Sérologie p53 dans les tumeurs de vessie

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SEROLOGIE p53 DANS LES TUMEURS DE VESSIE
F. DESGRANDCHAMPS (1), T. SOUSSI (2)
1- Service d’urologie, Pr. A. LE DUC, hôpital Saint-Louis, Paris
2- Unité 301 INSERM, Institut de Génétique Moléculaire, Paris
I- INTRODUCTION, GENERALITES
[d’après T. Soussi (7)]
êtr e ina ctivé s pou r q ue la mu tation se
manifeste.
L a for ma tio n d’ une tume ur ré sulte d ’un
déséquilibre entre des facte urs stimulant la
division cellulaire, et des facteurs inhibant la
division cellulaire.
Ce son t les mod ific ation s de c e s de ux
catégories de gènes, proto-oncogènes et gènes
suppresseurs de tumeur qui transforment une
cellule normale en cellule cancéreuse.
Ce dé sé quilib re est e n re lation a ve c des
mutations des gènes controlant ces différents
f a cte ur s. Da ns la m ajo rité d es c a s, c es
modifications de l’ADN passent inaperçu, car
de s méc anisme s répa rateurs c orrigent ces
d éfa uts. rar eme nt, ce s mutations pe uve nt
a tteindre et modifier la structure d’un gène
contrôlant la multiplication cellulaire.
Cette transformation n’est pas due à une seule
mutation, mais c’est un l’aboutissement d’un
proc essus
dyn amique
de ca sca de s
d’évè nem ents g énétiques prove nant de la
modification de plusieurs proto-oncogènes ou
de gènes suppresseurs de tumeur, ou des deux à
la fois.
Actuellement plus de 50 proto-oncogènes ont
été identifiés. Les gènes suppresseurs de tumeur
connus sont moins nombreux, e t 3 ont é té
ca ra ctér isé s a vec c ertitude: le gèn e du
rétinoblastome Rb, situé sur le bras court du
chromosome 13 (13q), le gène DCC (deleted in
colorectal carcinoma), situé sur le bras long du
chromosome 18 (18p), et le gène de la p53 situé
sur le bras court du chromosome 17 (17q).
L a mu tation pe ut mod if ier u n f ac te ur
stimulateur de la prolifération ce llula ire en
amplifiant ses propriétés activatrices. Dans ce
c as, la cellule se trouve perpétuellement en
multiplication, car stimulée de façon anormale
par le facteur muté. Les gènes susceptibles de
subir ce type de modifica tions sont a ppelés
des proto-oncogènes, car ils sont convertis en
o nc ogè ne s p ar de s m uta tio ns q ui le ur
confèrent un phénotype dominant.
L a muta tion p eu t ina ctive r un f ac te ur
inhibiteur de la division cellulaire. Dans ce
c as la ce llule perd l’un de ses fre ins, et se
multiplie sans possibilité de s’arrêter. Les
g èn es susc e ptible s de subir c e typ e d e
modifications sont nommés anti-oncogènes,
ou gènes suppresse urs de tumeur. Le mode
d’action des gènes suppresseurs de tumeur est
récessif, les deux allèles de ce gène doivent
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p53 NORMALE
p53 MUTEE
Le gène de la p53 code pour une protéine de
53 000 daltons.
Dans la plupart des cas, la mutation ne change
qu’un seul des 20 000 nucléotides du gène, et
la pr oté ine p53 s ynthé tisé e n e p ossè de
généralement qu’un acide aminé modifié par
rapport à la protéine normale.
C’est une protéine nucléaire.
C’est une protéine ubiquitaire, présente dans
tous les tissus normaux étudiés, mais à des
taux intra-cytoplasmiques très faibles.
Le mo de d’a ction de s gènes suppre sse urs
éta nt r éc e ssifs, pou r qu e ce tte m utation
s’exprime, il faut, soit que les de ux allèles
soient mutés, soit que l’autre allèle soit perdu,
pa r perte du bras court du chromosome 17
homologue. Cette perte d’a llèle s’appelle la
perte d’hétérozygotie du chromosome 17.
Sa demi-vie est de 15 minutes.
Son rôle exact reste à définir, mais elle agit au
moment de l’entrée de la cellule dans la phase
de synthèse d’ADN en bloquant la division
cellulaire. C’est le “gardien du génôme”, dont
le rôle, en bloquant la division cellulaire, est
de perme ttre d’ attendre que d’é ventuelles
altérations du génôme puissent être réparées,
en évitant ainsi la multiplication clonale de la
cellule mutée.
La protéine mutante perd sa capacité d’inhiber
la division cellulaire
La pr oté in e m uta nte a un e de m i- vie
augmentée en rapport avec un changement de
conformation, passant de 15 minutes à 4 voire
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12 heures. L’augmentation de la demi-vie se
tra duit par une accumulation intra-nucléaire
de la protéine.
2- L’analyse immunohistochimique avec des
anticorps monoclonaux anti-p53. La mise en
évide nce de la muta tion e st indire cte , se
traduisant par une accumulation de la protéine
dans les noyaux des cellules mutées.
p53 ET CARCINOGENESE HUMAINE
3- L’analyse sérologique (1), qui repose sur
la mise en évidence dans le sérum des patients
d’auto-anticorps a nti-p53. C’est également
une technique indirecte, qui repose sur le fait
que la protéine norma le est intra-nucléaire,
non reconnue par le systè me immunitaire.
Lor sque muté e elle s’a cc umu le da ns le s
cellules, elle se trouve au contact du système
immunitaire, soit par nécrose tumorale, soit
par translocation à la surface des cellules. ce
contac t se traduit par la formation d’autoanticorps qui peuvent être mis en évidence en
routine par technique Elisa.
Le gène p53 est altéré dans tous les types de
cancers humains étudiés à ce jour.
Le type de mutation est variable d’un cancer à
l’a utre, mais leur fré quenc e tous c anc ers
confondus est élevée, entre 40 et 45% de tous
les cancers.
La majorité des mutations est regroupée dans
4 ré gio ns du gè ne , c or re sp onda n t à 4
domaines de la protéine hautement conservés
au cours de l’évalution.
3 mécanismes de mutation sont possibles
• Des m uta tio ns dite s na tu re lles , ou
spontanées
II- MUTATIONS p53 DANS LES
TUMEURS DE VESSIE
• Des mutations induites par des carcinogènes
physiques ou chimiques
- L a pe rt e d’hé té ro zy got ie du 17p e st
constatée dans environ 60% des tumeurs de
vessie étudiées (6). Sur de courtes séries, il
se mble que le s mutations p53 soient plus
fréquentes dans les tumeurs infiltrantes (2), et
plus fréquente dans les tumeurs de haut grade
(3), mais la fréquence des mutations du gène
p53 e n cas d’envahissement ganglionna ire
reste discutée (2-6).
• Des m utations hé ré dita ire s, a lté ra tions
ge rmina les du gène p53, syndrome de L iFraume ni, où l’allè le muté se transmet de
façon mendelienne. Les sujets hétérozygotes
ont une copie du gène muté dans chacune de
le ur s c e llules so uc he s, et ont une for te
proba bilité de déve lopper un c ancer (50%
avant 30 ans, 90% avant 70 ans), dans le tissu
tumoral, la copie du gè ne normal ayant é té
délétée.
- L’é tude immunohist oc himique de s
mutations p53 peut avoir des implications
cliniques.
METHODES D’ETUDE DES
MUTATIONS DE LA p53
Environ 50% des tumeurs de vessie ont une
positivité en immunohistochimie (8). Pour le
tumeurs pT1, cette positivité pourrait être un
facteur pronostic de progression indépendant
du grade, avec 20,5% de progression par an si
plus de 20% des cellules sont positives, contre
2,5% de progression par an si moins de 20%
des c ellules sont positives (5). En c as de
ca r cin ome in situ, la positivité en
immunohistochimie est constatée dans 48%
Il existe 3 méthodes d’approche des mutations
de la p53
1- L’amplification et le sequençage du gène,
qui est une technique lourde. Une approche
indirecte peut être utilisé e pa r la mise en
évidence de la perte d’hétérozygotie du bras
court du chromosome 17.
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Tableau 1
SEROLOGIE p53 CHEZ PATIENTS AYANT UNE
TUMEUR DE VIESSIE
23%
n
29
11
13
%
30
11
13
pT3a
pT3b
pT4
11
25
9
11
26
9
Total
98
100
Pa rmis c es pa tients, 6 ont des mé ta stase s
ganglionnaires connues (5N1 et 1 N2), 33
n’ont pas de métastase ganglionnaire, et pour
30 p atie nts, l’ é ta t de s ga ng lio ns e st
indéterminé (pas de curage ganglionnaire).
Positive
77%
pT
pTA
pT1
pT2
Négative
des cas (4). Dans cette étude de 33 cas et avec
un recul médian de 124 mois, l’importance du
marquage, exprimé par un marquage de plus
d e 20 % des c e llule s est a ussi un fa c te ur
ind ép end an t de prog re ssion tum ora l, lié
également au risque de décès par tumeur.
Dans 21% des cas, la tumeur est de grade I,
dans 34% de grade II, et dans 45% de grade III.
RÉSULTATS
La sérologie p53 est positive dans 23% des
cas, et l’immunohistochimie dans 64% des cas.
- L’approche sérologique des mutations p53
dans les tumeurs de ve ssie a été étudiée
grâce à la collaboration de Thierry Soussi
e t du sous-comité des tumeurs de vessie
infiltrantes du CCAFU.
Matériel et méthode: Il sagit d’une é tude
prospective de 98 patients, 77 hommes et 21
femmes de 67 ans d’âge moyen (de 38 à 93
ans), ayant une tumeur de vessie. La sérologie
p53 a été déterminée au moment du traitement
de la tumeur, et pour 53 de ces patients, une
étude immunohistochimique de la tumeur a pu
ê tre a ssocié e (Dr. A. Bénali). L es données
c liniqu es de tous c e s pa tien ts ont é té
ra ssemblée s, et tous le s patie nts a yant une
tu me ur bé nigne o u ma ligne d ’un e a utr e
lo ca lisa tio n, da ns le urs an té c é de nts ou
découverte au cours du suivi, ont été éliminés.
Le recul clinique moyen est de 7 mois (de 1 à
13 mois).
La positivité de l’immunohistochimie a été
ap pré c ié e en 4 c até gor ie e n f onc tion du
nombre de cellules marquées, et de l’intensité
du marquage:
Catég orie 1 (++) à (++++), et >50% de s
cellules: 15% des patients
Catégorie 2 (+) à (+++), et de 10 à 50% des
cellules: 21% des patients
Ca tégorie 3 (+) à (++), et de 1 à 10% de s
cellules: 35% des patients
Catégorie 4 (+) à (++), et cellules isolées: 0%
des patients
La c atégor ie 5 corr espond à l’a bsenc e de
marquage: 29% des patients.
Pour les analyses statistiques, les catégories 1
et 2 o nt été reg roup ée s en positif, e t le s
catégories 3, 4 et 5 en négatif.
La répartition en fonction du stade tumoral est
indiquée dans le tableau 1
La répartition en fonction du stade tumoral est
représentée dans le tableau 2
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Il existe une relation significative (Chi-2) entre
le stade tumoral et la positivité de la sérologie
p53 ( p = 0 ,03) , e t le sta de tu mora l et la
positivité de l’immunohistochimie (p = 0,0001).
Tableau 2 :
Sérologie p53
positive (%)
Immunohistochimie p53
positive (%)
pTA
28%
17%
pT1
27%
57%
pT2
23%
100%
pT3a
0%
20%
pT3b
16%
29%
pT4
56%
33%
La sérologie n’est pas liée au grade (p = 0,99),
ni à l’envahissement ganglionnaire (p = 0,41).
L’immunohistochimie est liée au grade (p =
0,001), mais n’est pas liée à l’envahissement
ganglionnaire (p = 0,42).
Il n’y a pas de relation significative entre la
positivité de la sé ro logie et c elle de
l’immunohistochimie (p = 1). Cette absence
de relation peut être en rapport avec des types
de mutations p53 différentes.
REPARTITION DES PATIENTS EN FONCTION DU
STADE TUMORAL
Avec un recul de 7 mois, 32% des patients ont
récidivé, et 13% sont morts. Dans cette étude,
le risque de récidive ou de décès n’est lié, ni à
la sérologie, ni à l’immunohistochimie.
CONCLUSION
D’ a prè s le s do nné s de c ette é tu de
préliminaire, la positivité de la sérologie p53
ne concerne environ que 20% des patients
ayant une tumeur de vessie. Il semble que la
sé rolo gie p53 ne so it pa s u n é lém e nt
pronostic. La seule utilité clinique potentielle
de la sérologie p53 dans les tumeurs de vessie
ne pourra donc être qu’un potentiel marqueur
tumoral évolutif, ce qui devra être montré par
un un suivi sérologique des patients.
SEROLOGIE ET IMMUNOHISTOCHIMIE P53
Ont participé à cette étude, les centres de :
• BICETRE: G. BENOIT
• CMC CHOISY: D. PRAPOTNICH
• GRENOBLE: JJ. RAMBEAU
• LYON: JM. MARECHAL
• NIMES: N. MOTTET
• PONTOISE: P. COLOBY
• SAINT-LOUIS:
F. DESGRANDCHAMPS, P. TEILLAC
• TOULOUSE: P. PLANTE
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