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107e Congrès français d’ORL (2)
Paris, 1er-3 octobre 2000
● P. Sagnet-Vidal*
VERTIGES
Plasticité vestibulaire : modèles actuels
(Dr M. Lacour, Marseille)
Une atteinte vestibulaire unilatérale chez l’homme est responsable
d’un syndrome postural, oculomoteur et perceptif, avec, pour chacun de ces aspects, une composante statique et dynamique.
Les mécanismes de compensation vestibulaire sont différents selon
qu’il s’agit de troubles statiques ou dynamiques. La compensation
des troubles statiques est le plus souvent quasi totale et rapide. Le
mécanisme de cette compensation (théorie vestibulo-centrique) est
une rééquilibration de l’activité des deux vestibules et serait lié à
une modification des propriétés des membranes des neurones vestibulaires désafférentés, avec pour conséquence une normalisation
de la décharge de repos neuronale. La compensation des troubles
dynamiques est incomplète, et plus longue à obtenir. Elle se fait
par un processus de substitution comportementale et sensorielle,
utilisant le système visuel ou proprioceptif. La sensibilité des
réponses du système vestibulaire aux informations visuelles ou
proprioceptives est augmentée, ce qui permet de suppléer les déficits dynamiques vestibulaires, sans vraiment les restaurer. Cette
compensation diffère d’un individu à l’autre, en fonction des caractéristiques socio-culturelles. Certains utiliseront le canal visuel,
d’autres le canal proprioceptif. Si la compensation ne se fait pas
selon ce mécanisme, le système nerveux central puisera dans le
répertoire opérationnel de l’espèce pour utiliser un système plus
archaïque de stabilisation.
L’exploration de la fonction otolithique
(Dr M. Toupet, Paris)
Les dysfonctionnements vestibulaires otolithiques touchent 2 à 3 %
des patients vertigineux. Leur traduction clinique habituelle est
l’impossibilité d’estimer correctement une trajectoire au volant
d’une voiture. Les patients décrivent une sensation de déplacement
qui va dans le même sens que le mouvement du véhicule (impression que la voiture s’incline dans les virages, impression de ne pas
freiner lors des décélérations ou des freinages). Ces situations surviennent surtout au moment de doubler une autre voiture, de prendre
un virage, particulièrement sur la droite, à plus forte raison sur les
routes dégagées où les repères visuels environnants sont absents.
Les explorations de la fonction otolithique et les progrès récents
qu’elles ont faits prennent alors toute leur mesure. Elles permettent de révéler une asymétrie de fonctionnement qui peut se décompenser dans les situations décrites précédemment. Ces tests sont la
verticale visuelle subjective (qui teste la fonction otolithique dans
sa globalité jusqu’au cortex vestibulaire), le test RAIG (qui teste
le réflexe utriculo-oculaire), les potentiels évoqués otolithiques
myogéniques (qui testent le réflexe sacculo-spinal) et la cartographie cérébrale par potentiels évoqués otolithiques corticaux (qui
montre les différentes zones d’activité sacculaire corticales).
On ne rééduque un système neurologique qu’en l’utilisant au maximum. Cela est vrai pour le système otolithique, qui ne peut être utilisé au maximum qu’en perturbant la vision et la fonction proprioceptive. La rééducation vestibulaire a ainsi pour but de s’affranchir
petit à petit des autres informations sensorielles pour privilégier les
voies otolithiques. Le patient retrouve ainsi progressivement cette
fonction qui était perturbée et le système otolithique reprend sa place
prépondérante comme gouvernail de l’équilibre.
Chirurgie de première intention
(Pr O. Sterkers et Dr D. Bouccara, Clichy)
Les indications de chirurgie de première intention concernent les
vertiges périphériques invalidants résistant au traitement médical et à la rééducation vestibulaire. Les trois techniques chirurgicales alors disponibles sont : les traitements spécifiques de la
cause, la diminution de l’activité de l’organe sensoriel, et la destruction d’un système vestibulaire pour favoriser la compensation centrale (tableau I).
Tableau I. Traitements chirurgicaux ou apparentés des vertiges
invalidants.
Traitement
spécifique
de la cause
• Chirurgie du sac endolymphatique
• Affaissement d’une ectasie du golfe de la jugulaire
• Traitement pressionnel
Diminution
de l’activité
de l’organe
sensoriel
• Injection de gentamicine à faible dose
par la fenêtre ronde
Destruction
d’un système
vestibulaire
• Injection de gentamicine à dose maximale
par la fenêtre ronde
• Labyrinthectomie
• Neurotomie vestibulaire
* Service ORL, hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny
Cedex.
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La chirurgie du sac endolymphatique pourrait agir en améliorant
la résorption de l’endolymphe, en traitant un dysfonctionnement
immunitaire du sac ou en stoppant l’hypersécrétion de macromolécules dans la lumière du sac. L’implication thérapeutique
dans les deux premiers cas est une décompression ou un drainage
du sac endolymphatique ; dans le troisième cas, c’est une exérèse. Son indication est une maladie de Ménière invalidante et
récente : il faut intervenir dans les six premiers mois de l’atteinte
sévère. Les résultats montrent alors 65 à 90 % de contrôle des
vertiges, une conservation de la fonction vestibulaire, mais peu
d’action sur les acouphènes. L’effet thérapeutique chirurgical est
a priori supérieur à l’effet placebo, mais cela n’est pas encore
démontré formellement.
Neurotomie vestibulaire par voie rétrosigmoïde
(Prs A. Chays et J. Magnan, Marseille)
Il s’agit d’une étude rétrospective sur une population de 283 patients
atteints de maladie de Ménière invalidante, définie comme ayant
une durée d’évolution supérieure à 6 ans, avec diminution ou arrêt
de l’activité professionnelle, arrêt de travail prolongé ou licenciement, opérés de neurotomie vestibulaire par voie rétrosigmoïde.
Les résultats montrent une guérison du vertige dans 96 % des cas,
une audition inchangée dans 80 % des cas (améliorée : 10 %, aggravée : 10 %), des acouphènes inchangés dans 57 % des cas (diminués : 30 %, guéris : 9 %, aggravés : 4 %), une disparition de la
sensation de plénitude d’oreille dans 60 % des cas (inchangée :
32 %, aggravée : 8 %).
Cette intervention apporte une stabilité définitive, évite l’apparition d’une atteinte controlatérale et maintient l’audition au
niveau mesuré en préopératoire. Elle apparaît donc comme le
moyen le plus sûr de guérir le patient de ses crises vertigineuses.
À noter que, dans cette étude, le pourcentage d’atteinte bilatérale
est de 2 %, alors qu’il est de 20 % au cours de l’évolution naturelle de la maladie dans la littérature.
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contact air/muqueuse avec un triple effet : réchauffement, filtration et sensibilité respiratoire. La notion de sensibilité respiratoire est fondamentale. Elle se fait par l’intermédiaire des
mécanorécepteurs, des thermorécepteurs et des fibres sensitives.
Elle conditionne la sensation du confort respiratoire. Une turbinectomie totale prive le patient de cette sensibilité : il n’a plus
d’obstruction nasale mais, du fait qu’il n’a plus de confort respiratoire, il n’est pas satisfait.
La fonction de défense est assurée par les médiateurs immunologiques classiques et par la clairance mucociliaire. Le sympathique, le parasympathique et le NANC activent tous la sécrétion
de mucus.
Les trois étiologies de dysfonctionnement nasal avec obstruction nasale par hypertrophie turbinale sont la rhinite allergique, le NARES et la rhinite neurovégétative, anciennement
vasomotrice. Les indications de traitement médicamenteux
sont résumées dans le tableau II. En cas de résistance au
traitement médical bien conduit, la chirurgie turbinale est
indiquée. Elle a deux buts : améliorer la perméabilité nasale tout
en préservant les fonctions physiologiques de la muqueuse
nasale, particulièrement celles du conditionnement de l’air
(tableau III).
Tableau II. Traitement des obstructions nasales de l’adulte.
Rhinite allergique
6
Rhinite neurovégétative
Corticoïdes locaux
Antihistaminiques H1
Corticoïdes locaux
Capsaïcine
Chirurgie turbinale en cas de résistance au traitement médical bien conduit
Tableau III. Efficacité de différentes techniques chirurgicales proposées dans le traitement de l’obstruction nasale.
SOMNOPLASTIE
Physiopathologie de la muqueuse nasale et somnoplastie
(Pr A. Coste, Créteil)
La muqueuse nasale a quatre fonctions physiologiques : respiration, conditionnement de l’air, défense locale et olfaction.
La fonction respiratoire est conditionnée par la perméabilité
nasale, dépendante de la vasodilatation ou vasoconstriction de
la muqueuse turbinale. La vascularisation de celle-ci est triple :
le réseau des capillaires fenêtrés, les plexus caverneux qui
constituent des corps érectiles, les shunts artério-veineux. Les
systèmes de contrôle régulent le cycle nasal d’alternance de
vasodilatation et vasoconstriction. Le sympathique est vasoconstricteur, le parasympathique, le système non adrénergique
non cholinergique (NANC) et les médiateurs de l’inflammation
sont vasodilatateurs. Il est à noter qu’une modification chirurgicale peu importante de la géométrie nasale peut donner une
amélioration importante de l’obstruction nasale telle qu’elle est
ressentie par le patient.
La fonction de conditionnement de l’air commence par les turbulences inspiratoires créées par les cornets, qui augmentent le
NARES
Amélioration
de la perméation
Préservation
physiologique
Turbinectomie totale
+++
–
Turbinectomie partielle
++
+/–
Turbinoplastie
+
+/–
Laser Yag
+
+/–
Radiofréquence
+
+
La somnoplastie crée une lésion thermique de la muqueuse nasale
par onde radio. Son utilisation dans le traitement de l’obstruction
nasale par hypertrophie turbinale a un double intérêt : le respect
de l’épithélium de la muqueuse nasale avec une fonction mucociliaire conservée à distance (temps de transit à la saccharine et
fréquence du battement ciliaire normaux en postopératoire) et
une amélioration de l’obstruction nasale sans modification radicale de la géométrie nasale.
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 259 - janvier 2001
Tableau IV. Critères d’évaluation et d’efficacité du traitement d’un syndrome d’apnées du sommeil.
Critères d’évaluation
Critères de succès
Cliniques
Évaluation du ronflement par le conjoint
Somnolence diurne
Évaluation du ronflement :
– EVA ≤ 3**
– satisfaction du conjoint
Paracliniques
Enregistrement nocturne (IAH*, SaO2 min.)
Enregistrement nocturne :
– guérison si IAH* < 10/h
– amélioration si IAH* post-op. < 50 % IAH* pré-op.
* IAH : indice d’apnées/hypopnées. ** Échelle visuelle analogique du niveau sonore.
Flux nasal et compliance à la ventilation
à pression positive continue (CPAP) par voie nasale
(Pr Bobin, Le Kremlin-Bicêtre)
La compliance à la CPAP est un enjeu majeur dans le traitement
des syndromes d’apnées du sommeil (SAS). Elle est définie par
un temps total d’utilisation supérieur à quatre heures par nuit ou
à 70 % du temps de sommeil ou à 70 % des jours de l’année. Elle
est évaluée dans les études à 50-70 %.
Les échecs surviennent rapidement, dans les trois premiers mois.
Ils peuvent être liés à l’inconfort psychologique, à l’absence de
bénéfice ressenti, au bruit de la machine, aux fuites liées au
masque, à la pression insufflée, aux effets secondaires sur la
muqueuse nasale (sensation d’étouffement, sécheresse nasale,
éternuements, rhinorrhée).
La CPAP par voie nasale augmente les résistances du flux nasal
par un remaniement histologique de la muqueuse, responsable
d’une baisse de la clairance mucociliaire et d’une congestion. Les
sites principaux d’obstruction dans ces cas sont les valves nasales
et la tête des cornets inférieurs. Les moyens d’améliorer le flux
nasal, et donc la compliance, sont l’humidification et le réchauffement de l’air insufflé, mais également la chirurgie en cas de
dysperméabilité nasale pathologique.
Dans les cas de CPAP avec indication de chirurgie de reperméabilisation nasale préalable, les bénéfices démontrés du geste
chirurgical sont une amélioration de la compliance dans 60 %
des cas et une diminution significative de la pression insufflée.
Il n’y a pas d’effet sur les index d’apnée/hypopnée (IAH).
L’examen ORL systématique avant la mise en place d’une CPAP
par voie nasale est fondamental. En cas de dysperméabilité nasale,
la chirurgie est indiquée d’emblée.
Traitement du SAS minime et modéré par somnoplastie
sur le voile du palais (Dr Blumen)
Le SAS atteint 2 à 4 % de la population. Les traitements chirurgicaux possibles sont l’UPPP (diminution des tissus en excès),
la pharyngotomie laser (diminution des tissus en excès ± rigidification tissulaire) et le traitement par radiofréquence (somnoplastie), qui entraîne une rigidification tissulaire et une diminution volumétrique par nécrose et rétraction cicatricielle.
Une étude prospective menée à l’hôpital Foch dans le service du
Pr Chabolle a évalué l’efficacité du traitement du SAS minime à
modéré par somnoplastie sur le voile du palais. Le traitement est
fait en ambulatoire sous anesthésie locale, à raison de trois séances
à huit semaines d’intervalle ; il est arrêté avant si les ronflements
disparaissent. Les critères d’évaluation clinique et paraclinique
ainsi que les critères de succès sont résumés dans le tableau IV.
Dix-neuf sujets étaient traités. Six n’ont eu besoin que d’une
séance, neuf de deux séances et quatre de trois séances. Les résultats montrent une diminution significative des ronflements (73 %
de succès) et une diminution significative de l’IAH. La SaO2 min.
n’est pas modifiée.
L’efficacité de la somnoplastie sur le voile du palais dans le traitement du SAS minime à modéré est réelle, mais des modalités
de traitement standardisées restent à définir. Le recul n’est pas
suffisant pour évaluer les résultats à long terme (dégradation possible). Enfin, il faut insister sur la nécessité des enregistrements
nocturnes après traitement, ce qui reste une difficulté importante
dans le suivi de ces patients.
Résultats de l’étude multicentrique américaine
et européenne de la somnoplastie sur la base de langue
(Pr Chabolle, Suresnes)
Cette étude multicentrique évalue la somnoplastie (n = 73) versus la CPAP nasale (n = 89) dans le traitement des SAS, dont le
site d’obstruction principal est lingual. Le traitement par radiofréquence est fait en ambulatoire sous anesthésie locale. Un total
de 14 000 joules est délivré.
Pour ce qui est de la somnoplastie, les effets secondaires sont très
faibles ; les complications observées sont les abcès de la base
de la langue, les cellulites et l’œdème. La douleur postopératoire
disparaît rapidement, en sept jours. Les résultats sont une diminution des ronflements et de la somnolence. L’amélioration significative des IAH et IA est obtenue respectivement dans 20 % et
33 % des cas.
Subjectivement, l’impression actuelle est que CPAP et somnoplastie sont équivalentes, avec, en faveur de cette dernière, le
faible taux d’effets secondaires et l’amélioration de l’IAH, mais
dans seulement 20 % des cas.
La somnoplastie de la base de langue peut également se faire par
voie cervicale (après repérage écho-doppler) ; la douleur est alors
pratiquement nulle. Une étude prospective menée à l’hôpital
Foch, dans le service du Pr Chabolle, montre en postopératoire
une amélioration significative de la qualité du sommeil (réapparition des stades trois, quatre et paradoxal) sans amélioration de
l’IAH. Ces résultats encouragent à faire une évaluation clinique
plus poussée de cette technique.
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Tableau V. Facteurs de risque de récidive locale postopératoire des carcinomes basocellulaires (CBC).
Type histologique
Risque faible
CBC plans, érythémateux,
cicatriciels, pagétoïdes
Localisations
Les localisations à risque élevé sont :
– nez, paupières, front, oreilles, cuir chevelu ;
– zones de fusion embryonnaire : zone médio-faciale, canthus externes, sillons péri-narinaires, régions rétro-auriculaires
Caractère primitif ou récidivant
Les tumeurs récidivantes ont un risque élevé
Taille
Risque proportionnel à la taille
Risque moyen
CBC nodulaires (infiltration jusqu’au
derme moyen en général)
CHIRURGIE DES TUMEURS CUTANÉES
(Table ronde animée par F. Disant, J. Kanistakis, J.P. Bessède,
C. Beauvillain de Montreuil et P. Boudard)
Généralités sur la prise en charge
L’examen histologique préalable sur biopsie est important pour
assurer le diagnostic et évaluer des facteurs histologiques pronostiques. L’exérèse doit être carcinologique d’emblée, car les
récidives donnent beaucoup plus de tumeurs récidivantes et de
métastases. Il faut garder en mémoire que la fiabilité de l’examen histopathologique sur la pièce est relative, notamment en ce
qui concerne les marges d’exérèse (5 % des récidives surviennent sur des tumeurs qui ont été considérées par l’anatomopathologiste comme enlevées en totalité).
Les carcinomes cutanés spinocellulaires et basocellulaires représentent la très grande majorité des cancers cutanés. Les carcinomes basocellulaires représentent les trois quarts de ces tumeurs.
Les carcinomes spinocellulaires sont un peu plus rares, plus agressifs, et donnent plus souvent lieu à des récidives et des métastases, notamment chez les sujets immunodéprimés. Des facteurs
pronostiques cliniques et histologiques permettent d’envisager
les marges correctes de leur exérèse : il s’agit du type histologique, de la localisation, de la taille et du caractère primitif ou
récidivant. L’agressivité en termes de récidive locale de ces carcinomes est résumée dans les tableaux V et VI.
En fonction de ces quatre critères, on peut proposer des recommandations pour les marges d’exérèse. Ces dernières ne sont pas
encore validées par des études complètes ; elles restent dans un
Risque élevé
CBC ulcéré, sclérodermiforme (infiltration
jusqu’au derme profond, hypoderme)
Tableau VI. Facteurs de risque de récidive locale postopératoire des
carcinomes spinocellulaires.
Type histologique
Degré de différenciation et de kératinisation :
moins la tumeur est différenciée,
plus le risque est élevé
Localisations
Comparables à celles du CBC
Deux zones à risque élevé supplémentaires :
– jonctions cutanéo-muqueuses ;
– cicatrices
Caractère primitif
ou récidivant
Tumeur primitive : 7 % de risque de récidive
Tumeur récidivante : 25 % de risque de récidive
Taille
Risque proportionnel à la taille
cadre de travail qui doit être amélioré et confirmé par des études
ultérieures. Elles sont résumées dans les tableaux VII et VIII.
À la lecture des résultats de l’anatomopathologiste, il y a deux
possibilités :
– L’exérèse est complète. L’attitude est alors un suivi régulier en
raison des risques de deuxième localisation et des faux négatifs
de l’examen histologique (5 %).
– L’exérèse est incomplète. Il faut procéder à une reprise opératoire pour les carcinomes spinocellulaires. Pour les carcinomes
basocellulaires, on peut se permettre une surveillance régulière
dans le seul cas de risque de récidive locale faible et si les marges
sont carcinologiques en profondeur. Les autres situations imposent la reprise chirurgicale.
.../...
Tableau VII. Carcinomes basocellulaires (CBC) : recommandations en fonction de 4 niveaux de risques globaux de récidive locale.
Niveau de risque
Type de CBC
Marge périphérique
Marge profonde
Très faible
CBC plans, érythémateux, cicatriciels, pagétoïdes
2 mm
Derme moyen ou profond
Faible
CBC primitif nodulaire, bien limité, < 6 mm, en dehors des zones à risque
3 mm
Hypoderme*
Moyen
CBC primitif nodulaire, mal limité cliniquement, < 6 mm dans une zone à risque
ou > 6 mm quelle que soit la localisation
4 mm
Hypoderme*
Élevé
CBC > 20 mm, mal limité, ulcéré, dans une zone à risque, sclérodermiforme,
récidivant
≥ 5 mm
10 mm si possible
Adaptée au cas par cas
* Sur les zones où l’hypoderme est mince, jusqu’au plan sous-jacent (fascia, périchondre).
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.../...
Tableau VIII. Carcinomes spinocellulaires (CSC) : recommandations en fonction de 4 niveaux de risques globaux de récidive locale ou de métastase.
Niveau de risque
Type de CBC
Marge périphérique
Marge profonde
Très faible
Kératoses actiniques (équivalent de CSC in situ)
2 mm
Derme papillaire
Faible
CSC primitif de petite taille, bien différencié, non infiltrant, non invasif,
en dehors des zones à risque
4 mm
Hypoderme
Moyen
CSC primitif de petite taille, bien différencié, non infiltrant, non invasif,
sur zones à risque
6 mm
Hypoderme
Élevé
CSC > 20 mm, mal limité, indifférencié et/ou infiltrant, récidivant
10 mm
≥ hypoderme
Tableau IX. Territoires ganglionnaires à contrôler en fonction de la
localisation du carcinome spinocellulaire métastasé.
Territoire de la lésion
Territoire ganglionnaire à contrôler
Rétro-auriculaire
Cuir chevelu postérieur
Groupe occipital
Front, tempes, nez,
oreilles, joues
Parotidectomie
± cellulo-adénectomie du 1er relais
ganglionnaire
Péri-buccal
Groupe sous-mandibulaire
Groupe sous-digastrique
Métastases ganglionnaires cervicales
des carcinomes épidermoïdes spinocellulaires
Les carcinomes spinocellulaires se compliquent dans 0,5 à 16 %
des cas de métastases ganglionnaires, qui engagent le pronostic
vital. Leur traitement est difficile et doit être pris en charge par
une équipe pluridisciplinaire.
Une étude rétrospective sur 243 patients présentant un carcinome
spinocellulaire (CSC) a retrouvé des métastases ganglionnaires
(N+) chez 5 % des patients. L’âge moyen des patients N+ est de
78 ans, avec une majorité de femmes. Le CSC siégeait dans la
région nasale ou pré-auriculaire, et mesurait en moyenne 2,6 mm
avec une épaisseur de 5,6 mm. À la relecture des lames histologiques, on retrouvait une exérèse latérale insuffisante dans 23 %
des cas et une exérèse en profondeur insuffisante dans 70 % des
cas. Il s’agissait, dans 53 % des cas, d’une reprise locale et, dans
53 % des cas, d’un envahissement parotidien. Le délai moyen
d’apparition des métastases était de 21 mois, dont 54 % des cas
avec une métastase d’emblée et 46 % avec une métastase retardée. La majorité de ces métastases était de type N1. Les facteurs
de plus mauvais pronostic sont l’envahissement en profondeur et
l’envahissement parotidien. La parotidectomie est d’ailleurs une
partie importante du geste ganglionnaire initial, car le fait de ne
pas la pratiquer fait baisser le taux de survie de 15 %. Le taux de
survie à 2 ans est de 62 %, et de 22 % à 5 ans pour les patients
N+ contre 80 % chez les patients N–.
Le schéma thérapeutique proposé est le suivant :
– en cas d’atteinte ganglionnaire initiale : exérèse avec geste ganglionnaire puis radiothérapie postopératoire ;
– en cas de lésion N0, une exploration ganglionnaire est faite s’il y
a des facteurs de gravité. N– : on pratique une surveillance régulière après l’exérèse. N+ : on rejoint le schéma précédent. Les gestes
ganglionnaires dépendent de la localisation de la lésion (tableau IX).
En conclusion, il faut insister sur la gravité de ces métastases ganglionnaires et sur l’intérêt d’une imagerie de bonne qualité, particulièrement d’un scanner (parotide ++), pour pouvoir proposer un
traitement chirurgical large qui conditionne le pronostic ultérieur.
Localisations labiales, jugales et frontales
des tumeurs cutanées
Les unités et sous-unités esthétiques sont des éléments fondamentaux à prendre en compte dans la réparation chirurgicale des
tumeurs cutanées.
Atteintes labiales
Les types histologiques et le geste chirurgical sont fonction de la
localisation. Ils sont résumés dans le tableau X. Les deux thérapeutiques en concurrence sont la chirurgie et la curiethérapie.
Tableau X. Localisations, types histologiques et attitudes chirurgicales dans les cancers de lèvres.
Localisations
Types histologiques
Attitudes chirurgicales
Vermillon
États précancéreux
T1s
Vermillonectomie
± exérèse en V
Lèvre
inférieure
Carcinome
spinocellulaire
Risque
ganglionnaire
Règle du tiers :
• Inférieur au tiers :
résection en V ou W
• Supérieur au tiers :
plastie aux dépens
de zones donneuses
– soit la lèvre supérieure
(fan-flap de Gillis, plastie
d’Abbé-Eslander)
– soit la joue
(plastie de Camille Bernard,
lambeau naso-génien)
– plus temps
de commissuroplastie
Lèvre
supérieure
Carcinome
basocellulaire
Lésion limitée :
plastie cutanée superficielle
non interruptrice
Lésion infiltrante :
chirurgie interruptrice
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Atteintes jugales
Ces tumeurs présentent un risque anatomique pour le nerf facial
et le canal de Sténon. Il faut discuter une parotidectomie superficielle en cas de tumeur pré-auriculaire infiltrante. La fermeture
se fait en fuseau vertical (petite perte de substance), avec une
plastie utilisant l’excès de peau du lifting, ou avec un lambeau
en LLL de Dufourmentel. Les reconstructions de la région de la
pommette peuvent utiliser un lambeau jugal ou cervico-jugal. En
cas de perte de substance importante, on peut utiliser une greffe
de peau totale sus-claviculaire.
Atteintes frontales
Les risques anatomiques sont dominés par la branche frontale
du nerf facial et l’artère temporale. Les différentes techniques
sont la suture directe en fuseau horizontal (il y a alors un risque
d’élévation du sourcil), la plastie en H, le lambeau en LLL de
Dufourmentel, les greffes de peau, éventuellement les plasties de
fascia temporalis.
Les rhinopoïèses
Les principes généraux sont l’exérèse in sano, la reconstruction
de tous les éléments dans les exérèses transfixiantes, le respect
des sous-unités morpho-anatomiques, le respect des angles
dièdres et des sillons. Il faut préférer les techniques sobres et
diversifiées à une seule technique standard.
La reconstruction de la couche muqueuse prévient les sténoses
cicatricielles narinaires. La reconstruction de l’armature par des
autogreffes cartilagineuses prévient les collapsus inspiratoires
des valves interne et externe. Enfin, les lambeaux cutanés pédiculés sont préférables aux greffes de peau pour la prévention des
rétractions et l’aspect esthétique.
Les greffons utilisables sont nombreux : le septum nasal, la côte
cartilagineuse, l’os de corticale pariétale et la conque auriculaire.
Cette dernière est la mieux adaptée pour reconstruire l’armature
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Tableau XI. Lambeaux de revêtement tégumentaire dans les
rhinopoïèses.
Lambeaux
Caractéristiques
Nasogénien
Pointe latérale, non-respect des sous-unités esthétiques
Pédicule cutané superficiel ou sous-cutané
En un ou deux temps
Cicatrice discrète
Frontonasal
Dorsum, respect des sous-unités esthétiques
Pédicule fiable
En un temps
Cicatrice longue
Frontal
paramédian
Lambeau “à tout faire”, pour les grosses pertes de substance
Pédicule fiable
En deux temps
Polyvalent et adaptable, extensible
d’un cartilage alaire. Les lambeaux utilisés pour le revêtement
tégumentaire sont fonction de la taille du nez et de la perte de
substance (tableau XI). La reconstruction du plan muqueux est
la plus difficile. On peut utiliser la muqueuse septale, le lambeau
frontal, le lambeau chinois.
Reconstruction du pavillon auriculaire
Les principes de reconstruction doivent tenir compte de l’évaluation de la perte de substance car elle est souvent sous-estimée au
niveau du pavillon auriculaire (réaliser un calque par rapport à
l’oreille opposée). Peau et cartilage doivent être réparés et il faut
essayer de conserver la symétrie des deux pavillons. Les carcinomes
basocellulaires ou spinocellulaires de la région rétro-auriculaire sont
particulièrement dangereux, avec un risque de récidive élevé.
En cas de reconstruction partielle, la technique chirurgicale va
dépendre de la localisation (tableau XII). En cas de reconstruction totale, il vaut mieux se tourner vers une prothèse ou une
épithèse.
Tableau XII. Reconstruction partielle de pavillon d’oreille : principales techniques chirurgicales.
Perte de substance auriculaire
Technique chirurgicale
Tiers supérieur
Lambeau chondro-cutané d’avancement, de conque
Greffe de conque controlatérale en deux temps
Greffe de peau semi-épaisse*
Tiers moyen
Lambeau cutané d’avancement de la région mastoïdienne ± greffe de conque controlatérale
Greffe composite de l’oreille controlatérale (< 1 cm)
Résection cunéiforme-suture chez le sujet âgé
Greffe de peau semi-épaisse*
Tiers inférieur
Lambeaux cervicaux pédiculés
Lambeaux cervicaux pédiculés armés de cartilage, en deux temps
Conque
Soit résection cutanée simple (petite lésion) : greffe de peau semi-épaisse
Soit résection peau + cartilage : lambeau mastoïdien en îlot ou à pédicule supérieur
Bord de l’hélix
Exérèse-suture simple
Lambeaux cutanés rétro-auriculaires à pédicule supérieur ou postérieur
Lambeaux mastoïdiens si cartilage atteint
Bord postérieur
Exérèse-suture simple
Greffe de peau semi-épaisse*
Zone du sillon rétro-auriculaire
Risque d’exérèse large (totalité du pavillon si infiltration profonde, se méfier de la pénétration dans le conduit auditif externe)
* Après exérèse de la lésion et du cartilage sous-jacent.
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 259 - janvier 2001
ORL ET EXPERTISE
L’ORL expert (Pr Rodat)
L’expert est un technicien au service d’une autorité. Il reçoit sa
qualité par la détermination de la loi. Il doit respecter des règles
strictes, dont les deux plus importantes sont l’indépendance et la
non-confusion.
Il y a trois principaux types d’expertise.
• L’expertise en droit pénal, qui évalue l’importance des dommages et la gravité des lésions. Elle est non contradictoire, c’està-dire que l’ORL expert n’a qu’un seul interlocuteur, en l’occurrence le magistrat.
• L’expertise en droit civil, qui concerne soit la juridiction
administrative (service public), soit la juridiction judiciaire (droit
commun, intérêt civil). Elle est contradictoire : toutes les parties
sont convoquées. La pièce la plus importante est le certificat médical initial. Il n’y a pas de secret médical concernant l’objet de
l’expertise.
• L’expertise en droit de Sécurité sociale, qui concerne soit les
maladies, les accidents du travail, les maladies professionnelles
et les fautes inexcusables, soit les contestations d’incapacité permanente partielle ou d’invalidité. Pour l’ORL expert, il s’agit surtout des surdités professionnelles.
La réparation du préjudice utilise des barèmes. Trois situations
peuvent alors se rencontrer : en droit social (on ne répare que des
séquelles : notion d’invalidité), en droit commun (on répare la
notion d’incapacité permanente partielle) et les pensions alimentaires, où l’indemnisation n’est possible qu’au-delà d’un certain taux d’invalidité.
Le rapport rédigé par l’expert ORL n’est pas lu par un médecin :
il doit être compréhensible. La partie technique prouve le sérieux
de l’expertise : il faut rapporter les doléances du blessé et justifier clairement chaque élément du préjudice.
Critères d’imputabilité d’un dommage ORL
(Dr Peytral, Montfermeil)
L’imputabilité est la recherche et l’appréciation par l’expert d’un
lien de causalité entre un accident et un dommage corporel. Il
n’existe pas de présomption d’imputabilité en droit commun. La
victime doit apporter ses preuves.
Lors de la démarche de l’expert à la recherche de ces critères, il
est indispensable d’obtenir le maximum de connaissance des circonstances de l’accident, d’une part, et des lésions initiales,
d’autre part. Ces dernières sont apportées par le certificat médical initial, le compte-rendu d’hospitalisation et l’iconographie.
Les critères d’imputabilité qui peuvent aider l’expert montrent la
concordance entre le siège de la lésion traumatisée et celui de la
séquelle. Ces critères exigent une intégrité préalable de la région
traumatisée, la connaissance de l’état antérieur ou d’un événement intercurrent, la connaissance du délai d’apparition et de
l’aspect évolutif de la sémiologie.
La démarche que l’expert devra suivre est la suivante : analyser
les étapes de l’histoire clinique depuis l’accident jusqu’aux
séquelles en s’aidant des documents et des preuves fournis par
le patient, fournir une explication étiopathogénique, évaluer les
éléments du préjudice et conclure à une imputabilité complète,
partielle, douteuse ou absente, pour permettre l’établissement ou
non d’un lien de causalité juridique conditionnant l’indemnisation des séquelles ORL.
Aspects récents de la responsabilité médicale
dans l’information du patient : point de vue du juriste
Aujourd’hui, les patients qui subissent un dommage ont le réflexe
systématique de considérer que ce dommage ne résulte pas du
hasard mais d’un manquement impardonnable et qu’une sanction doit intervenir en droit civil. Mais de plus en plus souvent,
ces patients veulent également une “punition” du médecin, d’où
le développement des recours et des actions en droit pénal.
On admet de moins en moins l’erreur humaine, on élargit le
principe de réparation du dommage et l’on attaque maintenant
le médecin sur son obligation d’information (la charge de la
preuve d’information revient au médecin depuis 1997).
L’obligation d’information en matière de responsabilité médicale commence avec l’article 16.3 du Code civil : “Toute personne a droit au respect de son intégrité physique”. Les seules
exceptions d’obligation d’information sont l’urgence et les cas
d’impossibilité ou de refus du patient. Le contenu de l’information est résumé dans le tableau XIII, et il est important
de souligner que, désormais, en droit commun comme en droit
administratif, le seul fait que les risques ne se réalisent
qu’exceptionnellement ne dispense pas le praticien de son
obligation : le médecin ne peut plus s’abriter derrière le caractère exceptionnel du risque. La preuve de l’exécution et
surtout du contenu de l’information doit se faire par tous les
moyens (la fausse bonne solution est de donner une feuille stéréotypée au patient sans donner d’explication) et doit comporter : des explications orales, des écrits adaptés sur le dossier
et adressés au patient ainsi qu’aux autres médecins, un document stéréotypé.
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Tableau XIII. Contenu de l’information au patient.
La forme
Simple, intelligible et loyale
Information appropriée : adaptée à la personnalité
du patient et au contexte médical,
l’information ne doit pas être que stéréotypée
Le fond
État du patient, son évolution prévisible
Soins et investigations nécessaires
Nature et conséquences de la thérapeutique proposée
Alternatives thérapeutiques éventuelles
avec leurs avantages et inconvénients respectifs
Suites normales du traitement
Risques des investigations et des soins,
même exceptionnels
Nature
du risque
Ce qui est déterminant : l’information donnée doit
toucher le risque qui est de nature à faire réfléchir
le patient. C’est à ce dernier de faire le bilan
et de prendre ses propres risques en pleine
connaissance de cause
Risques de décès, d’invalidité, de préjudice esthétique
Connaissance
du risque
Les risques connus : ce sont ceux qui ont été
répertoriés mais également ceux qui sont encore
incertains (principe de précaution)
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 259 - janvier 2001
NB : l’aléa est le risque inconnu qui arrive en l’absence de toute faute
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