CP septembre MAQ.ok 31/10/01 09:17 Page 85 D o s s i e r t h é m a t i q u e Endoscopie et polypes malins ● Ph. Godeberge* et ** J.M. Canard** Points forts Points Points forts forts ◆ La polypectomie endoscopique reste le moyen de choix du traitement de la majorité des polypes et notamment des polypes malins. ◆ L’aspect du polype, l’indication de l’endoscopie, l’expérience du praticien et l’état général du patient doivent être pris en compte pour décider d’une polypectomie. endoscopie joue un rôle clé dans la L’ prise en charge des polypes malins du côlon et du rectum. Elle intervient à toutes les étapes de la prise en charge : – diagnostique, en restant la méthode la plus fiable de détection des lésions en saillie ; – thérapeutique, au mieux en assurant l’exérèse des lésions polypoïdes, au minimum en guidant la stratégie ultérieure (1) ; – et de surveillance, après traitement. L’endoscopie colique a ainsi montré son efficacité dans la réduction de l’incidence du cancer colo-rectal et dans l’allongement de sa survie (2). La prise en charge endoscopique des polypes malins pose néanmoins des problèmes spécifiques. La décision de polypectomie est prise en cours de procédure ; y a-t-il des arguments endoscopiques permettant de préjuger de la nature histologique du polype ? La réponse à cette question permet d’améliorer la pertinence de la décision immédiate, * Institut mutualiste Montsouris, Paris. ** Clinique du Trocadéro, Paris. ◆ Le recours plus large à des colorants et la résection en une pièce doivent favoriser une analyse histologique complète, essentielle pour guider la stratégie ultérieure. ◆ L’endoscopiste doit se donner les moyens de localiser précisément la lésion dès qu’un geste chirurgical complémentaire ne peut être écarté. en évitant soit de retirer un polype pour lequel un geste complémentaire ultérieur sera de toute façon nécessaire, soit de renoncer à la polypectomie faisant prendre le risque d’une morbidité chirurgicale injustifiée. L’attitude finale ne sera néanmoins souvent déterminée qu’après le recueil de multiples informations, dont l’analyse histologique rigoureuse du polype. L’endoscopie doit également permettre une localisation précise de la zone d’implantation du polype, en sachant que l’approximation endoscopique n’est pas compatible avec la chirurgie, et qu’en cas de petit polype, la cicatrisation de la zone de polypectomie ne permet pas de repérage secondaire, même avec une coloscopie peropératoire. large des colorants (chromoscopie), la diffusion des endoscopes avec zoom et l’amélioration des connaissances morphologiques de ces cancers dits précoces, notamment dans leurs formes planes. Actuellement, l’endoscopiste peut se fonder sur plusieurs données afin d’opter soit pour une polypectomie, soit pour des biopsies. L’indication de l’examen Le risque de cancer invasif est schématiquement majoré par rapport au simple dépistage, en cas de polypose adénomateuse familiale ou de cancers familiaux non polypoïdes (HNPCC). Le nombre parfois élevé de polypes dans ces situations doit rendre prudent sur l’opportunité d’une polypectomie à risque. La macroscopie La présence d’irrégularités muqueuses, d’ulcérations, ainsi qu’une formation ferme ou se mobilisant en blocs sont associées à une plus grande fréquence de carcinome (4). Ces données ne doivent pas être négligées, car on connaît les difficultés d’interprétation de l’histologie et les variations dans les résultats (5) (photo 1). AVANT LA POLYPECTOMIE Lors de la découverte d’une lésion en saillie (polype sessile ou pédiculé), quelle que soit sa taille, il n’y a pas de critère absolu permettant de préjuger de sa nature histologique ni a fortiori d’évaluer le degré d’infiltration d’un éventuel carcinome débutant (3). Cette affirmation sera peutêtre tempérée à l’avenir par l’usage plus Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 3 - septembre 2001 85 Photo 1. Vue au zoom d’un polype adénomateux avec une ulcération en son centre (carcinome micro-invasif). CP septembre MAQ.ok 31/10/01 09:17 Page 86 D o s s i e r Une histologie défavorable est plus fréquemment observée en cas de lésion sessile par rapport à une lésion pédiculée (58 versus 10 % respectivement) (6). Toutes ces données ne sont probablement pas indépendantes. Il en est de même pour la taille : au-dessous de 1 cm, les lésions pédiculées ne sont pas invasives ; au-dessus de 4 cm, les lésions sessiles le sont dans 40 % des cas. Ces chiffres varient beaucoup d’une série à l’autre, mais, à taille identique, cette fréquence est plus élevée que dans les lésions planes (7). La sécurité et les améliorations techniques ont conduit à proposer l’excision de lésions de plus en plus étendues ou volumineuses. En cas de lésions de grande taille, pour lesquelles l’ablation en une pièce n’est pas possible des techniques de résection par fragments (piecemeal) ont même été proposées. Cette technique gêne la conclusion finale histologique ; elle est discutable pour les polypes rectaux accessibles à une résection transanale et qui sont, peut-être du fait de leur taille, plus souvent associés à une histologie défavorable. La technique de mucosectomie répond à ce souci de résection en une pièce. L’extension au pédicule et au voisinage de la zone d’insertion et donc l’éventualité d’une résection incomplète doivent faire discuter la chirurgie. t h é m a t i q u e paraît néanmoins nécessaire de respecter quelques règles simples : possibilité de surveillance secondaire après le geste, entourage familial en cas de geste ambulatoire, accessibilité à un plateau chirurgical, compliance du patient, la qualité de l’information au patient. Même si ce facteur n’a pas clairement été identifié, l’expérience de l’opérateur (10) apparaît un facteur à prendre en compte, de même que la disponibilité des différentes techniques, tant de polypectomie que d’hémostase. AU MOMENT DE LA POLYPECTOMIE La polypectomie proprement dite Elle fait appel à des techniques maintes fois décrites sur lesquelles nous ne reviendrons pas en détail. La technique de polypectomie doit faire en sorte d’optimiser la lecture histologique. L’ablation en une pièce doit donc être privilégiée. Les colorations (photo 2) peuvent avoir dans cette L’évaluation du terrain L’expérience et l’institution Le risque de perforation colique n’est pas accru par la pratique d’une polypectomie. Il Photo 2a. Polype (carcinome intramuqueux). Cliché : Ph. Godeberge. Les risques préthérapeutiques sont évalués différemment avant une coloscopie et avant une colectomie. La mortalité moyenne après colectomie (8) est supérieure à celle de la polypectomie pour polypes malins. Dans une revue portant sur 858 polypes malins (9), pédiculés ou sessiles, ceux ayant une histologie favorable ont une évolution satisfaisante, sauf dans moins de 1 % des cas, c’est-à-dire dans une proportion moindre que la mortalité chirurgicale. L’existence d’une contre-indication opératoire, ou anesthésique, notamment à la cœlioscopie, doit faire opter pour une résection endoscopique première. situation un double intérêt : (a) en cas de lésions de petite taille, de recueillir le maximum d’informations qui permettront de distinguer une lésion sessile de petite taille d’une lésion plane ; (b) en cas de lésions étendues, notamment au pied du polype, de repérer précisément les limites de résection afin de tenter le plus possible de préserver une collerette de muqueuse saine. Une marge de 2 mm est habituellement considérée comme nécessaire (11) entre la zone dégénérée et la limite de résection, celle-ci devant être complète ; d’autant qu’il existe une marge incompressible de muqueuse non interprétable, du fait des phénomènes de coagulation. Le colorant habituellement utilisé est l’indigo carmin ou le bleu de méthylène ; ils ne colorent pas les cellules mais silhouettent la muqueuse et dessinent la lésion. En cas de petites lésions sessiles, la “strip” biopsie facilite le geste (12). Les artifices qui permettent d’optimiser la polypectomie relèvent de l’expérience plus que d’études prospectives : – soulèvement ou éversion de la base de la lésion par l’injection intrapariétale de sérum physiologique, parfois additionné d’adrénaline ; – recours à des anses de grand diamètre à picots ; – arrêt de toute manœuvre en cas de nonsoulèvement de la lésion ; – utilisation de bistouri électrique adapté contrôlant la puissance délivrée ; – recours à des clips ou à des Endoloop®en cas de pédicule épais (photo 3) ; Photo 2b. Idem après coloration rehaussant les limites. 86 Photo 3. Endoloop®en place. Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 3 - septembre 2001 CP septembre MAQ.ok 31/10/01 09:17 Page 87 D o s s i e r t h é m a t i q u e – conservation d’un tronçon de pédicule en amont de l’anse. La pièce de polypectomie Le recueil de la pièce doit éviter toute perte d’information. La fragmentation des petites lésions rend leur interprétation difficile, et certains déconseillent,dans la mesure du possible, l’aspiration à travers le canal opérateur. Les modifications liées à l’usage d’un courant électrique peuvent rendre difficile l’orientation de la pièce et donc les conclusions que l’on peut en tirer. Plusieurs solutions sont possibles : – utilisation d’un courant de section exclusif ; – utilisation d’anse monobrin privilégiant la section ; – encrage à l’encre de Chine de la partie profonde de la pièce ; – étalement de la pièce sur une petite plaque de liège ; – repérage soigneux du pédicule (la rétraction lors de la fixation histologique pouvant faire disparaître totalement un pédicule initialement évident). Photo 4. Clips de repérage en place sur une zone de polypectomie. résection et/ou l’existence d’une infiltration sous-muqueuse. En cas de doute, il faut organiser la lecture des prélèvements dans un délai bref compatible avec une seconde coloscopie, et donc avant cicatrisation de la zone d’intervention. Localiser la lésion APRÈS LA COLOSCOPIE La précision de la localisation de la zone de polypectomie est essentielle (13), mais les classiques repères endoscopiques sont souvent pris en défaut, ce qui est d’autant plus délétère qu’une colectomie est programmée. On ne peut pas compter sur la visualisation secondaire de la cicatrice, ni sur une seconde coloscopie avec biopsie, notamment en cas de petits polypes pour lesquels la cicatrice peut devenir rapidement endoscopiquement inapparente (11). Il faut donc optimiser la localisation en recourant : – à l’utilisation d’une scopie quand elle est accessible ; – à un tatouage avec un colorant stérile en quantité suffisante pour que la coloration puisse être vue en transpariétal et donc en peropératoire ; – à la mise en place d’un clip métallique avec un ASP en postcoloscopie (photo 4). Des biopsies de la zone d’insertion ou de ses berges, clairement identifiées, permettront d’évaluer le caractère complet de la En cas de carcinome précoce se pose le problème de la surveillance endoscopique, de son rythme et de sa performance. Les résultats sont dissociés. Après ablation d’un polype dégénéré, des taux de 69 % de lésions résiduelles (14) ont été décrits. À l’inverse, entre 1983 et 1995, 85 patients ont été opérés après ablation d’un cancer précoce, principalement parce que le traitement avait été considéré comme incomplet (15). Aucun n’avait de ganglion sur la pièce ; 7 avaient des lésions résiduelles, tous avant 1984. Les critères de surveillance ont donc évolué avec le temps et, peut-être, la formation et la rigueur des endoscopistes (16). Après ablation d’un carcinome précoce sur lésion polypoïde, le rythme des endoscopies de contrôle n’est pas déterminé. Si une décision de traitement endoscopique a finalement été retenue, il paraît logique d’appliquer le même protocole de surveillance que lors d’une colectomie pour cancer colique avec une première endoscopie de contrôle au bout Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 3 - septembre 2001 87 de 12 mois. De nombreux auteurs préconisent, au moins la première année, une surveillance plus rapprochée. En conclusion, la polypectomie endoscopique reste le traitement de choix de la grande majorité des lésions en saillie du côlon et du rectum, y compris des lésions qui ont commencé à dégénérer. Le risque de lésions résiduelles est faible, surtout en cas d’histologie favorable. Au cours des cancers T1, le risque d’une évolution défavorable est faible, notamment du fait de la relative rareté des métastases ganglionnaire. Ce risque est inférieur à la mortalité et la morbidité de la chirurgie colique. Ce paramètre doit être pris en compte afin de ne pas faire perdre au patient le bénéfice d’une technique mini-invasive. Mais d’autres facteurs décisionnels interviennent (lire p. 94) ; aussi, il n’est pas illogique de ne proposer la polypectomie que dans un second temps chez un patient informé des risques et des inconnues. ■ Mots clés. Polypectomie – Adénome – Cancer précoce – Traitement endoscopique. R É F É R E N C E S 1. Netzer P, Forster C, Biral R et al. Risk factor assessment of endoscopically removed malignant colorectal polyps. Gut 1998 ; 43 : 669-74. 2. Selby JV, Friedman GD, Collen MF. Sigmoidoscopy and mortality from colorectal cancer : the Kaiser Permanente Multiphasic Evaluation Study. J Clin Epidemiol 1988 ; 41 : 427-34. 3. 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