Dossier D ossier Exploration préopératoire de l’endométriose pelvienne : place de l’IRM MR imaging for the assessment of deep pelvic endometriosis M. Bazot*, C. Lafont*, M. Ballester**, E. Daraï** L’ endométriose est définie par la présence de tissu endométrial ectopique en dehors de la cavité endométriale (1). Trois types d’endométriose sont individualisés : l’endométriose péritonéale superficielle, les kystes endométriosiques et l’endométriose sous-péritonéale profonde (2). Le diagnostic définitif d’endométriose et une évaluation de l’extension lésionnelle sont classiquement effectués par cœlioscopie avec, au mieux, une analyse histologique des zones pathologiques. La cœlioscopie permet la résection chirurgicale des lésions endométriosiques observées. Cependant, cette technique nécessite une anesthésie générale et peut ignorer certaines lésions endométriosiques, en particulier infiltratives profondes, des lésions masquées par des adhérences ou des implants endométriosiques intra-ovariens. De plus, la cœlioscopie ne peut être répétée de façon itérative du fait du caractère chronique et récidivant de cette affection. L’endométriose pelvienne est responsable de douleurs pelviennes et/ou d’infertilité, posant donc le problème de sa prise en charge chirurgicale éventuelle (3). Un bilan diagnostique et une cartographie lésionnelle exhaustive est donc nécessaire pour juger des indications thérapeutiques. Les méthodes d’imagerie représentent une étape diagnostique fondamentale et doivent précéder la cœlioscopie pour le diagnostic des localisations ovariennes et profondes. Le diagnostic et le traitement des localisations endométriosiques péritonéales superficielles restent cependant l’apanage de la cœlioscopie. Si l’échographie endovaginale est la technique de première intention pour le diagnostic des localisations endométriosiques ovariennes et profondes, le recours à l’IRM apparaît indispensable si une décision chirurgicale est envisagée. En revanche, il n’existe à ce jour aucune recommandation pour l’utilisation du scanner en préopératoire immédiat d’une endométriose pelvienne. Afin de reconnaître ces diverses anomalies, un protocole d’examen IRM rigoureux doit être réalisé, permettant secondairement une analyse exhaustive des diverses locations endométriosiques. Chez une patiente à jeun, ayant eu une préparation digestive (antispasmodiques intestinaux), on réalisera de façon systématique des séquences sagittale, axiale, axiales obliques éventuelles au col ou corps utérin en pondération T2 et T1 avant et après suppression de graisse. L’utilisation du gadolinium apparaît aujourd’hui optionnelle. L’aspect des lésions endométriosiques dépend principalement * Service de radiologie, hôpital Tenon. ** Service de gynécologie obstétrique, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris. 20 de leur localisation. L’implantation de tissu endométrial ectopique fonctionnel au sein des ovaires génère la création de kystes hémorragiques de taille variée allant de quelques millimètres à quelques centimètres. Ces lésions présentent typiquement un hypersignal T1 supérieur ou égal à la graisse sous-cutanée qui persiste sur les séquences T1 avec suppression de graisse (figure 1) [4]. En pondération T2, un affaissement du signal (shading) est observé dans deux tiers des cas environ, associé ou non à des zones d’hypersignal intrakystiques (figure 2) [4]. La plupart des auteurs donnent une précision diagnostique de l’IRM supérieure à 90 % (4-6). Lorsque les lésions endométriosiques se localisent dans des tissus musculaires lisses (ligaments utérosacrés, vagin, tube digestif ou vessie), la lésion élémentaire est constituée de façon prédominante par de la fibrose et une hyperplasie musculaire (1, 7). Ces lésions profondes présentent donc un isoou hyposignal en séquences pondérées T1, et surtout T2. De petits spots hyperintenses en T1 avec ou sans suppression de graisse, traduisant des implants hémorragiques et des spots hyperintenses en pondération T2 ainsi que des implants kystisés, peuvent être visualisés au sein de ces lésions endométriosiques. En fonction du type de structures anatomiques intéressées, cette infiltration endométriosique prend un aspect linéaire, nodulaire ou de masse à contours plus ou moins irréguliers, avec une taille variable d’autant plus importante que le processus endométriosique intéresse un nombre important de structures anatomiques. L’atteinte du torus uterinus ou des ligaments utérosacrés (LUS) représente la localisation la plus fréquente de l’endométriose pelvienne profonde (5, 8, 9). Cette infiltration des LUS est uniou bilatérale avec un épaississement irrégulier ou un nodule plus ou moins spiculé. Kinkel et al. ont suggéré qu’un épaississement > 9 mm du ligament utéro-sacré était très évocateur du diagnostic (10). Cette mesure n’est pas toujours facile Figure 1. Coupe IRM axiale pondérée à effectuer, la zone T1 montrant des lésions ovariennes bilatérales, en hypersignal, multiples d’insertion du ligaà droite en rapport avec des ment n’étant pas touendométriomes. jours visible, surtout La Lettre du Gynécologue - n° 331 - avril 2008 Dossier D ossier Tableau. Classification chirurgicale modifiée des lésions d’endométriose sous-péritonéale profonde d’après Chapron et al. (8). Classification A : EPP antérieure A1 : vessie P : EPP postérieure P1 : ligaments utérosacrés P2 : vagin P3 : intestin P3a : localisation digestive unique – sans infiltration vaginale – avec infiltration vaginale P3b : localisations digestives multiples Technique opératoire Cystectomie partielle percœlioscopique Résection percœlioscopique du ou des US Résection cœlio-assistée des lésions d’EPP infiltrant le tiers supérieur de la face postérieure du vagin Résection percœlioscopique ou exérèse par laparotomie Résection cœlio-assistée ou exérèse par laparotomie Résection par laparotomie Figure 3. Coupe IRM axiale pondérée T2 montrant des lésions ovariennes bilatérales en hypersignal et surtout une image arciforme rétrocervicale en hyposignal typique d’atteinte du torus uterinus étendue aux deux ligaments utérosacrés. Noter la présence d’une zone adhérentielle avec la face antérieure du rectosigmoïde. Figure 2. Coupe IRM sagittale pondérée T2 montrant un kyste ovarien en hyposignal relatif homogène (shading) en rapport avec un endométriome. Noter la présence de tissu ovarien résiduel périphérique postérosupérieur contenant des follicules. avec des utérus rétroversés et/ou rétrofléchis. En pratique, un épaississement irrégulier ou nodulaire, surtout lorsqu’il est asymétrique, est hautement évocateur du diagnostic d’endométriose des LUS. Lorsqu’il existe une atteinte concomitante du torus, la lésion endométriosique prend un aspect arciforme tout à fait caractéristique sur les coupes axiales en pondération T2 (figure 3). L’atteinte endométriosique du vagin est plus rare (11 %-17 %) (5, 8). Elle entraîne une oblitération de tout ou partie du culde-sac vaginal postérieur par une lésion en hyposignal T1 et surtout T2. La sensibilité de l’IRM (80 %) peut être améliorée par l’utilisation conjointe de gel échographique intravaginal (11). La Lettre du Gynécologue - n° 331 - avril 2008 L’endométriose de l’espace rectovaginal, longtemps employée à tort comme synonyme d’une atteinte endométriosique profonde, est toujours associée à d’autres localisations postérieures (vagin, LUS ou rectum). Son évaluation est difficile par les techniques échographiques et donc mieux réalisée par l’IRM qui offre une précision diagnostique de 96,9 % (5). L’endométriose digestive représente la forme la plus sévère d’atteinte endométriosique profonde. La fréquence de ces atteintes est variable selon les séries allant de 6 à 30 % (12). Le site le plus communément atteint (75 %-90 %) est invariablement représenté par la charnière recto-sigmoïdienne résultant d’une atteinte par contiguïté du torus uterinus et des ligaments utérosacrés ; l’atteinte du bas rectum ou du sigmoïde est beaucoup plus rare (13). La fréquence d’atteintes plurifocales a été soulignée par Chapron et al. (tableau) [8]. L’envahissement de la musculeuse signant l’atteinte digestive se traduit par une disparition de la musculeuse normale hypo-intense (figure 4) [5]. La lésion digestive apparaît comme une masse en hyposignal de taille variable accolant la face postérieure de l’utérus avec la face antérieure du rectum (5). Cette extension pariétale présente un raccordement à angles obtus avec la paroi rectale, donnant un aspect triangulaire sur les coupes axiales, relativement caractéristique en pondération T2 (5). En cas de doute diagnostique, l’injection de gadolinium peut aider pour confirmer l’atteinte pariétale rectale (10). En cas de doute diagnostique persistant, l’adjonction en fin d’examen d’un lavement au sérum physiologique avec réalisation de séquences rapides pondérées T2 permet de confirmer ou d’éliminer une atteinte rectosigmoïdienne. Ce type de séquences est particulièrement utile pour la recherche de localisations sigmoïdiennes isolées sous-associées à d’autres localisations digestives. Un ☛ 21 Dossier D ossier ☛ Figure 4. Coupe IRM sagittale pondérée T2 montrant un aspect typique d’atteinte digestive localisée sur la charnière rectosigmoïdienne avec épaississement circonscrit de la paroi digestive et atteinte surajoutée du torus uterinus. Figure 5. Coupe IRM sagittale pondérée T2 montrant un aspect typique d’atteinte de la paroi postérosupérieure de vessie avec comblement du cul-de-sac vésico-utérin et adénomyose utérine extensive surajoutée. article récent souligne l’intérêt du scanner multidétecteur avec entéroclyse comme une technique alterne pour le diagnostic de ces lésions digestives (14). L’atteinte de la paroi vésicale est rare, représentant 2 % à 6,4 % des cas d’endométriose pelvienne (5, 8). Elle siège habituellement en regard du cul-de-sac vésico-utérin avec envahissement du dôme vésical par contiguïté. La taille de la lésion est habituellement comprise entre 2 et 3 cm (76 %) [15]. Cette lésion oblongue, avec des angles de raccordement obtus avec la vessie, présente un iso- ou hyposignal en séquences pondérées T1, et surtout T2 (figure 5). De multiples spots hyperintenses intralésionnels en pondération T2 sont plus fréquemment visibles que dans les atteintes postérieures. Ces anomalies de signal sont similaires à celles observées dans l’adénomyose utérine, souvent associée dans le myomètre antérieur en regard de la lésion endométriosique vésicale (16). 3. Eskenazi B, Warner ML. Epidemiology of endometriosis. Obstet Gynecol Clin Conclusion L’IRM est une méthode non invasive reproductible ayant un rôle fondamental pour le diagnostic et l’évaluation de la sévérité des lésions. Chez une patiente symptomatique, elle participe de façon importante à la détermination de la stratégie chirurgicale en fonction de la cartographie lésionnelle IRM proposée. n Références bibliographiques 1. Clement MD. Diseases of the peritoneum (including endometriosis). 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