CONGRÈS RÉUNION Réunion de printemps de l’Association française d’ORL pédiatrique Spring meeting of the French Pediatric ENT Society Paris, 16 mars 2012 M. François* La réunion de printemps de l’Association française d’ORL pédiatrique a réuni, le 16 mars 2012, au pied de la tour Eiffel à Paris, environ 200 ORL et pédiatres sur le thème des infections ORL de l’enfant, sous la présidence des Pr Thierry Van den Abbeele (Paris) et Vincent Couloigner (Paris). Nous vous rapportons ici les nouveautés en ce qui concerne la prise en charge, tant diagnostique que thérapeutique, de certaines de ces infections. Allergie aux bêtalactamines D’après la communication du Dr Mathie Lorrot (hôpital Robert-Debré, Paris) * Service d’ORL, hôpital RobertDebré, Paris. Les bêtalactamines (pénicillines, dont l’amoxicilline, et céphalosporines) sont les antibiotiques préconisés en première intention dans les infections ORL courantes de l’enfant (1). Or, entre un quart et la moitié des réactions aux antibiotiques surviennent après l’administration d’une bêtalactamine. Vu l’évolution des résistances des bactéries aux antibiotiques et l’efficacité moindre des autres familles d’antibiotiques, classer sans examen allergologique un enfant comme allergique aux bêtalactamines est un lourd handicap. Or, beaucoup de ces réactions sont bénignes ou ne sont pas des réactions allergiques et ne contre-indiquent pas la poursuite du traitement, ni son utilisation future. En effet, la plupart des rashs cutanés survenant chez un enfant traité par bêtalactamine ne sont pas d’origine allergique, mais plutôt d’origine virale, surtout si ces rashs ne sont pas prurigineux et surviennent tardivement à J7 ou à J8. De multiples virus peuvent être en cause comme HHV6 et HHV7 (roséole), le virus d’Epstein-Barr (mononucléose infectieuse), le parvovirus B19 (mégalérythème épidémique)… 10 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 330 - juillet-août-septembre 2012 Les vraies allergies potentiellement létales sont exceptionnelles : choc anaphylactique, œdème de Quincke, bronchospasme. Ces allergies sont médiées par l’IgE et surviennent dans l’heure qui suit l’administration du médicament, plus souvent par voie intraveineuse que par voie orale. Elles peuvent cependant être retardées jusqu’à 72 heures après la prise du médicament. En cas d’allergie aux pénicillines, les bêtalactamines sont contre-indiquées jusqu’à preuve du contraire, et l’enfant doit être adressé rapidement en consultation d’allergologie ; en revanche, s’il n’y a pas de signe de gravité, il est possible de prescrire une céphalo­ sporine de deuxième ou de troisième génération, en attendant les résultats de la consultation d’allergologie. Les allergies croisées pénicillines-­ céphalosporines sont en effet rares. Les vraies allergies aux céphalosporines sont exceptionnelles ; elles doivent être confirmées par un allergologue spécialisé dans les allergies médicamenteuses. Infections ORL récidivantes et déficit immunitaire D’après la communication du Dr Capucine Picard (hôpital Necker-Enfants malades, Paris) Les déficits immunitaires innés sont rares : ils représentent environ 1/5 000 naissances. À ce jour, environ 200 déficits immunitaires ont été décrits, et pour plus de 180 d’entre eux, une cause génétique a été identifiée. Un déficit immunitaire doit être recherché chez tout enfant qui a eu des infections sévères (méningite à Streptococcus pneumoniae), récurrentes (plus de 8 otites moyennes aiguës [OMA] par an chez les enfants de moins de 4 ans, plus de 4 OMA/an chez CONGRÈS RÉUNION les plus de 4 ans, ou plus de 2 rhinosinusites/an) ou inhabituelles (infection par un germe opportuniste, candidose buccale ou cutanée récidivante), ainsi que chez les enfants qui ont une diarrhée chronique et une cassure de la courbe staturo-pondérale. Le bilan de dépistage de première intention (2) repose sur des examens de routine, réalisables en ville : ➤➤NFS, à la recherche d’une anémie, d’une neutropénie, d’une lymphopénie (attention, la lymphocytose est à interpréter en fonction de l’âge : 3 000 lymphocytes/mm3, c’est normal chez l’adolescent, mais cela témoigne d’un déficit immunitaire combiné sévère chez un enfant de moins de 3 mois) ; ➤➤dosage pondéral des immunoglobulines sériques, après 4 mois, à interpréter en fonction de l’âge pour les IgA et les IgM ; ➤➤sérologies postvaccinales (anticorps anti-diphtériques et anti-tétaniques) et post-infectieuses (pneumocoque, méningocoque, Haemophilus). En cas d’anomalies de ce premier bilan, des investigations complémentaires vont permettre de confirmer le déficit immunitaire et de préciser son type : ➤➤si la NFS et les sérologies sont normales, il faut évaluer les fonctions phagocytaires : étude du chimiotactisme, test au nitrobleu ou test de réduction de la dihydrorhodamine, qui sont perturbés en cas de granulomatose septique chronique ; ➤➤en cas de lymphopénie ou de sérologies basses, phénotypage lymphocytaire pour le diagnostic d’une maladie de Bruton (IgG < 2-3 g/l, IgA et IgM basses, pas de lymphocyte B), d’un déficit immunitaire combiné comme dans le syndrome de Di George (pas ou peu de lymphocytes T), etc. Attention, des examens normaux ne permettent pas d’écarter formellement un déficit immunitaire, et, au moindre doute, il faut adresser l’enfant dans un service spécialisé. Biofilms en ORL : définition, démonstration et recherche D’après la communication du Pr Romain Kania (hôpital Lariboisière, Paris) On oppose les bactéries planctoniques, isolées, aux bactéries qui vivent en communautés, enchâssées dans une matrice d’exopolysaccharides qui forment des biofilms. La constitution d’un biofilm comporte plusieurs phases : ➤➤adhésion à une surface (peau, muqueuse ou biomatériau) ; ➤➤prolifération ; ➤➤maturation et synthèse de la matrice, avec des voies de communication pour les nutriments ou l’évacuation des déchets. Les biofilms permettent la survie des bactéries dans un environnement défavorable (température, irradiation, nettoyants chimiques ou mécaniques, antibiotiques). À partir du biofilm, des bactéries peuvent être relarguées pour coloniser de nouvelles niches. C’est ainsi que des bactéries de la plaque dentaire peuvent provoquer une endocardite et des bactéries sur un cathéter peuvent provoquer une septicémie. Les bactéries composant un biofilm échangent du matériel génétique, ce qui facilite leur adaptation à l’environnement. Les bactéries présentes dans les biofilms sont très difficiles à cultiver in vitro. Les biofilms peuvent être mis en évidence en microscopie électronique, ou en microscopie confocale avec double marquage de la matrice et des bactéries (3). On estime que les deux tiers des infections cliniques sont dues à des biofilms. Il a été mis en évidence des biofilms sur la muqueuse de l’oreille moyenne, sur la muqueuse sinusienne en cas de rhinosinusite chronique, sur les amygdales palatines (3) et sur les végétations adénoïdes (4). Pour traiter ces infections, plusieurs approches sont envisageables : ➤➤avoir une très forte concentration locale d’antibiotiques, ce qui peut être obtenu par les antibiotiques locaux ; c’est ainsi que l’on peut traiter les otorrhées sur aérateur transtympanique (5) ; ➤➤apport de nouvelles bactéries pour modifier l’écologie bactérienne et fongique : c’est l’approche probiotique ; ➤➤traitement pilicide pour empêcher l’adhésion ; ➤➤interruption du “quorum sensing”, limitation de la communication entre les colonies bactériennes : c’est le rôle, par exemple, du traitement antibiotique prophylactique des infections bactériennes dans la mucoviscidose ; ➤➤inhibition de la synthèse de la matrice, utilisation de biomatériaux dont la surface est traitée pour empêcher le développement de biofilms ; ➤➤dégradation de la matrice pour activer les défenses de l’hôte et restaurer l’efficacité des antibiotiques. La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 330 - juillet-août-septembre 2012 | 11 CONGRÈS RÉUNION Les nouveaux vaccins vont-ils radicalement modifier la fréquence des infections ORL de l’enfant ? D’après la communication du Dr Robert Cohen (Centre hospitalier intercommunal de Créteil) Deux types de vaccins peuvent avoir un impact sur les infections ORL de l’enfant les plus fréquentes, c’est-à-dire les OMA : le vaccin antigrippal nasal et les nouveaux vaccins antipneumococciques. Le vaccin antigrippal injectable n’a pratiquement pas d’influence sur les OMA, à la différence du vaccin nasal, qui peut diminuer jusqu’à 33 % le nombre des épisodes fébriles et des OMA. Il devrait être disponible en France à l’automne 2012 pour les enfants de plus de 2 ans (6). Le vaccin antipneumococcique à 7 valences a eu un effet positif, mais modeste, sur la fréquence des OMA (7 %), mais surtout il a diminué le nombre des otites récidivantes, avec comme corollaire une diminution des prescriptions d’antibiotiques, des résistances bactériennes et des poses d’aérateurs transtympaniques. Malheureusement, cet effet s’érode par remplacement des sérotypes vaccinaux par d’autres sérotypes, ce qui a justifié la mise au point de vaccins à spectre plus large. Le vaccin à 13 valences, commercialisé en France, a réduit la part des sérotypes très pathogènes et souvent résistants aux antibiotiques comme Streptococcus pneumoniae de sérotype 19A. D’autres vaccins avec encore plus de valences sont à l’étude. Pharyngites non infectieuses D’après la communication du Pr Vincent Couloigner (hôpital Necker-Enfants malades, Paris) Le syndrome de Kawasaki Il s’agit d’une immuno-angéite d’étiologie inconnue qui commence souvent par une pharyngite fébrile. Ce syndrome se voit surtout avant 5 ans et est exceptionnel après 12 ans. Le diagnostic est clinique. Il doit être évoqué devant une fièvre élevée durant plus de 5 jours, avec au moins 4 des 5 signes suivants : ➤➤pharyngite diffuse, chéilite ou langue framboisée ; ➤➤adénopathies cervicales ; ➤➤conjonctivite épargnant le limbe ; ➤➤œdème des extrémités s’arrêtant de façon nette aux chevilles et aux poignets ; 12 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 330 - juillet-août-septembre 2012 ➤➤exanthème maculopapuleux prédominant sur le tronc. Le risque majeur est la survenue de complications cardiovasculaires, en particulier d’anévrismes coronariens, à partir du 10e jour d’évolution. Un traitement par immunoglobulines 2 g/kg en i.v. lente et aspirine per os diminue ce risque. Certains y ajoutent, dans les formes très sévères, des corticoïdes (8). Le syndrome de Marshall Le syndrome de Marshall, ou PFAPA (Periodic fever, aphtous stomatitis, pharyngitis, cervical adenitis), débute avant l’âge de 5 ans. Il se manifeste par des accès récurrents de fièvre durant au moins 5 jours, survenant toutes les 2 à 12 semaines. La fièvre est associée à une stomatite aphteuse, une pharyngite non bactérienne et des adénopathies cervicales, avec parfois des douleurs abdominales et une éruption cutanée. La rémission des symptômes entre les poussées est toujours complète. Il y a une hyperleucocytose et une élévation de la CRP. Sous corticoïdes, les symptômes disparaissent très vite, alors que les AINS (et les antibiotiques) sont sans effet. L’évolution naturelle est une disparition des poussées fébriles au bout de 3 à 4 ans sans séquelles. Plutôt que d’attendre la rémission spontanée, les parents peuvent préférer l’amygdalectomie, qui fait stopper mystérieusement les poussées fébriles (9). L’étiologie de ce syndrome est inconnue. Anti-inflammatoires et infections ORL de l’enfant D’après la communication du Dr Jean-Marc Treluyer (hôpital Necker-Enfants malades, Paris) Les AINS et les corticoïdes ont été accusés de favoriser des infections graves. Il faut tempérer cette crainte. S’il est probable que les AINS favorisent la survenue d’une cellulite en cas de varicelle (10), la corrélation est moins bien établie dans les autres cas. Cependant, les anti-inflammatoires, en masquant certains symptômes, risquent de différer le diagnostic et la prise en charge d’infections graves. La recommandation de la Société française d’ORL est de ne jamais utiliser d’AINS dans les complications locorégionales des pharyngites (adénites suppurées, phlegmons périamygdaliens, abcès rétroet parapharyngés, cellulites) [11]. Les corticoïdes sont autorisés en cas de gêne respiratoire haute. ■ CONGRÈS RÉUNION Références bibliographiques 1. Recommandations de bonne pratique. Antibiothérapie par voie générale en pratique courante dans les infections respiratoires hautes de l’adulte et de l’enfant. SPILF – SFP – GPIP – SFORL (www.sforl.fr) 2. Picard C. Comment diagnostiquer une immuno­ déficience héréditaire ? Rev Prat 2007;57:1671-6. 4. Kania R, Lamers GE, Vonk MJ et al. Characterization of mucosal biofilms on human adenoid tissues. Laryngoscope 2008;118:128-34. 3. Kania R, Lamers GE, Vonk MJ et al. Demonstration of bacterial cells and glycocalyx in biofilms on human tonsils. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2007;133: 115-21. 5. Afssaps, Recommandations de bonne pratique. Anti­ biothérapie locale en ORL, juillet 2004. Disponible sur www.afssaps.sante.fr, documentation et publications. 6. Belshe RB, Gruber WC. Prevention of otitis media in children with live attenuated influenza vaccine given intra­ nasally. Pediatr Infect Dis J 2000;19:S66-71. 7. Zhou F, Shefer A, Kong Y, Nuorti JP. Trends in acute otitis media-related health care utilization by privately insured young children in the United States, 1997-2004. Pediatrics 2008;121:253-60. 8. Kobayashi T, Saji T, Otani T et al. Efficacy of immunoglo­ bulin plus prednisolone for prevention of coronary artery abnormalities in severe Kawasaki disease (RAISE study): a randomised, open-label, blinded-endpoints trial. Lancet 2012;379(9826):1613-20. 9. Wurster VM, Carlucci JG, Feder HM Jr, Edwards KM. Long-term follow up of children with periodic fever, aphthous stomatitis, pharyngitis, and cervical adenitis syndrome. J Pediatr 2011;159:958-64. 10. Souyri C, Olivier P, Grolleau S et al. French network of pharmaco-vigilance centers. Severe necrotizing soft-tissue infections and non-steroidal anti-inflammatory drugs. Clin Exp Dermatol 2008;33:249-55. 11. SFORL. Recommandation de pratique clinique. Compli­ cations locorégionales des pharyngites (2008). Disponible sur le site www.orlfrance.org edimark U n autre regard sur v o tre s péc ialité edimark Objectif oncologie LES EXPERTS ET LA LETTRE VOUS LIVRENT LEUR REGARD SUR VOS SPÉCIALITÉS Retrouvez-les sur www.edimark.tv * Nouveau Oncologie ORL edimark Dr Sébastien ALBERT ALBERT, A LBERT,, Pr René-Jean BENSADOUN, Dr Philippe CÉRUSE, Dr Sylvie CLAUDIN, LBERT Pr Sandrine FAIVRE, Dr Frédéric KOLB, Pr Jean-Louis LEFEBVRE, Dr Frédéric PEYRADE, Dr Patrick SOUSSAN,, Dr Stéphane TEMAM, Dr Alain TOLEDANO, Dr Gérald VALETTE Sénologie Dr Véronique DIÉRAS DIÉRAS, Dr Florence LEREBOURS, Dr Anne LESUR, Pr Jean-François MORÈRE MORÈRE, Dr Rémy SALMON, Pr Laurent ZELEK Oncologie digestive Pr René ADAM, Pr Thomas APARICIO, Dr Pascal ARTRU, Dr Frédéric DI FIORE, Pr Michel DUCREUX, Dr Éric FRANÇOIS, Dr Astrid LIÈVRE, Dr Jean-Philippe METGES, Pr Jean-Marc PHELIP, Dr Denis SMITH, Pr Jean-Philippe SPANO, Pr Julien TAÏEB Dr Christophe TOURNIGAND, Pr Marc YCHOU Nouveau Oncologie thoracique Dr Martine ANTOINE, Dr Benjamin BESSE, Pr Dominique GRUNENWALD, Pr Jean-François MORÈRE, Pr Françoise MORNEX, Dr Maurice PÉROL, Dr Gilles ROBINET, Pr Jean TR TRÉDANIEL Psycho-oncologie Dr Sarah DAUCHY * Inscription immédiate et gratuite résevée aux professionnels de santé. 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