Cas clinique De la clinique au microscope Vous n’avez pas d’idée ? Demandez au patient, lui sait ! You have no idea? Ask the patient, he knows! Dermatite de contact • Poppers Contact dermatitis • Poppers E. Amsler1, B. Matard2, I. Moulonguet3 (1 Service de dermatologie et d’allergologie, hôpital Tenon, Paris ; 2 Cabinet de dermatologie, Croissy-sur-Seine ; 3 Cabinet d’anatomopathologie, Paris). L orsqu’une dermatite de contact est suspectée, un interrogatoire quasi “policier” est nécessaire pour ne pas méconnaître un diagnostic rare. Observation Un homme de 31 ans, sans antécédent ni prise médicamenteuse, a consulté pour un placard inflammatoire du haut de la cuisse (figure 1). Il révèle finalement que la lésion est apparue 8 jours après un contact accidentel avec une solution de poppers, contenue dans une ampoule de verre qui s’était brisée dans sa poche. Une biopsie cutanée a montré des remaniements inflammatoires lichénoïdes pouvant correspondre à une réaction lichénoïde de contact (figures 2 et 3). Les lésions ont régressé après quelques jours d’un traitement avec une crème à la bétaméthasone à 0,1 %. Discussion Le mot “poppers” est l’appellation communément attribuée à des dérivés du nitrite, dont les plus connus sont le nitrite d’amyle, le nitrite de butyle, le nitrite d’isopropyle, le nitrite de pentyle et le nitrite de cyclohexyle. Le poppers est un liquide transparent, jaunâtre, très volatil et inflammable. Il est vendu dans de petites bouteilles de verre (de 9 à 30 ml en général) de couleur ambre ou brun. L’utilisation se fait par inhalation de ses vapeurs par le nez et parfois par la bouche. La prise de poppers provoque en quelques secondes une accélération du rythme cardiaque, un relâchement musculaire et une sensation de chaleur intense, notamment au niveau de la peau, par vasodilatation brutale des vaisseaux sanguins superficiels (1). L’analyse de la littérature sur les effets indésirables dermatologiques montre l’existence d’une dermatite au poppers due à l’inhalation du produit ; elle est décrite depuis les années 1970. Il s’agit de lésions croûteuses jaunâtres du nez ou des narines, semblables à un impétigo et dont le mécanisme pathogénique semble être irritatif (2). En revanche, les effets indésirables dermatologiques dus à un contact du liquide avec la peau ont été peu rapportés. Un article récent (3) a décrit, chez 2 patients, des lésions inflammatoires cutanées en regard du contact accidentel avec le liquide, dans un délai de quelques heures pour l’un des cas, et non précisé pour l’autre. Aucun de ces cas n’avait été biopsié. Nous rapportons donc un cas de dermatite au poppers histologiquement documenté. Bien que la présentation clinique chez notre patient soit superposable aux cas rapportés par J. Schauber et al. (3), le délai d’apparition des lésions, de 8 jours, est inhabituel pour une dermatite irritative de contact, et pourrait évoquer un mécanisme allergique tel que celui proposé dans un article plus ancien (4). II 92 Images en Dermatologie • Vol. VI • no 4 et 5 • juillet-octobre 2013 Légendes Figure 1. Placard inflammatoire bien limité du haut de la cuisse, correspondant à la zone de contact du liquide accidentellement renversé dans la poche. Figure 2. Altérations lichénoïdes : infiltrat lymphocytaire dermique superficiel émiettant la basale qui est vacuolisée. Figure 3. Détail des remaniements lichénoïdes : altérations vacuolaires de la basale, présence d’un corps rond et d’un infiltrat lymphocytaire émiettant la basale. Références bibliographiques 1. http://www.drogues-info-service.fr/?Poppers, 972&var_recherche=poppers 2. Foroozan M, Studer M, Splingard B, Cuny JF, Barbaud A, Schmutz JL. Facial dermatitis due to inhalation of Poppers. Ann Dermatol Venereol 2009;136(3):298-9. 3. Schauber J, Herzinger T. Poppers dermatitis. Clin Exp Dermatol 2012;37(5):587-8. 4. Bos JD, Jansen FC, Timmer JG. Allergic contact dermatitis to amyl nitrite (‘poppers’). Contact Dermatitis 1985;12(2):109. Le premier auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Cas clinique De la clinique au microscope 1 2 3 Images en Dermatologie • Vol. VI • no 4 et 5 • juillet-octobre 2013 93