait sur le gonflement, la douleur et la limitation articulaires, ainsi que sur l’augmentation de la chaleur locale au toucher. Une bonne réponse était définie par l’absence de synovite La Lettre du Rhumatologue - n° 298 - janvier 2004 P É D I A T R I Q U E ou une amélioration du score articulaire d’au moins 60 %. Quatre-vingt-six articulations ont été infiltrées, dont 68 aux genoux, 16 aux chevilles et 2 aux poignets. Un taux de bonnes réponses significativement plus élevé a été enregistré avec l’hexacétonide de triamcinolone, le maintien de la réponse étant également nettement meilleur avec ce produit (tableau I et figure 1). La tolérance de ces gestes a été satisfaisante, deux atrophies sous-cutanées ayant néanmoins été observées avec chacun des deux produits. L’hexacétonide de triamcinolone intra-articulaire paraît donc donner des résultats supérieurs à ceux de l’acétonide de triamcinolone dans le traitement des arthrites persistantes chez l’enfant. On ne peut que regretter les problèmes de disponibilité observés avec ces produits depuis quelques années. Tableau I. Taux de bonne réponse articulaire après injection articulaire d’hexacétonide de triamcinolone (HT) et d’acétonide de triamcinolone (AT). 6 mois 12 mois 24 mois HT 89,7 % 84 % 77 % AT 61 % 48 % 38 % 100 % de rémissions R Log-rank test p = 0,003 75 HT 50 AT 25 0 0 5 10 15 20 25 30 35 Mois depuis l ’injection Figure 1. Taux de maintien de la rémission clinique après injection articulaire d’hexacétonide de triamcinolone (HT) et d’acétonide de triamcinolone (AT). COMPARAISON DU LÉFLUNOMIDE ET DU MÉTHOTREXATE DANS LA POLYARTHRITE JUVÉNILE Silvermann et al. ont rapporté les résultats d’un essai multicentrique, randomisé, comparant l’efficacité et la tolérance du léflunomide et du méthotrexate dans la forme polyarticulaire d’arthrite juvénile idiopathique. Ont été recrutés des enfants de 3 à 17 ans présentant une polyarthrite et n’ayant jamais reçu l’un ou l’autre de ces deux traitements de fond. Les schémas thérapeutiques proposés étaient les suivants : 41 R H U M A T O L O G I E P É D I A T R I Q U E pour le léflunomide, une dose de charge était administrée à raison de 100 mg/j à J1, J2 et J3 si le poids de l’enfant était supérieur à 40 kg, adaptée au poids si le poids était inférieur, puis le produit était prescrit à 10 mg/kg un jour sur deux si le poids de l’enfant était inférieur à 20 kg, 10 mg/kg/j entre 20 et 40 kg, et 20 mg/j si le poids excédait 40 kg ; le méthotrexate était, quant à lui, administré à la dose de 0,5 mg/kg par semaine (maximum 25 mg/semaine), et associé à une supplémentation par acide folique (5 mg/semaine). L’évaluation, réalisée à S0, S4, S8, S12 et S16, portait sur les scores JRA 30, 50 et 70, sur le pourcentage global d’amélioration et sur le CHAQ (Child Health Assessment Questionnaire). Quatre-vingt-quatorze enfants ont été inclus dans l’étude, 47 par groupe. L’efficacité des deux produits s’est révélée globalement comparable. Le pourcentage global d’amélioration était équivalent aux différents temps d’évaluation pour les deux produits (figure 2). Le taux de répondeurs JRA30 était cependant significativement plus élevé dans le groupe méthotrexate à S16 (89 % versus 68 %, figure 3). La tolérance a été globalement satisfaisante, trois événements sérieux ayant cependant été observés chez les Semaines 4 8 12 16 % d'amélioration 0 - 20 - 40 LEF MTX - 60 Figure 2. Pourcentage global d’amélioration sous méthotrexate et léflunomide au cours de la polyarthrite juvénile. MTX 80 % de patients LEF p = 0,015 40 0 0 4 8 Semaines 12 16 Figure 3. Taux de répondeurs JRA 30 sous méthotrexate et léflunomide au cours de la polyarthrite juvénile. 42 enfants traités par léflunomide (un parapsoriasis, une augmentation importante des taux de transaminases hépatiques et une salmonellose), tandis qu’aucun événement grave n’était constaté sous méthotrexate. Le léflunomide semble donc pouvoir représenter une alternative thérapeutique intéressante dans le traitement de la polyarthrite juvénile. ANTI-TNF ET SPONDYLARTHROPATHIE JUVÉNILE Une étude ouverte, ne portant que sur quatre patients, mérite d’être rapportée, compte tenu des résultats observés sur des enthésopathies rebelles, qui posent un problème thérapeutique fréquent au cours des spondylarthropathies juvéniles. Ces quatre enfants porteurs d’une spondylarthropathie juvénile ont fait l’objet d’un traitement anti-TNF pour des enthésopathies réfractaires, associées ou non à des arthrites périphériques, persistant au-delà de 6 mois malgré l’emploi d’AINS, de corticoïdes, de salazopyrine, de méthotrexate et de bisphosphonates. Deux de ces enfants ont reçu des perfusions d’infliximab pendant un an, les deux autres des injections bihebdomadaires d’etanercept pendant 6 mois. Une rémission quasi complète des enthésopathies et des arthrites a été obtenue dans tous les cas, permettant une réduction très importante des traitements associés (AINS, corticoïdes, méthotrexate). La tolérance a été jugée satisfaisante (Tse, 125). EFFICACITÉ INCONSTANTE DE L’ETANERCEPT DANS LE TRAITEMENT DE LA FORME SYSTÉMIQUE D’ARTHRITE JUVÉNILE IDIOPATHIQUE Russo et al. (126) ont évalué l’efficacité de l’etanercept en ouvert chez 19 enfants présentant une forme systémique d’arthrite chronique juvénile résistant à un traitement par méthotrexate à la posologie de 20 mg/m2/semaine. L’étanercept a été administré à la posologie initiale de 4 mg/kg deux fois par semaine (cette posologie pouvant être secondairement augmentée si nécessaire), tandis que la prednisone et le méthotrexate étaient maintenus, à une posologie de 5 à 20 mg/kg/semaine pour ce dernier produit. Le suivi moyen a été de 15,5 mois, avec des extrêmes de 6 à 37 mois. Si une amélioration a été initialement obtenue chez 15 patients (79 %), 12 d’entre eux (80 %) ont présenté au moins une rechute, nécessitant une augmentation de posologie de l’etanercept dans 7 cas, et conduisant finalement à l’arrêt du traitement pour inefficacité dans 11 cas, en moyenne 9 mois après l’instauration du traitement. Une réponse clinique stable n’a été enregistrée que chez un tiers des patients. Aucun effet indésirable sérieux n’a cependant été noté. Il se La Lettre du Rhumatologue - n° 298 - janvier 2004 H U M A T O L O G I E confirme ainsi que les anti-TNF ont un effet moins spectaculaire dans le traitement de la forme systémique de l’arthrite juvénile idiopathique que dans la forme polyarticulaire tardive ou dans la spondylarthropathie juvénile. EFFICACITÉ DU MRA (ANTI-IL-6R) DANS LE TRAITEMENT DE LA FORME SYSTÉMIQUE DE L’ARTHRITE JUVÉNILE IDIOPATHIQUE La forme systémique de l’arthrite juvénile idiopathique est une maladie sévère, dont la mortalité demeure élevée, aux alentours de 5 %. Elle se caractérise par son caractère volontiers réfractaire aux thérapeutiques usuelles, y compris, comme nous venons de le voir, aux anti-TNF, et nécessite fréquemment un recours à de fortes posologies de corticoïdes, avec les conséquences que l’on connaît pour de telles corticothérapies au long cours, notamment sur la croissance. Une autre caractéristique de cette affection est l’importance des taux d’IL-6 circulants observés en particulier lors des poussées fébriles de la maladie. Cette observation a conduit très logiquement Yokota et al. (1070) à évaluer l’efficacité d’une biothérapie anti-IL-6 dans le traitement de la forme systémique d’arthrite juvénile idopathique : le MRA, qui est un antagoniste du récepteur de l’IL-6. Il s’agit d’un essai de phase II, conduit chez 11 enfants de 8,5 ans d’âge moyen, présentant une maladie active définie par la persistance de la fièvre, une VS supérieure à 30 mm, et résistant à une corticothérapie de 1 mg/kg/j, associée ou non à du méthotrexate ou à de la ciclosporine. Le MRA a été administré à la posologie initiale de 2 mg/kg deux fois par semaine, augmentée secondairement à 4 mg/kg chez 8 enfants devant la persistance d’une CRP supérieure à 15 mg/l, puis à 8 mg/kg chez 3 enfants pour P É D I A T R I Q U E la même raison. La qualité de la réponse clinique a été évaluée sur les scores JRA 30, 50 et 70 à la 6e semaine de la mise en route du traitement ou de la dernière augmentation posologique selon les cas. Tous les patients ont répondu, à des doses variables de MRA, les meilleurs taux de réponse étant observés aux posologies les plus élevées, avec 100 % de répondeurs JRA70 à 6 semaines pour la posologie de 8 mg/kg (figure 4). Une normalisation des différents paramètres biologiques a été observée chez tous les enfants (VS, CRP, leucocytose, hémoglobinémie). Malgré le caractère très bref de l’étude et le petit nombre de patients, divers événements indésirables ont été enregistrés : deux abcès au point d’injection, une gastroentérite aiguë et deux infections urogénitales. 100 % de répondeurs R 75 87,5 87,5 100 100 100 63,6 63,6 90,0 90,0 53,5 50,0 50 25 9,1 0 2 mg/kg (n = 11) 4 mg/kg (n = 8) 8 mg/kg (n = 3) Total (n = 11) Figure 4. Taux de répondeurs JRA 30, 50 et 70 sous MRA au cours de la forme systémique d’arthrite juvénile idiopathique. Les résultats encourageants devront bien entendu être confirmés par des essais de plus grande ampleur, permettant notamment d’apprécier la qualité de la réponse et la tolérance au long cours. ■ Les articles publiés dans “La Lettre du Rhumatologue” le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. 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