Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de

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Master 2 M.A.P.I
Promotion 2014 – 2016
Éco-Construction & Matériaux Biosourcés
Quel est l’avenir du matériau bois
dans la construction de
Grande Hauteur ?
Auteur : Alexandre Gravade
Directeur : M. Régis Le Corre
Responsable Scientifique : M. Claude Mezrahi
Année 2015 – 2016
« Le moment est arrivé de vaincre ou de périr. »
Napoléon Bonaparte
Cette thèse professionnelle constitue le
crépuscule d’un parcours scolaire et l’aube d’une
carrière professionnelle.
En ce moment si particulier, je tiens à louer
toute l’implication, la patience et le soutien de
mes proches, amis, parents, collègues et tuteurs,
et en particulier de Pauline.
Ce travail leur est dédié.
Remerciements
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à toutes les personnes qui m’ont apporté leurs
connaissances, leurs compétences, leur envie et leur soutien tout au long de cette rédaction. La
réalisation de cette thèse professionnelle n’aurait été possible sans leur concours.
À Régis Le Corre, associé-fondateur de Karibati et directeur de cette thèse professionnelle, pour
son implication et sa passion, ainsi que pour tous les judicieux conseils qui ont contribués à
alimenter ma réflexion ;
À chaque membre de la société REI, structure d’accueil de ma formation en alternance durant
deux ans. Je vous adresse à tous mes sincères remerciements. Ces deux années auront été
extrêmement enrichissantes, tant sur le plan professionnel qu’humain. J’ai une pensée particulière
pour David Portugais et Sébastien Delasse, mes deux responsables au sein de la société, pour les
longues discussions et débats sur le sujet de cette thèse professionnelle ;
À Nadège Le Vannier, Directrice du Campus ESPI Marseille, pour son accueil au sein de la
branche méditerranéenne de l’ESPI. Sans son investissement, je n’aurais probablement pas
rejoint Marseille pour mon dernier cycle d’études, où j’ai passé deux années formidables ;
À Estelle Billiotte, déléguée expert bois au CNDB, pour les cours et les formations sur le
bois dispensés dans les locaux de la société REI ;
Enfin, à tous mes camarades et futurs confrères et consœurs de la promotion 2014-2016 de
l’ESPI Marseille, à qui je souhaite de belles et longues carrières. Passer ce diplôme en leur
compagnie aura été une joie et un privilège.
Merci à toutes et à tous.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
5
Sommaire
Remerciements ................................................................................................................... 5
Sommaire ............................................................................................................................ 6
Acronymes & Abréviations .............................................................................................. 7
Introduction........................................................................................................................ 8
1ère Partie – Le Bois dans la Construction..................................................................... 10
1.1. Histoire du bois dans la construction ................................................................. 10
1.2. La filière forêt-bois ................................................................................................ 13
1.3. Combattre les préjugés sur le matériau ............................................................... 22
1.4. Utilisation contemporaine du bois dans la construction .................................. 26
2ème Partie – Application aux IGH : Opportunités et Limites Rencontrées ............. 31
2.1. Les Immeubles de Grande Hauteur (IGH) ....................................................... 31
2.2. Les opportunités offertes par le bois comme matériau structurel .................. 34
2.3. Les limites rencontrées ......................................................................................... 39
3ème Partie – Solutions Envisagées et Pistes de Réflexion........................................... 45
3.1. Éprouver les solutions techniques existantes .................................................... 45
3.2. Apporter d’autres solutions d’Ingénierie ............................................................ 48
3.3. Une nécessaire prise de responsabilités par les pouvoir publics ..................... 51
3.4. Organiser et structurer la filière forêt-bois ......................................................... 54
3.5. Faire évoluer les règlementations ........................................................................ 57
3.6. Ouvrir le champ des possibles ............................................................................. 59
Conclusion ........................................................................................................................ 63
Synthèse............................................................................................................................. 64
Références & Bibliographie ............................................................................................ 65
Annexes ............................................................................................................................. 66
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
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Acronymes & Abréviations
ADEME : Agence du Développement et de la Maîtrise de l’Énergie.
ADIVBOIS : Association pour le Développement des Immeubles à Vivre en Bois.
ASFFOR : Association des Sociétés et groupements Fonciers et Forestiers.
ATEx : Avis Technique Expérimental.
BBCA : Bâtiment Bas Carbone (label énergétique).
BEPOS : Bâtiment à Énergie Positive.
CLT : Cross Laminated Timber (lamellé-croisé).
CNDB : Comité National pour le Développement du Bois.
CODIFAB : Comité de Développement des Industries Françaises de l’Ameublement et du Bois.
CSTB : Centre Scientifique et Technique du Bâtiment.
CTBA : Centre Technique du Bois et de l’Ameublement.
CVO : Contribution Volontaire Obligatoire (financement de l’interprofession forêt-bois).
DGALN : Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature.
DHUP : Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages.
DREAL : Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement.
DTU : Documents Techniques Unifiés.
EPA : Établissement Public d’Aménagement.
EPCI : Établissement Public de Coopération Intercommunale.
ERP : Établissement Recevant du Public.
FBF : France Bois Forêt (interprofession nationale de l’amont de la filière).
FBIE : France Bois Industries Entreprises (interprofession nationale de l’aval de la filière).
FCBA : Forêt Cellulose Bois construction Ameublement (institut technologique).
FDES : Fiche de Déclaration Environnementale et Sanitaire.
FIBC : Fédération de l’Industrie Bois-Construction.
FSC : Forest Stewardship Council (organisme d’évaluation de la gestion durable des forêts).
IGH : Immeuble de Grande Hauteur.
OIN : Opération d’Intérêt National.
PEFC : Pan European Forest Certification (certification de gestion durable des forêts).
RDI : Recherche, Développement et Innovation.
SDP : Surface De Plancher.
SHAB : Surface Habitable.
SYNERBOIS : organisme issu de la collaboration du CSTB et du FCBA.
UNIFA : Union Nationale de l’Industrie Française de l’Ameublement.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
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Introduction
« Toute révolution scientifique, technique, morale ou philosophique passe nécessairement par trois étapes
incontournables : d’abord elle est ridiculisée, ensuite elle est considérée comme dangereuse, et enfin elle s’impose
comme évidente. »
Cette citation d’Arthur Schopenhauer est aisément assimilable au domaine de la
construction, et plus particulièrement au béton qui, après sa redécouverte en 1824 lors de la
révolution industrielle, fut confronté à ces trois étapes. Mélanger du sable et de l’eau avec un liant
pour créer une structure ? C’est ridicule. En faire un moyen de construction viable, capable de
concurrencer la pierre ou l’acier ? C’est dangereux. Avec le temps, le béton s’est malgré tout
imposé comme un matériau évident dans la construction. Le développement des techniques
d’ingénierie rendit possible la production industrielle du ciment moins de trente ans plus tard,
dans le but de faciliter sa production et son utilisation mais aussi pour lui conférer de nouvelles
caractéristiques. Les premières constructions en béton ne tardèrent alors pas à arriver.
L'architecte Anatole de Baudot a eu l'audace de construire entre 1894 et 1904 l'un des premiers
bâtiments sacrés en béton armé. Il fut d'ailleurs sévèrement critiqué à ce sujet. D’abord ridicule,
ensuite dangereux, et enfin évident.
Le béton est aujourd’hui le matériau de construction le plus utilisé au monde1. C'est le
deuxième matériau minéral le plus utilisé par l'Homme après l'eau potable : 1 m3/an/habitant.
Mais l'utilisation de ce matériau énergivore est source de multiples dégradations de
l'environnement. Il est responsable à lui seul de 5% des émissions mondiales de gaz à effet de
serre, et constitue l’un des principaux responsables du réchauffement climatique. De plus, la
quête perpétuelle d’agrégats adaptés – dont le sable – a conduit à la surexploitation de 75% des
plages de la planète, détruisant nombre d'écosystèmes littoraux et favorisant la montée des eaux.
En France, le secteur du bâtiment est responsable à lui seul de plus de 23% des émissions de CO2
avec une consommation moyenne des constructions qui dépasse encore les 240 KWh/m2/an2. Il
paraît donc nécessaire d’insuffler une nouvelle dynamique dans nos manières d’édifier nos
immeubles.
La prise de conscience de la nécessité d’une protection environnementale émerge en 1992
lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro. Est alors consacrée la notion de Développement
Durable3 dont les trois piliers sont le progrès économique, la justice sociale et la préservation de
l'environnement. S’en suit le protocole de Kyoto, signé par les états-membres de l’ONU le 11
décembre 1997, qui vise à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre. En France, la
prise de conscience intervient quelques années plus tard. Avec les conclusions du Grenelle de
l’Environnement voté en 2009, le secteur du bâtiment va devoir désormais changer radicalement
190 m3 de béton sont coulés chaque seconde dans le monde, soit 6 milliards de m3 par an – source www.planetoscope.com
Source INSEE 2014.
3 G.H. Brundtland, Notre avenir à tous, 1987.
1
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A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
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de processus. Il faut bâtir autrement et réemployer des ressources moins énergivores et vraiment
renouvelables. C’est également dans ce sens que vont les accords conclus par les États
représentés à la récente COP21 qui s’est tenue à Paris du 30 novembre au 12 décembre 2015.
Le bois est un matériau qui traverse les siècles, connu et utilisé dans la construction depuis
des temps immémoriaux. Son usage, devenu très marginal, se retrouve aujourd’hui en plein essor.
Plus que jamais, il s’impose comme une évidence, répondant notamment aux engagements
indispensables fixés par le Gouvernement pour réduire par quatre les émissions de CO2 d’ici
2050. Car il constitue un véritable puits de carbone là où les modes constructifs classiques sont
parmi les secteurs les plus producteurs de gaz carbonique, il faut faire tomber quelques idées
reçues tenaces, ancrées dans les consciences, quant à ses réelles qualités pour bâtir. Ses atouts en
matière de construction en font un matériau de choix, non seulement pour la construction de
logements individuels, mais également pour la construction en hauteur. S’il était d’usage de dire
au cœur des années 2000 « le bois avance », il est plus juste d’affirmer aujourd’hui : « le bois
monte ».
Le champ d’analyse de cette thèse professionnelle sera articulé autour de deux axes. Il sera
volontairement centré sur l’Innovation que représente l’utilisation du matériau bois dans la
construction contemporaine, bien que son utilisation ait toujours été connue et reconnue. Cette
Innovation sera le véritable fil conducteur du sujet d’étude, car elle représente le moteur de cette
nouvelle dynamique dans l’art d’édifier nos bâtiments. La problématique de la construction en
hauteur sera au cœur de la réflexion portée dans ces travaux, puisqu’elle constitue le dernier
terrain sur lequel il est encore difficile pour le bois de s’exprimer.
Il s’agira, dans un premier temps, de dresser un état des lieux de l’usage du bois dans la
construction. Un bref rappel historique sera réalisé afin de resituer le contexte d’utilisation de ce
matériau. La matière première du bois en tant que telle sera analysée au travers de sa filière, pour
répondre aux questions de traçabilité, de choix des essences de bois et de gestion des ressources.
Les préjugés et objections émis à l’égard de la construction bois seront critiqués et son utilisation
contemporaine sera examinée. Dans un second temps, nous nous pencherons sur la notion
d’Immeuble de Grande Hauteur, sur la règlementation particulière qui en découle et sur
l’approche de la construction bois face à de tels ouvrages. Nous étudierons en détail les
opportunités que peut offrir un tel mode constructif, à travers ses propriétés et ses qualités
intrinsèques, et l’impact direct et indirect qu’il peut avoir sur l’Économie et sur l’Emploi. Nous
étudierons également les limites auxquelles il se confronte aujourd’hui, qu’elles soient d’ordre
règlementaire, technique, financier ou psychologique. Enfin, nous terminerons par les solutions
envisageables et les pistes de réflexion pour faire du bois un matériau de prédilection dans les
futures constructions de Grande Hauteur.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
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1ère Partie – Le Bois dans la Construction
1.1.
Histoire du bois dans la construction
Avant de dresser l’état des lieux de la construction bois en France, il est nécessaire de se pencher
sur l’histoire du matériau et de sa longue tradition d’édification dans certaines régions du monde.
1.1.1.
Les maisons en bois de Scandinavie et d’Amérique du Nord, résistantes et
mobiles
Les plus anciennes édifications de maisons en bois qu’il nous est encore possible
d’observer sont situées dans les pays de la Scandinavie et de l’Europe du Nord, pour la plupart en
Suède, en Finlande, en Pologne ou en Russie. Les forêts omniprésentes dans ces régions ont fait
du bois le matériau évident de la construction des habitations des autochtones. Les premières
maisons en bois sont vieilles de plus de 3.000 ans. Celles-ci étaient faites de rondins de bois
empilés, un système constructif faisant usage de troncs ou de madriers de bois massif. Les
exemples de ce type de construction sont légion à travers le monde : la cabane en rondins bruts
aux États-Unis et au Canada ; les chalets des Alpes françaises, suisses et autrichiennes ; les saunas
en Finlande ; les premiers fortins d’Amérique du Nord ; les maisons sur pilotis dans le
Pacifique…
Le choix de ce mode constructif par les trappeurs canadiens répond au besoin d’un habitat
à la technique d’édification simple et dont la ressource est abondante, de manière à pouvoir se
bâtir un abri rapidement et facilement, et offrant une meilleure imperméabilité à l’air et au froid.
Ce modèle fut repris par les premiers colons d’Europe après des tentatives infructueuses de
construire en pierre, puisque le froid et le gel s’infiltraient par les interstices des roches et faisaient
éclater les maisons. Ces derniers se sont donc conformés à la construction bois en utilisant la
technique du « pièce sur pièce », c’est-à-dire un empilement de tronc équarris suivant un plan
rectangulaire rudimentaire et simple. Afin d’éviter les ponts thermiques et les déperditions de
chaleur aux jointures d’angle des rondins, différentes techniques d’assemblage ont été conçues,
notamment les angles à queue d’aronde ou les angles assemblés à cran. Le meilleur réservoir de
savoir-faire en matière de construction en rondins empilés est l'Estonie et les pays nordiques au
sens large, où cette technique a toujours été pratiquée avec de nombreuses variantes dans les
entailles, les modes de calfeutrement, et les entourages de fenêtres.
Dans le système des rondins empilés, on retrouve également l’isba. Élément majeur de la
culture russe, cette maison en bois traditionnelle est semblable à un chalet. Elle constitue
l’habitation de base du paysan russe. La présence d'isbas en Russie est avérée au moins depuis le
Xe siècle. Jusqu'à cette époque, l'isba était une maison de rondins de bois en partie enterrée, seuls
dépassaient trois ou quatre rangs de rondins. La méthode de construction est simple : l'isba
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
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traditionnelle n'était construite qu'à l'aide d'outils rudimentaires (cordes, couteaux et piques), sans
utilisation de clous, qui étaient rares et chers. Tous les composants du bâtiment étaient coupés et
assemblés à l'aide d'une simple hache, la scie n’étant pas un outil très répandu. L'intérieur (comme
l'extérieur) était fait de rondins de pin, dont les intervalles étaient comblés avec de l'argile. L’une
des particularités de l'isba est sa mobilité. Il arrivait qu'il faille la soulever pour remplacer les
pierres d'angle et éviter qu'elle ne s'enfonce. L'isba, pouvant également être démontée, constituait
un véritable atout dans le cadre d'une agriculture sur brûlis, largement répandue à cette époque.
Cette particularité a été exploitée récemment par les musées d'architecture en bois (musée
Vitoslavlitsy, fondé en 1964).
Dans les pays Scandinaves, 60% des maisons construites aujourd’hui sont en ossature bois,
contre 30% en Allemagne. Aux États-Unis, ce sont 90% des nouvelles constructions qui sont
faites en bois, bien qu’il ne s’agisse pas dans ce cas de figure de bois massif.
1.1.2.
Les pagodes d’Asie de l’Est, un modèle de stabilité
Ce lieu de culte bouddhiste au style architectural tout à fait singulier et importé d’Inde s’est
répandu au IIe siècle dans toute l’Asie. De la Chine au Japon, où les pagodes sont aujourd’hui
parmi les plus forts symboles de la culture ancestrale de cette région du monde. Alors que la
Chine a progressivement abandonné le bois au profit de la pierre et de la brique, le Japon a quant
à lui conservé ce matériau traditionnel dans l’édification de ses pagodes.
Il est l’un des pays à la plus forte sismicité au monde. Géographiquement situé sur une
zone de subduction de quatre plaques tectoniques et frappé régulièrement par des milliers de
secousses sismiques d’intensité variable (jusqu’à 9 sur l’échelle de Richter), le Japon voyait la
plupart de ses pagodes en pierre ou en brique s’effondrer sous l’intensité des secousses, au
contraire de celles édifiées en bois. Les architectes et constructeurs japonais ont ainsi favorisé
l’usage de ce matériau.
Chaque élément structurel des grandes pagodes japonaises est exclusivement fait de bois,
de la plus grosse poutre à la plus petite cheville (en japonais mokutō, littéralement « pagode en
bois »). Le bois est un matériau souple. Lorsque qu’une force lui est appliquée, il se déforme et se
plie mais ne rompt pas puis revient à sa forme originale. Sa flexibilité lui permet donc d’absorber
les contraintes sismiques. Mais le plus marquant dans la conception est sans aucun doute
l’assemblage : toutes les pièces de bois sont assemblées sans le moindre clou. Elles sont
simplement emboîtées les unes dans les autres grâce à des jeux de tenons et de mortaises. La
structure elle-même vient ainsi compléter la flexibilité naturelle du matériau. Lors d’une secousse
sismique, chaque pièce de bois constituant la structure se déforme et se frotte contre les autres
tout en étant retenue par le mât central, agissant alors comme un frein à la propagation de
l’énergie sismique vers le haut de la tour, et induisant une oscillation élégamment baptisée
Hebi no Odoru, « la danse du serpent ».
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
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Figure 1. Hebi no Odoru, la Danse du Serpent
Certaines pagodes sont aujourd’hui en parfait état de conservation, malgré une édification
vieille de plus de 1.000 ans. Les plus remarquables d’entre elles sont sans doute la pagode
Sakyamuni du temple Fogong en Chine, construite en 1056 et haute de 67m, ou encore la pagode
Tō-Ji, au sud de Kyoto, bâtie en 796 et culminant à 55m, la plus grande qui soit sur le sol
japonais.
De nos jours la construction de pagodes en bois n’a pas disparue, en témoigne la plus
grande pagode du monde dont le chantier s’est étendu de 2002 à 2007 au cœur du temple
bouddhiste de Tianning à Changzhou, dans la banlieue de Pékin4. Des chiffres impressionnants
pour une construction de ce type : elle affiche 154m à l’altimètre, comprend 13 paliers (contre 5
pour les plus grandes au Japon), offre une superficie de près de 27.000 m2, et une énorme cloche
en bronze pesant 30 tonnes orne le 13ème et dernier étage, faisant de cet édifice un ouvrage d’art
exceptionnel sur le plan technique.
1.1.3.
Les églises en bois en Europe
Les églises en bois historiques que l’on retrouve de nos jours en Europe sont pour la
plupart issues d’une longue tradition des pays d’Europe Centrale et d’Europe de l’Est, en
particulier les pays de la zone des Carpates. Ces édifices en bois sont un bon exemple d’une riche
tradition locale, marquée par la rencontre entre les cultures latine et byzantine. Elles illustrent à
merveille la coexistence de plusieurs confessions religieuses et reflètent l’influence des églises
catholiques romaines, protestantes et grecques orthodoxes qui furent construites entre le XVIe et
le XVIIIe siècle, pour la plupart dans des villages isolés, utilisant le bois comme matériau principal
et des techniques traditionnelles de construction.
Les églises en bois sont exceptionnellement bien préservées et représentent l’un des
meilleurs exemples d’architecture religieuse en bois en Europe construits entre le Moyen-Âge et
la fin du XVIIIe siècle. Leur apparence caractéristique, leur construction et leur décoration
sommaire proviennent en partie d’anciennes traditions locales, influencées par les grands
4
Voir annexe 2.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
12
courants architecturaux des styles Gothique, Renaissance et Baroque. Les concepts de
construction latins (Occident) et orthodoxes (Orient) se reflètent dans les structures en bois,
créant une architecture religieuse spécifique, avec des conceptions, des solutions techniques et
des expressions décoratives uniques. Les plus marquantes d’entre elles sont les églises en bois du
Maramureş, dans la région de la Transylvanie en Roumanie.
Néanmoins la France n’est pas en reste au sujet des églises en bois. Entre les vallées de la
Marne et de l'Aube, il est encore possible d’admirer les églises à colombage qui y ont été
construites de la fin du XVe au début du XIXe siècle. Malheureusement, à la différence de leurs
sœurs prestigieuses de Scandinavie, de Roumanie ou de Russie, leur popularité est moindre. On
sait que la Normandie possède, avec Sainte-Catherine de Honfleur, un édifice d'une rare
originalité. Mais on méconnaît souvent l'important groupe champenois des sanctuaires en bois. Il
y subsiste à ce jour dix-huit églises entièrement en bois et environ autant d'édifices « mixtes »,
associant le bois à la pierre.
1.2.
La filière forêt-bois
Afin d’apprécier le contexte de la construction bois dans son ensemble, il est utile de dresser le
portrait de la filière, puis d’étudier les caractéristiques du matériau.
1.2.1.
D’où vient le bois utilisé dans la construction ?
Une part importante de la matière première bois provient de la sylviculture française. La
France est un des premiers pays producteurs de bois en Europe (30 millions de m3 annuels, ce qui
la place au 4e rang européen). Malgré ces chiffres flatteurs, les entreprises de charpente relèvent
une problématique intéressante : la majorité du bois utilisé dans la construction est issu de
l’importation des pays frontaliers. Pour résumer, la France produit le bois, l’exporte vers les
autres pays européens comme l’Allemagne ou l’Autriche, et le rachète après transformation avec
une plus forte valeur ajoutée. Les raisons de cette situation seront détaillées dans la suite de cette
rédaction.
Malgré tout, la part des achats direct auprès des scieries françaises est loin d’être
négligeable. Aujourd’hui 43% des actes d’achat de bois de construction passent par un réseau de
distribution (coopératives, négoces), contre 36% en 2012. La part des scieries françaises est restée
stable (autour de 40%) tandis que celle des scieries étrangères (Finlande notamment) a baissé de
25% à 17% entre 2012 et 2014. Les entreprises ont augmenté leurs achats auprès des réseaux de
distribution, au détriment des scieries étrangères. La taille de l’entreprise influe directement sur les
méthodes d’approvisionnement. Les entreprises de moins de 20 salariés s’approvisionnent
majoritairement auprès des réseaux de distribution (59% pour les moins de 10 salariés, et 55%
pour les entreprises de 10 à 19 salariés). Les achats des entreprises de plus de 20 salariés sont
principalement réalisés auprès des scieries (françaises pour 43% de leurs achats et étrangères pour
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
13
21%). Les enquêtes d’opinions réalisées dans le cadre d’un observatoire économique de la filière
bois mettent en exergue une prise de conscience des entreprises dans la nécessité d’utiliser
davantage de bois français dans les années à venir ; 62% d’entre elles s’y montrent favorables.5
1.2.2.
État des lieux du parc forestier français
L’Hexagone est la troisième superficie forestière d’Europe après la Suède et la Finlande,
représentant 13% de la surface boisée de l’Union Européenne. En France métropolitaine, la forêt
couvre 16,5 millions d’hectares soit 30% du territoire. C’est l’occupation du sol la plus importante
après l’agriculture, qui couvre plus de la moitié du territoire. La surface forestière a progressé
entre 1980 et 2011 d’environ 87.000 hectares par an (0,6%). L’augmentation la plus forte se situe
dans le Sud-Est (Languedoc-Roussillon, Corse et Alpes-du-Sud) et dans le Nord-Ouest (Bretagne
et Pays-de-la-Loire). Dans les régions traditionnellement forestières, comme le Nord-Est et le
massif landais, la progression est moindre. Les trois régions les plus boisées du pays sont les
Landes (65%), le Var (63%) et les Vosges (53%).
Les trois-quarts de la forêt française métropolitaine (74% soit 12,2 millions d’hectares)
appartiennent à des propriétaires privés. Le quart restant se répartit entre les forêts domaniales
(10% soit 1,5 million d’hectares) et les autres forêts publiques (16% soit 2,8 millions d’hectares),
essentiellement des forêts communales. Dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest de la France, la part
de la forêt privée est nettement plus élevée que la moyenne nationale et dépasse 90% pour les
régions Pays-de-la-Loire, Aquitaine, Poitou-Charentes, Bretagne et Limousin, par ordre croissant.
Elle est par contre plus réduite dans le Nord-Est (Alsace 26%, Lorraine 35%, Franche-Comté
46%).
Un terrain est dit public lorsqu’il relève du régime forestier. Parmi les terrains publics, les
terrains domaniaux (forêts domaniales) appartiennent à l’État. Les autres terrains publics
appartiennent généralement à des communes (forêts communales) mais aussi à d’autres
collectivités locales ou à des EPCI. Tous les terrains ne relevant pas du régime forestier sont dits
privés.
Le parc forestier français est majoritairement composé de feuillus (de type Hêtre ou
Chêne). Ces peuplements feuillus représentent 63% de la superficie forestière (9,8 millions
d’hectares) et se situent surtout dans les plaines ou à moyenne altitude. Les peuplements de
résineux et conifères (37%) se situent essentiellement en zone montagneuse, dans le massif
landais et dans les plantations assez récentes de l’Ouest de la France.6
5
6
France-Bois-Foret : rapport d’activité – Observatoire économique 2014-2015.
Données chiffrées issues de l’IGF 2014 (Institut national de l’information Géographique et Forestière).
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
14
1.2.3.
Gestion durable des forêts
Bien que le bois représente une ressource naturelle renouvelable et abondante sur le sol
français et européen, son utilisation croissante dans le domaine de la construction implique une
gestion rationnelle des espaces forestiers. En effet, il s’agira dans un premier lieu de préserver des
habitats faunistiques et floristiques, et, dans un second lieu, de permettre un approvisionnement
continu de matériau. C’est dans cette optique qu’ont été créés les organismes PEFC et FSC.
Le PEFC est un organisme créé et mis en place par les propriétaires de ressources
forestières afin de permettre une industrialisation de la filière forêt-bois. Ses objectifs :
promouvoir la gestion durable des forêts dans le monde, apporter une garantie environnementale,
sociale et économique aux acheteurs publics et privés, et constituer une réponse aux
préoccupations de consommation durable et responsable des ressources. Cette certification
repose sur un processus de gouvernance entre toutes les parties prenantes de la gestion durable
de la forêt : les producteurs (propriétaires et gestionnaires des forêts), les transformateurs
(industriels qui coupent et transforment le bois), et les usagers (rassemblant notamment des
ONG de protection de la nature et de protection de la forêt). Il constitue un engagement de la
part de ses adhérents à une amélioration continue de l’exploitation des ressources forestières. Il
s’agit donc d’un engagement à « mieux faire ».
Le FSC est, quant à lui, une organisation internationale non-gouvernementale et à but non
lucratif. Son objectif est d’encourager les initiatives de gestion forestière socialement,
écologiquement et économiquement responsables, en les rendant visibles et crédibles par un label
apposé sur les produits issus des forêts certifiées. L’attribution du label FSC se base sur une
pratique déjà concrétisée par des choix de gestion forestière et par un plan de gestion, ce qui
implique un niveau de qualité initial à la forêt.
La différence principale entre le FSC et le PEFC concerne les zones en jachère : le FSC
impose que 5% au moins de la zone certifiée soient retirés de la production alors que le PEFC
n’exige que la préservation des habitats précieux existant dans la forêt. Le FSC impose des
normes plus strictes au niveau environnemental. De plus, il est indépendant de l’industrie
forestière car il a été créé par des ONG de protection de l’environnement, tandis que le PEFC est
sous le contrôle des industries forestières qui sont à l’origine de sa création. Enfin le FSC vise le
respect des traités internationaux et des lois du pays ; le PEFC n’impose que le respect de la loi en
vigueur dans le pays du siège social de l’entreprise qui demande le label.
1.2.4.
Répartition des essences
Tous les bois n’ont évidemment pas les mêmes propriétés ni les mêmes caractéristiques
naturelles. Certains bois sont plus légers, d’autres plus denses, certains comprennent moins de
nerfs et de nœuds, ou bien sont peu vulnérables aux insectes… L’expérience et l’ingénierie ont
permis de classifier les différentes essences de bois en fonction de leurs avantages et de leurs
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
15
inconvénients. Aujourd’hui un certain nombre d’essences se distinguent par leurs qualités et sont
plus largement utilisées dans la construction. Elles sont globalement regroupées sous deux
familles : les résineux et les feuillus.
Les résineux sont parmi les essences les plus couramment utilisées dans la construction. La
réalisation de charpentes et de constructions à ossature bois exige des bois résistants, tout en
étant légers pour faciliter leur manipulation. Tous les résineux peuvent être utilisés, bien que
l’essence la plus commune en Europe soit l’Épicéa. Le Douglas, le Pin et le Mélèze sont
également appréciés, en particulier pour un usage en bardage du fait de leur dessin et de leur
veinage plus marqué. De plus, cet usage réclame soit des essences naturellement durables (le
Douglas ou le Mélèze), soit des bois à forte durabilité (le Pin ou l’Épicéa). Ces résineux évoluent
différemment dans le temps et ont chacun des aptitudes spécifiques à recevoir une finition. Leur
résistance naturelle aux insectes xylophages (hors termites, bois de cœur uniquement) est aussi un
atout.
Les feuillus sont les essences les plus présentes dans le patrimoine forestier français. Plus
denses et plus durs que les résineux, ils sont donc plus coûteux pour certains d’entre eux. La
conception de structures, parfois très technique, exige des bois offrant un classement mécanique
certifié pour une forte résistance aux diverses sollicitations, et parfois même une grande
durabilité. Leurs performances mécaniques, plus élevées que la plupart des résineux, en font donc
des matériaux de choix. Les essences les plus courantes dans la construction sont le Chêne, le
Hêtre, le Peuplier et le Châtaignier. Leur usage ne nécessite aucune disposition particulière du
bois. Ces essences peuvent également être réemployées sous forme de bois massifs.
Figure 2. Panorama des différentes essences de bois
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
16
1.2.5.
Quel bois pour quelle utilisation ?
Toutes les parties d’un arbre ne sont pas forcément propices à une utilisation dans la
construction, puisqu’elles n’ont ni les mêmes propriétés mécaniques ni les mêmes
caractéristiques. Le bois de construction fait appel au duramen, la partie centrale du tronc, où le
bois est le plus sec et le plus solide, et biologiquement quasi-inerte : on parle de bois parfait ou bois
de cœur. Il s’agit d’un bois dur, compact, dense, sec et imputrescible. L’aubier, qui enveloppe le
duramen, est la partie vivante de l’arbre, où s’effectuent la circulation de la sève et les échanges
gazeux. Étant moins dense et plus fragile que le duramen et biologiquement actif, l’aubier se
fissure aisément et ne peut donc pas être utilisé dans la construction pour les éléments d´une
structure porteuse. De surcroît, il est généralement plus sensible aux attaques des insectes
xylophages, car il est plus riche en protéines et autres nutriments recherchés par les champignons,
les insectes et les bactéries lignivores ou saproxylophages7.
Figure 3. Composition d’un arbre
Le choix de l’essence de bois sera dicté par son utilisation, en fonction de ses
caractéristiques intrinsèques, de sa durée de vie escomptée et de sa résistance aux agents et
phénomènes extérieurs8. Un bois de bardage devant résister à la pluie et au vent sera soumis à des
conditions plus rudes qu’un bois de structure, tandis qu’une charpente doit pouvoir supporter des
charges importantes et avoir une plus longue durée de vie. L’aspect esthétique jouera aussi un
rôle dans le choix définitif de l’essence, influencé par sa couleur naturelle, la teinte de sa patine, le
dessin et la texture du bois.
Le premier critère de choix concernera une notion clef liée à l’essence en elle-même : c’est
la « durabilité naturelle » du bois. Dans les normes et usages, la notion de durabilité est
7
8
Bernard Fischesser, Connaître les arbres, éditions Nathan, ‎1999
Voir annexe 4.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
17
uniquement associée à son intégrité et à la conservation de ses propriétés physiques. Elle ne
considère pas la capacité du bois à résister aux fentes, aux déformations, à la patine (le
grisonnement naturel du bois). Elle ne prend pas en compte son évolution chimique, la tenue des
finitions, etc. C’est une notion normalisée. Elle est définie comme la résistance naturelle d’une
essence de bois à chacun des agents extérieurs dégradants tels que les champignons, les insectes,
les larves xylophages et les termites. Cette résistance est naturellement variable en fonction des
essences et de la nature des agents dégradants. Cinq classes de durabilité (CD) sont ainsi définies
pour les essences de bois :

La CD.1 regroupe les essences de bois les plus durables (plus de 25 ans), essentiellement
des bois exotiques comme le Doussié, le Teck, l’Iroko ou l’Azobé.

La CD.2 réunit les essences dites durables (de 15 à 25 ans) et comprend entre autres le
Chêne, le Châtaignier et le Red Cedar.

La CD.3 comprend les essences moyennement durables (10 à 15 ans) telles que le Sipo, le
Noyer, le Douglas, le Mélèze et les différents Pins (Pin d’Alep, Pin Maritime, Pin
Sylvestre, Pin Cembro, etc.).

La CD.4 englobe les essences peu durables (de 5 à 10 ans) : l’Épicéa, le Sapin et l’Orme.

La CD.5 concerne les essences non-durables et très sensibles aux attaques des agents
dégradants : l’Aulne, le Charme, le Bouleau, le Hêtre et le Peuplier.
Le second critère de choix se portera sur une notion clef liée à l’ouvrage : la classe d’emploi (CE)
d’un élément en bois. Elle correspond à son niveau d’exposition à l’eau, et donc au risque de
reprise de l’humidité :

La CE.1 est dédiée au bois d’intérieur, entièrement protégé des intempéries et non exposé
à l’humidification (lambris, porte intérieure, parquet, mobilier, etc.).

La CE.2 concerne le bois d’intérieur ou sous abri, protégé des intempéries (en particulier
pluie et pluie battante), avec une humidité ambiante occasionnellement élevée (charpente,
ossature, bardage et menuiserie abritée sous un auvent).

La CE.3 est divisée en deux sous-catégories.
o La CE.3a se prête aux situations dans lesquelles le bois est au-dessus du sol et est
exposé aux intempéries, mais où la stagnation d’eau est absente et où l’humidité
s’évapore rapidement (bardage en climat modéré et en conditions peu exposées, et
relativement drainantes).
o La CE.3b, quant à elle, permettra des conditions similaires à la classe précédente, à
l’exception d’une tolérance plus élevée à l’humidité et où l’eau peut s’accumuler
temporairement de manière modérée. Pour des conditions particulières, l’on
privilégiera les bois faisant preuve d’une tolérance accrue à l’eau.

La CE.4 sera favorisée dans les situations où le bois est en contact direct avec la terre
et/ou l’eau douce, ou hors contact mais avec une stagnation permanente – ou presque –
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
18
de l’eau (piquets ou poteaux plantés en terre, solivages de terrasse et revêtements de
berge).

Enfin la CE.5, la plus élevée, sera réservée aux situations extrêmes, dans lesquelles le bois
est immergé totalement ou partiellement dans l’eau salée, comme les milieux marins, et de
manière permanente ou irrégulière (pieux, poteaux de pontons ou de passerelles).
De nombreux paramètres influencent la reprise d’humidité du bois et donc de l’affection de sa
classe d’emploi dans l’ouvrage. Ces paramètres sont liés au climat, à la salubrité de l’ouvrage, et au
dimensionnement des éléments en bois.
Enfin, le troisième et dernier critère de choix se fera sur la notion clef liée au type de
conception : la longévité (L). En effet, pour bien choisir une essence de bois, les seuls critères de
durabilité et de classe d’emploi ne suffisent pas. Ainsi la notion de longévité permet de mieux
cerner le choix de l’essence. Elle est liée spécifiquement à la dégradation du bois par les
champignons. Cette notion a été définie aussi bien pour les bois à l’état naturel que pour les bois
à durabilité conférée. Toutes les essences de bois courantes sont ainsi qualifiées selon quatre
valeurs de longévité :

La valeur N : longévité inférieure à 10 ans ;

La valeur L1 : longévité comprise entre 10 et 50 ans ;

La valeur L2 : longévité comprise entre 50 et 100 ans ;

La valeur L3 : longévité supérieure à 100 ans.
Il existe également d’autres notions plus subjectives en complément dans les choix des essences,
avec plusieurs critères répartis en 3 familles :

Les critères fonctionnels : stabilité dimensionnelle, dimensions disponibles, densité,
résistance mécanique, souplesse/rigidité ;

Les critères esthétiques : aspect initial, nodosité (présence ou non de nœuds), variabilité,
aptitude au vieillissement, évolution naturelle (coloris de la patine) ;

Les critères liés à la ressource : provenance géographique, certifications, disponibilité,
coût.
La très grande majorité – pour ne pas dire la totalité – des constructions bois utilisent des
essences de CE.2 ou CE.3, principalement pour des raisons budgétaires. En effet, les bois dont la
classe d’emploi est la plus élevée sont pour l’essentiel des bois exotiques originaires d’Asie (le
Teck), d’Amérique du Sud (l’Ipé) ou d’Afrique (l’Iroko). Les coûts liés à leur culture et à leur
acheminement constituent un réel frein pour le Maître d’Ouvrage. Néanmoins, il est vrai que
l’utilisation de ces bois exotiques ne revêt pas une importance capitale dans la pérennité de
l’ouvrage, et correspondra plus probablement à une volonté marquée de faire appel à des bois
spéciaux.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
19
Les bois les plus utilisés dans la construction sont l’Épicéa, le Douglas et le Mélèze. Ils sont
disponibles en quantités industrielles et se trouvent au croisement des différents classements des
essences. Ce sont des bois facilement cultivables, ayant une résistance mécanique et une densité
relativement bonne, assez peu exposés aux agents dégradants, et facilement imprégnables. De
plus, leur coût est bien moins élevé que celui des feuillus ou des bois exotiques. Ces
caractéristiques en font des bois très prisés pour la construction.
1.2.6.
Le traitement du bois
Tous les bois n’ayant pas les mêmes caractéristiques ni les mêmes propriétés, il peut parfois
s’avérer nécessaire de traiter le bois afin de le prémunir contre certaines agressions extérieures
pouvant entamer son intégrité. Un coefficient d’imprégnabilité (CI) permet de définir la capacité
d’une essence à absorber un liquide, selon quatre classes :

CI.1 : le bois est imprégnable, facile à traiter. Il peut être complètement pénétré avec un
traitement sous pression, et sans difficulté ;

CI.2 : le bois est moyennement imprégnable, assez facile à traiter. Habituellement une
pénétration complète n’est pas possible, mais après 2 à 3h de traitement sous pression,
une pénétration peut être atteinte dans les résineux, et une large proportion du bois des
feuillus peut être pénétrée ;

CI.3 : le bois est peu imprégnable, difficile à traiter. Un traitement sous pression de 3 à 4h
ne permettra qu’une absorption de quelques millimètres ;

CI.4 : le bois est quasiment impossible à traiter. Il absorbe peu ou pas de produit de
préservation, même après 4h de traitement sous pression. La pénétration est minimale.
Afin d’ajouter aux caractéristiques naturelles des essences de bois parfait sélectionnées, des
traitements et procédés leur sont donc appliqués. Le traitement par trempage consiste à immerger
le bois en piles dans un bac. Les installations sont souvent automatisées et comportent des
systèmes de maintien et de mouvements de charge, avec programmation des durées de charge. Il
est également possible d’avoir recours à un traitement oléo-thermique, similaire au trempage
court. C’est un procédé de traitement naturel, à base d’huiles végétales chauffées à basse
température. Il consiste en une exposition du bois à deux bains successifs d’huiles chaudes, qui
remplacent l’eau évaporée pendant la chauffe. Trois phases distinctes sont mises en place :

La phase de « chauffe » vaporise l’eau du bois, crée à cœur un état de pression et relaxe les
contraintes internes du matériau ;

La phase de « refroidissement » condense la vapeur d’eau, ce qui génère une pénétration
en profondeur de l’huile formulée ;

La phase de « séchage à l’air » finalise l’imprégnation et permet d’obtenir rapidement un
aspect sec, à cœur et au toucher.
Le bois est par nature un matériau hydrophile. Par ce type de traitement, une fois qu’il est
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
20
imprégné par ces huiles (lin ou colza), il devient hydrophobe et devient moins sensible, voire non
sensible aux micro-organismes. Cette technique a l’avantage de pouvoir s’appliquer à tous les
types de bois et, dans une perspective environnementale, de permettre un traitement des bois
locaux. Ce traitement est surtout utilisé pour des bois en extérieur, pouvant répondre aux
exigences des classes d’emploi 3 (aire de jeux, bardages, charpentes, appontements). Néanmoins,
les produits utilisés pour les trempages courts et le traitement oléo-thermique étant des solutions
aqueuses, ils ne permettent pas un traitement total et en profondeur du bois, et sont
recommandés pour des utilisations peu exigeantes.
Pour remédier à la faible imprégnabilité du duramen qui limite l’usage du procédé de
trempage, l’imprégnation profonde se fait par bassin autoclave : on relie la cuve de stockage du
produit à une pompe à vide et une pompe à pression. La dépression crée un vide d’air dans le
bassin qui permet d’avoir un traitement total du bois. Une fois le vide obtenu dans l’autoclave, on
le remplit, par aspiration de la solution de traitement choisie. Les cellules de bois sont ainsi
saturées par la solution. Il existe plusieurs types de cycles vide/pression permettant une
imprégnation totale, quelle que soit l’essence traitée. L’impact sur l’aspect final du bois est
négligeable. Le traitement par autoclave est particulièrement recommandé pour les bois exposés
aux conditions rigoureuses, notamment le contact avec le sol ou les sources d’eau et d’humidité :
charpentes, bardages, caillebotis, hangars, appontements, poteaux, traverses, etc. Cependant, ce
traitement ne peut s’appliquer qu’à des bois dont l’humidité est inférieure à 25%. Une attention
toute particulière devra par conséquent être apportée au séchage du bois, afin de s’assurer de la
parfaite imprégnation du matériau par le traitement.
Les produits utilisés dans les différents traitements appartiennent à deux catégories : les
produits hydro-dispersables, et les produits en solvants organiques dérivés du pétrole. Les
produits hydro-dispersables sont des huiles en émulsion dans l’eau qui ne présentent aucun risque
majeur pour la santé de l’homme. Ce sont les produits les plus couramment utilisés pour le
traitement du bois par les charpentiers. Malheureusement, ils ne répondent qu’aux exigences des
classes de risque 1 et 2. Ils ne sont adaptés qu’aux processus de trempage ou procédés oléothermiques, et par conséquent ne s’adaptent pas à toutes les essences de bois. Pour élargir la
palette des essences utilisables, il est possible d’avoir recours aux solvants organiques. Ces
derniers sont essentiellement utilisés dans l’industrie car ils dégagent des odeurs et des produits
volatiles pendant l’évaporation du solvant. Ils sont également utilisés pour le traitement curatif
des bois du fait de leur efficacité spécifique à cette application. L’utilisation de ces produits tend à
décliner pour plusieurs raisons : les risques avérés sur la santé de l’homme, le recours à des
traitements chimiques issus de produits hydrocarbures, et bien entendu le non-sens d’une
utilisation d’un procédé chimique pour traiter un produit naturel. Il est donc souhaitable de
n’utiliser que des produits bénéficiant de la marque de qualité CTB-P+. Il est également possible
de faire appel à des entreprises d’application bénéficiant de la marque de qualité CTB-B+ (classe
de risque 1,2,3,4 ou 5) qui permet de garantir le traitement lui-même et donc de produire des
certificats de traitement parfaitement fiables pour les lots de bois.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
21
Figure 4. Évaluation des risques et niveau de performance requis
1.3.
Combattre les préjugés sur le matériau
Si le bois est un matériau qui n’a pas encore eu l’opportunité de se démocratiser dans les
techniques usuelles de nos constructions contemporaines, c’est aussi en raison de considérations
subjectives quant à ses réelles qualités. Il convient de rétablir la vérité sur certaines d’entre elles.
1.3.1.
Le bois prend feu
C’est la ritournelle la plus commune dans l’esprit des néophytes confrontés pour la
première fois à l’emploi du bois dans la construction. C’est aussi le préjugé le plus tenace à
combattre, et paradoxalement le plus simple à démolir.
Mettons immédiatement fin au suspense : oui, le bois prend feu. Il ne s’agit pas ici de
contredire cet état de fait, puisque par nature tout matériau finira invariablement par céder face à
la chaleur d’un incendie. Mais lorsque sous l’effet des flammes le béton se fend et s’écroule, et
que l’acier se déforme et s’effondre, le bois, lui, se consume de manière extrêmement prévisible.
Le bois est certes combustible, mais il offre une excellente tenue au feu comparé aux autres
matériaux de construction. Il a notamment une forte capacité à conserver ses propriétés
mécaniques sous les effets d’un incendie, ce qui permet d’assurer une grande stabilité aux
ouvrages. Le bois possède pour atouts une très faible dilatation thermique et une très faible
conductivité thermique. En outre, contrairement à de nombreuses autres matières synthétiques
ou transformées, le bois dégage 1.500 fois moins de gaz toxiques. D’ailleurs, des pays comme la
Suède et certains länder allemands interdisent les menuiseries en PVC et leur préfèrent celles en
bois pour des raisons écologiques évidentes.
En cas d’incendie, de par sa faible conductivité thermique, le bois transmet 12 fois moins
vite la chaleur que le béton, 250 fois moins vite que l’acier et 1.450 fois moins vite que
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
22
l’aluminium. Par conséquent, le cœur des éléments de structure en bois est protégé de l’incendie
plus longtemps. En effet, lors de sa combustion, il se forme en surface une couche carbonisée 8
fois plus isolante que le bois lui-même, ce qui freine sa combustion. De fait, le bois se consume
lentement, à une vitesse de l’ordre de 0,7mm par face et par minute. Ne se déformant pas, les
ossatures, poteaux et poutres en bois conservent plus longtemps que les autres types de
matériaux leurs propriétés techniques et leurs capacités mécaniques9.
1.3.2.
Un bâtiment construit en bois n’est pas pérenne
Dans le cas des bâtiments collectifs, le retour sur expérience est encore très limité, puisque
l’utilisation du bois dans ces types d’ouvrages est encore très récente. Cependant, les résultats
démontrés sur les maisons individuelles et sur les premiers bâtiments collectifs permettent d’oreset-déjà de tirer certaines conclusions.
En structure porteuse, le bois ne nécessite aucun entretien, pour autant qu’on respecte les
règles en vigueur dès sa mise en œuvre : utilisation de bois secs, traitements fongicides et
insecticides si nécessaire. Cela vaut également pour les parties intérieures de la construction. Le
renouvellement des finitions, bien qu’offrant une protection accrue contre le vieillissement, obéit
avant tout à des considérations esthétiques. En extérieur, l’entretien relève de la même logique
que celui qui prévaut pour toute construction : préserver les performances de l’enveloppe contre
les agressions extérieures (pluie, air, soleil) par un revêtement de façade pré-traité ou préteinté.
Pour le Maître d’Ouvrage ou l’exploitant habitué à raisonner en coût global, le bois
présente un réel avantage car le coût unitaire des opérations d’entretien courant ou de réfection
est réduit, du fait de la simplicité de mise en œuvre. En l’absence de risques réels de détérioration,
les traitements n’ont donc plus qu’une vocation décorative, ce qui conduit certains à s’en passer
au profit de la patine naturelle du bois.
L’autre solution tient à l’utilisation d’essences naturellement durables et adaptées. Pour les
particuliers, l’entretien d’une construction bois ne soulève aucun problème spécifique, si ce n’est
la propension des bardages et des revêtements extérieurs à griser. Un bois de bardage exposé à
l’air, à l’eau et au soleil prend une teinte et une coloration naturelle variable d’une essence à
l’autre, qui a généralement tendance à tirer vers des nuances de gris. Selon l’essence utilisée,
l’altitude, le climat et l’orientation des façades, la couleur du bois varie du noir au gris argenté en
passant par le brun. Le Douglas, par exemple, est un résineux apprécié en revêtement extérieur
pour sa coloration légèrement rosée à l’état naturel, qui dévie vers un gris très clair à mesure de
son exposition aux intempéries. Phénomène esthétiquement admis dans certains pays,
notamment en Angleterre ou dans les pays nordiques, il l’est encore très peu en France.
9
Données chiffrées issues du CNDB – 2015.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
23
1.3.3.
L’isolation thermique et acoustique n’est pas bonne
Les parois constituées de matériaux organiques contribuent de manière décisive à obtenir
un climat d’habitation confortable, grâce à leur capacité à absorber et à restituer l’humidité de l’air
ambiant. La construction en bois permet de réaliser des maisons qui respirent vraiment.
L’isolation naturelle en chanvre ou en paille se démocratise pour les mêmes raisons. Les
constructions bois assurent un confort optimal en toutes saisons et répondent facilement aux
critères exigés pour les programmes à faible consommation d’énergie. Comme dans la
construction traditionnelle moderne, la juxtaposition des matériaux composant les murs
extérieurs (plaques de plâtre, plaques de bois-ciment, pierres de parement, etc.), de matériaux dits
« ressort » (laines et fibres isolantes) et une attention portée aux jonctions paroi-plancher en
garantissent la parfaite étanchéité et permettent d’atteindre aisément les performances exigées.
Sur le plan acoustique, une bonne isolation doit quant à elle permettre la réduction de deux
types de bruit :

Les bruits de chocs (bruits de pas, de déplacements et chutes d’objets ou de meubles)
transmis à la fois par les planchers intermédiaires et indirectement par les parois
verticales ;

Les bruits aériens extérieurs et intérieurs propagés par les parois de séparation ou
indirectement par les cloisons latérales.
La construction d’un ouvrage en bois ne permet évidemment pas au Maître d’Ouvrage de
se soustraire aux différentes règlementations acoustiques imposées. Cependant, en-dehors des
simples considérations de seuil de performance et de tolérance acoustique imposées par la NRA
(Nouvelle France Acoustique – 1996), les retours d’expérience des usagers de maisons ou
d’appartements à structure bois mettent en évidence un ressenti au bruit très différent de celui
d’un logement béton, malgré la mise en place de sous-couches et de résilients acoustiques. Ceci
s’explique par la transmission des ondes sonores basse-fréquence, qui ne sont pas prises en
compte pour les tests acoustiques mais qui sont ressenties et audibles par l’oreille humaine. Ces
différences de ressenti au bruit trouvent leur explication dans l’écart de masse volumique entre les
planchers bois et les planchers béton : plus la masse est importante, moins elle transmet le bruit.
On se retrouve donc ici face à une contradiction concernant les planchers bois : si ces derniers
permettent des qualités thermiques supérieures, doit-on sacrifier pour autant le confort
acoustique ? En vérité cette question n’a pas lieu d’être puisque grâce aux différents retours
d’expérience des Maîtres d’Ouvrage, des Maîtres d’Œuvre et des entreprises, des techniques de
construction existent aujourd’hui pour réconcilier ces deux points.
Le double solivage, par exemple, consiste à disposer en quinconce deux jeux différents de
solives. Ce sont des pièces de charpente placées horizontalement en appui sur les murs ou sur les
poutres pour constituer le plancher d’une pièce. La première série, placée légèrement au-dessus,
reçoit le plancher de l’étage supérieur, tandis que la deuxième série est destinée à supporter les
plaques de plâtres constituant le plafond de l’étage inférieur. Cette disposition permet de
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
24
véritablement dissocier planchers et plafonds, de manière à limiter la transmission des ondes et
des bruits de choc. Des suspentes anti-vibratiles et des pièces de caoutchouc peuvent également
être installées en complément pour assurer un confort acoustique optimal.
Figure 5. Schéma de principe d’un double solivage
1.3.4.
L’eau fait pourrir le bois
On entend souvent dire que l’eau est l’ennemi du bois. Pourtant les ouvrages de
charpenterie en milieu humide sont légion, qu’il s’agisse de ponts et de quais en front de mer, de
bâtiments sur pilotis ou de maisons « pieds dans l’eau », sans même parler de l’architecture navale.
Nombre d’entre nous pensent néanmoins que le bois n’a pas sa place là où il y a de l’eau. De fait,
la mise en œuvre d’ouvrages en bois fortement exposés à l’eau impose quelques règles essentielles
de conception : bien choisir les essences utilisées (Chêne, Peuplier, Châtaignier, Pin, Douglas,
Mélèze…), éviter la stagnation de l’eau en créant les conditions de son évacuation, protéger
efficacement le bois de bout lorsqu’il est exposé, faire les traitements adaptés si nécessaire, limiter
les zones de double-exposition eau/air…
Au moment de l’abattage, le bois peut contenir plus d’eau que de matière bois ; parfois
deux fois plus dans certains cas (pour les Peupliers par exemple). L’humidité est alors supérieure
à 100%.
En fonction de la température et surtout de l’humidité de l’air ambiant, le bois se
stabilise à une humidité d’équilibre, dite équilibre hygroscopique, qui est pratiquement
indépendante de l’essence du bois.
Sous le climat tempéré existant en France pendant la période la plus sèche, les conditions
atmosphériques sont de l’ordre de 20°C et 70% d’humidité relative de l’air (HR), ce qui
correspond à un équilibre hygroscopique du bois d’environ 13%. Pendant la période la plus
humide, les conditions atmosphériques sont de l’ordre de 0 à 5°C et 85% HR, ce qui correspond
à un équilibre hygroscopique du bois de l’ordre de 19%. À titre d’exemple, un ouvrage en bois
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
25
situé à l’extérieur (fenêtres, volets et bardages) verra son humidité tendre vers 13% en été et vers
19% en hiver. Pour que le jeu du bois soit minimal, il faudra que son humidité se situe au milieu
de la fourchette de variation, soit 15 à 16%.
1.3.5.
Quid des termites ?
Bien que le duramen utilisé pour la construction soit un bois biologiquement mort – et
donc pauvre voire nul en nutriments – les insectes xylophages, et les termites en particulier, ainsi
que les champignons comme le mérule, peuvent occasionner des dégâts importants dans les
bâtiments, en dégradant le bois et ses dérivés.
Le risque de dégradation des constructions par les
termites et les autres insectes xylophages ne doit cependant pas être considéré comme un fléau
inévitable. Il suffit en effet de mesures simples (telles que la mise en place de dispositifs de
prévention lors de la construction, une surveillance et un entretien réguliers de la construction et
de ses abords) pour que ce risque soit maîtrisé.
En fixant les modalités de prévention et de lutte contre les termites et les autres insectes
xylophages, le dispositif législatif et réglementaire en vigueur vise ainsi la maîtrise du risque de
dégradation des constructions par ces insectes. Ils prévoient notamment :

La protection des bois et des matériaux à base de bois participant à la solidité des
bâtiments (depuis le 1er novembre 2006), à la fois contre les termites dans les
départements dans lesquels a été publié un arrêté préfectoral déclarant tout ou partie du
département soumis aux termites, et à la fois contre les insectes à larves xylophages
(capricornes, vrillettes, etc.) sur l’ensemble du territoire ;

La protection de l’interface sol/bâtiment contre les termites souterrains dans les
départements dans lesquels a été publié un arrêté préfectoral déclarant tout ou partie du
département soumis aux termites (depuis le 1er novembre 2007).
1.4.
Utilisation contemporaine du bois dans la construction
Si le bois a été utilisé de tout temps dans la construction, son emploi dans les constructions
contemporaines mérite d’être étudié. En voici un tour d’horizon.
1.4.1.
Maisons individuelles
La plus grande part de l’utilisation du bois dans la construction contemporaine concerne les
maisons individuelles. Elles représentent 11% du Chiffre d’Affaires total de la construction bois
en 2014 (1,89 milliard € HT)10. Elles se sont démocratisées depuis les années 1970-1980 grâce à
une dynamique impulsée par les régions de l’Est de la France, traditionnellement attachées à la
10
Enquête nationale de la construction bois – Activité 2014.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
26
construction bois et disposant de ressources conséquentes. Le fort retour d’expérience permet
donc à ce mode de construction de bénéficier d’une certaine stabilité dans le CA global de la
construction bois. Les méthodes d’édification utilisées sont pour la plupart de l’ossature bois et
du poteaux-poutres (voir 3.1.1 et 3.2.2).
Plus marginal mais commençant à trouver une clientèle, la Tiny House (ou « mini-maison »
en français). Entre les ravages de l’ouragan Katrina en 2005 et la crise financière de 2008, les
petites et micro-maisons ont bénéficié d’une plus grande visibilité en se présentant comme une
alternative économique et écologique à l’habitat traditionnel. De petite taille (entre 10 m2 pour les
plus petites et moins de 40 m2 pour les plus grandes), mobiles car disposant de roues, et rapides à
monter grâce à l’usage du bois, elles commencent à séduire une clientèle toujours plus
importante. En France, le phénomène a commencé à être médiatisé à partir de fin 2014.
1.4.2.
Logements collectifs
Les logements collectifs à ossature bois sont à ce jour peu nombreux sur le sol français. La
plupart proviennent de la commande publique de bailleurs sociaux ou de collectivités. Quelques
sociétés de promotion immobilière en région parisienne et à Marseille commencent à se
développer et à entraîner le marché du bois avec elles : Woodeum, Promicéa, Ywood, Green Eco,
REI. Les villes de Ris Orangis et Montreuil ont ainsi accueilli sur leur territoire un certain nombre
d’opérations en bois.
Le plus haut immeuble construit de logements collectifs à structure bois au monde compte
14 étages (R+14) et est situé à Bergen en Norvège11. D’autres projets de grande hauteur sont en
cours d’études ou en cours de construction à travers le monde : un R+17 à Bordeaux, une tour de
84m à Vienne, et une autre de 133m à Stockholm.
1.4.3.
Immeubles Tertiaires
La société Natekko est à ce jour la seule société privée référencée comme construisant des
immeubles de bureaux à ossature bois, notamment l’immeuble Phénomène E+ à Courbevoie
(92). Il a été récompensé au SIMI 2012 en tant que premier immeuble tertiaire à énergie positive
en France. Les autres bâtiments tertiaires édifiés en bois sont quasi-inexistants.
1.4.4.
Ouvrages publics
Les préoccupations en matière de respect de l’environnement ont incité les pouvoirs
publics à instaurer dans les textes de loi des mesures imposant aux collectivités la prise en compte
de ces principes. L’usage du bois dans la construction est un moyen concret et efficace
permettant aux collectivités de répondre aux objectifs chiffrés fixés par le Gouvernement. Ainsi,
11
Voir annexe 1.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
27
le Grenelle de l’Environnement de 2009 a fixé aux communes et EPCI un objectif de « promotion
de la certification et de l’emploi du bois certifié, ou à défaut issu des forêts gérées de manière durable, dans les
constructions publiques à compter de 2010 » (Loi Grenelle 1 article 34 alinéa 2 – circulaire du Premier
ministre du 3 décembre 2008). De fait, sous la pression des textes et règlementations qui sont
fixés aux établissements publics, de nombreux ouvrages publics ont émergés depuis le milieu des
années 2000 et prennent aujourd’hui une place prépondérante dans les différentes édifications
issues de la commande publique. Certaines collectivités ont pris cette problématique à-bras-lecorps bien avant qu’elles n’y soient contraintes.
L’idée de bâtir un Zénith12 sur la commune de Limoges est née en 1995, et a conduit au
premier grand projet de la communauté d’agglomération Limoges Métropole, fondée en 2002.
Une double ambition s’est affirmée lors de sa programmation : la première d’offrir aux habitants
de la région une salle de spectacles et concerts avec une capacité d’accueil largement supérieure à
toutes les infrastructures alors disponibles autour de la capitale régionale. La deuxième d’instaurer
un ouvrage résolument écologique et à haute qualité environnementale. L’usage de ce matériau
revêt de surcroît un double intérêt, puisque le bois omniprésent ajoute des qualités acoustiques à
la salle : bois en structure, en revêtements de sols et en revêtements muraux (lambris ajourés et
conque de la grande salle). Longtemps retardé pour des raisons politiques, le chantier ouvre
finalement le 8 avril 2005. Aujourd’hui en pleine capacité de ses moyens, le Zénith de Limoges
peut contenir jusqu’à 6.047 spectateurs en configuration assis/debout et 4.513 spectateurs en
placement tout assis. Son armature, entièrement réalisée en Douglas du Limousin, a permis au
cabinet Bernard Tschumi Architectes d’être récompensé par le Prix National de la Construction
Bois en 2007.
Le Centre Pompidou-Metz13, réalisé en association par les architectes Shigeru Ban et Jean
de Gastines, comprend une charpente en bois d’une superficie de 8.000 m2 composée d’Épicéa
en lamellé-croisé. C’est la partie la plus étudiée et la plus originale de l’ouvrage, puisqu’elle ne
relevait d’aucun règlement français en cours au moment de l’étude. Celle-ci a donc été faite à
partir des règles de l’Eurocode 5 (réglementation européenne de la construction). Elle possède
une géométrie irrégulière, toute en courbes et contre-courbes, qui enveloppe les différents
éléments du bâtiment, et notamment les trois galeries d’exposition. Cette charpente en bois est
l’une des plus grandes et des plus complexes réalisées à ce jour. Elle forme un hexagone de 90m
de largeur faisant ainsi écho au plan du bâtiment. Les lames de la charpente, espacées de 2,90m,
dessinent elles aussi une trame hexagonale. Pour l’anecdote, cette structure s’inspire d’un chapeau
chinois trouvé à Paris par Shigeru Ban.
La commune de Montpellier s’est elle aussi dotée d’un complexe ambitieux. Le théâtre
Jean-Claude Carrière14 sur le site du Domaine d’O est un projet éco-responsable unique en
Europe : entièrement modulable, il peut intégralement être démonté, transporté et remonté sur
Voir annexe 5.
Voir annexe 6.
14 Voir annexe 7.
12
13
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
28
un autre site. Reposant sur une simple dalle, il est constitué de murs et d’un toit en bois de type
CLT (panneaux de bois massif). Il est doublé à l’extérieur d’une résille en losanges qui lui donne
son style et sa spécificité. Les panneaux de CLT de 13m de haut par 3m de large sont assemblés
sur site, puis remplis de laine de roche, pour former des caissons en bois avec de l’isolant sur
20cm, soit des murs de 38cm d’épaisseur. Cette technique d’assemblage a permis au cabinet A+
Architecture de finaliser la pose de la superstructure en à peine six mois. Au total, ce sont 1.200
m3 de bois, 640 panneaux de CLT et 540 tonnes de bois labellisés qui constituent ce projet
culturel.
1.4.5.
Évolution de l’Offre et de la Demande et Parts de marché
Sur le marché global de la construction de maisons individuelles, la part des maisons
construites en bois s’élève à 10,4% en 2014. La tendance est à la stabilité puisque l’année 2012
enregistrait une part de 10,6%. La variation sur deux ans est donc quasi-nulle. Les régions de l’Est
de la France (Grand Est et Rhône-Alpes), à forte tradition de constructions bois, conservent les
parts les plus élevées du marché de la construction bois dans le secteur individuel diffus. L’Ile-deFrance s’installe en 5e position, à hauteur de 8,5% (en hausse de 1,5% en deux ans). La région
Sud-Est, bien que dernière du classement avec 5,7% de maisons construites en bois, enregistre
elle aussi une tendance à la hausse, puisqu’elle en comptabilisait seulement 4,9% en 2012.
Le Chiffre d’Affaires de la construction bois en 2014 s’élève à 1,89 milliard € HT. Celle-ci
désigne toutes les techniques constructives à base de bois permettant de réaliser un bâtiment
neuf : l’ossature bois, le système poteau-poutre, les panneaux massifs contrecollés (CLT), le
colombage traditionnel et le bois massif empilé. Ces techniques de construction seront détaillées
ultérieurement (voir 3.1.1). Sur le plan contractuel, près de deux tiers (63%) des marchés hors
maisons individuelles passés avec les entreprises le sont en Corps d’État Séparés. En revanche, la
part des marchés signés en Entreprise Générale (19%) est en hausse de 4% par rapport à 2012.15
15
Donnée chiffrées issues de l’enquête nationale de la construction bois (activité 2014).
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
29
Figure 6. Évolution des parts de marché de la construction bois
Du côté du client, la Demande évolue elle aussi, bien qu’il soit encore difficile de tirer des
enseignements étant donné le faible retour d’expérience dans ce domaine. Mais les discussions
entamées avec les prospects et les futurs acquéreurs plaident clairement en faveur du matériau.
Désormais, le bois est presque un vecteur de commercialisation. L’opportunité de voir des
charges de chauffage et d’entretien largement à la baisse par rapport à une construction classique
en béton prime pour l’instant sur la motivation de la décision. La considération écologique et
environnementale entre également dans le processus de décision. Il faut néanmoins impératif de
rester au prix du marché, sinon la banque fera changer d’avis à l’accédant. En respectant ce
principe, le marché se développe rapidement, et les clients qui ont fait l’expérience du bois ne
reviennent plus à la construction traditionnelle en béton. Ils en deviennent même les premiers
ambassadeurs : le bois joue en faveur du bois. Quand on demande aux acquéreurs ce qui les
satisfait dans leur logement, il y a ce facteur de bien-être, bien présent mais difficile à mesurer, lié
à l’équilibre hygrométrique, et générateur de confort, qui revient très souvent dans les discours.
Les clients demandent de construire à nouveau en bois ailleurs. Le bois a une connotation
sympathique et est vécu comme une contribution au bien-être, bien qu’elle soit difficile à
quantifier.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
30
2ème Partie – Application aux IGH : Opportunités et
Limites Rencontrées
2.1.
Les Immeubles de Grande Hauteur (IGH)
Avant d’étudier les opportunités et les contraintes du bois dans la construction de grande
hauteur, il est nécessaire de se pencher de plus près sur ce qui constitue réellement un IGH et sur
la France qui lui est appliquée.
2.1.1.
Qu’est-ce qu’un IGH ?
Un IGH, également appelé tour ou gratte-ciel, est une construction qui, du fait d’une hauteur
particulière, relève de procédures spécifiques en matière de prévention et de lutte contre
l’incendie. La définition de l’IGH est donnée par les articles R.122-2 et R.122-3 du Code de la
Construction et de l’Habitation : « Constitue un immeuble de grande hauteur, tout corps de bâtiment dont le
plancher bas du dernier niveau est situé, par rapport au niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins des
services publics de secours et de lutte contre l’incendie, à plus de 50 mètres pour les immeubles à usage d’habitation,
et à plus de 28 mètres pour tous les autres immeubles. »
La France répartit les IGH en 10 classes, en fonction de leur destination :

GHA pour les immeubles à usage d’habitation ;

GHO pour les immeubles à usage d’hôtellerie ;

GHR pour les immeubles à usage d’enseignement ;

GHS pour les immeubles à usage de dépôt d’archives ;

GHU pour les immeubles à usage sanitaire ;

GHW1 pour les immeubles à usage de bureaux, dont la hauteur du plancher bas du
dernier niveau est comprise entre 28 et 50m ;

GHW2 pour les immeubles à usage de bureaux, dont la hauteur du plancher bas du
dernier niveau est supérieure à 50m ;

GHZ pour les immeubles à usage mixte ;

GHTC pour les tours de contrôle ;

ITGH pour les Immeubles de Très Grande Hauteur (plancher bas du dernier niveau à
plus de 200m).
Le premier IGH construit en France est l’immeuble « Gratte-Ciel » à Villeurbanne, commune
limitrophe de Lyon, en 1934. On trouve de nombreux IGH à l’Ouest de Paris, dans le quartier de
La Défense, le plus grand quartier d’affaires d’Europe, où ils se sont fortement développés dans
les années 1970-1980. Le plus grand IGH en France est la Tour First, qui culmine à 231m.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
31
2.1.2.
Une règlementation et des obligations spécifiques
La première règlementation en vigueur date du début des années 1960, époque à laquelle
ces immeubles ont fait leur apparition. Dans le passé, la longueur des échelles à incendie des
pompiers augmentait en fonction de la hauteur des bâtiments. Ce n’était plus possible dans le cas
des IGH. Il a donc fallu mener de sérieuses études afin d’établir le premier règlement de sécurité
IGH en novembre 1967.
Un IGH doit répondre à un ensemble de règles de construction et d’équipements visant à
limiter le plus possible la propagation du feu d’un étage à l’autre, et à permettre l’évacuation des
occupants. L’arrêté du 30 décembre 2011 fixe les dispositions légales actuelles de ces ouvrages. Il
comprend les dispositions générales communes à tous les IGH et les dispositions particulières
définies en fonction de la classe de l’immeuble.
Les mesures imposées aux IGH lors de leur construction (notamment la résistance au feu
des structures, l’installation d’équipements de détection et d’alarme incendie), mais aussi lors de
leur maintenance et leur exploitation (présence d’un poste de sécurité 24h/24) entraînent des
coûts supplémentaires répercutés pour ces derniers sur les charges des occupants. Les contraintes
de sécurité liées à la classification IGH se traduisent par des coûts incompressibles, comme ceux
liés à la présence d’un PC Sécurité et de 3 pompiers à temps plein 24h/24. Ces coûts sont
souvent incompatibles avec la rentabilité d’un investissement immobilier pour un investisseur et
un loyer maîtrisé pour un utilisateur.
Dans la nouvelle vague des mesures de simplification des règlements prévue en juin 2016,
un décret devrait paraître, homogénéisant la classification IGH pour les bureaux et les logements.
Il mettra ainsi fin à une exception française. Il gommera cette différence entre les immeubles de
bureaux et ceux d’habitation, puisqu’il prévoit de rehausser le seuil de déclenchement du
classement IGH à 50m pour tous les immeubles, bureaux et logements. Une mesure qui va dans
le sens de la simplification, mais surtout qui va permettre un allégement des charges des
propriétaires fonciers de bureaux et de leurs occupants. En effet, on estime à 540.000€ HT/an
l’économie réalisée en supprimant l’obligation du poste de sécurité de 3 professionnels de la
sécurité en fonctionnement 24h/24 (soit 9 salaires par jour). Cette mesure permettrait également
de favoriser la rénovation des immeubles de bureaux dont la hauteur est comprise entre 28 et
50m, notamment ceux en centre-ville, et faciliter la surélévation des bâtiments existants, à l’heure
où la densité est au cœur des enjeux urbains.
2.1.3.
Le classement des bâtiments face à la réglementation incendie
Au regard de la règlementation incendie des bâtiments d’habitation, chaque construction
est identifiée par une « famille » qui lui imposera des normes de sécurité particulières. Elles sont
au nombre de quatre :
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
32

La 1ère famille ne regroupe que les habitations individuelles ;

La 2e famille concerne les habitations individuelles de plus d’un étage, ou les habitations
collectives de 3 étages maximum ;

La 3e famille s’applique aux immeubles à usage exclusif d’habitation, dont le plancher
bas du dernier logement est situé à 28m maximum. Elle concerne les immeubles
collectifs de 4 à 7 étages ;

La 4e famille sera effective pour les habitations dont le plancher bas du dernier
logement est situé entre 28m et 50m. Au-delà, l’immeuble devient un IGH. Lorsqu’il
contient des locaux à usage autre qu’habitation, cet immeuble entre également dans la
catégorie des IGH.
Les IGH ne seront donc concernés que par la 3e ou la 4e famille.
Pour éviter la propagation d’un incendie extérieur à un IGH, celui-ci doit être isolé par un
volume de protection. Il doit également être divisé en compartiments pour permettre de vaincre
le feu avant qu’il n’ait atteint une dangereuse extension. Les parois doivent respecter un coupefeu de 2 heures.
Pour assurer la sauvegarde des occupants de l’immeuble et du voisinage, les IGH doivent
respecter des règles de sécurité très pointues. Les matériaux combustibles susceptibles de
propager rapidement le feu sont interdits. Il est également interdit d’entreposer ou de manipuler
des matières inflammables. L’évacuation des occupants doit être assurée par au moins deux
escaliers par compartiment, sauf pour les immeubles de classe GHW1 pour lesquels la France
autorise une dérogation. Les communications d’un compartiment à un autre ou avec les cages
d’escaliers doivent être assurées par des dispositifs étanches aux fumées, et permettant
l’élimination de ces fumées par des systèmes d’extraction. L’accès des ascenseurs doit être interdit
dans les compartiments atteints ou menacés par l’incendie. En revanche, ils doivent pouvoir
continuer à fonctionner pour le service des étages et compartiments qui ne sont pas atteints ou
menacés par le feu. Enfin, l’immeuble doit comporter une ou plusieurs sources d’électricité, un
système d’alarme, ainsi que des moyens de lutte contre l’incendie (comme par exemple un réseau
de sprinklers).
2.1.4.
Quelle approche face à la construction bois ?
À ce jour, il n’existe pas d’IGH en bois en France. Afin de fixer un cadre règlementaire et
législatif à ces ouvrages si particuliers, la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion
des Crises, et la Direction des Sapeurs-Pompiers, ont rédigé conjointement une note
d’information destinée à en préciser les modalités d’instruction.
Afin de permettre la construction de tels IGH qui, dans un premier temps au moins,
devrait rester exceptionnelle, ces organismes invitent à recourir aux dispositions de l’alinéa 3 de
l’article R.122-11-1 du Code de la Construction et de l’Habitation, plutôt que de modifier la
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
33
France incendie de ces bâtiments. Ainsi, « en raison des caractéristiques particulières de certains immeubles,
l’autorisation de travaux peut être assortie de prescriptions spéciales ou exceptionnelles qui renforcent ou atténuent
ces dispositions (comme celles qui fixent dans le CCH les règles principales de sécurité) ». Aussi, que les projets
soient portés ou non par le plan Nouvelle France Industrielle (voir 3.3.1), et afin d’éviter
l’allongement inutile des délais d’instruction des autorisations d’urbanisme, des études précises
devront être jointes à tous les dossiers de permis de construire. Elles assureront une approche
cohérente de la sécurité incendie globale de ces ouvrages, et le cas échéant apporteront un soutien
technique. Les préfets ont invités à faire remonter l’ensemble de ces projets à l’échelon national
(Ministère de l’Intérieur et SDSIAS).
Concernant la résistance au feu et le compartimentage, si les durées de résistance requises
règlementairement ne peuvent être justifiées par les méthodes classiques, il est possible pour les
architectes ou les entrepreneurs d’avoir recours à des avis techniques, des avis de chantier ou des
ATEx. Bien entendu, dans ces cas de figure la stabilité devra être prouvée pour toute la durée de
l’incendie. Concernant le comportement au feu des façades, l’objectif est la non-transmission du
feu au-delà du niveau R+2. La justification de cette performance est actuellement apportée par un
essai LEPIR 216.
Enfin, concernant la réaction au feu des matériaux de construction, le bois ne saurait être
exclu des « matériaux susceptibles de propager rapidement le feu sont interdits » (article R.122-9 du CCH).
Ces matériaux sont classés de M0 à M5, M0 correspondant à une propagation nulle et M5 à une
forte propagation. En effet, les matériaux en cause sont les matériaux M5 et les matériaux M3 ou
M4, s’ils sont en contact avec l’air. Pour le bois, cela correspondrait à des épaisseurs très faibles
pour M5 et relativement faibles pour M4, qui ne sont pas en cause ici pour les éléments
structurels. Pour les matériaux M3, et plus généralement pour appréhender la sécurité des parois
en bois, il sera fait appel à l’ingénierie de la réaction au feu. De telles méthodes ont été mises en
œuvre pour l’application du règlement de sécurité contre l’incendie des ERP (Établissements
Recevant du Public) et ont déjà fait leurs preuves. Elles devront servir de base à l’utilisation du
bois pour l’édification d’IGH.
2.2.
Les opportunités offertes par le bois comme matériau structurel
Les points suivants mettront en lumière les qualités essentielles de ce matériau, ainsi que tous les
bénéfices qui découlent de son emploi.
2.2.1.
Le matériau écologique par excellence
Son bilan carbone est imbattable. Les forêts contribuent à diminuer la pollution due au gaz
carbonique en stockant, dans les fibres du bois, une partie du carbone. Son impact
Local Expérimental Pour Incendie Réel à 2 niveaux – banc d’essai au feu. Essai effectué par un des laboratoires agréés par le
Ministère de l’Intérieur, comme le CSTB.
16
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
34
environnemental est même négatif puisqu’1m3 de bois peut stocker jusqu’à 1 tonne de CO2.
Cependant son avantage ne se limite pas qu’au carbone. Un bâtiment construit avec une forte
proportion de bois est un bâtiment à plus faible impact sur l’environnement : moins de matières
premières épuisables prélevées, moins d’énergie consommée pour sa fabrication, moindre impact
sur l’accroissement de l’effet de serre. C’est la raison pour laquelle le Parlement a reconnu, dans la
Loi sur l’Air de 1996, que l’utilisation du bois devait être encouragée dans les constructions
nouvelles.
MATÉRIAU
MASSE POUR 1 m3
EFFET CO2
Fer
7.000 kg
+ 5.000 kg
Béton
2.300 kg
+ 375 kg
Ciment
1.600 kg
+ 2.500 kg
Bois
700 kg
- 1.000 kg 17
Figure 7. Comparatif de l'impact carbone des matériaux de construction
Le bois est aussi le seul matériau naturel entièrement renouvelable. Sa mise en œuvre ne
consomme que peu d’énergie, en tout cas rien comparé au béton et à l’acier, et ne nécessite
aucune transformation. Ces deux matériaux de construction consomment, dans leur procédé de
fabrication, de grandes quantités d’énergie et de matières premières dont les réserves ne sont pas
inépuisables, notamment l’eau et le sable. Ce risque de pénurie est inexistant avec le bois. Dans le
cadre d’une forêt bien gérée, comme l’est la forêt française, un arbre abattu est remplacé par une
voire deux nouvelles plantations. La tendance est même à l’accroissement du patrimoine forestier
sur le territoire métropolitain (voir 1.2.2).
C’est également le seul matériau de structure 100% recyclable. Dans le bois, rien ne se perd,
rien ne se crée, tout se transforme. Les déchets de sciure de bois créés lors de la découpe peuvent
être entièrement transformés pour créer des planches d’aggloméré par exemple. Le bois de
structure lui-même peut être réutilisé. Une bonne partie des composants en bois peut être
récupérée sur le chantier pour être réutilisée : portes, fenêtres, éléments de charpente ou de
plancher. Le reste peut être broyé pour faire du bois n’énergie.
2.2.2.
Des propriétés technologiques et mécaniques exceptionnelles
Comme précisé précédemment, le bois dispose d’une excellente tenue au feu. À ce sujet il
est nécessaire de faire la distinction entre deux notions : la réaction au feu (contribution qu’un
matériau peut apporter à l’incendie), et la résistance au feu (durée pendant laquelle un élément
continue de remplir sa fonction malgré l’action de l’incendie). La première notion peut être
comblée par la masse volumique du bois, notamment avec les panneaux de bois massif comme le
17
Données chiffrées issues du CNDB – 2015.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
35
CLT. Dans le cas contraire, les plaques de plâtre installées à l’intérieur du bâtiment en assurent le
coupe-feu. Concernant la seconde notion, les qualités intrinsèques du bois lui-même ont déjà été
démontrées (voir 1.3.1).
La construction en structure bois offre une rapidité de mise en œuvre très conséquente sur
le temps d’exécution d’un chantier. Ce matériau doit cet avantage à toute la procédure de
préfabrication qui lui est nécessaire. En effet, des éléments complets peuvent être préassemblés
en usine : bardage, pare-pluie, isolant, pare-vapeur, contreventement et menuiseries extérieures
pour les murs et façades ; solives, résilient acoustique, chapes sèches et réseaux d’eau et
d’électricité pour les planchers. Le soin apporté à la préparation s’effectue en atelier, ce qui
permet d’éviter les aléas climatiques. Dans une logique économique, cela permet au Maître
d’Ouvrage d’être plus compétitif et plus qualitatif. Ce principe de préfabrication implique un plus
grand travail d’études et de synthèse des différents corps d’état en amont. Mais ce temps se
répercute sur la durée de vie du chantier : le délai d’exécution peut ainsi être raboté de près de
30% par rapport à une construction béton traditionnelle. Dans le cas d’un IGH, cette donnée est
un argument de poids non seulement pour le Maître d’Ouvrage qui supportera moins longtemps
le chantier, mais aussi pour les futurs propriétaires ou utilisateurs qui en récupèrent plus vite la
propriété ou la jouissance. Le bois est de surcroît une bonne réponse aux chantiers contraignants
et compliqués d’accès puisque, dans les modalités de chantier, l’implantation se rapproche de celle
d’un Lego.
En conséquence, l’emploi d’un matériau naturel offre des chantiers bien plus propres,
puisqu’aucune transformation n’a lieu, ni lors de la préparation des éléments structurels en usine,
ni lors de la mise en œuvre en phase de chantier. L’instauration d’une filière sèche implique aussi
moins de nuisances sonores sur le site de construction : en lieu et place d’une toupie à béton
utilisée pendant toute la durée du chantier, les seuls bruits perceptibles sont ceux des marteaux et
des scies. Ce point est d’ailleurs fortement apprécié par les riverains voisins.
Le bois est également un matériau perspirant : il permet aisément la migration de la vapeur
d’eau. Une paroi en bois, couplée avec le bon isolant, assure une régulation idéale de
l’hygrométrie du bâtiment tout en étant étanche à l’air. Lorsque l’hygrométrie de l’air intérieur est
supérieure à celle de la paroi, cette dernière absorbe la vapeur. Au contraire lorsque l’air intérieur
s’assèche, la paroi libère la vapeur d’eau qu’elle a absorbée. Un principe qui augmente la sensation
de confort à l’intérieur du bâtiment, et par conséquent une régulation avantageuse de la
température. Mais pour y parvenir, la paroi doit être conçue de façon à ce que la vapeur ne
condense pas dans la paroi, au risque de provoquer des pathologies au bâtiment. Ainsi les
composants devront être choisis les uns par rapport aux autres, de façon à accélérer le transit de
la vapeur d’eau de l’intérieur vers l’extérieur sans établir de barrières étanches.
La thermique est considérée comme avantageuse mais c’est en réalité un faux avantage : ce
n’est pas parce qu’on est en bois qu’on est thermiquement efficace. Les parois et pré-murs en
bois présentent certes l’avantage d’être moins épais pour des performances égales, mais ils
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
36
nécessiteront un complément d’isolant non négligeable pour arriver à des performances
identiques à un système de construction traditionnel en matière d’isolation thermique. Dès lors,
pour établir des comparaisons justes mettant en avant les réelles qualités du bois, il convient de
prendre en compte non pas le matériau individuellement, mais l’ensemble du système constructif
dans l’évaluation des performances thermiques.
Enfin, il dispose d’une légèreté structurelle et architecturale unique. À titre de comparaison,
une poutre de 3m de portée capable de supporter 20 tonnes pèsera 300kg en béton et 80kg en
acier. En Épicéa, elle pèsera seulement 60kg. La particularité du bois réside dans le fait qu’il est
un matériau anisotrope : ses propriétés mécaniques sont différentes en fonction de la direction
considérée. Elles sont bien plus importantes lorsque la compression est effectuée parallèlement
aux fibres du bois (compression axiale – figure 7-8a). En revanche, une compression
perpendiculaire sera moins bien absorbée, car elle écrasera et tassera les fibres (compression
transversale – figure 8b).
Figure 8. Schéma de résistance optimale du bois à la compression
Figure 9. Schémas de résistance optimale (A) et de résistance relative (B) à la compression
2.2.3.
Diversité des matériaux biosourcés
Le bois d’œuvre reste le matériau biosourcé (matériau issu de la biomasse végétale ou
animale) le plus utilisé en termes de volume et de quantité : il a en effet atteint un degré de
maturité qui le différencie nettement des autres filières de matériaux biosourcés, au vu
notamment de la forte disponibilité de la ressource. Les dérivés de fibres de bois, comme la ouate
de cellulose, ainsi que le chanvre font également partie des matériaux naturels les plus utilisés
dans la construction. Le bambou, si son utilisation ne s’est pas encore démocratisée, dispose
également d’atouts exceptionnels dans ce domaine. Ce point sera développé dans la suite de cette
rédaction (voir 3.2.3).
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
37
Cet usage est fortement bénéfique au Maître d’Ouvrage concernant la valorisation des
matériaux biosourcés, en particulier à l’égard de la norme NF.P.01.010 qui concerne la prise en
compte du stockage du CO2 dans les calculs de l’indicateur de changement climatique. De fait,
cette démarche tend à faciliter les validations liées à l’étiquetage environnemental des produits de
la construction et se révèle comme étant un véritable tremplin pour l’obtention des certifications
et labels énergétiques des constructions. Ce bénéfice ne s’arrête pas au bois puisque de nombreux
matériaux biosourcés peuvent y concourir, comme la paille, le chanvre ou la cellulose.
Plus récemment, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la
croissance verte, confirme l’intérêt de l’usage de ces matériaux pour des applications dans le
secteur du bâtiment. Elle précise dans son article 5 que « l’utilisation des matériaux biosourcés concourt
significativement au stockage de carbone atmosphérique et à la préservation des ressources naturelles » et qu’ « elle
est encouragée par les pouvoirs publics lors de la construction ou de la rénovation des bâtiments ».
2.2.4.
Un secteur stratégique pour l’emploi
C’est l’un des plus fournis qui soient en France. La filière forêt-bois dans son état actuel
recense 425.000 emplois, soit 1,7% de l’emploi sur l’ensemble du territoire. Le panel de ces
emplois est très large et s’étend des organismes de gestion de la forêt à la mise en œuvre du bois,
en passant par les scieries et le travail industriel. À titre de comparaison, le secteur de l’automobile
compte 285.000 emplois. Quatre critères peuvent rendre compte de la compétitivité et de
l’attractivité d’un secteur d’activité, et de sa répercussion sur le volume d’emplois effectifs ou
potentiels :

Le niveau technologique ou de gamme ;

La recherche d’effets d’agglomération ou d’échelle ;

L’accès à des ressources spécifiques matérielles ou immatérielles ;

Le besoin de proximité de la demande finale.
La filière forêt-bois répond parfaitement à toutes ces conditions. Elle dispose même d’un
potentiel de développement de 25.000 emplois d’ici à 2020, ce qui représenterait une masse
salariale moyenne de 400 M€ sur la même période. L’impact serait également appréciable sur le
pouvoir d’achat dans l’économie pour une valeur approximative de 300 M€, et ainsi susciter un
impact positif de 275 M€/an pour l’État18, au travers des cotisations sociales et des différentes
contributions. Il n’existe aucun autre secteur pouvant prétendre relever un tel défi.
Les avantages ne se limitent pas qu’à des données chiffrées. Le développement d’une filière
verte est aussi un enjeu majeur de l’avenir économique de la France et va dans la direction prise
par la récente loi de transition énergétique pour la croissance verte, ainsi que dans le cadre du
Grenelle de l’Environnement. En outre, tous ces emplois effectifs ou créés sont non-
18
Données chiffrées : www.foretpriveefrancaise.com
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
38
délocalisables : ils se développent là où se trouve la ressource, c’est-à-dire sur le territoire français,
la troisième plus importante d’Europe (voir 1.2.2).
2.3.
Les limites rencontrées
Si le bois est un matériau bénéficiant de grandes qualités et offrant des réponses concrètes à bon
nombre de problématiques de mise en œuvre lors de la construction de l’ouvrage, il n’en demeure
pas pour autant infaillible. Il se heurte aussi à certaines difficultés, qu’elles soient d’ordre
règlementaire, technique, structurel ou psychologique.
2.3.1.
Les contraintes règlementaires
Aucun texte de loi n’interdit formellement la construction en hauteur en utilisant le bois en
structure. Malgré tout, en matière de résistance au feu les constructions en bois font l’objet de
difficultés réglementaires. Face aux contraintes que représente la règlementation incendie, les
projets au-delà de R+4 sont encore difficiles à faire émerger. Cependant il est à noter qu’à ce jour
certaines édifications en bois sur le territoire français d’une hauteur supérieure commencent à
voir le jour. Mais elles sont parfois soumises à des mesures spécifiques imposées par les services
incendies locaux, comme par exemple l’application de peinture intumescente retardant
l’inflammation sur tous les éléments porteurs.
De surcroit, certains entrepôts et bâtiments industriels relevant des ICPE (Installations
Classées pour la Protection de l’Environnement) font l’objet de textes règlementaires
discriminants vis-à-vis des charpentes et des systèmes porteurs en bois. En l’occurrence, l’arrêté
du 28 décembre 2007 relatifs aux silos a instauré de nouvelles exigences d’incombustibilité pour
les éléments de structure. Ceci a pour effet d’exclure de facto le bois pour ces ouvrages, bien qu’ils
constituaient jusqu’alors un marché pour le moins significatif pour la filière du bois lamellé-collé.
D’autres éléments viennent mettre en exergue une certaine dichotomie quant aux textes
règlementaire applicables. Les Eurocodes ont introduit une justification au feu combinée, c’est-àdire pour le côté intérieur mais aussi pour le côté extérieur. Remarquons que cette mesure s’avère
en totale opposition avec l’approche règlementaire française qui ne prend en compte que la
propagation d’un incendie via un feu intérieur. Il apparaît clair qu’une application de l’Eurocode
aurait des conséquences néfastes en matière de compétitivité économique pour les ouvrages en
bois.
Il est bien constaté une faiblesse acoustique des ouvrages bois aux basses fréquences
inférieures à 100 Hertz, essentiellement face au bruit d’impact, comme il a été démontré
précédemment (voir 1.3.3). Or, le mode de caractérisation des planchers vis-à-vis des bruits de
chocs a été mis au point pour faire émerger les faiblesses des planchers lourds de type béton, qui
eux sont déficients aux hautes fréquences (sollicitation de type talon aiguille par exemple). Il est
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
39
donc à noter que la règlementation acoustique ne considère que la bande de fréquences 100 –
5000 Hertz, ne prenant ainsi pas en compte cette faiblesse acoustique éventuelle des planchers
bois face aux basses fréquences. Cette problématique a pour conséquence d’occasionner une gêne
pour l’occupant, alors que le produit peut être considéré « performant » au regard de la
règlementation et des tests acoustiques, et ainsi décrédibiliser les planchers bois, avec pour
conséquence de freiner leur développement. Ceci est d’autant plus problématique qu’aucune
donnée n’existe à ce jour quant à la perception, par les occupants, de la qualité acoustique des
ouvrages légers, si ce n’est un retour d’expérience des promoteurs et Maîtres d’Ouvrage ayant
parié sur le bois.
La sécurité incendie constitue un enjeu majeur, en particulier au sujet du comportement au
feu en façade (communément appelée ingénierie du C+D). À ce titre, la révision en 2009-2010 de
l’Instruction Technique IT.249, qui regroupe des solutions constructives adossées à la règle du
C+D contenue dans la réglementation de sécurité incendie des IGH et des ERP, n’intègre aucune
solution bois qualifiée et optimisée, alors qu’elles existent bel et bien. Ce point traduit un manque
de considération à l’égard du bois pour ce type de bâtiment.
Enfin, il est un domaine non quantifiable ou mesurable qui concerne les Bureaux de
Contrôle. Ces derniers souffrent pour la plupart d’un manque d’expérience et peuvent avoir des
interprétations différentes des règlementations. Dans le pire des cas, ces organismes appliquent
même un principe de précaution à l’extrême, qui va à l’encontre des qualités avérées du bois.
2.3.2.
Des difficultés à prescrire des solutions constructives bois
L’obtention d’une évaluation technique ouvre généralement la voie aux procédés de
constructions reconnus non-traditionnels. Cependant, des contraintes récurrentes à ce système
posent des barrières pour les petites entreprises aux capacités réduites face aux grands groupes
industriels. La filière bois construction est dotée d’une particularité qui la différencie de la
majorité des filières européennes : elle est essentiellement composée de PME et d’entreprises
artisanales (81% des entreprises présentes sur le marché de la construction bois en 2014
comptent moins de 20 salariés)19. À ceci s’ajoutent des délais conséquents associés aux
procédures d’évaluation souvent ressentis comme incompatibles avec l’activité des PME/TPE de
la filière bois construction, bien que ce constat semble valable pour celles-ci dans le secteur du
bâtiment plus généralement. Penser, fabriquer, distribuer et mettre en œuvre un nouveau produit
de construction est de plus en plus complexe pour les PME/TPE du secteur industriel.
Pourquoi ? En raison des nouvelles règles entrées en vigueur avec l’avènement des Eurocodes, de
la Directive Européenne sur les Produits de Consommation, et des règlementations françaises
(thermique, acoustique, sismique et incendie). Autant de contraintes qui vont de paire avec
l’entrée en vigueur dans chacun des pays-membres de règles, de normes, de marquages ou de
labels qui interfèrent avec les dispositifs européens supérieurs.
19
Enquête nationale de la construction bois – rapport d’activité 2014.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
40
Dans le schéma inverse, une difficulté complémentaire provient de la reconnaissance en
France des produits évalués au préalable en Europe ou à l’international. Les performances des
produits sont souvent validées au niveau européen au travers du marquage CE rendu
réglementaire en France, mais se heurtent dès leur disponibilité sur le marché français à la
reconnaissance des techniques de mise en œuvre de ces mêmes produits et procédés constructifs
bois. La mise en œuvre des produits évalués à l’étranger peut éventuellement ne pas être adaptée
à la culture française du bâtiment.
Cette complexité du monde de l’évaluation a une conséquence directe forte : le délai –
souvent trop long – nécessaire à la reconnaissance de l’innovation par le biais de l’évaluation, et
son coût associé.
2.3.3.
Les limites techniques
La reconnaissance des performances des systèmes constructifs bois permettant de répondre
aux exigences essentielles passe soit par la voie réglementaire (règles de moyens, marquage CE,
niveaux d’attestation de conformité, certificats, etc.), soit par la normalisation ou par la voie
volontaire des entreprises du secteur du bâtiment, au travers de procédures d’évaluation
autorisant leur utilisation (avec l’appui par exemple d’un avis de chantier ou d’un ATEx).
Malgré la viabilité avérée des systèmes à structure bois, on note une relative inexpérience de
ces procédés constructifs, du fait d’un manque de retour d’expérience significatif, et d’une
ingénierie peu éprouvée jusqu’à maintenant. Il s’avère qu’un certain nombre de performances des
systèmes constructifs bois semblent poser des problèmes de reconnaissance à l’égard de la
réglementation incendie. Aujourd’hui des autorisations et certifications techniques existent pour
tous les systèmes constructifs bois. Mais les avis techniques délivrés par le CSTB le sont bien
souvent au prix d’une longue phase d’essais, et d’un coût important.
2.3.4.
Une filière forêt-bois fragmentée
Les analyses de la filière bois mettent en lumière des disparités entre les parties prenantes et
les acteurs. Il n’existe pas, à ce jour, de stratégie commune clairement définie sur l’organisation et
les objectifs de la filière. Le paysage interprofessionnel est compliqué du fait de la multiplicité des
rôles et des acteurs. Sa situation financière est dégradée par manquement d’un observatoire
économique commun. Les particularités régionales ne sont pas prises en compte, malgré des
organismes relativement structurés et bien présents, ce qui entraîne un manque cruel de lisibilité
au niveau national. En conséquence, si la réglementation facilitait in fine ce matériau à prendre de
la hauteur dans la construction, la filière ne serait pas encore capable de s’engouffrer pleinement
sur ce marché. Une offre insuffisamment structurée et un manque de formation technique
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
41
expliquent que le bois peine à rivaliser avec l’industrie des matériaux concurrents, quant à elle très
organisée, normée et compétitive.
2.3.5.
Des coûts de mise en œuvre et d’exploitation encore mal maîtrisés
Il se joue actuellement dans le monde de la construction un véritable combat. Le béton,
champion incontesté des systèmes constructifs, sent sa position monopolistique attaquée par la
montée en puissance et en volumes des solutions constructives en bois. CimBéton, le centre
d’information sur le ciment et ses applications, a donc décidé de réagir en lançant une analyse
économique des différents systèmes constructifs via une étude comparative confiée à BMF, un
bureau d’études économiste de la construction.
L’étude en question porte sur l’analyse comparative d’un bâtiment d’habitation classique de
7 étages, composé de 21 logements T2 et T3, sur un rez-de-chaussée commercial. Le rez-dechaussée est construit en béton sur les quatre solutions étudiées, pour les reprises de charge et
pour des questions de respect de coupe-feu. Du R+1 au R+7 les étages disposent d’une hauteur
sous plafond identique. La hauteur totale du bâtiment est variable en fonction de la hauteur des
planchers. La SDP (surface de plancher) est conservée, et la SHAB (surface habitable) est variable
en fonction de l’épaisseur des parois. La toiture est de type toiture-terrasse et les portées sont de
cinq mètres environ. Le bâtiment est situé en région Auvergne-Rhône-Alpes. Les 4 systèmes
constructifs étudiés sont :

Une structure lourde avec planchers, façades et refends en béton armé, une isolation par
l’intérieur avec de la laine minérale et des rupteurs de pont thermique ;

Deux structures légères avec plancher simple ou double, façades et murs séparatifs à
ossatures bois, avec les doublages nécessaires pour l’acoustique et la thermique. Les
séparatifs non-porteurs ont été traités avec des plaques de plâtre ;

Une structure CLT en plancher et en porteurs verticaux, avec les doublages nécessaires
pour l’acoustique et la thermique.
Les résultats sont éloquents : le béton – à performance thermique et acoustique égale – constitue
effectivement la solution la plus économique (voit tableau ci-après). En termes de coût de
construction, le prix au m² SHAB est 22% plus cher pour le plancher double en bois que pour le
plancher béton : 1.224 €/m² contre 1.488 €/m². En solution CLT, cet écart grimpe à 27% (1.553
€/m²). De plus, la solution béton permet, dans le même gabarit, de réaliser un étage de plus
(hauteur de 21,68m pour le plancher béton contre 24,36m pour le plancher à double ossature
bois). La surface habitable est également plus importante dans la solution béton : 1.549 m² contre
1.520 m² pour le plancher double en bois. En CLT, cette surface est de 1.525 m².
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
42
Surface Habitable
STRUCTURE
BÉTON
STRUCTURE
BOIS SIMPLE
STRUCTURE
BOIS DOUBLE
STRUCTURE
CLT
1.549 m²
1.520 m²
1.520 m²
1.525 m²
Écart
+2%
Surface brute
2.345 m²
2.345 m²
2.345 m²
2.345 m²
Nombre d’étages
R+7
R+7
R+7
R+7
Hauteur des
façades
21,68 m
23,40 m
24,36 m
22,99 m
Surface de façade
1.650 m²
1.784 m²
1.858 m²
1.751 m²
Écart
+8%
+13%
+6%
Prix total façade
527.575 €
568.792 €
582. 905 €
589.447 €
Prix m² façade
320 €/m²
319 €/m²
314 €/m²
337 €/m²
Prix m² SHAB
Écart
1.224 €/m²
1.461 €/m²
1.488 €/m²
1.553 €/m²
+19%
+22%
+27%
Figure 10. Récapitulatif de l'étude comparative bois/béton
Bien que significatifs, ces chiffres doivent néanmoins être considérés avec un certain recul,
puisqu’ils sont édités à la demande d’un organisme œuvrant en faveur du béton. La critique que
l’on peut faire ici est que l’étude porte sur une solution constructive presque uniquement en bois.
C’est ce qui donne des écarts de prix aussi élevés. Si la géométrie avait été optimisée à la solution
technique étudiée, l’écart se réduirait, et pourrait être de l’ordre de 10 à 15%. La solution béton
reste pour l’instant, dans tous les cas de figure, la solution la plus compétitive.
La durée plus limitée des chantiers en filière bois est un facteur propre à réduire
sensiblement le coût des opérations. Toutefois, ce facteur d’économies est en partie atténué par
l’allongement de la durée des phases de conception, lié à la spécificité de cette filière constructive
qui impose des détails d’exécution plus poussés, et à son caractère encore relativement innovant
en logement collectif en France.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
43
2.3.6.
Des freins psychologiques avérés
Au travers des ouvrages évoqués précédemment, il est fort de constater la durabilité du
matériau bois, qui résiste aux âges et aux conditions climatiques ou géographiques les plus
extrêmes (cf. les pagodes et les isbas). Malheureusement ces preuves tangibles de la pertinence de
l’usage du bois ne constituent pas pour autant un argument suffisamment fort et puissant pour
débrider les esprits réfractaires. Cette question dépasse le simple scepticisme dans le rapport
bois/construction et semble trouver son origine dans l’influence culturelle de la France et de son
histoire latine. Nous tirons un réconfort aveugle d’édifices en pierre ayant traversé les époques
pour se retrouver dans notre société contemporaine en – presque – bon état de conservation, en
nous disant que « si cette construction est toujours debout, c’est bien pour une raison ». On parle
même « d’investir dans la pierre » pour désigner un investissement immobilier sûr, stable et
pérenne. Et pourtant, l’état des aqueducs et du Colisée romain éventrés par les tremblements de
terre et l’érosion naturelle ne tient pas la comparaison avec nos fameuses pagodes japonaises,
confrontées à l’une des plus importantes zones de sismicité au monde.
Au regard de la culture historique de la France, il semble exister un véritable paradoxe entre
la culture paysanne traditionnelle du pays, et l’attrait envers des constructions de pierre et de
béton. La France est depuis des siècles un territoire à forte dominante agricole, où le rapport à la
terre et à la nature est ancré dans les générations. Pourtant, la culture latine issue de l’époque
romaine et gallo-romaine influence encore aujourd’hui notre vision de la solidité et de la
pérennité de nos ouvrages, que nous édifions majoritairement en pierre, parpaings, ciment,
briques ou béton. Les préjugés sur les caractéristiques du bois ont toujours la vie dure et sont
compliqués à combattre, même à notre époque. On enseigne même à nos enfants l’histoire des 3
Petits Cochons, un conte européen datant du XVIIIe siècle dans lequel un loup parvient à mettre
à terre une habitation de paille et une habitation de bois par le simple usage de son souffle, mais
s’époumone sur la maison en briques.
À la lecture de ces éléments, on comprend qu’il existe une barrière psychologique face à
l’utilisation du bois dans la construction, ancrée profondément dans l’inconscient des anciennes
générations. Mais si de simples contes ont pu conditionner les esprits sur l’exclusivité du caractère
solide et pérenne de la pierre, notre société contemporaine doit permettre d’enseigner et de
rassurer, grâce à des éléments concrets et factuels sur les qualités véritables du bois en tant que
matériau structurel dans nos constructions contemporaines. Beaucoup de solutions avérées
existent et elles méritent d’être éprouvées. De nombreuses autres sont encore à développer afin
de créer un contexte réglementaire propice à l’innovation.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
44
3ème Partie – Solutions Envisagées et Pistes de Réflexion
3.1.
Éprouver les solutions techniques existantes
La construction bois n’est pas inconnue. Les procédés techniques existent et sont maîtrisés. Afin
d’assister à une multiplication des ouvrages en structure bois, ces solutions techniques méritent
d’être éprouvées sur des projets plus ambitieux et de plus grande hauteur. En voici un
récapitulatif.
3.1.1.
L’ossature bois
C’est le système constructif le plus utilisé dans la construction bois (82%). Sa position s’est
renforcée pour la construction des maisons individuelles (73% en 2012). Le système constructif
de l'ossature bois consiste à ériger une trame régulière et faiblement espacée, de pièces verticales
en bois de petites sections (les montants), et de pièces horizontales hautes, basses et médianes (les
traverses). Sur cette ossature, supportant planchers et toiture, est fixé un voile en panneau de bois
qui en assure le contreventement. L'isolant thermique s'insère entre les panneaux que recouvrent
les parements intérieurs et extérieurs.
Figure 11. Vue en coupe d'un mur en ossature bois
Une construction en ossature bois est un bâtiment d’un ou plusieurs niveaux dont la
stabilité mécanique est assurée par des structures autoporteuses en bois. Contrairement aux
maisons à pans de bois, constituées d’une structure auto-stable réalisée avec de grosses sections
de bois, l’ossature bois est stabilisée grâce à des parois assemblées en usine. La fonction des
parois n’est donc pas uniquement d’assurer la clôture et l’étanchéité air/eau de l’ouvrage, mais
aussi de permettre la circulation des charges horizontales et verticales vers des points d’appui
stables, d’intégrer l’isolation acoustique et thermique, ainsi que toutes les gaines de Second-
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
45
Œuvre, et enfin recevoir les parements intérieurs et extérieurs. Cette technique d’assemblage
permet de limiter les ponts thermiques et ainsi de répondre, avec des murs de faible épaisseur (30
cm environ), aux exigences de la RT.2012 (règlementation thermique) ou des principaux labels.
L’ossature bois éprouve en revanche des difficultés lorsque la hauteur de la construction
augmente, en raison d’une reprise des efforts plus compliquée par les systèmes porteurs.
L’ossature bois stricte montre ainsi ses limites à partir de R+3/R+4 (3 à 4 étages), voire 5 en
fonction de l’architecture du bâtiment. Ce système ne s’avère plus viable à partir de cette limite.
D’autres techniques d’ingénierie sont donc apparues afin de palier à cette actuelle limite de
hauteur.
3.1.2.
La structure poteaux-poutres
La structure porteuse en poteaux-poutres couvre 10% du marché de la construction bois.
Elle demande des pièces de grande longueur, assemblées rigidement entre elles et très résistantes
mécaniquement. Elle offre à l’architecte la liberté d’oser les grands volumes intérieurs (puits de
lumière, mezzanines) et les larges ouvertures en façades. Entre les éléments porteurs, les
remplissages peuvent être des baies vitrées, des ossatures bois non-porteuses ou des éléments de
murs isolés qui peuvent être préfabriqués. En fonction des projets, une mixité des techniques
peut se révéler appropriée avec, par exemple, les murs extérieurs en ossature bois ou en panneaux
massifs et les espaces intérieurs en poteaux-poutres, afin de construire de grands volumes.
Le poteaux-poutres nécessite des pièces de forte section et de très grande résistance. Ainsi,
les poutres lamibois (ou LVL) conviennent pour les poutres de structure ou les dalles de
planchers, de même que les poutres BLC (en lamellé-collé) qui peuvent couvrir des portées
jusqu’à 40 mètres. Les poutres BLC sont obtenues par aboutage de lamelles de bois collées entre
elles dans le sens de la fibre du bois. Utilisées pour des structures ou charpentes de projets
ambitieux, elles sont classées en Glu-Lam (GL) en fonction de leur résistance mécanique. Un
autre produit apprécié est la poutre IPN, en forme de I, résistante et légère.
3.1.3.
Le CLT
Afin de palier aux limites de hauteur du système de l’ossature bois, des techniques
d’ingénierie sont apparues pour résoudre cette problématique, notamment la technique du
lamellé-croisé, appelée CLT (Cross Laminated Timber). Cette technique semble très récente ; en
vérité sa mise au point date de 1947 par l’ingénieur français Pierre Gauthier. Elle a ensuite été
perfectionnée en Autriche dans les années 1990. Le procédé est très simple : il s’agit d’empiler
plusieurs fines couches de bois en les superposant perpendiculairement, à 90°. L’intérêt est
double. D’une part, grâce au collage croisé entre les couches de lamelles, le bois possède de bien
meilleures propriétés mécaniques et une meilleure stabilité dimensionnelle que le bois massif. En
effet, il permet des portées de 16 à 20m sur une hauteur de 3m, chose que n’autorise pas
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
46
l’ossature bois. D’autre part, les variations possibles de l’épaisseur des murs en CLT augmentent
sa masse, et permettent dans certains cas d’obtenir un coupe-feu de 90 minutes. Ce cas de figure
autorise aussi à avoir du bois apparent en sous-face à l’intérieur du bâtiment, pour un plafond ou
un mur. De fait, les plaques de plâtre ne sont plus indispensables en sous-face. Le CLT
fonctionne comme un pré-mur autoporteur capable de supporter de grandes descentes de
charges, et ainsi constitue une réponse concrète aux contraintes de construction en hauteur. Le
marché du CLT ne représente actuellement que 5% de la construction bois en France,
principalement pour les raisons économiques de sa mise en œuvre.
Figure 12. Schéma de principe du CLT
3.1.4.
Le bois massif empilé
Le bois massif empilé est la technique la plus ancestrale et remonte à près de 3.000 ans,
comme il a été énoncé en première partie (voir 1.1.1). Le système constructif est simple et
efficace. Il consiste à empiler des pièces de bois les unes sur les autres. Contrairement aux autres
techniques, le bois est utilisé à l'horizontale. Les éléments peuvent être en rondins (pièces rondes)
ou en madriers (pièces rectangulaires). Usinés de façon très précise, ils s'agencent au millimètre
près. Un profil est creusé sous chaque élément pour garantir un assemblage parfait. Le madrier
est cependant le plus utilisé. Il évite le style « chalet » et s'adapte plus facilement à tous les
environnements paysagers. Il permet notamment aux angles extérieurs de ne pas dépasser, un
plus pour la RT 2012. Ce style est préconisé en milieu urbain et dans les zones n'acceptant pas le
style « chalet ». Le rondin donne un aspect rond aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur. Variante
du rondin ou du madrier, la fuste est une construction entièrement réalisée à la main. Chaque
pièce de bois est unique. Ces pièces sont écorcées, taillées une à une. Les maisons ressemblent
alors aux cabanes de trappeur. Les avantages sont les mêmes que connaît la construction bois en
général : excellente inertie, hygrométrie naturelle, et faible délai de construction. Le bois massif
empilé voit progressivement son utilisation décroitre et devenir un marché de niche (de 5 % à 2
% entre 2012 et 2014).
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
47
3.1.5.
Le colombage traditionnel
C’est le procédé le plus marginal : il ne représente qu’1% du marché de la construction
bois. La technique du colombage, également appelée système à pans de bois, repose sur un système
de fixation des bois horizontaux et verticaux. Les assemblages des différentes pièces de la bâtisse
se font par des tenons et des mortaises, et les bois sont chevillés les uns aux autres. Chaque
réalisation comporte deux éléments principaux : l’ossature en bois, faite de sablières hautes et
basses, de poteaux de décharges et de tournisses ; et le colombage lui-même, qui forme les murs.
Le colombage fait office de remplissage et de raidisseur. Le remplissage des parois se fait à l’aide
de torchis ou de briques, selon les désirs du propriétaire. Ce principe constructif est aujourd'hui
limité à la réhabilitation en raison d’une expression architecturale typée.
3.2.
Apporter d’autres solutions d’Ingénierie
Bien que les solutions techniques précédemment exposées soient connues et viables pour tous les
projets, il est nécessaire d’apporter à la construction bois une logique de Recherche &
Développement afin de multiplier les possibilités techniques de construction, toujours dans une
démarche d’Innovation.
3.2.1.
Le bois translucide : matériau du futur ?
Rendre le bois translucide, imputrescible, plus résistant au feu et améliorer ses propriétés
structurelles. C’est le défi que s’est lancé Timothée Boitouzet, et force est de constater qu’il est en
passe de le réussir. Cet architecte français, formé notamment au Japon, travaille sur un bois
translucide, imputrescible et structurel.
Ses premiers travaux ont consisté à injecter, dans une lame de bois épaisse de 7 à 10 mm,
un composé de matériaux plastiques afin de combler les microcavités, le bois étant composé de
60 à 90% d’air selon les essences. Grâce au comblement des vides d’air, les propriétés du
matériau changent tout en respectant sa microarchitecture. Première conséquence, le bois devient
translucide, car la cellulose naturellement présente dans le bois est conservée, tandis que la lignine
est remplacée par le monomère. Puisque la cellulose est un matériau cristallin, le bois laisse
désormais passer la lumière.
Mais l’effet le plus intéressant intervient sur ses propriétés mécaniques : le bois devient trois
fois plus rigide, car plus dense. Après deux ans de travaux, les premiers résultats permettent
d’obtenir une fine lame de bois en laboratoire. L’étape suivante consisterait à produire des
bardages, des menuiseries ou des revêtements de sols. L’objectif à plus long terme est bien de
parvenir à saturer du bois plus épais par un procédé industriel, afin d’obtenir des performances
structurelles et de repousser les limites d’usage du bois pour construire des tours.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
48
La troisième opportunité de ce projet ambitieux est de le réaliser uniquement à partir du
bois dit « non noble ». Grâce à cette invention, il est envisageable d’éviter le gaspillage de bois de
piètre constitution, pour le transformer en bois d'excellente qualité. Cette transformation tombe à
pic en France, premier pays européen en stock de bois sur pied20, mais ne disposant pas d’une
filière structurée. Ce nouveau matériau pourrait être disponible dans les deux ou trois prochaines
années.
Figure 13. Le bois translucide créé par la société Woodoo
3.2.2.
Le Kapla inspire Shigeru Ban
En matière de construction bois et d’emploi de matériaux biosourcés, l’architecte japonais
Shigeru Ban n’en est pas à son coup d’essai (le centre Pompidou-Metz en bois, les abris et
maisons temporaires en carton). Il sait aussi faire preuve de créativité et d’inventivité. En
témoigne le système constructif qu’il a mis au point pour le projet « Mokuzai Bouscát » et
présenté à l’Établissement Public d’Aménagement de Bordeaux Euratlantique fin 2015, lors de
l’appel à projets pour réaliser une tour en bois de 18 étages.
Le principe fonctionne sur le même modèle que le Kapla, un jeu de construction à base de
planchettes de bois qu'il faut superposer les unes sur les autres pour faire apparaître des
constructions imaginaires. Il s’agit de créer des cellules s’emboîtant les unes sur les autres. Chaque
cellule de la superstructure est réalisée en CLT. Les murs et les dalles sont constitués de plusieurs
couches : deux panneaux de bois massif contrecollés viennent enfermer un matériau isolant, pour
subvenir aux besoins acoustiques ou thermiques. Cette configuration offre une stabilité au feu de
90 minutes. En y rajoutant un isolant et une protection extérieure, le complexe peut servir
d’élément de façade. Ces cellules sont facilement mises en place à l’aide d’un moyen de levage
simple, comme une grue.
20
La France est la première puissance européenne en matière de volume de bois sur pied (2.6 milliards de m3 disponibles).
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
49
Les boîtes en bois sont des tubes de section rectangulaires avec une épaisseur minimum du
mur de 270mm. Cette épaisseur garantit une grande rigidité en torsion et une résistance en
flexion. Un système de contreventement placé dans les angles, constitué d’entretoises en hêtre,
assure la rigidité transversale. Les coques sont connectées par des goujons en bois, ce qui permet
d’éviter les ponts thermiques. Les propriétés hygrométriques du bois confèrent au système une
bonne perméabilité à la vapeur, ce qui permet de s’abstenir d’un pare-vapeur. De plus ce système
garantit l’étanchéité à l’air. Avec un poids supérieur à 200 kg/m2, l’isolation contre les bruits
aériens est de plus de 55 dB. Pour l’isolation phonique (bruits de choc), est appliquée une couche
sèche sur l’isolation acoustique. Ces dispositions permettent d’atteindre un total de 65 dB en
isolation contre les bruits aériens et un total de 40 dB en isolation phonique, une performance
largement au-dessus du seuil minimum de 30 dB imposé par la NRA.
Figure 14. Schéma de principe des cellules bois imaginées par Shigeru Ban
3.2.3.
Du bambou pour construire des gratte-ciel ?
C’est un matériau peu commun dans nos régions tempérées. Pourtant, le bambou séduit
aujourd’hui les architectes. En témoigne le projet « Bamboo Skyscraper » porté par CRG
Architects, qui mise sur les qualités du végétal pour édifier des tours en Asie et en Amérique du
Sud. Le bambou est un matériau différent du bois mais il possède aussi de très bonnes propriétés
mécaniques, et il se révèle très peu inflammable. La disponibilité de la plante est également très
séduisante. En effet, le bambou pousse à une vitesse plus importante que le bois. Au lieu
d’attendre 20, 40 ou 80 ans, il suffit d’à peine 5 ans pour avoir un matériau utilisable. En plus de
sa vitesse de pousse, le bambou possède une capacité de stockage du CO2 plus importante que
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
50
celle du bois. Un hectare de forêt boisée absorbe entre 15 et 20 tonnes de CO2 par an, alors qu’un
hectare de bambou absorbe jusqu’à 62 tonnes de CO2.
Grâce aux caractéristiques du matériau, il est possible d’imaginer des tours mesurant près
de 20m de haut, ce qui revient à utiliser une pièce de bambou de 30m de long. Cette plante
possède une très bonne résistance. La fibre de bambou résiste à la traction de 40 kg/cm2 ; elle
rivalise de fait avec celle de l’acier, qui lui résiste à 37 kg/cm2. En outre, le bambou possède une
très bonne élasticité, ce qui en fait un matériau intéressant pour les zones sismiques, et sa légèreté
le rend facile à transporter. Enfin, contrairement aux idées reçues, sa résistance aux flammes est
excellente : un tube de bambou rempli d’eau peut atteindre la température de 400°C avant que le
liquide ne se mette à bouillir à l’intérieur.
Évidemment le bambou n’a pas que des avantages. Ainsi, pour construire cet édifice de
gratte-ciel, ses concepteurs ont dû avoir recours à une armature métallique : des joints d’acier
soutiennent les tubes de bambou. Aucun autre matériau ne peut assurer ce soutien. En effet, le
bambou doit être traité chimiquement avant son utilisation en construction, et les industriels qui
maitrisent ce procédé sont rares. L’un des principaux obstacles à la réalisation du projet, c’est
l’absence d’expérience de l’industrie face à ce matériau. Son application n’a pas encore été
exploitée pour la construction de gratte-ciel, et se limite à ce jour à l’édification d’échafaudages.
Tous les bambous ne peuvent pas convenir. Pour ce projet, c’est une variété spéciale qui est
envisagée, et qui provient de la ville d’Anji, en Chine. Enfin, il n’est pas garanti que ce matériau
soit adapté à nos régions tempérées. Il faudra certainement confronter ce projet expérimental en
Asie et en Amérique du Sud avant d’imaginer son exportation en Europe ou en Amérique du
Nord, car le projet n’en est qu’à ses balbutiements. Pour autant, il ne fait aucun doute que ces
études offriront à l’avenir une offre de choix dans la construction parmi les matériaux biosourcés.
3.3.
Une nécessaire prise de responsabilités par les pouvoir publics
Favoriser le bois en tant que matériau de structure pour les IGH et la construction au sens large
ne dépend pas que de la bonne volonté des membres de la filière et des Maîtres d’Ouvrage. Un
engagement fort des pouvoirs publics sera indispensable pour assurer à ce système une véritable
pérennité.
3.3.1.
Le plan Industrie du Futur, pour la réindustrialisation française
Les 34 plans économiques pour la Nouvelle France Industrielle21 établis en septembre 2013
par Arnaud Montebourg, ancien ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, ont
réintroduis l’idée de capacité de la France à se réinventer devenir pionnière dans la troisième
révolution industrielle que nous vivons actuellement, au carrefour des transitions écologique et
21
34 plans de reconquête pour la Nouvelle France Industrielle, réflexion stratégique de réindustrialisation de la France – septembre 2013.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
51
énergétique. Dans optique, l’un des 34 plans concernait les Industries du Bois. Aujourd’hui en
plein cœur de la deuxième phase de cette réindustrialisation française, renommée Industrie du
Futur22, le plan Industries du Bois est toujours au cœur de ce nouvel essor économique.
En effet, la France fait face à un paradoxe démontré en première partie de ces travaux de
rédaction : elle exporte son bois fraîchement sorti de ses forêts vers les pays frontaliers, et
importe les produits finis à plus forte valeur ajoutée. Le résultat de cette équation est sans appel :
un poste déficitaire de plus de 6 milliards d’euros par an dans la balance commerciale. Le plan
« Industries du Bois », intégré à la solution industrielle Ville Durable23, cherche à corriger ce
déséquilibre. Il vise à réimplanter sur le territoire national les activités de transformations,
accélérer l’industrialisation de l’Offre, améliorer la performance énergétique des bâtiments, et
augmenter la productibilité, la qualité et la durabilité du secteur du bâtiment (notamment en
privilégiant les matériaux biosourcés). Le bois de France, transformé en France, fournira ainsi
matériaux de construction, biens de consommation et énergie, tout en représentant un potentiel
pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines d’emplois nouveaux, notamment dans les zones rurales.
Ce plan permettra de faire des forêts de France la source renouvelable d’une industrie moderne,
innovante et responsable.
Le but est de mobiliser les industriels de la construction et de l’ameublement autour d’un
objectif commun : parvenir à construire en France un immeuble de 30 étages en 2030. Le plan se
fixe comme objectif intermédiaire de bâtir, à l’horizon 2017, de 5 à 10 véritables immeubles
urbains de moyenne hauteur (de 7 à 15 étages) dans des territoires préalablement identifiés. La
commande publique et des mesures de simplification règlementaire seront actionnées pour
amorcer le marché. Ces premiers débouchés permettront à l’Offre française de se constituer,
pour ensuite se lancer à l’international.
3.3.2.
Bordeaux Euratlantique, un appel à projets unique au monde
Bâtir la plus haute tour en structure bois au monde. C’est l’ambition que s’est donnée
l’Établissement Public d’Aménagement de Bordeaux Euratlantique lors de l’appel à projets lancé
en juillet 2015, pour la construction d’un plot bois de 50m en plein cœur de l’Opération d’Intérêt
National Bordeaux Euratlantique (OIN) et de la ZAC Bordeaux Saint-Jean Belcier. Les moyens
pour y parvenir sont eux aussi très clairement exprimés : contribuer au développement d’un
territoire bas carbone soucieux de limiter les nuisances en phase chantier, et engager une stratégie
ambitieuse en matière de bois construction et biosourcés. L’EPA entend créer un effet levier
pour la visibilité de la filière bois construction par une multiplication des opérations en bois
construction sur l’OIN. Au travers de cet appel à projets, il s’agit de poursuivre le processus
d’ores-et-déjà engagé sur le territoire de l’OIN avec des premières réalisations bois sur des
Industrie du Futur, 10 solutions pour réunir la Nouvelle France Industrielle – mai 2015.
Eau, smart grid, rénovation thermique, industries du bois. Objectif 2020 : 100 milliards € de CA et 110.000 emplois
territorialisés.
22
23
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
52
opérations de moyenne hauteur (5 à 6 étages), par la réalisation d’un bâtiment « vitrine »
permettant à l’ensemble de la filière d’avoir un bâtiment de référence de grande hauteur. Ainsi,
dans ce périmètre l’EPA a fait le choix de favoriser l’émergence d’un projet immobilier mixte
d’envergure, comprenant la construction d’un plot à destination de logements d’une hauteur
d’environ 50m (donc sous le seuil IGH) et utilisant au maximum les matériaux bois pour la
structure.
Récompensé à l’occasion du MIPIM 2016, le projet lauréat se nomme « Hypérion »24. La
tour principale du projet s’élève sur un R+17 de 57m de hauteur. Deux autres bâtiments de R+8
et R+9 l’entourent en corolle. Au total : 17.000 m2 de plancher dont 4.000 m2 de bureaux, 500 m2
de commerces en rez-de-chaussée, 160 logements et 160 places de parking, pour un budget de
l’ordre de 51M€. Soit la norme fixée par l’EPA d’un prix de sortie du logement à 3.500€/m2. La
structure se présente sur un socle en béton armé sur les trois premiers niveaux. Sur ce socle
viennent se poser les niveaux en structure bois de R+3 à R+17. L’ensemble du projet a fait l’objet
de préconisations et labellisations du CSTB et du FCBA notamment. Le calendrier prévoit un
dépôt de permis en décembre 2016, l’autorisation administrative pour juillet 2017, le démarrage
des travaux en janvier 2018, pour une livraison en janvier 2020.
3.3.3.
La Bourgogne envisage des IGH bois
Les volontés publiques de favoriser les projets de construction bois voient actuellement le
jour sur différents secteurs du territoire français. Le projet B3 (Bois Bourgogne Bâtiment)
exprimé par la DREAL Bourgogne est d’accompagner et valoriser la structuration de la filière
bois construction en Bourgogne sur la construction de bâtiments de moyenne hauteur puis de
grande hauteur. La problématique opérationnelle à la base de la réflexion de ce projet vise à
répondre à deux questions :

Comment disposer d’une solution d’approvisionnement local sécurisée en qualité et
quantité ? 
Comment se positionner de façon adaptée et économiquement viable avec le bois sur le
marché de la construction de moyenne et grande hauteur ?
Les objectifs exprimés par la DREAL consistent à disposer d’expériences locales
valorisables (expérimentations industrielles, bâtiments démonstrateurs) pour contribuer au
développement du bois dans la construction, et à accompagner le développement économique
local en mobilisant les acteurs de la filière et les partenaires institutionnels. La région BourgogneFranche-Comté dispose d’un patrimoine forestier conséquent à valoriser. Cette démarche
témoigne de la prise de conscience de l’atout que représente son patrimoine, bien qu’il n’existe à
ce jour aucun engagement chiffré de la future commande publique.
24
Voir annexe 10.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
53
3.3.4.
Le Logement Social entre dans la danse
Le bois commence à faire une incursion remarquée dans l’habitat collectif social. En
janvier, le bailleur social Le Toit Vosgien a livré à Saint-Dié dans les Vosges un immeuble de 7
étages passif (c’est-à-dire produisant une énergie équivalente à celle consommée). Conçue en bois
et dotée d’une isolation extérieure en caissons de paille, cette résidence de 26 appartements est, à
ce jour, la plus haute construite en France.
Le groupe 3F, autre acteur majeur de l’habitat social, construit actuellement deux
opérations en bois à Saulx-les-Chartreux dans l’Essonne (30 appartements) et à Rive-de-Gier
dans la Loire (60 appartements). Bien qu’ils ne répondent pas directement à la problématique des
IGH, ces projets sociaux commencent tout de même à prendre de la hauteur.
3.3.5.
À Strasbourg, la Maîtrise d’Ouvrage envoie du bois
L’îlot bois de Strasbourg sort des limbes. Le conseil municipal a désigné le 17 février 2016
les promoteurs, concepteurs et constructeurs de trois des quatre lots dont les plus hauts
atteindront jusqu’à 11 niveaux, le record régional de hauteur. Sur environ deux hectares,
l’ensemble de l’îlot totalise donc quatre bâtiments, 320 logements sur 27.000 m2 de SDP, auxquels
s’ajoutent 1.400 m2 de commerces et 800 m2 de bureaux. Portée par l’ambition de « dépasser les
standards environnementaux actuels, pour préfigurer les bâtiments du futur », la ville de Strasbourg a obtenu
le soutien de l’État, dans le cadre du programme national Ecocité. Les attributaires de l’îlot bois
bénéficieront du fonds « Ville de Demain » du programme des investissements d’avenir : les
subventions d’ingénierie pourront atteindre 35 % des études de définition et 35% du surcoût
d’investissement lié aux innovations.
3.4.
Organiser et structurer la filière forêt-bois
Si le matériau bois veut s’imposer à moyen terme comme un élément majeur de la construction
de Grande Hauteur, il se doit d’être compétitif face aux modes de constructions traditionnels, et
donc être capable de fournir une Offre suffisamment qualitative et quantitative. Cet objectif ne
sera réalisable qu’avec l’appui d’une macrofilière forêt-bois structurée.
3.4.1.
Se regrouper dans la réflexion et dans l’action
Jusqu’en juin 2015, le secteur de la forêt et du bois se trouvait sous la tutelle de plusieurs
ministères ; une vraie particularité pour ce secteur, et au contraire de l’agroalimentaire ou de
l’agriculture par exemple. Chaque ministère ne dispose ni des mêmes prérogatives ni des mêmes
instruments pour organiser les relations entre la production de matière première en amont, et
l’industrie en aval. Cet éparpillement des compétences conduit à une perte d’efficacité et une
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
54
perte d’énergie, voire parfois des conflits. De nombreuses analyses ont conclu qu’une meilleure
coordination interministérielle était nécessaire.
C’est à la suite de ce constat qu’a été nommée Mme Sylvie Alexandre au poste de déléguée
interministérielle à la forêt et au bois par les Ministres Ségolène Royal et Sylvia Pinel,
respectivement en charge des ministères de l’Écologie et du Logement25. Son rôle est d’assurer
une mission d’appui et de coordination au service de cette politique pour leurs deux ministères.
Elle est notamment en charge d’établir un diagnostic des politiques publiques sur la forêt et le
bois, et de faire des propositions afin d’optimiser leurs actions. Les thèmes visés sont le
changement climatique, les usages et filières de transformation du bois, le développement de la
filière bois construction, et le recyclage et la politique des déchets issus du bois. Son champ
d’action est donc volontairement très élargi – de la ressource à la mise en œuvre – de manière à
apprécier au mieux les enjeux et les problématiques de la filière forêt-bois, et d’y apporter les
réponses et les solutions les plus viables.
3.4.2.
Adopter et défendre une stratégie commune
Afin de comprendre la nécessité d’une interprofession groupée et forte, il est nécessaire de
faire un parallèle avec les interprofessions en agriculture. La règle qui s’impose est la
responsabilité de la création et du fonctionnement, qui est confiée aux acteurs privés. Ces
derniers sont encouragés par les pouvoirs publics à rendre obligatoire toute décision de nature
contractuelle décidée entre des partenaires de la filière. Si les interprofessions se sont tant
développées en agriculture – et si les règlements européens les ont confortées lors de
l’instauration de la Politique Agricole Commune – c’est dans une approche organisationnelle des
relations au sein même de la chaîne économique, de la production de la matière première jusqu’à
la commercialisation en passant par la transformation.
Si les acteurs de la filière bois ne partagent pas un objectif de stratégie commune de marché
et de partage de la valeur ajoutée, elle a peu de chance d’être efficace et efficiente. Le problème de
la filière bois tient à une production en amont insuffisamment structurée et peu organisée pour la
mise en marché, à une transformation trop dépendante de la disponibilité de la production, et à
des secteurs de transformation soumis à une concurrence européenne forte. En outre, on
constate une divergence d’intérêts entre l’amont et l’aval de la filière, et une certaine concurrence
entre les professions en aval (bois d’industrie et bois d’énergie). Les obstacles sont donc doubles.
Pour que l’interprofession soit viable et que la filière se développe, les différents acteurs qui
la constituent doivent trouver leur intérêt dans la valorisation commune de leurs propres métiers
et dans la complémentarité de leurs fonctions.
25
Voir annexe 9.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
55
3.4.3.
Mettre en place un observatoire économique
Le constat d’un manque d’harmonie au sein de la filière, et en conséquence d’une capacité
économique inexploitée, a poussé le Ministère de l’Agriculture en charge des Forêts à créer, le 8
décembre 2004, l’organisme France-Bois-Forêt. C’est un ensemble d’interprofessions couvrant
toute la filière française forêt-bois, équilibrant recherche, communication et éducation. Elle est
financée par une CVO (contribution volontaire obligatoire – 7 M€/an). Dans le même sillon, le
CODIFAB et le FBIE ont également vu le jour. À la différence de FBF, ces deux organismes
sont eux attachés à la valorisation de l’industrie du bois, c’est-à-dire en aval. Malgré tout, ces
dispositifs peinent encore à lui donner une véritable stabilité économique. L’action des pouvoir
publics jouera en la faveur d’une économie maîtrisée de l’ensemble de la filière.
3.4.4.
Unifier l’interprofession
A priori, le plus simple pour constituer une grande et unique interprofession nationale
forêt-bois serait de fusionner FBF et le CODIFAB, c’est-à-dire l’amont et l’aval de la filière. Il est
intéressant de rappeler qu’un tiers environ des financements actuellement distribués aux acteurs
de la filière par FBF le sont conjointement avec le CODIFAB, et de manière significative : les
actions financées ensemble par les deux associations de 2012 à 2014 se sont élevées à 12,7
millions d’euros26 (communication et promotion des produits bois, économie, formation et
R&D). Cependant il faudrait pour cela l’accord des associations actuelles, ce qui est loin d’être
acquis en raison d’intérêts divergents et tranchés, notamment du côté de CODIFAB, où l’on fait
valoir qu’il convient de respecter les cultures et intérêts qui sont profondément différents entre
l’amont et l’aval de la filière : long terme, large distribution sut le territoire, poids des
considérations patrimoniales d’un côté ; comportement d’industriels et importance des marchés
de l’autre. Par ailleurs, il faudrait aussi que cette fusion ne se traduise pas par une diminution des
moyens matériels globaux recueillis par les actions collectives de la filière. Cet objectif pourrait
être atteint de deux manières : soit la CVO et les taxes affectées sont effectivement conservées,
au prix pour la nouvelle interprofession d’une gestion plus compliqué des recettes et d’une
certaine difficulté pour la mise en œuvre d’une stratégie unifiée ; soit un système de financement
unique est adopté, et dans ce cas le raisonnement logique amènerait à la conservation de la CVO,
la cotisation actuellement pratiquée. Il conviendrait alors de rebâtir une grille générale des
cotisations affectées à l’ensemble de la filière qui assurerait à l’interprofession un revenu au moins
égal à celui qu’elle perçoit actuellement grâce à la CVO et aux taxes27.
Une telle évolution est radicale et ambitieuse. Elle ne sera pas envisageable et applicable
sans une prise de conscience générale et collective de la filière, et surtout pas sans une forte
volonté partagée, ce qui n’est vraisemblablement pas le cas à l’heure actuelle. Néanmoins, cette
piste de réflexion doit être envisagée comme un objectif à long terme. Une première étape serait
26
27
L’interprofession France-Bois-Forêt : situation et perspectives après dix ans d’existence – juin 2015.
Voir annexe 8.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
56
de fédérer les entités existantes au sein d’une superstructure fédérative. Cette dernière
constituerait la grande association interprofessionnelle de la filière. Elle accueillerait FBF, le
CODIFAB, FBIE et FBR. Elle serait chargée d’assurer le plus possible des fonctions d’une
interprofession nationale : animer l’ensemble de la filière au niveau national pour dégager des
axes de stratégies communs, mettre en œuvre des actions de communication/promotion, assurer
une veille économique mutualisée, promouvoir des actions communes en matière de R&D et
Innovation… Cette structure fédérative pourrait être la première étape d’une interprofession
intégrant, à terme, l’amont et l’aval. Cette structure ne saurait voir le jour sans la reconnaissance
et le soutien des pouvoir publics.
3.5.
Faire évoluer les règlementations
Les différentes réglementations de la construction constituent le principal frein au
développement du bois dans la construction de Grande Hauteur. Celles-ci devront évoluer pour
assurer un avenir pérenne au secteur.
3.5.1.
Harmoniser les règlementations françaises et européennes
Il est indispensable de prévoir une adaptation des outils règlementaires et normatifs, et ce
essentiellement sur la base de caractéristiques physiques (feu, acoustique, thermique, solidité),
urbanistiques et environnementales. Devront être menées des actions du domaine réglementaire
permettant, sur les thématiques identifiées, de prendre en compte les spécificités bois dans les
référentiels existants avec l’appui de la DHUP. En effet, des études montrent une résistance au
feu de 90 minutes pour certaines solutions bois comme le CLT. Cela ouvre droit à la possibilité
de bâtir des immeubles d’habitation selon la règlementation des IGH, c’est-à-dire dont le
plancher bas du logement le plus haut est situé à 50m au plus au-dessus du sol.
3.5.2.
Faciliter les obtentions de certifications techniques
Il conviendra d’organiser les ressources nécessaires aux PME/TPE de la filière bois
construction pour l’assistance au montage de dossiers techniques, ainsi que pour
l’accompagnement à l’évaluation des systèmes constructifs bois innovants pressentis comme
susceptibles de franchir la barrière économique de la compétitivité avec succès.
Cependant, il est possible d’identifier un piège qu’il conviendra d’éviter. En effet, il s’agira
de ne pas opposer les acteurs de la filière bois les uns contre les autres. Deux types d’acteurs
occupent le marché : les industriels essentiellement tournés vers des produits standardisés réalisés
en sites fixes et transportés sur chantier, et les artisans plutôt tournés vers l’ouvrage sur mesure.
Ces deux acteurs requièrent une démarche d’accompagnement différente, personnalisée. Il
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
57
importe que la démarche de stimulation ne soit pas perçue comme la création de privilèges, au
bénéfice de certains et au détriment des autres.
Ce risque reste relativement faible si l’accompagnement est convenablement organisé et
particularisé, du fait de la forte croissance potentielle du secteur bois. Compte tenu de la tendance
vers une croissance à la hausse de la demande de construction en bois – si les prix de marché
sont effectivement maîtrisés – il est à penser qu’une démarche d’accompagnement de l’État
envers ce secteur puisse recevoir un écho favorable, dans la mesure où l’essor du marché devrait
permettre aux deux types de populations professionnelles de cohabiter en constatant une
croissance pour chacune d’entre elles.
3.5.3.
Valoriser les labels énergétiques
Afin d’accentuer le poids et l’intérêt de la prise de conscience environnementale dans le
choix des matériaux de construction, s’est créé le label BBCA (Bâtiment Bas Carbone), via
l’association du même nom, qui s’est constituée peu avant le début de la COP21. L’objectif est de
mettre en avant les constructions neuves dont les émissions cumulées de CO2 toutes sources
confondues soient divisées par deux. Trois niveaux de labellisation sont envisagés : Label BBCA,
BBCA Performance et BBCA Excellence. Pour ce faire, le label veut valoriser quatre aspects
distincts : une construction raisonnée, une exploitation maîtrisée, le stockage de carbone et une
économie circulaire. Les points attribuables dans le cadre d’une construction raisonnée s’appuient
sur le référentiel HQE Performance et partent, dans le cas de logements, d’une valeur de
référence de 570kg équivalent CO2/m2. Pour ce qui est du stockage carbone, le label s’appuie sur
la démarche du label Biosourcé.
Malheureusement, force est de constater que ces différents labels ne constituent
actuellement qu’un argumentaire commercial que les Maîtres d’Ouvrages privés utilisent vis-à-vis
de leur clientèle. Ces derniers ne bénéficient plus d’aucun attrait fiscal, comme cela pouvait être le
cas lors de la précédente Réglementation Thermique (RT.2005) avec le fameux label BBC
(Bâtiment Basse Consommation). Il conviendrait donc d’accorder une vraie considération à ces
nouveaux labels, par exemple par le biais de dispositifs fiscaux avantageux pour les usagers
finaux. L’intérêt est ici double. D’une part le Maître d’Ouvrage dispose d’un argumentaire
commercial supplémentaire pour porter majoritairement – voire exclusivement – son attention
sur l’emploi de matériaux biosourcés tels que le bois. D’autre part le client final se voit lui
« récompensé » de son achat par un régime de défiscalisation adapté. Cette défiscalisation pourrait
se calquer sur trois niveaux différents, c’est-à-dire un niveau par échelon du label atteint, de
manière à encourager le Maître d’Ouvrage à viser systématiquement le label le plus haut.
Cependant cette proposition se heurtera probablement au poids des industriels de systèmes
constructifs traditionnels béton, qui se verraient privés d’une part de marché conséquente dans
les constructions futures. Un engagement sans faille du Gouvernement qui mettra en place de
telles mesures sera indispensable pour valoriser ces labels auprès de toutes les parties prenantes,
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
58
du fabriquant au consommateur final, et donnera ainsi un véritable appui à la récente loi de
transition énergétique pour la croissance verte.
3.6.
Ouvrir le champ des possibles
L’essor du bois dans la construction passera nécessairement par une ouverture des horizons qui
lui sont destinés, pour se préparer et anticiper les changements que nous réserve le futur et se
doter d’alternatives viables et pérennes.
3.6.1.
Favoriser l’Innovation
L’innovation constitue bel et bien le moteur principal de cette nouvelle dynamique dans
l’édification de nos bâtiments. Ce matériau autrefois délaissé fait aujourd’hui un retour en force et
laisse entrevoir un potentiel de développement extraordinaire, à condition que l’ingénierie et la
technique lui emboîtent le pas, ce qui est actuellement le cas. Cependant les moyens mis en œuvre
pour la Recherche & Développement et l’Innovation (RDI) ne sont jamais suffisants. Face aux
grands enjeux que représente le développement du bois, et pour soutenir dans la durée les actions
mises en œuvre, il est nécessaire de renforcer la RDI dans le secteur forêt-bois. Les actions à
mener dans ce domaine doivent à la fois lever des verrous technologiques particuliers, viser la
création de valeur ajoutée et favoriser la compétitivité des différents acteurs. Elles doivent aussi
contribuer à améliorer les performances économiques, environnementales et sociales du secteur
considéré dans son ensemble, comme un système à part entière, en dépassant la segmentation de
la filière qui la pénalise depuis trop longtemps.
Le plan Recherche & Innovation 2025 pour la filière forêt-bois va précisément dans cette
direction. L’objectif est de renforcer les coopérations entre les acteurs de la R&D (organismes de
recherche, établissements de formation, centres et instituts techniques, dispositifs de soutien à
l’innovation…), et de favoriser les innovations qui permettent une meilleure coordination
horizontale et verticale entre les acteurs économiques.
Ainsi, certains points semblent se dégager comme étant les plus porteurs et les plus adaptés
à la filière. Le premier d’entre eux consiste à doter la France d’innovations systèmes pour le
secteur forêt-bois. L’objectif général de ce point est de développer des outils et des méthodes
d’analyse et d’évaluation pour qualifier et améliorer la compétitivité des systèmes forêt-bois.
Il conviendra également de tirer parti des opportunités offertes par le numérique. La
transition vers des outils technologiques supérieurs, que ce soit en matière de gestion des espaces
forestiers, en matière de mobilisation ou en matière de logistique, doit permettre de fluidifier
toute la chaine de valeur, et d’instaurer une vraie traçabilité de la matière première. Le point final
de cette démarche doit être la dématérialisation des outils de gestion et de logistique.
A. Gravade – Quel est l’avenir du matériau bois dans la construction de Grande Hauteur ?
59
Le processus d’innovation n’est pas que structurel ou technologique : il est aussi et surtout
humain. Moderniser et repenser la formation et l’éducation pour le secteur forêt-bois apparaît
comme l’élément fondateur d’un véritable changement dans les divergences d’intérêt des parties
prenantes de la filière. De plus, le secteur bois a plus que jamais besoin de cadres formés à ses
particularités, contrairement à d’autres domaines comme l’agriculture, le commerce ou l’industrie.
La formation doit permettre d’insérer ces cadres dans des réseaux internationaux, capables
d’amener dans la filière une diversité des compétences. Cela demande un dispositif plus attractif
et plus efficace. Il s’agira donc de moderniser la formation pour le secteur forêt-bois en
développant les outils numériques via des modules de formation adaptés aux besoins de la filière.
Cela demande aussi de former des cadres spécialisés pour ce secteur, dans un dispositif national
d’ambition européenne, afin d’accentuer le lien entre formation et innovation. Pour résumer :
renforcer l’adéquation des dispositifs de formation aux compétences requises, en modernisant la
formation professionnelle, en évitant de disperser les forces, en adaptant les programmes de
formation et en ouvrant les dispositifs à l’innovation. Ce volet est d’autant plus important qu’il
constitue une source d’emploi d’avenir non seulement pour la filière, mais pour l’ensemble des
territoires.
Enfin, l’innovation peut aussi prendre corps dans les modalités de financement destinées à
l’aval de la filière. L’innovation ne se situe pas tant du côté des outils financiers eux-mêmes, mais
plutôt dans la nature des échanges. Les financements innovants peuvent prendre la forme de
subventions et avances remboursables publiques en lien avec des mécanismes de compensation
carbone pour les « bons élèves ». Ils peuvent aussi se développer en tant que co-financements
publics-privés, sous forme de bonifications ou de taux d’intérêt. Le mécénat et le financement
participatif auront un rôle à jouer dans cette dynamique et ne seront pas à écarter, malgré une
difficulté à attirer des investisseurs privés. Ces dispositifs en sont un début de réponse.
Développer l'innovation permettra à la filière bois de répondre aux besoins du marché, et
de profiter de tous les bénéfices qui en découlent : valoriser notre ressource forestière, trouver
des moyens de rendre marchand un produit qui a priori n'est pas compétitif par rapport aux
matériaux de construction traditionnels. La France dispose d’un atout forestier unique qu’elle se
doit de valoriser en tant que véritable source de matière première, qu’une économie alternative
viable et pérenne, et qu’un important bassin d’emplois. Elle y parviendra grâce à l’innovation, à la
fois sur les plans technologique, économique et sociale, et grâce à une volonté politique marquée.
3.6.2.
Lancer des concours et appels à projet sur l’ensemble du territoire
Après des premières annonces en novembre 2015, le gouvernement a confirmé en
décembre de la même année son soutien au projet de l’association ADIVbois, qui vise à
promouvoir la construction d’immeubles en bois de 15 étages à l'horizon 2018, et développer à
plus long terme de très hauts immeubles de plus de 30 niveaux. 5,8 M€ seront donc débloqués
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pour soutenir la construction d'immeubles en bois de Grande Hauteur, dans le cadre du
programme des investissements d'avenir.
Ce plan est piloté par deux industriels : Franck Mathis, président de la société de
construction bois Mathis S.A, et Dominique Weber, Président de l’Union Nationale de l’Industrie
Française de l’Ameublement. L’objectif est la construction d’immeubles dont les structures
porteuses et l’agencement intérieur permettront de valoriser diverses essences de bois présentes
dans les forêts métropolitaines. Un appel à projets28 va être lancé pour identifier 5 à 10 territoires
français intéressés par ces immeubles. Il est prévu que 30% du montant du plan soient apportés
par des acteurs privés. En novembre 2015, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll avait déjà
évoqué ce projet lors d'un colloque : « On recensera les villes et les collectivités qui sont prêtes à s'engager
pour des tours qui permettraient de valoriser la production du bois »29. La construction de tours en bois, et
plus généralement la construction dans ce matériau, fait aussi partie des axes retenus par le
gouvernement dans le cadre de son plan pour une Nouvelle France Industrielle.
3.6.3.
Promouvoir le matériau à l’échelle nationale et internationale
La prise de conscience de l’intérêt et des qualités du bois doit être collective, et donc
internationale. C’est dans cet objectif qu’ont été instaurés les accords sur l’Entente
Québécoise entre la France et le Québec. Ce projet s’inscrit dans un contexte global de
constitution d’un réseau de l’ensemble des acteurs du domaine forêt-bois, au sein de l’Alliance
Bordeaux-Laval (ABL) initiée fin 2012. Les objectifs identifiés sont d'apporter une réponse plus
globale face aux enjeux du développement des secteurs forestiers, au Québec et en France, en
réponse aux changements globaux, avec la création de synergies pour augmenter la masse critique
d’expertise sur les volets Recherche, Formation et Transfert. Plusieurs délégations québécoises
ont ainsi été reçues en France ces dernières années pour prendre connaissance du mode de
fonctionnement de la filière industrielle intégrée en Aquitaine, région-cible de l’évolution du
marché de la valorisation des produits forestiers et de la construction durable.
L’autre objectif est de promouvoir le CLT comme mode constructif. Il a été utilisé pour
réaliser, à Desbiens au Saguenay-Lac-Saint-Jean, le premier immeuble de logement en bois en
Amérique du Nord : la Résidence Gérard-Blanchet. Le Code de la Construction du Québec limite
à quatre étages les bâtiments ayant une structure combustible et demande la mise en place de
solutions de rechange pour les projets qui dépassent cette limite. Pour favoriser l’utilisation du
bois dans les constructions collectives et non-résidentielles, le gouvernement du Québec prévoit
la réalisation d’un projet pilote de construction d’un immeuble de 6 étages en ossature bois. Cette
initiative contribuera de plus à appuyer les modifications qui pourraient être apportées au Code
AMIBois : Appel à Manifestation d’Intérêt organisé par ADIVBois, pour identifier des sites susceptibles d’accueillir des IGH
bois d’ici 2017.
29 Colloque « Filière forêt-bois et changement climatique : investir pour l’avenir » - Stéphane Le Foll, Ministre de l’agriculture, de
l’agroalimentaire et de la forêt – 5 novembre 2015.
28
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de la Construction du Québec, et permettra aux acteurs de l’industrie de perfectionner leurs
compétences pour d’autres projets du même type.
Cette démarche de partage de connaissances sur les richesses forestières s’applique
également aux responsabilités de la métropole envers l’Outre-Mer. À ce titre, le FCBA dispense
des formations adaptées aux problématiques rencontrées sur ces territoires, comme la prise en
compte des contraintes climatiques, les principes de préservation du bois, la protection contre les
termites, l’utilisation du bambou dans des applications structurelles ou en agencement, les
difficultés d’approvisionnement, et toute autre formation adaptable aux problématiques de
l’Outre-Mer. C’est également dans cet objectif à long terme qu’un appel à projets a été engagé,
afin d’accompagner ces territoires dans leur mutation vers des façons de construire répondant
aux impératifs de la transition énergétique et à leurs réalités climatiques, économiques et sociales.
Le but est de valoriser les 8 millions d’hectares de forêt dans les départements d’Outre-Mer.
Pour accompagner les territoires concernés, l’appel à projet « Améliorer la qualité de construction
dans les territoires ultra-marins » couvre trois axes :

L’amélioration de la connaissance des bâtiments, matériaux et filières en Outre-Mer ;

Le développement d’outils pratiques destinés aux professionnels ;

La formation des professionnels et le soutien à l’Innovation.
Il s’agit tout autant de favoriser la montée en compétence des professionnels du bâtiment
que d’encourager les initiatives innovantes dans différents domaines : réhabilitation, construction
neuve, maîtrise des coûts… Ouvert à tous les acteurs publics et privés de la filière, pour toutes
tailles de projets, il permettra notamment de faire émerger et de financer des solutions techniques
innovantes. La clôture finale est fixée au 28 avril 2017. Dans le même cadre, a également été lancé
l’appel à manifestation d’intérêt « Actualiser et compléter les règles de l’art adaptées aux territoires
ultra-marins », qui complète la démarche. Il vise à déterminer ou réviser les savoir-faire de la
construction en Outre-Mer pour définir les référentiels techniques de la profession et s’adapter
aux conditions spécifiques de ces territoires.
Toutes ces démarches trouvent leur cadre au sein du Plan Logement Outre-Mer 2015-2020.
Il fixe un cadre d’objectifs et de moyens globaux en vue de relancer la production et la
réhabilitation d’au moins 10.000 logements par an, d’accélérer la rénovation du parc immobilier,
de renforcer la lutte contre l’habitat insalubre et de favoriser la transition énergétique.
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Conclusion
Le bois est un matériau utilisé depuis toujours dans la construction de l’habitat de
l’Homme. Il a dû faire face à un abandon progressif de son usage par manque de connaissance de
ses réelles qualités. Lors de la révolution industrielle du XIXe siècle, il a souffert d’un cruel
manque d’intérêt des ingénieurs et des architectes qui préféraient utiliser le béton et l’acier. De
plus, la réglementation complexe des immeubles d’habitation et des immeubles de bureaux a
poussé les constructeurs à marginaliser le bois, pour employer des matériaux supposés plus
fiables.
La révolution industrielle que nous vivons actuellement tend à perfectionner la maîtrise du
matériau bois grâce à son étude poussée, à la connaissance de ses caractéristiques et à la prise de
conscience de la nécessité de la RDI. Le bois est la meilleure réponse à l’accroissement de la
population mondiale, à la préservation environnementale et à l’économie circulaire et durable. La
réponse du bois dans la construction des IGH, c’est purement et simplement la réponse du bois
dans la construction en général : des qualités écologiques et environnementales exceptionnelles.
Réduire notre empreinte carbone et notre impact écologique est le grand défi de notre temps. Un
point prédomine également pour faire du bois le matériau phare de la construction future : le
développement de l’Innovation au travers de l’industrialisation des solutions constructives bois.
C’est la véritable clef qui favorisera ce matériau dans la construction future des IGH. Lorsque les
verrous psychologiques auront cédé, l’Innovation constituera la véritable dynamique de l’essor du
secteur. Nous sommes sortis de la phase où l’usage du bois était perçu comme ridicule pour la
construction de Grande Hauteur. Nous nous trouvons actuellement en plein cœur de la phase où
il est considéré comme dangereux, car il s’impose de plus en plus comme un concurrent sérieux
du béton. L’évidence approche à grands pas.
« Nous sommes au début d’une révolution dans notre manière de construire, car il s’agit bien là d’une toute
nouvelle manière d’édifier nos immeubles depuis plus de 100 ans. Mais le vrai défi consiste à changer la perception
de la société sur les possibilités du bois dans la construction, et c’est un défi énorme. Honnêtement, l’Ingénierie est la
partie la plus facile, et j’utilise souvent l’exemple suivant pour le décrire. Lorsque le premier gratte-ciel, le Home
Insurance Building, a été construit à Chicago en 1885, les gens étaient terrifiés à l’idée de marcher à proximité.
Mais seulement quatre ans après, Gustave Eiffel a repoussé les limites de ce que nous pensions possible d’édifier en
construisant la Tour Eiffel. Il a changé la silhouette des villes du monde entier, et a lancé une compétition entre des
villes comme New York, Chicago et Paris sur la construction en hauteur, en mettant la barre toujours plus haute
et avec une technique d’ingénierie toujours meilleure. J’attends l’opportunité de recréer cet effet Tour Eiffel. Des
bâtiments en bois massif commencent à sortir du sol un peu partout dans le monde : au Royaume-Uni, en Suède,
en Australie, au Canada, en Norvège, en France… Nous commençons à repousser les limites de taille des
immeubles en bois. Et lorsque cet effet Tour Eiffel surviendra, il crèvera le plafond, ces limites arbitraires de
hauteur, et permettra aux immeubles en bois de rentrer dans la compétition. Et je pense que la course est
définitivement lancée. » ~ Michael Green
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Synthèse
« Toute révolution scientifique, technique, morale ou philosophique passe nécessairement par 3 étapes
incontournables : d’abord elle est ridiculisée, ensuite elle est considérée comme dangereuse, puis elle s’impose comme
évidente. » Cette citation d’Arthur Schopenhauer illustre à la perfection la situation dans laquelle se
trouve actuellement l’usage d’un matériau singulier dans la construction : le bois.
Le bois dans la construction peut paraître choquant de prime abord. C’est pourtant le plus
ancien matériau utilisé par l’Homme dans l’édification de son habitat. S’il a progressivement
disparu au fil des ans et des générations, ses nombreuses qualités lui permettent de faire un retour
remarqué depuis les années 1970 dans la maison individuelle. Elles offrent aussi des opportunités
dans la construction en hauteur : rapidité et facilité de mise en œuvre grâce à la préfabrication en
atelier, rétention de carbone, forte résistance mécanique, souplesse architecturale, filière sèche,
chantiers plus propres, ressource inépuisable et développement d’un bassin d’emplois nondélocalisables.
Malgré toutes ces qualités, le bois se heurte encore à des freins psychologiques,
principalement sur sa supposée vulnérabilité au feu, alors que sa combustion est la plus stable et
la plus prévisible de tous les matériaux de construction. La culture latine de la France et notre
rapport à la pierre jouent également en sa défaveur. En outre les dispositifs règlementaires pensés
pour le béton et l’acier ne permettent pas au bois d’exprimer tout son potentiel dans la
construction en hauteur, aujourd’hui limitée à 5 ou 6 étages. Pourtant, aucun texte de loi ni aucun
règlement n’interdit l’utilisation du bois dans les édifications de tels ouvrages.
Cet état de fait tend à évoluer. La récente prise de conscience des pouvoirs publics sur les
nombreux avantages offerts par le bois constitue une véritable opportunité. Les projets bois
ambitieux commencent à émerger en France et en Europe. Ce nouvel essor n’en est qu’à ses
débuts. Nous sommes sortis de la phase où l’usage du bois était perçu comme ridicule pour la
construction de grande hauteur. Nous nous trouvons actuellement en plein cœur de la phase où il
est considéré comme dangereux, car il s’impose de plus en plus comme un concurrent sérieux du
béton et de l’acier. L’évidence approche à grands pas.
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Références & Bibliographie
Dominique Gauzin-Müller, « Construire avec le bois » – 1999
« Why we should build wooden skyscrapers » TED Talk – Michael Green, Architecte
CNDB, « Les Essentiels du Bois » – Le Bois c’est Essentiel !
CNDB, « B.A-bois, le B.A-ba de la construction bois publique et collective » – Le Bois c’est Essentiel !
Emmanuel Fleury & Martin Chiche, « Le Bois dans la Construction – Rapport n°1 » – CSTB
G-P. Malpel & B. Roman-Amat, « L’interprofession France-Bois-Forêt : situation et perspectives après dix
ans d’existence » – Ministère de l’Économie & Ministère de l’Agriculture – rapport n°14116
IBGE (Institut Bruxellois pour la Gestion de l’Environnement) – « Info Fiches – Éco-Construction »
« Nos bois de Midi-Pyrénées », Guide des essences et de leur utilisation en région Midi-Pyrénées
« Bois & Habitat : association pour la promotion de la construction en bois » (www.bois-habitat.com)
CSTB, « Règlementation et mise en sécurité incendie des bâtiments d’habitation »
« Construction de maison à ossature de bois – Canada », SCHL, Ted Kesik, Michael Lio, 1997
CNDB, « Séquences Bois : De vêture en structure : le bois, un matériau moderne - 100 réalisations pour
témoigner » Layeur, 1997.
Manu Defays, Koen de Mesel, Henry Merlin, « Pratique du Bois, 35 espèces et une réponse à toutes vos
questions bois » – ASBL Bois
M. Trudelle, N. Gélinas, R. Beauregard, « Estimation des retombées économiques directes engendrées par le
réseau de création de valeur de la filière bois de feuillus durs au Québec ». The Forestry Chronicle - 2009
« Le Biomimétisme : s’inspirer de la Nature pour innover durablement » – Audition d’Idriss Aberkane,
professeur à Centrale-Supélec, chercheur à Polytechnique, chercheur affilié à Stanford et
Ambassadeur de l'Unitwin/Unesco pour la section "Systèmes Complexes"
www.pefc-france.org
https://fr.fsc.org/fr-fr
www.sitesecurite.com
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Annexes
Annexe 1 (page de garde) : « Treet », actuellement le plus haut bâtiment de logements
collectifs à structure bois au monde (R+14) – Bergen, Norvège
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Annexe 2 : Pagode du temple de Tianning à Changzhou, banlieue de Pékin (Chine)
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Annexe 3 : Vue en coupe d’une pagode
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Annexe 4 : Tableau récapitulatif des caractéristiques des principales essences de bois
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Annexe 5 : Le Zénith de Limoges conçu par le cabinet Bernard Tschumi Architectes
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Annexe 6 : Le centre Pompidou-Metz, réalisé en association par les architectes
Shigeru Ban et Jean de Gastines
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Annexe 7 : Le théâtre Jean-Claude Carrière à Montpellier par le cabinet A+ Architecture
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Annexe 8 : CVO & taxe fiscale affectée dans le secteur forêt-bois
1. CVO
Mode de décision des cotisations : accord interprofessionnel.
Base : montant des ventes de bois et Chiffre d’Affaires hors TVA réalisé lors de l’année civile
précédente.
Huit taux (accord en vigueur début 2015) :

Grainiers et pépiniéristes : 0,07% ;

Propriétaires forestiers : 0,5% pour le bois sur pied, 0,33% pour les bois bord de route,
0,25% pour les bois rendus scierie, 0,15% pour les bois destinés à l’énergie ;

Professionnels de l’exploitation forestière : 0,15% ;

Sciage : 0,15% ;

Rabotage y compris parquet massif : 0.1% ;

Tranchage et fabrication de produits au-delà des sciages, y compris placages et panneaux :
0,15% ;

Fourniture de bois et dérivés destinés à l’énergie (hors frais de transport) : 0,15% ; 0,1%
pour granulés, pellets, agglomérés et charbons de bois ;

Emballage (hots frais de transport) : 0,1% ;

Prestataires de services et de travaux forestiers et de reboisement : 0,03%.
Recouvrement : déclaration par les cotisants sur un bordereau qui leur est adressé par FBF ; un
versement par an, ce qui cause des fluctuations importantes dans la trésorerie de FBF.
Cout estimé de la collecte : en 2014 pour 19.400 contributeurs, environ 80.000€ de sous-traitance
et 200.000€ de frais de fonctionnement de FBF (70% de frais de personnel), soit 0,04€ par euro
de CVO collecté.
Recettes 2014 : 7,1 millions €.
Utilisation : les fonds issus de la CVO sont privés, le taux de financement par FBF n’est pas
plafonné.
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2. Taxe fiscale affectée
Modes de décision : les professionnels définissent le périmètre et le taux. La taxe est votée chaque
année par le parlement dans le cadre de la Loi de Finances. Au-delà d’un plafond défini chaque
année (14M€ en 2014), le produit de la taxe ne va pas au CODIFAB mais abonde le budget de
l’État.
Bases : Chiffre d’Affaires réalisé en France et dans l’Espace Économique Européen et valeur des
importations provenant des pays hors Espace Économique Européen (collecte par le service des
douanes).
Taux : une taxe, deux taux :

Ameublement : 0,2% ;

Bois : 0,1%.
Recouvrement : depuis l’an 2000, le CODIFAB bénéficie de la part de la DGFIP d’une
délégation pour l’encaissement de la taxe (un formulaire Cerfa ad hoc). Versements continus par
les entreprises ce qui procure au COBIFAB une trésorerie régulière. Le contrôleur général et
financier impose au CODIFAB un fonds de roulement équivalent à trois mois seulement.
Cout de collecte : en 2014, chaque euro de taxe collecté a couté 0,08€ au CODIFAB.
Recettes 2014 : 9,3M€ pour l’Ameublement et 3,5M€ pour le bois.
Utilisation : les fonds provenant de la taxe sont des fonds publics : le financement du CODIFAB
ne peut dépasser 50% du cout total de l’opération. 30% du produit de la taxe « ameublement »
alimente le CETIM, au moins 30% du produit de la taxe « bois » alimente le FCBA.
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Annexe 9 : Lettre de mission adressée à Sylvie Alexandre, déléguée interministérielle à la
forêt et au bois
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Annexe 10 : « Hypérion », le projet lauréat du concours organisé par l’EPA Bordeaux
Euratlantique pour la réalisation d’un plot bois de 50 mètres.
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Annexe 11 : Ilot démonstrateur bois et biosourcé à énergie positive de Strasbourg, dans le
quartier du Port du Rhin.
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Annexe 12 : « Home Insurance Building », premier gratte-ciel au monde – Chicago, 1885
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