A D P C Évaluation de la sécurité d’emploi d’un médicament lors de l’AMM " C. Caulin* en vue d’une AMM est un moment privi’ évaluation légié dans l’histoire du médicament. L’ensemble du L dossier est examiné, et les conclusions en sont tirées au plan de la qualité, de l’efficacité et de la sécurité. C’est, hélas, le moment où les incertitudes concernant le dernier point sont la règle. INCERTITUDES CONCERNANT LA SÉCURITÉ D’EMPLOI LORS DE L’ÉVALUATION EN AMM Il est évident qu’il est plus aisé d’évaluer la sécurité d’un médicament appartenant à une classe connue ou ayant un mécanisme connu, puisque les données observées sont rapportées à l’expérience passée. Il est fréquent que la Commission d’AMM demande des informations cliniques supplémentaires, par exemple en cas d’anomalies hématologiques, d’anomalies hépatiques ou de toxidermie. Le dossier d’AMM permet le plus souvent : ! de définir avec précision la qualité pharmaceutique, ! d’approcher l’efficacité thérapeutique, mais il ne permet pas d’évaluer avec précision la sécurité. Il s’agit typiquement de demandes de précisions sur la relation dose-effet, le délai de survenue des accidents, la sévérité des effets indésirables observés et la description précise des cas observés et de leur évolution. L’examen du dossier clinique, qui comporte en moyenne 3 000 patients, permet de préciser la prévalence des effets indésirables attendus et leur sévérité, et parfois de déceler des effets indésirables inattendus, très fréquents. Les informations obtenues sont principalement fondées sur l’étude comparative des effets observés versus ceux observés dans les groupes contrôles des essais comparatifs. LES INSUFFISANCES DE L’ÉVALUATION DU RISQUE LORS DE L’AMM Il est bien évident que ce dossier de 3 000 patients ne permet ni de repérer les effets indésirables survenant une fois sur dix mille, ou plus rarement, ni de repérer les effets indésirables inattendus. LA DÉMARCHE DE SÉCURITÉ DE LA COMMISSION D’AMM Parce que les membres de la Commission d’AMM ont clairement conscience de la faiblesse de l’évaluation clinique de la sécurité, ils apportent toute leur attention à l’étude : ! des données toxicologiques de repérage des organes cibles et des fonctions cibles (les résultats sont interprétés en fonction de l’exposition), notamment dans les études de toxicologie réitérées, de génotoxicité, de toxicologie de la reproduction et, bien entendu, de cancérogenèse ; ! des données pharmacocinétiques cliniques, avec la recherche d’une accumulation du médicament et la détermination des groupes à risque majoré (sujets âgés, insuffisants hépatiques, insuffisants rénaux). Ces données toxicologiques, pharmacologiques et cliniques sont interprétées en fonction des connaissances antérieures, notamment celles concernant la classe médicamenteuse étudiée et les médicaments ayant un mécanisme d’action similaire. Le dossier, même complété par les réponses de la firme, peut rester insuffisant. L’évaluation du risque est fondée sur les données des essais cliniques, et des biais d’interprétation sont possibles. Les insuffisances d’évaluation du risque peuvent être liées : ! Aux difficultés d’inférence des résultats d’un essai clinique à la population ultérieurement traitée. Par exemple, le fait que, lors d’un essai thérapeutique bien mené, un nouveau traitement du diabète n’induise pas de sévérité particulière des accidents hypoglycémiques ne permet pas d’en inférer qu’il en sera de même lors de l’usage “en grandeur réelle” de ce traitement. Comme chacun le sait, les patients ne sont pas identiques, l’information qui leur est donnée n’est pas identique, les exigences d’alimentation régulière ne sont pas identiques et la formation des médecins n’est pas identique. L’expérience du passé a montré que les données “rassurantes” d’un essai pouvaient être contredites par la réalité de prescriptions aventureuses (avec modification intempestive d’un traitement antérieur bien supporté). ! Aux dangers liés aux forces de marketing qui, ayant tendance à faire valoir une meilleure sécurité de certains médicaments, incitent à les prescrire dans les groupes à risque majoré, favorisant ainsi la survenue d’effets indésirables. Ce fut le cas dans le passé, par exemple, pour certains AINS. * Service de médecine, hôpital Lariboisière, 75475 Paris Cedex 10. Le risque de l’usage de médicaments ne dépend pas uniquement du rapport bénéfice/risque, mais aussi des conditions de lancement, d’information des médecins et de prescription. La Lettre du Pharmacologue - Volume 16 - n° 3 - mai/juin 2002 69 A D P C NÉCESSITÉ D’ÉVALUATION POST-AMM Il est évident que l’évaluation de la sécurité d’emploi doit se poursuivre après l’AMM par la pharmacovigilance, des études de post-marketing-surveillance et des études pharmaco-épidémiologiques. La plupart des effets indésirables qui ont été étudiés et diffusés par la pharmacovigilance en 2001 n’étaient a priori pas prévisibles le jour de l’AMM. Citons, par exemple : ! les accidents thromboemboliques liés aux progestatifs de troisième génération ; 70 ! les syndromes de Lyell, au cours des traitements par le phénobarbital ; ! les troubles du comportement sous benzodiazépines ; !les hémorragies cérébrales induites par la phénylpropanolamine ; ! les tuberculoses et défaillances cardiaques sous infliximab ; ! les atteintes hématologiques et démyélinisations sous etanercept. Une réflexion sur le suivi est donc indispensable, et pourrait éventuellement bénéficier de techniques de pharmacovigilance “orientées”, avec appel à l’attention des prescripteurs et notification d’effets indésirables à surveiller particulièrement.# La Lettre du Pharmacologue - Volume 16 - n° 3 - mai/juin 2002