Cas clinique C as clinique Hypertension artérielle révélatrice d’un corticosurrénalome sécrétant de l’adulte Arterial hypertension indicating a fonctional adreno-cortical cancer ● ● L. Yapur* L e corticosurrénalome, dont l’incidence est de 1 à 2 cas sur un million de personnes, est un cancer rare du cortex surrénal, de présentation hétérogène et de mauvais pronostic (1, 2). Il survient davantage chez les femmes que chez les hommes, avec un ratio de 1,5 (2, 3). La distribution par âge est bimodale, avec un pic durant l’enfance et un second pic vers 40-50 ans (4). La pathogenèse moléculaire n’est pas encore comprise. L’activité d’environ 60 % des corticosurrénalomes a des incidences hormonales. Une tumeur surrénalienne palpable à l’examen clinique, accompagnée de douleurs lombaires ou abdominales homolatérales, de signes cliniques de virilisation chez la femme et de gynécomastie chez l’homme, ou associée à un syndrome de Cushing, est suspecte de malignité (5). CaS CLINIqUe M. D.M. est âgé de 64 ans. Au cours des trois mois précédant la consultation est intervenue une perte de 10 % du poids corporel, associée à des douleurs abdominales du fl anc gauche, dans un contexte d’altération de l’état général. L’examen clinique a mis en évidence un mauvais état général, une hépatomégalie douloureuse et une hypertension artérielle systolique à 190 mmHg, mais pas de gynécomastie ni d’adénopathie palpable. Le reste de l’examen clinique était sans particularité. Un scanner abdominal et thoracique a été réalisé. Il a objectivé une volumineuse formation tumorale hypervascularisée au temps artériel, atteignant 120 mm de grand axe antéropostérieur et 80 mm de diamètre transversal (figure 1). S’associaient à cette lésion une formation hypodense hépatique de 50 mm de grand axe, occupant le segment VI, et plusieurs nodules pulmonaires bilatéraux (figure 2). Le bilan d’extension a été réalisé, incluant scintigraphie osseuse, scanner cérébral et des marqueurs tumoraux ACE et CA 19-9, qui s’est révélé normal. Une ponction-biopsie hépatique avec étude histologique a montré une prolifération carcinomateuse d’architecture variée, organisée en travées alors que, dans d’autres secteurs, les plages de cellules étaient peu cohésives. L’étude immunohistochimique était positive pour la vimentine, la synaptophysine et melan-A, ce dernier étant spécifi que du corticosurrénalome. L’ensemble de ces données cliniques, radiologiques et histologiques a permis de poser le diagnostic de corticosurrénalome. * Service de cancérologie, hôpital Beaujon, Clichy. 364 Figure 1. tomodensitométrie (tdM) abdominale : volumineuse formation tumorale gauche développée aux dépens de la corticosurrénale et du segment Vi hépatique. Figure 2. tdM thoracique : mise en évidence de plusieurs nodules pulmonaires bilatéraux Devant la présentation au diagnostic d’une hypertension artérielle, un bilan hormonal a été demandé, celui-ci révélant une cortisolémie élevée à 792 nmol/l (normale : 171-536 nmol/l) à 8 h et 484 nmol/l à 20 h ainsi qu’une cortisolurie à 860 nmol/24 h La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 8 - octobre 2007 (normale : 100-379 nmol/24 h), alors que les valeurs de l’hormone corticotrope (ACTH), de la déhydroépiandrostérone (DHEA-S) et de l’aldostérone étaient normales. Il a été conclu de ces éléments, discutés en réunion de concertation pluridisciplinaire, qu’il s’agissait d’un adénocarcinome d’origine surrénalienne sécrétant, métastatique aux niveaux hépatique et pulmonaire. Devant l’extension des lésions, la chirurgie a été récusée et le patient a été traité par une polychimiothérapie comprenant trois cures mensuelles d’adriamycine, de cisplatine et de 5-fluoro-uracile. Grâce à ce traitement, l’état général du patient a connu une amélioration, marquée par une diminution de la prise des dérivés morphiniques, une disparition à l’examen clinique de l’hépatomégalie ainsi qu’une normalisation de la tension artérielle après trois cures de chimiothérapie. La tolérance générale du traitement a été satisfaisante, et le dernier bilan montre une diminution progressive des valeurs de cortisolémie et de cortisolurie jusqu’à normalisation. DISCUSSION Les corticosurrénalomes sécrétants sont des tumeurs malignes hautement agressives dont le taux de croissance tumorale est rapide, ce qu’illustre une expression de Ki67 supérieure à 10 %, associée à un mauvais pronostic (6). L’activité d’environ 60 % des corticosurrénalomes a des incidences hormonales (7, 8). Si la sécrétion des hormones sexuelles a été associée à une survie prolongée, celle de glucocorticoïdes est associée à un pronostic péjoratif lorsque ce critère est exploré en analyse uni- et multivariée. Le diagnostic a été posé grâce aux données immunohistochimiques et à l’imagerie ; l’immunomarquage positif au melan-A, à la synaptophysine et à la vimentine a déterminé l’origine cortico­ surrénale de la tumeur. La taille est un paramètre diagnostique essentiel, car une tumeur de 6 cm ou plus est suspecte de malignité. Le traitement du corticosurrénalome est avant tout chirurgical (8). Le taux de récidive locale après résection varie dans la littérature de 35 à 85 % (7, 8). Le traitement de référence des formes non réséquables, incomplètement réséquées ou métastatiques est le mitotane. Ce traitement, en association à la chimiothérapie, est également efficace pour le contrôle hormonal des formes sécrétantes. Plusieurs protocoles associant la chimiothérapie au mitotane et intégrant la chirurgie pour une approche multidisciplinaire de formes localement avancées sont en cours d’évaluation ; ils utilisent la doxorubicine, le cisplatine, l’étoposide et la vincristine (9-11). La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 8 - octobre 2007 En ce qui concerne notre patient, étant donné l’extension de la maladie, d’emblée métastatique, la tolérance au traitement par chimiothérapie a été satisfaisante et a permis le contrôle de la symptomatologie hormonale. CONCLUSION Cas clinique C as clinique Les corticosurrénalomes sont des tumeurs hautement malignes responsables de métastases fréquentes et précoces. Le diagnostic est histologique et immunohistochimique. La TDM reste l’examen de référence en ce qui concerne l’imagerie. L’élément pronostique majeur est le stade. Dans une étude française portant sur 253 cas, la survie à 5 ans était respectivement de 60 %, 50 %, 25 % et 0 % pour les stades I, II, III, IV (12). Ces tumeurs représentent un véritable défi sur le plan thérapeutique. Leur traitement fait appel à une approche combinant chirurgie, mitotane et chimiothérapie, au mieux associés dans le cadre d’une prise en charge multidisciplinaire. ■ RéFéRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Dackiw AP, Lee JE, Gagel RF, Evans DB. Adrenal cortical carcinoma. World J Surg 2001;25:914-26. 2. Wooten MD, King DK. Adrenal cortical carcinoma. Epidemiology and treatment with mitotane and a review of the literature. Cancer 1993;72:3145-55. 3. Wajchenberg BL, Albergaria Pereira MA, Medonca BB et al. Adrenocortical carcinoma: clinical and laboratory observations. Cancer 2000;88:711-36. 4. Koschker AC, Fassnacht M, Hahner S, Weismann D, Allolio B. Adrenocortical carcinoma: improving patient care by establishing new structures. Exp Clin Endocrinol Diabetes 2006;114:45-51. 5. National Cancer Institute. Third national cancer survey: incidental data. DHEW publication no. (NHI). NCI Monogr 4;75-787. 6. Goldblum JR, Shannon R, Kaldjian EP et al. Immunohistochemical assessment of proliferative activity in adrenocortical neoplasms. Mod Pathol 1993; 6:663-8. 7. Favia G, Lumachi F, D’amico DF. Adrenocortical carcinoma: is prognosis different in nonfunctioning tumors? Results of surgical treatment in 31 patients. World J Surg 2001;26:753-8. 8. Ng L, Libertino JM. Adrenocortical carcinoma: diagnosis, evaluation and treatment. J Urol 2003;169:5-11. 9. Berruti A, Terzolo M, Pia A, Angeli A, Dogliotti L. Mitotane associated with etoposide, doxorubicin and cisplatin in the treatment of advanced adrenocortical carcinoma. Italian Group for the Study of Adrenal Cancer. Cancer 1998; 83:2194-200. 10. Khan TS, Imam H, Juhlin C et al. Streptozocin and o,p’DDD in the treatment of adrenocortical cancer patients: long-term survival in its adjuvants use. Ann Oncol 2000;11:1281-7. 11. Khan TS, Sundin A, Juhlin C, Wilander E, Oberg K, Eriksson B. 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