L Traitement moderne de la cardiomyopathie hypertrophique

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Traitement moderne de la cardiomyopathie
hypertrophique
Update on the treatment of hypertrophic cardiomyopathy
● Ph. Charron*
Points forts
La cardiomyopathie hypertrophique (CMH) est caractérisée par une grande hétérogénéité d’expression (âge de
début, sévérité), avec un risque de mort subite d’environ
1 % par an qui justifie une prise en charge individualisée
et régulièrement réévaluée.
■ Le sport de compétition est proscrit dans tous les cas.
Une pro p hylaxie anti-oslérienne est recommandée dans
les formes obstructives.
■ Chez le patient à haut risque de mort subite, l’implantation d’un défibrillateur automatique doit être proposée,
la difficulté consistant à cerner les indications en prévention pri m a i re (à considérer à partir de deux fa c t e u rs de
risque majeurs).
■ Chez le patient très symptomatique résistant au traitement
médicamenteux (bêtabloquants, v é rapamil, disopyramide)
et porteur d’une obstruction intraventriculaire, la ch i ru rgi e
de myo t o m i e - myectomie est la strat é gie de référe n c e.
■ Deux stratégies alternatives ont été récemment proposées : la stimulation cardiaque DDD (associée à une amél i o ration signifi c at ive des symptômes) et la réduction septale par injection intracoronaire d’alcool (associée, en
o u t re, à une amélioration objective portant sur la durée
d’effort ou la VO2max).
■ Chez le patient asymptomatique et sans facteur de risque
de mort subite, aucun traitement médicamenteux n’est fo rmellement recommandé.
Mots-clés : Cardiomyo p athie hy p e rtrophique - Mort
subite - Traitement.
Key words: Hypertrophic cardiomyo p at hy - Sudden death Treatment.
■
* Département de cardiologie, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris.
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a card i o myo p athie hy p e rt rophique (CMH), ou myocardiopathie hypertrophique, est caractérisée par une
hypertrophie du ventricule gauche, typiquement asymétrique, prédominant sur le septum interventriculaire (1, 2), et
une obstruction intraventriculaire gauche est associée dans environ 25 % des cas. La prévalence de la maladie a été étudiée prospectivement et évaluée à 1/500 dans la population générale. La
CMH se transmet génétiquement selon un mode autosomique
dominant. Des mutations ont été identifiées dans une dizaine de
gènes codant des protéines du sarc o m è re (3). L’ hy p e rtrophie
apparaît typiquement chez l’adolescent ou le jeune adulte, puis
viennent les symptômes (dy s p n é e, syncope, palpitations, douleurs thoraciques), avec quelques années de décalage. Il existe en
fait une grande hétérogénéité dans l’ex p ression de la maladie,
avec un âge de début va ri abl e,des symptômes plus ou moins invalidants, c e rtains patients pouvant rester asymptomatiques ou
pauci-symptomatiques toute leur vie (1). De même, le risque de
complications est éminemment différent d’un patient à l’autre.
Globalement, la mortalité card i ova s c u l a i rea été révisée à la baisse
ces dernières années : 1 à 2 % par an (1, 2, 4, 5).
L
FRÉQUENCE DES COMPLICATIONS
ET FACTEURS DE RISQUE
La mort subite demeure la complication redoutée de la maladie
(env i ron 1 % par an), du fait de sa gravité et de son caractère
imprévisible ; elle peut en constituer la première manifestation
(42 % des cas) (6, 7). Elle est habituellement en relation avec une
t a chya rythmie ve n t riculaire, le stimulus initial pouvant être
va ri abl e. Elle frappe souvent le sujet jeune (50 % entre 10 et
25 ans) (6), et survient volontiers au cours ou au décours immédiat d’un effort physique important (40 % des cas) (6), même si
elle peut aussi survenir en dehors de ce contexte. Ainsi, la maladie constitue aux États-Unis la première cause de décès chez le
sportif de moins de 35 ans. La stratification du risque doit faire
l’objet d’un bilan minutieux et s’appuie sur l’interrogatoire, ainsi
que sur des examens non invasifs. Les principaux fa c t e u rs de
risque reconnus figurent dans le tableau I (1-4, 8, 9). D’autres
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Tableau I. Les principaux facteurs de risque de mort subite.
Prévention secondaire
✓ Arrêt cardiaque récupéré
✓ Tachycardie ventriculaire soutenue
Prévention primaire (quatre facteurs majeurs)
✓ Histoire familiale de mort subite prématurée ( 2 cas)
✓ Syncopes répétées (surtout chez l’enfant, à l’effort,
ou inexpliquées)
✓ Réponse anormale de la PA à l’effort (Δ PAS < 20-25 mmHg,
surtout avant 50 ans)
✓ Tachycardie ventriculaire non soutenue (surtout si répétée
ou prolongée)
Prévention primaire (deux autres facteurs importants)
✓ Mutation maligne (celles du gène Troponine T, R403Q
du gène MYH7...)
✓ Hypertrophie importante (paroi 30 mm)
facteurs ont été suggérés, mais sont controversés et/ou reposent
sur des études de petite taille (réserve coronaire abaissée, ischémie myo c a rd i q u e,pont myo c a rd i q u e, gradient intrave n t ri c u l a i re,
a rythmie ve n t ri c u l a i re induite par la SVP, ECG endocav i t a i re
fragmenté…) (1-3, 10). Un seul des facteurs de risque majeurs
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n’a que peu de valeur prédictive positive, et c’est l’association de
plusieurs d’entre eux qui doit être considérée. Ainsi, le suivi de
630 patients a permis d’observer que la présence de 0, 1, 2 ou
3 fa c t e u rs parmi les 4 principaux était associée à une survie à
5 ans de 97 %, 93 %, 87 % et 75 % respectivement (8).
Le décès par insuffisance cardiaque est presque aussi fréquent
(0,5 % à 1 % par an) et habituellement en relation avec une dysfonction systolique (10 % à 10 ans) (1-3). Il survient plus volontiers après l’âge de 35 ans (7), chez un patient avec gradient intraventriculaire (11) et en fibrillation auriculaire (12).
L’accident vasculaire cérébral complique la maladie, avec une
incidence de 0,8 % par an (13). Il est lié à l’âge (après 50 ans), à
la présence d’une fibrillation auriculaire (elle-même ayant une
incidence de 2 % par an) (12), et à une insuffisance cardiaque.
Une greffe infectieuse avec endocardite est rare. L’incidence est
évaluée à 1,4 pour 100 000 patients par an et le risque apparaît
comme étant confiné aux formes obstructives de la maladie (14).
STRATÉGIE GÉNÉRALE DE TRAITEMENT
Du fait de l’hétérogénéité des symptômes et du risque évolutif,
le traitement des patients atteints de CMH doit absolument être
individualisé et régulièrement réévalué. Trois éléments sont à
considérer : la présence ou non de symptômes, d’un gradient intraventriculaire gauche, de facteurs de risque de mort subite. Différentes situations schématiques en découlent et vont être revues
(figure 1).
Figure 1.
Schématisation
de la stratégie thérapeutique
de la CMH.
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Le traitement de la CMH reste encore largement empirique du
fait de l’absence d’études contrôlées et randomisées visant à évaluer les différentes options thérapeutiques (1, 15). Les données
disponibles ainsi que l’expérience de divers experts ont cependant permis de proposer récemment diverses recommandations
en la matière (4, 16).
Dans tous les cas, le sport de compétition est proscrit (17). L’activité sport ive intensive de loisir est découragée (4), mais cela
peut être modulé selon le type d’activité et le niveau de risque
individuel.
Le risque d’endocardite bactérienne justifie les mesures de p rophylaxie anti-oslérienne dans les formes obstructives (4, 18).
Concernant le patient asymptomatique et ne présentant pas
de facteur de risque de mort subite, une surveillance régulière
se révèle suffisante dans la plupart des cas, sans traitement médicamenteux. En effe t , les traitements médicamenteux n’ont pas
montré d’action sur la prévention des symptômes ni sur le pronostic des patients. De plus, une part notable de ces patients a une
espérance de vie normale. Quelques situations particulières peuvent amener à déroger à cette recommandation selon cert a i n s
auteurs, en cas de gradient de pression majeur ou d’hypertrophie
ventriculaire massive ( 35 mm) (15).
TRAITEMENT MÉDICAL DES SYMPTÔMES
La présence de symptômes conduit à la prescription d’un traitement médicamenteux, qui est efficace dans la grande majorité
des cas.
Les b ê t abloquants sont pre s c rits en pre m i è re intention chez les
patients symptomatiques. Ils sont efficaces sur les principaux
symptômes de la maladie, qu’un gradient de pression soit présent ou non, avec une réponse obtenue dans plus de la moitié
des cas (1, 2, 4). Le médicament habituellement utilisé est le
propranolol, à des doses augmentées progressivement jusqu’à
160 à 320 mg par jour. L’action des bêtabloquants semble liée
à la bradycardie (amélioration du temps de remplissage) ainsi
qu’à l’effet inotrope négatif (attesté par la diminution du gradient de pression), sans qu’une action directe sur la fonction
diastolique ait pu être retrouvée.
Au sein des inhibiteurs calciques, le vérapamil s’est révélé efficace dans le traitement des symptômes de la maladie (dans 60 %
des cas environ), notamment en cas d’angor ou en cas d’échec
des bêtabloquants (1, 2, 4). La dose recommandée est de 240 à
360 mg par jour. L’action du médicament est liée à ses effets
inotropes et chronotropes négatifs, ainsi qu’à une action spécifique sur la fonction diastolique (amélioration de la relaxation
et du remplissage). Des effets indésirables ont cependant été
notés (œdème pulmonaire, hypotension, bloc auriculoventriculaire, dysfonction sinusale), en cas de pression capillaire élevée
combinée à un gradient de pression au repos. L’administration
doit être très prudente dans cette situation.
Le disopyramide peut être proposé dans la CMH obstructive
(600 à 800 mg par jour), car il présente, outre son activité antiarythmique, un effet inotrope négatif qui réduit le gradient de
p ression et améliore les symptômes de la maladie (19). Récem36
ment, la cibenzoline a également été proposée en raison de
son efficacité pour la réduction du gradient de pression intraventriculaire.
Chez le patient résistant à une première classe médicamenteuse,
et lorsqu’il existe un gra d i e n t , le disopy ramide peut utilement être
associé au bêtabloquant. En revanche, il n’y a pas de données en
faveur d’une association vérapamil-bêtabloquant.
TRAITEMENT DES SYMPTÔMES SÉVÈRES
DE LA CMH OBSTRUCTIVE
La persistance de symptômes sévères malgré un traitement médicamenteux bien conduit, et en présence d’une obstruction signifi c at ive (gradient maximal > 50 mmHg), conduit à envisager
d’autres stratégies thérapeutiques (ce qui concerne environ 5 %
des patients). L’intervention chirurgicale constitue l’option classique, alors que deux stratégies alternatives ont été récemment
proposées (les indications sont ici un peu plus larges, concernant
des patients avec gradient maximal > 30 mmHg au repos et aussi,
pour certains auteurs, les patients avec gradient absent au repos
mais apparaissant après provocation).
Traitement chirurgical. La chirurgie de la CMH est proposée
depuis 1958. L’intervention habituelle est la myotomie-myectomie de Morrow, qui consiste en une résection d’une partie du
septum basal au travers d’une aortotomie (proposée habituellement lorsque l’épaisseur septale dépasse 18 mm) (1, 2, 4). La
simple myotomie (pro c é d u re de Bige l ow) avec incision du
bourrelet septal sans résection est rarement effectuée. Un remplacement va l v u l a i remitral prothétique est parfois proposé, soit
comme geste associé, soit comme alternative à la myotomiemyectomie en cas d’hy p e rt rophie peu marquée et de fuite
mitrale importante sur malformation de l’appareil valvulaire.
E n fi n , la myectomie est parfois combinée à un geste sur la
grande valve mitrale (plicature ou extension), avec un meilleur
r é s u l t at postopérat o i re. La mortalité péri o p é rat o i re est hab ituellement de 5 à 8 % (1, 2, 20), et tombe à moins de 3 % dans
les centres les plus spécialisés (1, 15). La chirurgie abolit ou
diminue significativement le gradient de pression dans plus de
90 % des cas, et l’amélioration persistante des symptômes à
cinq ans est notée dans 70 % des cas (20). Les effets de la chirurgie sur la prévention de la mort subite sont mal connus, et
l’intervention ne doit pas être pratiquée dans cette indication.
Les mécanismes de l’amélioration clinique impliquent la diminution marquée du gradient de pression, ainsi qu’une diminution de la pression télédiastolique du ventricule gauche, avec
des conséquences favorables sur le remplissage ventriculaire et
l’ischémie myocardique.
Stimu l ation cardiaque double ch a m b re. Les pre m i è res éval u ations de cette technique (stimu l ateur en mode DDD), dès 1992,
ont montré une diminution importante du gradient intraventriculaire, ainsi qu’une nette amélioration des symptômes et de la qualité de vie (21). La procédure nécessite une optimisation du délai
auriculoventriculaire pour permettre à la fois une capture ventric u l a i recomplète (délai AV programmé habituellement entre 40 et
90 ms) et un temps de remplissage suffisant (obtenu par ralenLa Lettre du Cardiologue - n° 375 - mai 2004
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tissement de la conduction nodale, p h a rm a c o l ogiquement ou parfois par abl ation du faisceau de His). Les études randomisées ultérieures (en cross-over) ont tempéré l’enthousiasme initial. Elles
ne montraient souvent pas d’amélioration objective de la capacité d’effort et suggéraient que l’amélioration clinique était liée
en bonne partie à un effet placebo (22-24). Malgré une efficacité
clinique souvent nette, la place exacte du stimu l ateur doubl e
chambre ainsi que les sous-groupes qui en bénéficient le plus restent à préciser (la stimulation dans la CMH est une indication de
classe IIB pour les sociétés savantes américaines).
Réduction septale non ch i ru rgicale. La réduction non ch iru rgicale du septum par injection d’alcool dans la première
a rt è re coro n a i re septale est la plus récente (1995) et sans doute
la plus fructueuse des altern atives à la ch i ru rgie de myectomie
(25). La sélection de l’art è re cible bénéficie de l’échographie
de contraste (26). L’injection d’éthanol 95 % crée un miniinfarctus (élévation des CPK entre 400 et 1 000 U/l) au nive a u
du septum basal en rega rd de la zone d’obstruction et conduit
à un re m o d e l age de la ch a m b re de ch a s s e, qui s’élargit en même
temps que le septum s’amincit. De nombreuses petites études
de suivi de cohortes (effectif entre 40 et 100 patients) montrent
que la pro c é d u re aboutit à une diminution importante du gradient intrave n t ri c u l a i re(figure 2), à une amélioration des symptômes (stade NYHA), mais aussi à une amélioration de la
VO2max ou de la durée d’effo rt (26-28). Une amélioration de
la fonction diastolique a également été rap p o rt é e. L’efficacité
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se maintient à distance. Ainsi, après trois ans de suivi chez
64 patients, le gradient au repos est de 16 mmHg (contre
64 mmHg en prépro c é d u re), et la VO2max est de 30 ml/kg/mn
(contre 16 en prépro c é d u re) (28). Le principal effet secondaire
de la pro c é d u re est l’ap p a rition d’un bloc auri c u l oventri c u l a i re
complet, très fréquent à la phase aiguë (env i ron 50 % des cas),
mais habituellement régressif en quelques heures ou jours.
L’ i m p l a n t ation d’un pacemaker définitif se révèle nécessaire
dans 15 à 25 % des cas (25-28). La deuxième complication est
la surve nue possible d’une arythmie ve n t ri c u l a i re à la phase
aiguë de la procédure, j u s t i fiant une surveillance monitorée
pro l o n g é e. La mortalité hospitalière apparaît comme fa i bl e, de
1 à 3 % (1,7 % dans une série allemande de 404 patients) (25),
en rapport avec des complications rythmiques ou thromboemboliques et favo risée par la comorbidité importante des patients
inclus initialement. Ainsi, cette technique nouvelle apparaît
aussi efficace que la ch i ru rgie, tout en s’accompagnant d’une
moindre morbimortalité. Le bénéfice exact de la technique
devra cependant être précisé par des études portant sur des
e ffectifs plus importants et avec un suivi plus long.
PRÉVENTION DE LA MORT SUBITE
Outre les re s t rictions concernant l’activité sport ive, rappelées
plus haut, la prévention de la mort subite a consisté pendant long-
Figure 2. Alcoolisation coronaire septale.
Une patiente de 74 ans était adressée pour dyspnée d’effort de stade IV NYHA et malaises lipothymiques d’effort. L’hypertrophie septale basale était de 24 mm
et le gradient de 95 mmHg en échographie doppler. Une injection d’éthanol a été réalisée dans la première artère septale après test d’occlusion du ballonnet
et injection de produit de contraste intracoronaire pour vérifier le territoire de l’artère cible. Le gradient de pression pic à pic est immédiatement passé de
81 mmHg à 19 mmHg (hôpital de la Pitié-Salpêtrière).
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temps à pre s c ri re de l’amiodarone. Les autres classes médicamenteuses comme les bêtabloquants ou les antiarythmiques de
classe I n’avaient pas fait la pre u ve de leur intérêt. L’ e fficacité de
l’amiodarone elle-même (dose d’entretien recommandée : 100 à
300 mg/jour) demeure controversée. Le suivi rétrospectif de
cohortes a suggéré une réduction de la mort subite dans cert a i n e s
études, mais pas dans d’autre s (1, 2, 4, 29). Les données sont en
fait limitées par les fa i bles effe c t i f s , et surtout par le caractère
r é t rospectif et non randomisé des études, source de nombre u x
biais potentiels.
Chez le patient à haut risque de mort subite, la prise en ch a rge
fait désormais appel au défibri l l ateur automatique implantable. La principale étude est rétro s p e c t ive et concerne
128 patients âgés de 40 ans en moyenne suivis pendant
t ro i s ans ( 3 0 ) . En pré vention secondaire (après arrêt cardiaque
récupéré ou tachy c a rdie ve n t ri c u l a i resoutenu e, n = 43 patients),
le taux de choc ap p ro p rié était de 11 % par an. En préve n t i o n
p rim a i re (devant des fa c t e u rs de risque, n = 85 p at i e n t s ) , le
taux était de 5 % par an. Il n’y a eu aucun événement clinique
grave qui n’ait été associé à un choc appro p rié et à une arythmie ventriculaire documentée. Cela confirme que le mécanisme prédominant de mort subite dans la CMH est bien rythmique et ve n t ri c u l a i re.
Toute la discussion en situation de prévention pri m a i re est de
p a rvenir à définir le groupe de patients à haut risque de mort
subite qui doit bénéficier du défi b ri l l at e u r. La Société européenne de card i o l ogie a récemment proposé l’implantation à
p a rtir de la présence de deux fa c t e u rs de risque (indication de
type IIA) (16). D ’ a u t res auteurs américains la discutent à partir d’un seul facteur de risque, dans un souci de protection maximale qui peut appara î t re disproportionné eu éga rd au risque
fa i ble de ces patients, et peu compat i ble avec les impérat i f s
économiques de la plupart des pays européens. Pour les patients
qui ne présentent qu’un seul facteur de risque majeur, la pre sc ription d’amiodarone représente une altern at ive raisonnabl e
(indication IIB) (16).
AUTRES SITUATIONS
Au stade le plus précoce de la maladie, chez le porteur de mutation qui n’a pas encore développé l’hypertrophie, aucune mesure
thérapeutique immédiate ne semble justifiée. Des restrictions des
pratiques sportives peuvent cependant se discuter dès ce stade en
fonction du profil pronostique de la famille et de la nature de la
mutation. Dans tous les cas, une surveillance cardiologique régulière (ECG et échographie) est initiée pour dépister précocement
l’hypertrophie, approfondir alors le bilan pronostique et discuter
la mise en route d’un traitement (31). Chez l’adolescent, la présence de la mu t ation pourra aussi influencer l’ori e n t ation professionnelle, lorsqu’une carrière sportive ou assimilée était envisagée.
La fi b ri l l ation auri c u l a i reconstitue souvent un tournant évolutif dans l’histoire du patient (en raison de ses conséquences
hémodynamiques et thromboemboliques) et doit être prise en
ch a rge énergiquement, avec cardiove rsion rapide et maintien
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du rythme sinusal par amiodarone plutôt que par sotalol. L’abl ation du nœud auri c u l oventriculaire et l’implantation d’un stimu l ateur se discutent parfois pour mieux contrôler la cadence
ventriculaire.
Les signes d’insuffisance cardiaque congestive conduisent, en
l’absence de gradient de pression, à la prescription de diurétiques
(en association avec les bêtabloquants si la fonction systolique
est conservée), voire d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion, de
spironolactone ou de digitaliques si la fonction systolique est altérée (1, 4). L’insuffisance cardiaque réfra c t a i re peut conduire à
■
proposer une transplantation cardiaque.
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AUTOQUESTIONNAIRE
1. Parmi les éléments suivants, lesquels sont des facteurs
de risque reconnus de mort subite ?
a. tachycardie ventriculaire non soutenue
b. gradient de pression intraventriculaire
c. réponse anormale de la PA à l’effort
d. TV polymorphe ou FV induite par stimulation ventriculaire programmée
e. histoire familiale de morts subites prématurées
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2. C o n c e rnant la prise en charge des patients à haut risque
de mort subite, quelles propositions sont vraies ?
a. le haut risque peut être défini par la présence d’au moins deux
facteurs de risque majeurs
b. l’amiodarone suffit à prévenir la mort subite
c. le défibrillateur implantable est associé à un taux de choc approprié d’environ 11 % en prévention secondaire et 5 % en prévention primaire
d. les bêtabloquants ont montré leur efficacité dans la réduction du
risque de mort subite
e. le défibrillateur est indiqué dès la présence d’un facteur de risque
majeur
3. Concernant la prise en charge des patients avec forme
obstructive de CMH et qui demeurent très symptomatiques sous traitement médicamenteux, quelles sont les
propositions vraies ?
a. la chiru rgie de myectomie de Morrow reste la stratégie de référence
b. la stimulation DDD nécessite un réglage optimisé pour obtenir
une capture ventriculaire complète tout en conservant un temps
de remplissage suffisant
c. la stimulation DDD améliore les symptômes ainsi que la VO2max
des patients
d. la réduction septale par injection intracoronaire d’alcool se complique fréquemment d’un bloc auriculoventriculaire, nécessitant
un pacemaker dans environ 20 % des cas
e. la réduction septale par injection intracoro n a i re d’alcool améliore
les symptômes ainsi que la VO2max des patients
30.
Maron BJ, Shen WK, Link MS et al. Efficacy of implantable cardioverterdefibrillators for the prevention of sudden death in patients with hypertrophic
cardiomyopathy. N Engl J Med 2000;342(6):365-73.
31. Charron P, Heron D, Gargiulo M et al. Genetic testing and genetic counselling in hypertrophic cardiomyopathy: the French experience. J Med Genet
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La Lettre du Cardiologue - n° 375 - mai 2004
RÉPONSES
1. a, c, e. 2. a, c. 3. a, b, d, e.
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