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Imagerie de la colite pseudomembraneuse
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F. Petit-Laurent*
C
onnue depuis 1893, la colite pseudomembraneuse
(CPM) n’a réellement été authentifiée que dans
les années 70. Colite infectieuse iatrogène, cette
pathologie est due, dans la quasi-totalité des cas, à la prolifération intraluminale de Clostridium difficile, bacille gram-positif anaérobie sécrétant les toxines A et B, le mécanisme physiopathologique sélectionné par un traitement antibiotique (en
particulier les tétracyclines, la pénicilline, les céphalosporines,
le chloramphénicol et les sulfamides). Les patients présentent
un syndrome diarrhéique souvent modéré, avec un délai d’apparition compris entre 24 heures et un mois (deux semaines
en moyenne), associé à des douleurs abdominales mal systématisées. Cliniquement, l’abdomen est souple, sensible dans
son ensemble, météorisé. Le toucher rectal met en évidence
un fin granité correspondant aux fausses membranes, l’atteinte
du rectosigmoïde étant quasi constante. Ce geste clinique
simple, le délai d’apparition et les caractéristiques cliniques
du syndrome diarrhéique doivent permettre de poser le diagnostic.
En pratique quotidienne, la rectosigmoïdoscopie, associée à une
étude bactériologique des selles (recherche du germe et de ses
toxines), est l’examen le plus couramment utilisé. Son rendement
est excellent lorsqu’il existe les pseudomembranes d’aspect
typique.
Cependant, le clinicien peut être amené à recourir à différentes
techniques d’imagerie au cours de situations particulières :
tableau clinique atypique ou trompeur, rectosigmoïde respecté,
accès réduit à l’endoscopie, découverte fortuite, maladie associée, endoscopie de réalisation difficile (patient grabataire), etc.
Les différents aspects constatés au cours de la réalisation des
examens complémentaires correspondent à une atteinte
muqueuse, rarement sous-muqueuse, associant selon le degré
de sévérité, œdème et pseudomembranes (composées de
mucus, fibrine, cellules de la lignée blanche et bactéries),
voire des ulcérations.
ENDOSCOPIE
Cet examen est de réalisation facile, peu onéreux et d’un rendement excellent. Les lésions sont le plus souvent coliques basses,
mais des cas d’atteinte isolée du côlon transverse ou du côlon
ascendant ont été rapportés. La coloscopie totale est déconseillée
en raison du risque perforatif et de l’inutilité d’une exploration
complète s’il existe des lésions basses. Trois stades endoscopiques
ont été décrits (3, 4) :
stade 1 : aspect normal ou congestif, lésions aphtoïdes ;
stade 2 : aspect typique de colite pseudomembraneuse (taches
jaunâtres régulières, disséminées, séparées par des intervalles de
muqueuse saine) (figure 1) ;
stade 3 : ulcérations nombreuses, recouvertes d’une couche de
nécrose jaunâtre. Vastes plages de nécrose qui occupent parfois
la totalité du côlon.
L’endoscopie permet également, lorsque l’aspect macroscopique
n’est pas typique ou en cas de pathologie intestinale associée
(figure 2), la réalisation de prélèvements à visée bactériologique,
permettant parfois de poser le diagnostic.
Figure 1. Fausses membranes éparses typiques.
AUTRES EXAMENS D’IMAGERIE
* Service d’hépato-gastroentérologie, CHU de Nancy-Brabois,
Vandœuvre-lès-Nancy.
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - vol. II - mai-juin 1999
Introduction
Le recours aux techniques d’imagerie est depuis plusieurs années
en augmentation constante. L’accès à ces techniques est par
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typiquement des lacunes ovalaires, correspondant aux fausses membranes, et des anomalies pariétales en rapport avec l’œdème (2). Le
rendement de cet examen est corrélé au degré d’atteinte et à l’utilisation du double contraste par injection simultanée d’air et de
produit radio-opaque (figure 3). Cet examen est donc de moins
en moins utilisé au profit des autres techniques.
Figure 2.
Colite pseudomembraneuse
chez un
patient porteur
d’une rectocolite ulcérohémorragique.
La tomodensitométrie
Cet examen a également pris une place importante dans la prise
en charge du patient hospitalisé pour une symptomatologie abdominale au sens large. Le scanner n’est bien sûr pas demandé
devant une suspicion de colite pseudomembraneuse. Cependant,
la réalisation de cet examen reste intéressante lorsque l’atteinte
est sévère, car elle permet d’éviter l’endoscopie ou le lavement
baryté, plus dangereux. On y observe la présence fréquente d’une
ascite, souvent de faible abondance, associée à un épaississement
de la paroi sur son versant interne, dû à l’œdème, dont la tonalité
tend à être liquidienne (figure 4). Il existe de plus un rehausse-
ailleurs souvent facile. Ces examens sont fréquemment demandés dès l’admission des patients pris en charge pour “syndrome
douloureux abdominal”. Ils peuvent également, en cas de respect
de la portion rectosigmoïdienne, être demandés en seconde intention. De plus, l’endoscopie, lorsqu’elle est indiquée, n’est pas
toujours de réalisation aisée, voire possible : patient grabataire,
dément, préparation inefficace, accès réduit à l’endoscopie, etc.
L’abdomen sans préparation
Cet examen est prescrit au service des urgences de façon quasi
systématique, parfois à tort, devant toute symptomatologie douloureuse abdominale.
En 1976, Stanley et coll. ont décrit cinq critères diagnostiques (1) :
– distension intestinale modérée au niveau colique, cet aspect
n’étant pas observé au niveau de l’intestin grêle bien que l’atteinte soit possible ;
– épaississement de la paroi colique expliqué par l’œdème
(images dites en “piles d’assiettes”) ;
– aspect “d’empreintes de pouces”, dû à l’œdème des haustrations coliques ;
– paroi colique irrégulière correspondant aux pseudomembranes
de profil ;
– atteinte pancolique, non segmentaire, caractéristique d’une
CPM sévère.
L’abdomen sans préparation permet donc d’orienter vers le diagnostic de colite infectieuse, mais reste cependant d’interprétation difficile. Il a surtout pour rôle d’éliminer un abdomen aigu
chirurgical, ou, lorsque le diagnostic de colite pseudomembraneuse est posé, une complication, en particulier la perforation.
Figure 3. Lavement baryté en double contraste : lésions pariétales étendues.
Le lavement baryté
Cet examen est contre-indiqué lorsqu’il existe un mégacôlon
toxique du fait du risque perforatif majeur. De plus, compte tenu
des moyens diagnostiques mis à notre disposition, de leur
meilleure tolérance et de leur agressivité moindre, cet examen
n’est que peu utilisé lorsqu’une CPM est suspectée. Il s’y associe
Figure 4. TDM abdominale : paroi épaisse, ascite peu abondante.
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La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - vol. II - mai-juin 1999
Figure 6. Écho-doppler : hypervascularisation.
Figure 5. Échographie par voie transpariétale : coupe longitudinale sigmoïde.
ment plus conséquent après injection de produit de contraste en
raison du caractère hypervascularisé. On note également l’absence de diffusion péricolique du processus inflammatoire, ce qui
reste un argument clé du diagnostic différentiel avec les maladies
inflammatoires cryptogénétiques (5).
CONCLUSION
Les moyens diagnostiques de la colite pseudomembraneuse restent donc variés et performants. L’endoscopie reste le moyen le
plus utilisé, car l’aspect est typique sans véritable diagnostic différentiel. Cependant, la colite pseudomembraneuse peut être
découverte par le biais d’autres moyens d’imagerie, qui, en fonction du degré d’atteinte, ont déjà montré leur efficacité.
■
L’échographie (6)
L’avantage majeur de cet examen est son caractère très peu agressif. Il est de réalisation facile, ne nécessite aucune préparation ou
injection, est bien accepté par le patient, mais reste cependant très
opérateur-dépendant. Cet examen peut être réalisé par voie transpariétale ou par voie endovaginale. Les images sont également
dépendantes du degré de l’atteinte. On observe classiquement une
dilatation fréquente de la lumière en raison de la présence de
liquide. Les pseudomembranes sont hypoéchogènes, alternant
avec des images hyperéchogènes qui correspondent à l’interface
avec la muqueuse épaissie. Cette couche est d’aspect hypoéchogène, bien limitée par une sous-muqueuse hyperéchogène précédant une musculeuse hypoéchogène (figure 5). On peut également observer une “fusion” échographique de la muqueuse et de
la sous-muqueuse, qui apparaît alors hétérogène, d’échogénicité
modérée. Le Doppler peut être couplé à l’échographie et mettra
alors en évidence une hypervascularisation de la muqueuse
(figure 6). Dans tous les cas, on ne retrouve ni abcès, ni fistule,
ni pseudopolype.
se. Long beach, Greenbaum E., 1979.
Wittenberg J. Unusual inflammatory lesions pseudomembranous colitis. In :
Radiology of the colon. Dreyfuss & Janower (eds). Baltimore, Williams et Wilkins,
1980.
3. Verdon R., Dargère S. Colite post-antibiotique. Encycl Méd Chir (Elsevier,
Paris), Gastroentérologie 1998 : 9-061 A-20.
4. Beaugerie L. Toxicité intestinale des médicaments (estomac et duodénum
exclus) Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Gastroentérologie 1996 : 9-100 A15.
5. Hoeefel C., Legmann P., Oudjit A. et coll. Imagerie du tube digestif, intérêt diagnostic. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Gastroentérologie 1996 : 9-011 B20.
6. Rioux M. Échographie digestive. Aspect échographique des iléocolites.
Feuillets de radiologie, Paris, Masson, 1994 : 34.
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Remerciements : l’auteur remercie tout particulièrement le Pr Régent
du service de radiologie de Brabois et le Dr Rubini de l’hôpital ClaudeBernard à Metz pour l’aide et la collaboration qu’ils lui ont apportés.
R É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. Arguello F. Pseudomembranous colitis. In : Radiographic atlas of colon disea2.
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