Lire l'article complet

publicité
> ACTUALITÉS
oncosciences
Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy)
et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
> Cancer Research
> Clinical Cancer Research
> Journal of the National
Cancer Institute
> Nature Medicine
> Oncogene
> Science
> La pénétration des médica-
ments anticancéreux à travers
les tissus tumoraux dépend
de l’adhésion et de la densité
cellulaire
ACTUALITÉS
oncosciences
L
a résistance aux agents anticancéreux est multifactorielle. La
recherche de ses mécanismes moléculaires s’est d’abord effectuée dans
des cellules tumorales en culture monocouche rendues résistantes à des doses
croissantes de médicaments. On sait
maintenant que les mécanismes identifiés
par ces approches ne reflètent pas nécessairement ceux qui sont effectivement
mis en jeu dans la résistance clinique.
Ceux-ci tiennent compte notamment de
facteurs liés à l’environnement tumoral.
Dans cet article, R. Grantab et al.
démontrent que le niveau d’adhésion
entre cellules ainsi que le degré de
“compaction” des cellules tumorales
sont deux facteurs qui interviennent
dans la pénétration du médicament à
travers les différentes couches cellulaires et peuvent, par conséquent,
jouer un rôle dans la résistance tumorale aux médicaments.
Le modèle expérimental utilisé dans
cette étude est un système de multicouches de cellules tumorales cultivées sur des membranes microporeuses
de téflon préalablement recouvertes de
collagène. Ce système, initialement développé par W.R. Wilson et K.O. Hicks
(1), permet de modéliser la pénétration d’un médicament dans une tumeur
en quantifiant le passage par diffusion
d’un médicament à travers cette multicouche cellulaire lorsqu’elle sert de
séparateur entre un compartiment
contenant le médicament et un compartiment contenant du milieu seul.
Différents types cellulaires dérivés des
cellules de carcinome du côlon HCT-8
ont été utilisés : les lignées Ea et E11 à
caractéristiques épithéliales, montrant
une forte cohésion entre cellules constituant les multicouches, avec présence
en surface de villosités particulièrement
riches en laminine, et leur variant respectifs Ra et 1R1, dont la morphologie
est plutôt ronde et dont la cohésion
entre cellules est beaucoup moins forte
au niveau des multicouches.
Par des études de cinétique de pénétration, les auteurs montrent que les
multicouches formées à partir des cellules Ea et E11 laissent passer une
quantité moindre de médicaments
anticancéreux (doxorubicine, 5-fluorouracile méthotrexate ou paclitaxel)
que les multicouches formées par les
cellules Ra et 1R1. Ils montrent en
particulier que la doxorubicine reste
localisée au niveau du premier tiers de
la multicouche dans le cas des cellules
Ea et E11, alors que, pour les cellules
Ra et 1R1, la drogue est distribuée
dans toutes les couches, et que
les couches extérieures (en contact
avec la chambre contenant la drogue)
commencent à se dissocier.
De façon intéressante, les auteurs
montrent que la cytotoxicité de la
doxorubicine est équivalente dans les
lignées E11 et 1R1 lorsque l’expérimentation est conduite sur des cellules
en monocouche, alors que les cellules
Ra et 1R1 sont considérablement plus
sensibles à la doxorubicine que les cellules Ea et E11 lorsqu’elles sont traitées sous forme de multicouches. Cette
différence n’est pas liée à une différence du nombre de cellules en phase S
du cycle cellulaire entre les divers types
de multi-couches.
Ainsi, les auteurs démontrent que
le niveau de “compactage” des cellules,
lié au degré d’adhésion entre cellules,
peut influencer de façon importante le
passage de différents agents anticancéreux à travers plusieurs couches de
cellules tumorales. Cette différence de
La Lettre du Cancérologue - Suppl. n°1 Les Actualités au vol. XV - n° 3 - juillet 2006
7
> ACTUALITÉS
oncosciences
Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy)
et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
> Cancer Research
> Nature Medicine
> Oncogene
> Clinical Cancer
Research
> Science
> Journal of the National
Cancer Institute
pénétration au sein de la multicouche
cellulaire (qui tente de reproduire la
structure tumorale) est directement
corrélée à une différence de sensibilité
des cellules à l’agent anticancéreux.
Ces résultats permettent de penser
qu’au niveau de la tumeur, de tels paramètres sont capables d’influencer de
façon significative la sensibilité des
cellules aux médicaments anticancéreux
et peuvent intervenir directement dans la
résistance clinique.
■
Philippe Pourquier
Institut Bergonié, Bordeaux.
[email protected]
> Grantab R, Sivananthan S, Tannock IF.
The penetration of anticancer drugs through
tumor tissu as a function of cellular adhesion
and pocking density of tumor cells.
Cancer Res 2006;66(2):1033-9.
Référence bibliographique
1. Wilson WR, Hicks KO. Measurement of extravascular drug diffusion in multicellular layers.
Br J Cancer 1999;79:1623-6.
> Delta-24 augmente
l’expression et l’activité
de l’ADN-topo-isomérase I
et potentialise l’effet
de l’irinotécan dans les cellules
de gliomes
P
ouvoir cibler spécifiquement les
cellules tumorales est un des
objectifs privilégiés dans la recherche
de nouveaux traitements anticancéreux. Dans ce cadre, certains adénovirus ont été développés pour éliminer
spécifiquement des cellules tumorales
infectées. C’est le cas du virus Delta-24,
qui peut se répliquer activement dans
des cellules cancéreuses, alors qu’il ne
peut le faire dans des cellules normales. Ce virus est également
capable d’induire la division de cellules
quiescentes, ce qui présenterait l’avan-
8
tage d’associer à l’action du virus celle
de médicaments anticancéreux dont
l’action est optimale dans la phase S du
cycle cellulaire (c’est-à-dire la phase de
réplication de l’ADN), afin de potentialiser l’action de ces drogues. C’est cette
hypothèse que C. Gomez-Manzano et al.
tentent de démontrer dans cet article
en étudiant l’effet sensibilisateur de
Delta-24 à l’irinotécan (CPT-11), un
inhibiteur de l’ADN-topo-isomérase I,
qui est une enzyme nucléaire dont le
rôle est de supprimer les contraintes de
torsion de l’ADN lors de la réplication et
de la division cellulaire. Ils utilisent
pour cela deux modèles cellulaires de
gliomes humains appelés U-87 MG et
U-251 MG. Ils montrent tout d’abord
que les cellules U-87 MG et U-251 MG
infectées par Delta-24 présentent une
augmentation du niveau et de l’activité
de topo-isomérase I (de l’ordre de 4
fois) par rapport aux cellules contrôles
ou aux cellules infectées par Delta-24
préalablement inactivé par une irradiation aux UV. Cette augmentation est
corrélée à une plus forte proportion de
cellules en phase S du cycle cellulaire,
c’est-à-dire de cellules en train de répliquer leur ADN.
Les auteurs présentent ensuite l’action
combinée de l’infection par l’adénovirus
suivie par un traitement à l’irinotécan.
Dans le cas de la combinaison Delta-24
inactivé par les UV puis irinotécan, les
cellules sont bloquées en phase G2/M
du cycle, ce résultat étant lié à la seule
action de l’irinotécan. En revanche, le
traitement par la séquence Delta-24
puis irinotécan montre une abrogation
de l’arrêt en G2/M induite par l’irinotécan, avec un profil comparable à celui
de cellules traitées par Delta-24 seul.
En termes de survie cellulaire, cette
combinaison se traduit par une
potentialisation de l’effet cytotoxique
de l’irinotécan par Delta-24. Cette
potentialisation est d’autant plus
La Lettre du Cancérologue - Suppl. n°1 Les Actualités au vol. XV - n° 3 - juillet 2006
importante que le niveau d’infection
est grand, avec une IC50 de l’irinotécan réduite respectivement d’un facteur 2 et 7 dans les lignées U-87 MG et
U-251 MG. Les auteurs s’assurent, par
ailleurs, que la potentialisation n’est
pas due à un effet de l’irinotécan sur le
taux de réplication du virus Delta-24.
Enfin, les auteurs montrent que les
résultats obtenus in vitro dans les cellules U-87 MG et U-251 MG sont également observés dans des modèles de
souris xénogreffées. Ils montrent qu’il
existe une survie statistiquement plus
élevée des souris xénogreffées lorsqu’elles sont traitées par la combinaison Delta-24 suivi d’irinotécan que
lorsqu’elles sont traitées par le véhicule
seul, l’irinotécan seul, ou Delta-24 seul.
De façon intéressante, il n’existe aucune
souris survivante dans les groupes traités par un seul agent, alors que 7 souris sur 31 survivent jusqu’à 3 mois après
traitement par la combinaison Delta-24
suivi d’irinotécan, avec une régression
complète des tumeurs ainsi qu’une disparition totale de la présence de particules virales dans les coupes de cerveaux analysés par immunohistochimie.
Ces résultats démontrent donc l’efficacité de l’association adénovirus Delta-24
et irinotécan in vitro et in vivo dans le
traitement des cellules de gliomes
humains. Ils peuvent donc servir de
rationnel de base pour le développement de nouvelles combinaisons associant un adénovirus ciblant spécifiquement les cellules tumorales et un agent
cytotoxique dont l’efficacité est spécifiquement liée à la proportion de cellules
en phase S du cycle cellulaire.
■
Philippe Pourquier
Institut Bergonié, Bordeaux
> Gomez-Manzano C, Alonso MM, Yung WK
et al. Delta-24 increases the expression
and activity of topoisomerase I and enhances
the antiglioma effect of irinotecan.
Clin Cancer Res 2006;12(2):556-62.
> La lysyl oxydase régule
la migration et l’adhésion
des cellules de cancer du sein
par un mécanisme faisant
intervenir l’eau oxygénée
L
e gène de la lysyl oxydase (LOX) code
pour une amine oxydase qui est une
enzyme impliquée dans le pontage du
collagène et de l’élastine au niveau de la
matrice extracellulaire. Au cours de ce
processus, LOX catalyse l’échange d’un
groupement amine par un groupement
aldéhyde sur un résidu lysine d’un polypeptide. Cette réaction génère la production de peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée) et d’ammoniaque. De récentes
études ont montré que LOX pouvait avoir
des fonctions intracellulaires incluant la
régulation de la différenciation, de la
motilité et/ou de la migration cellulaire.
En particulier, LOX serait impliquée dans
le caractère métastatique (ou invasif) des
cellules de cancer du sein par des mécanismes qu’il reste à déterminer. Dans cet
article, S.L. Payne et al. testent l’hypothèse selon laquelle LOX serait capable de
faciliter la migration de cellules de cancer
du sein par la régulation de l’adhésion
entre cellule et matrice extracellulaire.
Les auteurs montrent tout d’abord, par
immunohistochimie, que l’expression de
LOX est faible dans des tissus de sein normaux, alors qu’elle est augmentée dans des
tissus de sein cancéreux et semble être
davantage exprimée dans les tissus métastatiques que dans les tumeurs primaires.
Les auteurs cherchent également à établir un lien entre l’activité de LOX et le
degré de motilité et de migration des
cellules de cancer du sein (MDA-MB-231
et Hs578T). La motilité des cellules est
mesurée à l’aide d’un kit commercial
permettant de quantifier visuellement
les trajectoires des cellules lors de leur
mouvement sur un support. Cette moti-
lité est réduite par un prétraitement
au βAPN, composé déjà connu pour
réduire le caractère invasif de différents
types de cellules de cancer du sein. La
surexpression de la forme active de
32 kDa de LOX augmente la motilité cellulaire, cet effet étant inhibé par l’action du βAPN. En revanche, la surexpression de la forme proenzyme inactive
de LOX de 50 kDa n’a aucun effet sur
l’invasion ou la motilité. Les auteurs
montrent que la migration cellulaire à
travers des filtres de polycarbonate est
également réduite par un traitement
avec le βAPN, alors qu’elle est augmentée par la surexpression de la forme
active de 32 kDa de LOX. La réduction
de motilité et de migration des cellules
est systématiquement corrélée à une
réduction de l’activité de LOX.
Pour mieux définir quel aspect de la
motilité est affecté par LOX, les auteurs
ont étudié l’effet de LOX sur l’adhésion
des cellules à une matrice de fibronectine. Ils démontrent que le βAPN réduit
l’adhésion des cellules à caractère invasif. Ils montrent en parallèle que la
surexpression de la forme active de LOX
augmente l’adhésion et que cette augmentation est inhibée par le βAPN. Cette
première partie de l’étude démontre que la
surexpression de LOX et son augmentation
d’activité favorisent le caractère invasif
des cellules de cancer du sein en facilitant
leur adhésion à une matrice.
L’acquisition du caractère métastatique
est étroitement liée à la capacité de
migration des cellules et à leur propriété
d’adhésion à la matrice extracellulaire.
La migration est régulée par deux facteurs clés : l’oncogène src, et une kinase
spécifique appelée FAK (pour focal adhesion kinase). Ces deux protéines sont
activées par une série de phosphorylations provenant de divers stimuli mettant notamment en jeu les intégrines,
des phosphatases, ainsi que l’eau oxygénée. Les auteurs montrent ici que les dif-
férents effets observés précédemment
passent par FAK et src. Ils montrent que
la phosphorylation des deux protéines
est réduite par un traitement avec βAPN
(sur la tyrosine 576 et la tyrosine 418,
respectivement), et que cette réduction
est corrélée à une diminution de leur
activité. De même, la surexpression de la
forme active de LOX (forme de 32 kDa)
entraîne une augmentation de la phosphorylation de FAK et de src sur ces
mêmes résidus peptidiques, cette augmentation étant inhibée par le βAPN.
L’activité de LOX liée à la production
d’eau oxygénée, et le fait que src soit
connu pour être stimulé par l’eau oxygénée ont amené les auteurs à tester si
ces deux phénomènes étaient fonctionnellement liés. Pour cela, ils montrent
que, dans les lignées à caractère invasif, l’utilisation de catalase (qui catalyse la dégradation de l’eau oxygénée)
réduit la phosphorylation de src sur la
tyrosine 418, et diminue l’adhésion cellulaire. Un effet similaire de la catalase
est également observé dans des lignées
surexprimant la forme active de LOX.
Cet effet est dose-dépendant, puisqu’il
faut plus de catalase pour inhiber de
fortes expressions de LOX. L’effet de la
catalase sur la surexpression de LOX est
corrélé à une diminution de l’adhésion
des cellules.
En conclusion, les auteurs démontrent
un rôle de LOX dans les processus de
motilité, de migration et d’adhésion
cellulaire qui participent au caractère
invasif des cellules de cancer du sein
et à leur potentiel métastatique. Ils
démontrent que les effets observés passent par la phosphorylation des molécules src et FAK et impliquent la production d’eau oxygénée. Ils proposent
un mécanisme dans lequel la forme
inactive proenzymatique de LOX (de 50
kDa) est clivée par la protéine BMP-1
(pour bone morphogenetic protein-1) et
libère la forme active de 32 kDa de LOX
La Lettre du Cancérologue - Suppl. n°1 Les Actualités au vol. XV - n° 3 - juillet 2006
9
> ACTUALITÉS
oncosciences
Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy)
et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
> Cancer Research
> Nature Medicine
> Oncogene
> Clinical Cancer
Research
> Science
> Journal of the National
Cancer Institute
au niveau de la matrice extracellulaire.
Cette forme de LOX peut pénétrer à l’intérieur de la cellule et se lier à une ou
plusieurs autres protéines, induisant
une augmentation de la production
d’eau oxygénée. Cette augmentation
induirait la phosphorylation de src, qui, à
son tour, phosphorylerait FAK, et induirait une facilitation de l’adhésion et de
■
la motilité cellulaire.
Philippe Pourquier
Institut Bergonié, Bordeaux.
> Payne SL, Fogelgren B, Hess AR et al. Lysyl
oxidase regulates breast cancer cell migration
and adhesion through a hydrogen peroxidemediated mechanism. Cancer Res
2005;65(24):11429-36.
> Le polymorphisme dans
le promoteur de l’UGT1A1 prédit
le risque de toxicité gastrointestinale et de fatigue induit
par les chimiothérapies
à base d’irinotécan
L’
irinotécan, inhibiteur de topoisomérase I, est couramment
utilisé dans le traitement de patients
atteints de carcinomes colorectaux
avancés, en combinaison avec des inhibiteurs de thymidylate synthase (TS)
comme le 5-fluoro-uracile et, plus
récemment, le raltitrexed. De ces
combinaisons résulte un taux de réponse
appréciable, mais leurs effets secondaires
(diarrhées, neutropénies, fatigue) ne
sont pas négligeables. Il est donc important de définir des facteurs prédictifs de
toxicité, dans le but d’établir une individualisation des doses afin de diminuer
les effets toxiques sévères rencontrés.
Il est connu que les polymorphismes
de certains gènes peuvent influencer
la toxicité de plusieurs agents cytotoxiques dans les traitements de cancers. Celui de l’uridine diphosphate
10
glucuronosyltransférase 1A1 (UGT1A1),
qui catalyse la glucuronoconjugaison
du métabolite actif (SN-38) de l’irinotécan au niveau du foie, est maintenant
bien connu. Le polymorphisme situé
dans le promoteur de l’UGT1A1 détermine le syndrome de Gilbert et est relié
à une toxicité sévère de l’irinotécan.
En effet, il existe une variation (de 6
à 7) du nombre de répétitions de la
séquence TA située dans la boîte TATA
du promoteur de cette enzyme. Ainsi, la
présence de la forme (TA)7 entraîne une
diminution de l’expression de l’UGT1A1,
une diminution de la glucuronoconjugaison du SN-38 et, par conséquent,
une augmentation des effets secondaires de l’irinotécan par rapport aux
patients de génotype (TA)6. De récentes
études rapportent que la seule présence
d’un allèle (TA)7 suffit à augmenter le
risque d’effets secondaires.
L’association irinotécan + raltitrexed fait
également intervenir l’enzyme méthylènetétrahydrofolate réductase (MTHFR), qui
intervient dans le métabolisme des folates
en catalysant la conversion 5,10-MTHF
en 5-MTHF. Un variant polymorphique
de la MTHFR (transition C en T au niveau
du nucléotide 677) entraîne l’apparition
d’une enzyme thermolabile présentant
une activité altérée. Enfin, une forte
expression de la TS au niveau de son
ARNm a été associée à une absence de
réponse au raltitrexed. Il existe un
variant polymorphique dans le promoteur de la TS (répétition en tandem de
28 pb, 2 fois [TR]2 ou trois fois [TR]3)
qui est associé à une forte expression du
gène de la TS chez les patients homozygotes TR3/TR3.
Au cours d’une étude de phase II, les
auteurs évaluent l’association entre les
variations polymorphiques des gènes
UGT1A1, MTHFR et TS, et l’incidence des
effets secondaires d’un traitement par
irinotécan (80 mg/m2) et raltitrexed
(3 mg/m2) chez 56 patients atteints de
La Lettre du Cancérologue - Suppl. n°1 Les Actualités au vol. XV - n° 3 - juillet 2006
cancer colorectal métastatique. Afin
d’identifier une éventuelle corrélation
entre les polymorphismes et le traitement, 19 variables cliniques concernant
le patient sont prises en compte en utilisant un modèle de régression logistique
binaire. Cette analyse révèle que l’homozygotie 6/6 (TA)6 dans le promoteur du
gène de l’UGT1A1 est un facteur prédictif
de diarrhées (p < 0,00005), de nausées
(p = 0,0001) et de fatigue (p = 0,007).
L’homozygotie TR2/TR2 dans le promoteur
de la TS est un facteur prédictif d’une
réduction de l’incidence de la fatigue
(p = 0,044). Le polymorphisme C677T du
gène de la MTHFR n’est associé à aucun
des effets secondaires.
Dans cette étude, le polymorphisme
situé dans le promoteur de l’UGT1A1 est
défini comme un facteur prédictif des
effets secondaires engendrés par une
chimiothérapie irinotécan + raltitrexed.
Le criblage du polymorphisme dans le
promoteur de l’UGT1A1 peut être utilisé
en clinique pour identifier les patients
qui présenteraient un fort risque de
développer une toxicité sévère lors d’un
■
traitement à base d’irinotécan.
Valérie Le Morvan
Institut Bergonié, Bordeaux
> Massacesi C, Terrazzino S, Marcucci F et al.
Uridine diphosphate glucuronosyl transferase
1A1 promoter polymorphism predicts the risk
of gastrointestinal toxicity and fatigue
induced by irinotecan-based chemotherapy.
Cancer 2006;106:1007-16.
> Les polymorphismes XRCC1,
XRCC3, XPD et le risque
d’adénomes et de carcinomes
colorectaux dans une population
norvégienne
D
ans la population occidentale, la
grande majorité des cancers colorectaux (CRC) provient de polypes adé-
nomateux bénins qui évoluent en adénocarcinomes selon un processus progressif
d’altérations génétiques. Le risque de CRC
sporadique est associé à des facteurs
environnementaux (tabac, alcool, etc.)
qui peuvent être modulés par des facteurs
génétiques à faible pénétrance. La fumée
de cigarette et l’alcool peuvent agir
comme sources de carcinogènes chimiques,
entraînant la formation de ROS (reactive
oxygene species) et d’adduits sur l’ADN.
Les polymorphismes génétiques des gènes
de réparation de l’ADN peuvent influencer
la capacité individuelle à réparer l’ADN, et
une mauvaise réparation peut être associée à un risque de développement de
cancers. Dans le CRC, l’importance des
mutations des gènes impliqués dans le
système de réparation de type “mismatch
repair” a été activement recherchée, mais
les autres voies de réparation de l’ADN
dans la carcinogenèse colorectale sont
beaucoup moins bien connues. Dans cette
étude, les auteurs se sont focalisés sur les
gènes XRCC1, XRCC3 et XPD impliqués respectivement dans d’autres systèmes de
réparation de l’ADN.
Le gène XRCC1 code une protéine impliquée dans la réparation des SSB (singlestand breaks produits par des oxydants
endogènes et exogènes) par un mécanisme de type BER (base excision repair).
Trois polymorphismes dans le gène XRCC1
ont été rapportés, et une association
entre ces polymorphismes et le risque de
cancer du poumon et le cancer du sein a
été observée, mais aucune association n’a
été observée avec les cancers colorectaux. Le gène XRCC3 code une protéine
impliquée dans la réparation par recombinaison homologue de l’ADN, ou HRR
(homologous recombinational repair of
double-strand DNA), et elle est nécessaire
pour la stabilité génétique. Des études
épidémiologiques ont lié un polymorphisme de XRCC3 à une augmentation du
risque de cancers du sein, du poumon, de
la peau et du côlon. La protéine XPD est
impliquée dans le système de réparation
de l’ADN par excision de nucléotide,
ou NER (nucleotide excision repair), qui
reconnaît et répare, entre autres, les
lésions produites par les UV. Aucune association n’a pu être observée entre ce
polymorphisme de XPD et le risque de
cancer.
Dans cette étude, les auteurs utilisent
une approche cas-contrôles pour évaluer
l’association, dans une population norvégienne, entre cinq polymorphismes dans
ces trois gènes de réparation : XRCC1
(Arg194Trp, Arg280His, Arg399Gln), XRCC3
(Thr241Met) et XPD (Lys751Gln), et le
risque de développer des adénomes ou
des cancers colorectaux. Les analyses des
cinq polymorphismes sont réalisées sur
de l’ADN génomique extrait du sang de
157 sujets présentant un carcinome colorectal, 983 présentant un adénome colorectal (227 à haut risque, 756 à faible
risque) et 399 contrôles. L’allèle 280His
du gène XRCC1 est associé à une augmentation du risque de développement
d’adénomes colo-rectaux (OR : 2,3 ; [IC95 :
1,19-4,46]). L’allèle 399Gln du gène
XRCC1 est associé à une diminution du
risque d’adénomes à haut risque (OR :
0,62 ; [IC95 : 0,41-0,96]). Aucune association significative n’est observée entre
la présence de l’allèle 194Trp de XRCC1 et
le risque d’adénomes et carcinomes colorectaux. Les porteurs de l’allèle variant
751Gln du gène XPD présentent une augmentation du risque d’adénome à faible
risque (OR : 1,40 ; [IC95 : 1,03-1,89]),
alors qu’aucune association n’est trouvée
avec le risque de carcinome.
Les résultats de cette étude suggèrent
une augmentation du risque de néoplasie colorectale avancée chez les individus présentant le polymorphisme
Arg280His du gène XRCC1 et une réduction du risque associée au polymorphisme Arg399Gln de XRCC1. De façon
intéressante, les individus ayant le
polymorphisme Lys751Gln de XPD pré-
sentent une augmentation du risque d’adénome à faible risque. Les auteurs suggèrent
un rôle de ce polymorphisme XPD dans la
régression des adénomes.
■
Valérie Le Morvan
Institut Bergonié, Bordeaux.
> Skjelbred CF, Saebo M, Wallin H et al.
Polymorphisms of the XRCC1, XRCC3 and XPD
genes and risk of colorectal adenoma and
carcinoma, in a Norwegian cohort: a case
control study. BMC Cancer 2006;6:67-75.
> À la recherche
de molécules dépendantes
du phénotype MDR
L
e panel de 60 lignées tumorales
humaines établi par le National
Cancer Institute au début des années
1990 était destiné à découvrir de nouveaux médicaments anticancéreux spécifiques de tel ou tel cancer : poumon,
sein, côlon, etc. Objectif illusoire qui
n’a pas été atteint. Cet outil connaît
toutefois, depuis quelques années, un
manifeste regain d’intérêt : si son utilité reste à démontrer pour la découverte de nouvelles molécules, le panel
se révèle extrêmement fécond pour
notre compréhension des relations
existant entre une altération moléculaire et la sensibilité à une molécule
ou une famille de molécules. C’est
parce que, outre les tests de cytotoxicité réalisés maintenant sur plus de
100 000 molécules, le NCI et de nombreux laboratoires indépendants ont
caractérisé les lignées sur le plan moléculaire, en commençant par les gènes
impliqués dans l’oncogenèse : mutations de TP53 ou de RAS, expression de
c-MYC, etc. Toutes les techniques ont
été mises à contribution pour cette
caractérisation moléculaire : Westernet Northern-Blots au début, RT-PCR
La Lettre du Cancérologue - Suppl. n°1 Les Actualités au vol. XV - n° 3 - juillet 2006
11
> ACTUALITÉS
oncosciences
Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy)
et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
> Cancer Research
> Nature Medicine
> Oncogene
> Clinical Cancer
Research
> Science
> Journal of the National
Cancer Institute
quantitative, mesure d’activité enzymatique, profils d’expression génique
plus récemment, en utilisant successivement plusieurs plates-formes à
mesure de l’évolution des technologies. De nombreux articles sont parus
depuis l’article princeps de U. Scherf
et al. (1) et tentent de relier, à l’aide
d’approches statistiques appropriées,
la présence de tel ou tel marqueur,
l’expression de tel ou tel gène, au profil de chimiosensibilité de lignées du
panel.
Particulièrement intéressant sous ce
rapport est l’article de J.A. Ludwig et
al. Ces auteurs avaient déjà relié
l’expression du gène MDR1 à la cytotoxicité de 1 429 molécules vis-à-vis
des 60 lignées du panel. Les corrélations négatives abondent : plus le
gène MDR1 est exprimé, moins la
cytotoxicité de nombreux produits
naturels est élevée ; la glycoprotéine P
est connue de longue date comme
responsable de la résistance à la
doxorubicine, à la vinblastine ou au
paclitaxel ! Il n’y a là rien de nouveau. L’idée de G. Szakacs a été de
rechercher, dans la base de données,
des corrélations positives, c’est-à-dire
d’identifier des molécules d’autant
plus cytotoxiques que la glycoprotéine P est exprimée… Il en existe !
Dans cet article, les auteurs démontrent que l’un d’eux au moins,
sur lequel ils se sont focalisés, le
NSC 73306 (un dérivé à fonction thiosemicarbazone), a bien une cytotoxicité liée à la fonction MDR1 : les
lignées sont d’autant plus sensibles à
ce composé qu’elles sont riches en
glycoprotéine P, et cette hypersensibilité est abolie par les révertants habituels de la glycoprotéine P, ou par ARN
interférence. Par ailleurs, les cellules
sélectionnées avec le NSC 73306
deviennent résistantes à ce dernier en
perdant l’expression MDR1. Elles sont
12
bien devenues dépendantes de la glycoprotéine P pour exercer leur cytotoxicité. Et pourtant, aucune interaction directe entre la glycoprotéine P et
la molécule en question n’a pu être
démontrée… L’idée d’utiliser en thérapeutique de telles molécules dans les
cancers connus pour résister selon un
mécanisme MDR paraît séduisante,
après tant d’efforts sans succès pour
inhiber en clinique la glycoprotéine P.
Affaire à suivre !
■
Jacques Robert
Institut Bergonié, Bordeaux.
> Ludwig JA, Szakacs G, Martin SE et al.
Selective toxicity of NSC73306 in MDR1positive cells as a new strategy to circumvent
multidrug resistance in cancer.
Cancer Res 2006;66:4808-15.
Références bibliographiques
1. Scherf U, Ross DT, Waltham M et al. A gene
expression database for the molecular pharmacology of cancer. Nat Genet 2006;24(3):236-44.
> Sensibilisation des cellules
tumorales à la chimiothérapie
par PUMA
P
UMA (p53-upregulated mediator
of apoptosis) est une protéine
“BH3-only” qui est un des médiateurs
les plus importants de l’induction de
l’apoptose par p53. Par son interaction
avec les protéines mitochondriales Bcl-2
et Bax, elle déclenche la sortie des protéines pro-apoptotiques de la mitochondrie, cytochrome c et Smac/Diablo. Les
souris knock-out pour PUMA ont la même
déficience en capacités apoptotiques
que les souris knock-out pour p53.
PUMA a-t-elle un rôle dans la réponse
thérapeutique aux agents anticancéreux ? En d’autres termes, PUMA est-elle
La Lettre du Cancérologue - Suppl. n°1 Les Actualités au vol. XV - n° 3 - juillet 2006
le médiateur de l’induction p53 - dépendante de l’apoptose provoquée par les
anticancéreux ?
La réponse est clairement positive :
✓ PUMA est induite par la doxorubicine,
le 5-FU et l’irradiation dans les cellules de
cancer du poumon lorsqu’elles ont une
p53 fonctionnelle, mais pas quand p53
est mutée ;
✓ l’expression de PUMA par infection
adénovirale de lignées de cancer du poumon induit un arrêt de la multiplication
cellulaire qui ne se produit pas avec une
protéine PUMA privée de son domaine
BH3
✓ cet effet s’accompagne d’un relargage
de cytochrome c dans le cytosol ;
✓ PUMA sensibilise les cellules à plusieurs agents anticancéreux comme à
l’irradiation, en diminuant leur IC50 d’un
facteur compris entre 5 et 10 ; cet effet
s’accompagne également d’un relargage
de cytochrome c et de l’activation des
caspases, et il est plus important que
celui obtenu par expression de p53 ;
✓ l’infection adénovirale par PUMA de
tumeurs bronchiques transplantées chez
la souris nude a un effet antitumoral
in vivo, et cet effet s’accompagne d’une
augmentation de l’apoptose des cellules
tumorales.
Cet article démontre donc clairement que
le système p53/apoptose est impliqué
dans l’activité d’agents anticancéreux
comme de l’irradiation. Certes, on ne dispose pas de piste thérapeutique exploitable à court terme pour induire PUMA,
mais, lorsque la thérapie génique deviendra une réalité, PUMA sera certainement
un meilleur outil que p53 pour sensibiliser les cellules tumorales à la chimiothérapie.
■
Jacques Robert
Institut Bergonié, Bordeaux.
> Yu J, Yue W, Wu B, Zhang L.
PUMA sensitizes lung cancer cells to
chemotherapeutic agents and irradiation. Clin
Cancer Res 2006;12:2928-36.
Téléchargement