vie profes Vie professionnelle Médecins, stress et satisfaction professionnelle D. Simonet* La profession médicale : un taux de satisfaction élevé L le malade était jugée peu satisfaisante. Le degré de satisfaction des médecins est lié à la clarté de l’information délivrée au patient. Enfin, le degré de satisfaction professionnelle est étroitement lié aux valeurs qu’ils attribuent à leur métier. Citons notamment le sentiment de générosité et les bienfaits qu’ils peuvent apporter à leurs patients (5). Cependant, le Managed Care a contribué à modifier l’organisation de l’offre de soins et à diminuer le niveau de satisfaction des médecins, quelle que soit la zone géographique concernée aux ÉtatsUnis, mais aussi en France, en Italie et en Grande-Bretagne. En revanche, les médecins qui ont commencé à exercer leur activité plus tardivement sont plus heureux que leurs prédécesseurs dans l’exercice du métier. Ils n’ont pas, d’une part, perçu de changements importants au cours des dernières années et sont d’autre part, plus familiers du Managed Care puisqu’ils ont été formés dans cet environnement. a profession médicale est actuellement confrontée à un nombre élevé de mesures de réduction des coûts, à une diminution de son niveau de vie et à des difficultés à exercer le métier en toute liberté. Ainsi, aux États-Unis, les organisations de santé Managed Care ont institué tout un ensemble de dispositifs afin d’encadrer la liberté de prescription des médecins. À cela s'ajoutent les nombreuses tentatives des gouvernements de légiférer la profession dans son ensemble. La satisfaction des médecins n’est cependant pas une préoccupation nouvelle. Le problème fut déjà posé, il y a une vingtaine d'années maintenant. Nous allons ici faire le point sur des travaux récemment élaborés sur ce sujet. Bon nombre d’études qui ont été consacrées à la mesure du degré de satisfaction des médecins ont donné des résultats positifs. La qualité des relations que ceux-ci entretiennent avec leur entourage est fréquemment citée comme un des éléments moteurs de leur motivation et de l'intérêt qu'ils portent à leur métier. Ainsi, une étude (1) réalisée en 1992 auprès de 406 médecins du comté de Solano, en Californie, révélait que 80 % des médecins interviewés se montraient satisfaits de leur travail. La grande majorité d’entre eux appréciaient plus particulièrement la relation qu’ils entretenaient avec leurs patients (93 %) et avec leur entourage professionnel (86 %). Enfin, les médecins interrogés considéraient que leur travail était satisfaisant sur le plan intellectuel (89 %). Près de deux tiers d’entre eux le jugeaient même “amusant”. Des résultats similaires ont également été observés dans une autre étude (2), même si le travail administratif, les relations avec les organismes tiers (remboursement), l’isolement professionnel, la peur des procès pour faute professionnelle constituaient des facteurs importants de mécontentement ou d’inquié- * ESCP, docteur en gestion. Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 10, décembre 2000 tude. Globalement, les deux tiers des médecins se montraient satisfaits de leur métier. Ces résultats se retrouvent également chez les spécialistes : ainsi, une autre étude (3), portant sur le degré de satisfaction professionnelle des radiologues américains révélait que 65 % d’entre eux étaient satisfaits de leurs conditions de travail. Trente et un pour cent considéraient que l’exercice de leur métier était plus satisfaisant qu’en 1990. Pour 32 %, en revanche, le degré de satisfaction était identique, et 37 % le considéraient comme plus faible. Les radiologues, qui étaient peu satisfaits de leur activité professionnelle, envisageaient soit de changer de travail, soit d’exercer leur activité à mi-temps. Des résultats similaires ont pu être observés dans d’autres études internationales. Le degré de satisfaction professionnelle des médecins reste en effet le même, c’est-à-dire élevé, quel que soit le pays concerné. Ainsi, en Espagne, une étude (4) révélait que près de 70 % d’entre eux se montraient satisfaits de leur métier et 14 % très satisfaits. Dans 11 % des cas seulement, leur relation entre eux et avec 372 Une contrainte incontournable : une charge de travail importante Nombreux sont les médecins qui jugent leur métier très fatigant. À ce sujet, il convient de se reporter à une étude américaine (6) réalisée auprès d’une population de médecins généralistes indépendants qui exerçaient leur activité en milieu rural. Les résultats ont montré que 25 % des médecins envisageaient de sionnelle Vie professionnelle quitter cette profession dans les deux prochaines années. La principale raison invoquée était, pour 45 % d’entre eux, la charge de travail excessive. De même, une autre étude (7), conduite en Norvège auprès d’un échantillon représentatif de médecins dans le dessein de connaître leur perception du stress et la charge de travail qui leur incombait, montrait que 28 % d’entre eux considéraient que la charge de travail était souvent, voire très souvent, inacceptable. Quarante-trois pour cent des médecins affirmaient par ailleurs qu’il leur était difficile de mener leur activité sans être dérangés, tandis que 19 % jugeaient leur travail ennuyeux. Enfin, une autre étude (8) réalisée auprès de médecins portugais révélait qu’un pourcentage important d’entre eux souhaitaient changer de métier en raison de la détérioration des conditions de travail, de l’insatisfaction dans les relations interprofessionnelles et du niveau faible des revenus. Pour connaître de façon plus précise les facteurs susceptibles d’engendrer fatigue et stress, il convient de se reporter à une étude (9) consacrée au degré de satisfaction et aux sources de stress que ressentaient les médecins du National Health System. Parmi les éléments contraignants sont cités le plus souvent une vie familiale perturbée, les urgences, le caractère monotone de la pratique médicale et les nombreuses charges administratives de la profession. Ces résultats se retrouvent, quels que soient les pays concernés, avec quelques spécificités nationales cependant. À Londres, une étude (10) réalisée par le Bristish Medical Journal révélait que les éléments de mécontentement les plus fréquemment cités par les médecins étaient les tâches administratives, suivies de la durée du travail. De même, une étude (11) conduite au Danemark sur un échantillon de 776 médecins généralistes révélait que deux tiers d’entre eux se plaignaient d’une charge de travail excessive, ayant des répercussions graves sur leur vie de famille. Le mécontentement de ces mêmes médecins était également lié au fait qu’ils ne pouvaient pas toujours répondre aux exigences des patients et qu’ils craignaient de commettre une faute médicale. Les contraintes précédemment citées se révèlent plus lourdes encore chez les internes en médecine. C’est ce que montre une étude (12) réalisée auprès de 118 internes des régions des West Midlands (Angleterre). En effet, ils étaient contraints de préparer des examens parallèlement à leur activité de praticien, ce qui représentait une source de stress supplémentaire. À cela s’ajoutait une vie sociale et familiale gravement perturbée par leur travail. Pour autant, la satisfaction qu’ils retiraient de l’exercice de leur profession était importante, plus importante encore que celle de médecins plus expérimentés. L’environnement rural et familial : deux facteurs aggravant du stress Ces problèmes sont plus durement ressentis encore par les médecins qui exercent leur activité en milieu rural : en effet, la campagne américaine subit un exode soutenu de ses médecins généralistes. Une étude (13) a été menée dans le but de connaître les raisons pour lesquelles la pratique médicale devenait de plus en plus difficile dans certaines zones rurales américaines, incitant un nombre croissant de médecins à quitter la région. Cette étude a également cherché à déterminer les moyens qu’il était possible de mettre en œuvre pour retenir ces médecins dans ces zones traditionnellement sous-médicalisées. Un programme intitulé PSOP (Practice Support Outreach Program) a même été lancé dans ce but. Cette recherche conduite en 1993 sur un échantillon de 398 médecins de famille (family physicians), révélait que 20 % des répondants envisageaient d’abandonner la pratique médicale en milieu rural. Les principales raisons invoquées étaient la perte de contact avec le milieu professionnel liée à la pratique isolée du métier, le faible niveau du remboursement des prestations médicales et l’impossibilité de partager les appels d’ur- 373 gence pendant la nuit ou le week-end (callsharing). En effet, dans le système traditionnel américain, les médecins courent le risque de perdre des patients lorsque ceux-ci sont emmenés aux urgences et traités par d’autres médecins. Le deuxième intérêt de la pratique du call-sharing est d’éviter le renvoi du patient vers un service d’urgences, ce qui représente un coût plus élevé. Enfin, le callsharing est utile lorsque les patients sont trop nombreux (le soir ou le week-end en particulier), et parce que le médecin américain ne se déplace pas au domicile de son patient comme en France. Des résultats similaires ont pu être observés dans une enquête réalisée par le département de santé de l’université de West Virginie, qui aspirait à déterminer les facteurs susceptibles d’attirer mais aussi de retenir les médecins en milieu rural. L’étude (14) consacrée aux médecins de famille récemment installés révélait qu’il était essentiel d’améliorer le dispositif de remboursement par les organismes tiers et la possibilité de partager les gardes pour les soins en urgences de nuit et pendant le weekend. Ces résultats se retrouvent dans d’autres pays. Ainsi, la politique du gouvernement israélien fut longtemps d’attirer des médecins dans les villages de campagne, allant, pour y parvenir, jusqu’à leur proposer des logements à bas prix. Ces efforts ont abouti à des résultats décevants. Ainsi, dans une étude (15) portant sur 46 médecins israéliens, ces derniers précisent les difficultés auxquelles ils ont été confrontés lors de leur installation au sein de villages, à savoir des difficultés à travailler en équipe, des phénomènes d’épuisement professionnel, des attentes excessives de la part des patients, un dérèglement de leur vie professionnelle et familiale et, enfin, des difficultés d’intégration dans le village d’accueil, avec pour conséquence des démissions. Si de nombreuses études viennent confirmer ces résultats, elles montrent que le stress est également lié à l’âge du praticien et aux conditions d’exercice de son métier. Par ailleurs, les directeurs d’hôpitaux ressentent un stress important aggravé par les dépasse- vie profes Vie professionnelle ments d’horaires, volontaires ou non. D’autres facteurs jouent également un rôle important, en particulier l’environnement familial : ainsi, une étude (16) révèle que les médecins en situation de stress important sont généralement peu satisfaits de leur vie maritale et souffrent plus que les autres de difficultés psychologiques. Ces résultats sont confirmés par une enquête (17) réalisée par trois hôpitaux américains, dont le Dallas County Medical society et le Timberlawn Psychiatric Hospital. Les résultats sont d’ailleurs identiques, quel que soit le sexe concerné (hommes/femmes). Une étude (18) consacrée aux systèmes de santé dans l’ancienne Allemagne de l’Est est venue souligner quelques problèmes plus spécifiques à ce pays, parmi lesquels nous pouvons citer : le manque de moyens, l’utilisation de matériels défectueux, le peu de temps consacré à la famille ainsi que les problèmes de gestion administrative. Le degré de satisfaction des médecins diffère selon leur statut. Ainsi une étude norvégienne (19) portant sur des médecins généralistes, des médecins hospitaliers et des médecins employés dans des institutions municipales révélait que les premiers se montraient globalement plus satisfaits de leurs conditions de vie, de leurs revenus et de leur autonomie professionnelle que les deuxièmes. En revanche, les médecins des institutions municipales subissaient un stress plus important que ceux des deux premières catégories. Enfin, les médecins généralistes affirmaient consacrer davantage de temps à leurs patients. Cependant, l’habileté avec laquelle les professions médicales réagissent et vivent leur stress diffère selon la spécialité médicale concernée. Ainsi, une étude (20) révèle que les médecins des centres de soins palliatifs sont moins touchés par le syndrome d’épuisement professionnel que ceux qui exercent dans d’autres spécialités (chirurgie, radiologie, cancérologie, gastroentérologie). Si l’absence de considération de l’entourage professionnel, notamment des supérieurs hiérarchiques, peut générer des tensions graves, une étude (21) conduite en Norvège Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 10, décembre 2000 montre que les médecins ne reçoivent que rarement, voire jamais, d’appréciation favorable ou de félicitation de la part de leur supérieur hiérarchique. La principale source de reconnaissance émane de leurs collègues de travail, des infirmières et des auxiliaires de santé. De même, le climat de compétition constitue une source de stress supplémentaire. Selon la Norwegian Medical Association, une association qui regroupe près de 90 % des médecins du pays, si ces derniers font généralement preuve de respect et de solidarité envers leurs confrères, et ce quelle que soit l’expérience de chacun, les médecins hospitaliers considèrent généralement que leurs relations interpersonnelles sont marquées par un certain égoïsme et un climat de compétition important. Or, le stress est d’autant plus intense que les relations interpersonnelles sont empreintes d’individualisme (22). Des différences limitées entre les hommes et les femmes Le sexe a-t-il un effet notable sur la résistance au stress et le niveau de satisfaction professionnelle que l’on peut retirer de l’exercice de la profession de médecin ? Ainsi, les femmes seraient-elles mieux préparées à affronter le stress que les hommes ? Sont-elles plus épanouies que les hommes dans l’exercice de ce métier ? La question se pose avec d’autant plus d’acuité que la proportion de femmes qui travaillent dans le secteur médical est en augmentation constante. Or, il semblerait que les femmes médecins soient plus satisfaites de leur profession que les hommes. Une étude (23) portant sur un échantillon norvégien de 164 médecins généralistes révèle que le degré de satisfaction professionnelle est plus élevé chez les femmes médecins que chez leurs collègues masculins. Une autre enquête (24) conduite aux États-Unis donnait des résultats proches : les femmes affichaient un degré plus élevé de satisfaction professionnelle et 374 se sentaient moins touchées par le stress. Enfin, elles souffraient moins de troubles psychiatriques et étaient globalement plus satisfaites, voire très satisfaites, de leur situation professionnelle et maritale. D’autres investigations ont abouti à des conclusions similaires (25, 26, 27). Un niveau élevé de satisfaction chez les femmes serait à rechercher dans la qualité de la relation médecinpatient. Ainsi une étude (28), réalisée en 1994 auprès de 896 praticiens du Staffordshire, montrait que les femmes retiraient une satisfaction plus importante que les hommes de leur relation avec les patients. En revanche, le degré de satisfaction professionnelle des spécialistes de la chirurgie thoracique était comparable, quel que soit le sexe, avec un léger désavantage pour les femmes en ce qui concerne la gratification professionnelle (29). Ces résultats corroborent ceux d’une autre étude consacrée aux radiologues selon laquelle les femmes étaient tout aussi satisfaites que les hommes de leur métier (30). Les femmes exercent plus souvent que les hommes en médecine générale, pratiquent en cabinet d’associés plutôt qu’individuellement. Leur clientèle est principalement constituée de patients affiliés à des structures de type HMO. Les éléments de mécontentement les plus fréquemment cités sont le temps qu’elles doivent consacrer aux patients et à leurs collègues et les difficultés qu’elles éprouvent à être pleinement reconnues dans l’exercice de leur métier (31). Des solutions : développer le sens de la mission et la liberté d’action Si un nombre élevé d’études ont révélé que les médecins se montrent globalement satisfaits de leur métier, d’autres études, en revanche, ont montré que beaucoup d’entre eux regrettent le caractère répétitif de la pratique médicale et considèrent que leurs compétences ne sont pas suffisamment reconnues. On peut en conclure que les missions sionnelle Vie professionnelle de réorganisation et de motivation conduites au sein des établissements hospitaliers doivent nécessairement enrichir le rôle, les attributions et les responsabilités de chacun (empowerment). Par ailleurs, les médecins qui ont une conscience claire de leur mission et des orientations prises par le département ou l’hôpital qui les emploient se montrent plus satisfaits de leur travail que les autres (32). Le degré de satisfaction du personnel soignant est lié à la diversité des tâches effectuées plutôt qu’au contenu intrinsèque du métier. C’est ce que révèle une étude (33) menée auprès de 748 psychologues qui exerçaient dans un centre hospitalier. Ainsi, les psychologues qui n’avaient aucune responsabilité managériale, employés dans des hôpitaux qui accueillaient en priorité des personnes âgées et dans lesquels n’était menée aucune activité universitaire, se montraient globalement moins satisfaits de leur pratique professionnelle que les autres. Médecins et HMO Il est très difficile de savoir si les médecins sont plus satisfaits de leur métier lorsqu’ils exercent en libéral ou au sein d’une société de gestion des dépenses de santé de type HMO. La plupart des études réalisées ont en effet abouti à des résultats contradictoires, même si globalement les dernières, réalisées dans la seconde moitié des années 1990, tendent à révéler des résultats très défavorables au sein des organismes de Managed Care. Ainsi, une étude (34) menée en 1991 montrait que les médecins qui exerçaient leur activité au sein d’une HMO étaient globalement moins satisfaits de la pratique médicale que leurs confrères restés dans le secteur libéral. Les principales préoccupations concernaient le niveau de leurs revenus actuels et à venir, les opportunités de carrière, le temps qu’ils consacraient à leurs patients et la liberté dans la pratique médicale. Par ailleurs, ceux-ci affichaient de fortes inquiétudes en ce qui concerne l’évolution de la qualité des soins délivrés au patient sous le régime Managed Care. Au sein des HMO, seuls les médecins qui prenaient part au processus de décision se montraient sensiblement plus satisfaits de leur travail que les autres. De ce fait, de nombreux progrès restent encore à accomplir. Ils concernent principalement l’amélioration de la relation entre le médecin et son patient, la création d’une continuité dans l’offre de soins et le maintien d’une certaine indépendance dans la pratique médicale. Cependant, ces résultats ont été contredits par d’autres études, déjà anciennes cependant. Ainsi, de nombreux médecins des HMO soulignent que, s’ils bénéficient d’une autonomie limitée dans la sélection des patients et la gestion de leur temps, les aspects négatifs des organisations de santé de type Managed Care sont compensés par une plus grande liberté dans l’utilisation des soins hospitaliers, des tests et des procédures (35). Selon cette même étude, le degré de satisfaction des médecins qui exercent dans un environnement Managed Care n’est pas systématiquement plus faible que celui des médecins restés dans le système d’assurance traditionnel. Des résultats similaires ont été obtenus par une autre enquête (36) qui visait à étudier le degré de satisfaction des médecins selon le type d’organisation dans laquelle ceux-ci exercaient. Quatre catégories de praticiens furent retenues : les cabinets de groupes de type private group practice, les cabinets de médecine individuelle, les HMO et les médecins hospitaliers. Les résultats ont montré que les médecins étaient globalement satisfaits de leur activité professionnelle, quel que soit le cadre administratif dans lequel ils exerçaient leur métier. L’étude révèle également que les médecins des HMO pouvaient se consacrer davantage à leurs patients dans la mesure où les sociétés de gestion des dépenses de santé de type HMO prenaient en charge une part importante de la gestion des aspects réglementaires de leur métier. Les HMO continueront pourtant de susciter des inquiétudes importantes chez les praticiens, d’autant qu’un nombre croissant de sociétés de gestion de dépenses de santé, 375 offrant une médecine prépayée et au forfait, sont récemment entrées dans le rouge, à l’image de la société Kaiser Permanente (9 millions d’adhérents). Elles sont désormais nombreuses à tenter de réduire leur offre de soins, ce qui induit un risque pour les patients sous régime Managed Care. Ce dernier point oppose régulièrement les républicains et les démocrates. En effet, les seconds ont récemment proposé d’instaurer une sorte de droit du patient, qui permettrait à ce dernier de conserver un accès plus facile aux soins spécialisés et aux soins d’urgences. Mais les républicains, qui affirment leur opposition à ce plan, soutiennent qu’une augmentation de la protection des citoyens ne ferait qu’accroître les coûts pour les entreprises qui offrent à leurs employés une couverture “santé”. Face à ces difficultés, il est utile de rappeler que les sociétés de gestion des dépenses de santé de type HMO doivent désormais orienter leurs efforts vers la gestion de la santé, plutôt que vers le contrôle des coûts. De plus, les HMO ne bénéficient pas de tous les pouvoirs ou de pouvoirs aussi importants que ceux que l’on veut bien leur prêter habituellement puisque, la National Committee for Quality Assurance (NCQA) veille sur leurs pratiques, notamment dès que celles-ci présentent un danger pour la santé du patient. Enfin, il ne faut pas oublier la part de responsabilité de l’assuré, qui peut d’ailleurs choisir de bénéficier d’une mutuelle. Dans la plupart des cas, celui-ci choisit pourtant presque toujours la procédure la moins onéreuse. Sa responsabilité est donc entièrement engagée. Dans le cas d’une hospitalisation, si un patient est sous le régime d’un plan de santé qui ne lui permet de rester que deux jours à l’hôpital, alors que son médecin traitant lui recommande de rester trois jours, il ne pense généralement pas qu’il a fait un mauvais choix en matière d’assurance, mais préfère invoquer la responsabilité du médecin, affirmant que celui-ci n’est pas capable de délivrer les soins dont il a besoin en deux jours seulement, comme le lui recommande la société de HMO. Le patient qui ne veut pas rémuné- vie profes Vie professionnelle rer le praticien avec ses propres fonds refuse en général d’admettre qu’il a choisi une assurance qui ne couvre que partiellement ses besoins en matière de santé et préfère blâmer le médecin. Ainsi, on aurait tort de faire porter à la HMO l’entière responsabilité des difficultés actuellement observées dans l’offre de santé aux ÉtatsUnis. Mais celles-ci contribuent à créer un malaise important au sein des praticiens. Les médecins étant mécontents lorsque les sociétés de gestion des dépenses de santé refusent de rembourser certains soins et préfèrent proposer des thérapies alternatives à moindre coût, dont l’efficacité est contestée, certains d’entre eux ont décidé de se syndiquer. Les State Medical Societies ne sont en effet pas les seules organisations à défendre les intérêts des médecins. Ainsi, près de 90 % des médecins de la ville de Syracuse ont rejoint des Independant Practice Associations (IPA), dont certaines sont rattachées à des syndicats qui exercent un contre-pouvoir important vis-à-vis des sociétés de gestion des dépenses de santé. Il existe ainsi quatre associations importantes de ce type à Syracuse, qui rassemblent chacune, 350 à 850 personnes. Par exemple, l’association Healthbest regroupe près de 850 médecins. Elles s’assurent que les sociétés de gestion des dépenses de santé délivrent aux patients les soins dont ils ont besoin. Certaines sociétés de gestion des dépenses de santé HMO refusent quelquefois de signer ces contrats avec les médecins et leurs associations professionnelles, un signe que les premières ne peuvent plus exercer un contrôle total sur l’offre de soins. D’autres encore ont choisi de renégocier les termes de ce contrat. Mais dans ce cas, alors, le pouvoir de négociation des médecins dans les discussions qui les opposent aux HMO est plus important que s’ils étaient restés indépendants. Ainsi, Healthbest a conclu un contrat de soins avec la société d’assurances, Kaiser Permanente, qui donne aux médecins la liberté de renvoyer (referrals) les patients devant un de leurs confrères sans que les premiers ne soient obligés de demander une autorisation auprès de l’assu- Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 10, décembre 2000 reur. D’autres avancées ont également été possibles, puisque les médecins ou leurs représentants peuvent maintenant siéger dans les comités où sont décidés quels médicaments doivent êtres couverts par les plans de santé et lesquels ne doivent pas l’être. Ces progrès sont tout à fait significatifs. En effet, ces dernières années, le pouvoir de décision des médecins s’était fortement érodé, puisque les employeurs et les sociétés d’assurances établissaient des contrats qui les liaient aux médecins sans tenir compte de leur avis dans les décisions thérapeutiques. En conclusion, si la situation de nombreux professionnels de la santé est toujours favorable, elle s’est cependant quelque peu dégradée ces dernières années. Pourtant, le nombre de postulants à ce métier reste toujours élevé en Europe comme aux États-Unis. Mais, la situation aux États-Unis est marquée par des phénomènes de sous-emplois importants. Cela concerne tout particulièrement les médecins spécialistes. Le Managed Care a largement contribué à fragiliser la situation de cette dernière catégorie. En particulier, le principe du Gatekeeping a réduit les besoins en spécialistes. Certains sont tentés de s’établir dans les régions où les sociétés de gestion des dépenses de santé sont encore peu présentes. D’autres préfèrent travailler à l’étranger. D’autres encore se tournent vers la recherche. Enfin, il serait utile d’étendre ces réflexions à d’autres catégories de personnels, notamment les infirmières, les enseignants et les auxiliaires de santé. Références 1. Barr. DA. The effects of Organizational structure on primary care outcomes under Managed Care. Annals of Internal Medecine 1995 ; 122(5) : 353-9. 2. Skolnik NS, Smith DR, Diamond J. Profesional satisfaction and dissatisfaction of family physicians. Journal of Family Practice 1993 ; 37(3) : 257-63. 3. Chan WC, Sunshine JH, Owen JB, Shaffer KA. US radiologists’satisfaction in their profession. Radiology 1995 ; 914(3) : 649-56. 376 Glossaire Gatekeeping : Le terme de gatekeeping est utilisé pour désigner le médecin de première instance, également appelé “médecin porte d’entrée”. Son rôle est de décider s’il est nécessaire de renvoyer le patient vers un médecin spécialisé dans le dessein de lui donner des soins additionnels ou de réaliser des tests supplémentaires. Là encore, il s’agit de délivrer des soins optimaux sans que ceux-ci n’engendrent un coût trop élevé pour l’assureur. Le dispositif n’a pourtant pas donné les résultats escomptés dans certaines spécialités où il a été mis en œuvre (dermatologie notamment…). En effet, il nécessite des connaissances plus solides de la part du médecin généraliste qui souhaite accéder au rôle de gatekeeping. Actuellement le rôle de gatekeeping s’oriente davantage vers celui de coordinateur des soins. Physician Group Practice : Il s’agit d’une association formée de trois médecins au moins et d’autres professionnels de la santé. Les revenus retirés de la pratique médicale sont mis en commun, puis redistribués entre les membres du groupe ainsi constitué. Le terme de prepaid group practice est utilisé pour désigner les premiers cabinets de médecine de groupe où les soins sont prépayés dans le cadre de contrats au forfait. Health Maintenance Organization (HMO) : Le terme HMO désigne les organismes de Managed Care qui emploient des professionnels de la santé pour offrir des soins sous le régime de la capitation (contrat au forfait). En échange, et c’est en partie ce qui a motivé l’intégration des professionnels de santé dans les organismes de Managed Care, ceux-ci peuvent bénéficier d’un volume garanti de patients. Independent Practice Association (IPA) : Ce terme désigne un groupe de médecins qui constituent une organisation commune pour négocier des contrats de santé. Dans ce cadre, les praticiens peuvent être rémunérés au forfait ou à l’acte. Managed Care : Ce terme recouvre l’ensemble des organismes et des outils de gestion des soins censés offrir aux assurés le meilleur rapport coût/efficacité en matière de soins. En pratique l’accent a surtout été mis sur le contrôle des coûts. National Committee for Quality Assurance (NCQA) : Cette organisation fut fondée en 1979. Elle est responsable de l’accréditation des programmes de santé Managed Care. Elle développe et coordonne un certain nombre de programmes destinés à évaluer la qualité des soins délivrés par les plans de Managed Care. sionnelle Vie professionnelle 4. Torio Durantez J, Garcia Tirado MC. Unidad Docente de Medicina Familiar y Communitaria, Jaen. “The physician-patient relationship and the clinical interview : the opinion and preferences of physicians.” Attencion Primaria 1997 ; 19(1) : 27-34. 5. Eliason BC, Schubot DB. Personal values of exemplary family physicians : implications for professional satisfaction in family medicine. Journal of Family Practice 1995 ; 41(3) : 251-6. 6. Mainous AG. Ramsbotton-Lucier M. Rick EC. The role of clinical workload and satisfaction with workload in rural primary care physician retention. 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Résumé… Résumé… Cet article aspire à donner un certain nombre d’informations récentes sur la satisfaction des médecins vis-à-vis de leur profession. Si les médecins sont globalement toujours satisfaits de leur métier, les conditions d’exercice sont devenues plus difficiles ces dernières années en raison, d’une part, de la nécessité de réaliser des économies de coûts et, d’autre part, de l’essor du Managed Care, notamment aux États-Unis. Mots clés. Satisfaction – Médecin – Dépression – HMO. 377