N O U V E L L E D R O G U E Gemcitabine (2’ ,2’-difluorodéoxycytidine) Mécanisme d’action, études précliniques et cliniques ● S. Faivre*, V. Diéras** L a gemcitabine (2’ ,2’-difluorodéoxycytidine) est un nouvel antimétabolite, sélectionné pour les études cliniques du fait de ses avantages en pharmacologie cellulaire par rapport aux autres antimétabolites et de son spectre d’activité en préclinique. Rapidement en clinique, ce nouvel agent a démontré une activité en monothérapie dans un grand nombre de tumeurs. Son profil de tolérance favorable permet d’envisager de nombreuses associations. STRUCTURE ET MÉCANISME D’ACTION NH2 NH2 N N O N O OH OH O La gemcitabine (2’ ,2’-difluorodéoxycytidine) est un analogue nucléotidique dont la structure chimique s’apparente à celle de l’aracytine ou Ara-C (figure 1). Ces deux antimétabolites inhibent la prolifération cellulaire en phase S et provoquent un blocage du cycle cellulaire en phase G1-S. Cependant, la gemcitabine présente plusieurs caractéristiques qui peuvent expliquer son activité dans les tumeurs solides, contrairement à l’aracytine, dont le spectre d’activité est limité aux hémopathies. La gemcitabine est une prodrogue très lipophile qui nécessite une pénétration et une phosphorylation intracellulaires pour donner lieu à la formation des métabolites actifs, dont le principal est la gemcitabine triphosphate. La déoxycytidine kinase, qui permet la conversion en métabolites actifs mono-, di-, et triphosphates, est une enzyme essentielle, puisque son déficit est impliqué dans la résistance à la gemcitabine. La gemcitabine inhibe la croissance cellulaire en interférant avec plusieurs voies métaboliques des acides nucléiques : – Le principal mécanisme consiste en un phénomène de dissimulation de l’extrémité du brin d’ADN (“masked chain termination”). La forme triphosphate est reconnue par les ADN polymérases et incorporée sous forme monophosphate dans le brin d’ADN en cours de synthèse. Cette insertion a la particularité de permettre l’incorporation supplémentaire d’un nucléotide normal avant l’arrêt de la polymérisation (1). Ce mécanisme explique que les enzymes exonucléases soient inaptes à exciser le nucléotide aberrant monophosphate, alors que l’Ara-C monophosphate peut être excisée. Cette différence pourrait * Département de médecine, Institut Gustave-Roussy, 39, rue CamilleDesmoulins, 94805 Villejuif Cedex. ** Service d’oncologie médicale, Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75005 Paris. 200 N O F OH OH Ara-C OH F Gemcitabine Figure 1. Structure chimique de la gemcitabine et de l’aracytine. expliquer en partie l’accumulation plus importante et plus prolongée des métabolites de la gemcitabine comparés à ceux de l’aracytine. – Les métabolites actifs de la gemcitabine sont inactivés par désamination. Ce processus est inhibé par des concentrations élevées de ces mêmes métabolites, conduisant à un phénomène d’auto-induction de l’activité de la gemcitabine. – La gemcitabine est également susceptible d’affecter les réserves endogènes de nucléotides en interférant avec l’activité ribonucléotide réductase, et inhibe la synthèse d’ARN par incorporation dans les brins d’ARN (2). Enfin, la gemcitabine se révèle apte à induire l’apoptose dans plusieurs modèles cellulaires leucémiques et ovariens. PHARMACOLOGIE PRÉCLINIQUE Les études métaboliques comparées entre gemcitabine et aracytine favorisent la gemcitabine, à la fois pour la captation intracellulaire et pour l’accumulation du métabolite actif triphosphate (3). Comme pour son mode d’action, la gemcitabine se particularise en outre par les aspects suivants : – Les métabolites actifs, au premier rang desquels la gemcitabine triphosphate, s’accumulent en intracellulaire pendant des La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 5 - octobre 1998 ACTIVITÉ PRÉCLINIQUE Contrairement à l’aracytine qui possède un spectre d’action restreint aux hémopathies (leucémies et lymphomes), la gemcitabine a démontré une activité antitumorale contre une grande variété de tumeurs solides. Une étude extensive a été réalisée in vitro en utilisant la technique du tumor cloning assay qui teste l’activité d’un composé sur des colonies de cellules tumorales isolées directement à partir des patients et cultivées dans un milieu à base d’agar (4). Sur 315 spécimens testés, dont 44 % évaluables pour les résultats, la gemcitabine s’est montrée active contre des échantillons de cancer bronchique non à petites cellules, de cancer du sein, de cancer de l’ovaire et de cancer pancréatique (tableau I). Dans cette étude, le taux de réponse était dépendant de la concentration de gemcitabine. De manière intéressante, l’activité de la gemcitabine est maintenue dans des lignées cellulaires déficitaires en système de réparation de l’ADN mismatch repair, et n’est donc potentiellement pas affectée par les mécanismes de résistance faisant intervenir ce processus (5). Plusieurs études in vivo ont confirmé l’activité antitumorale de la gemcitabine contre de nombreuses tumeurs murines et humaines : – une première étude précoce testant la gemcitabine contre des modèles de tumeurs murines (dont trois leucémiques) a permis d’observer une activité significative de cette drogue sur toutes les lignées testées (6) ; – les études consécutives utilisant des xénogreffes humaines ont démontré que la gemcitabine était active contre des tumeurs pancréatiques, bronchiques, colorectales et mammaires (7). La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 5 - octobre 1998 60 40 40 20 20 0 10-2 10-1 100 101 102 Inhibition de synthèse de l'ADN (%) Gemcitabine triphosphate (µM) 60 0 103 Gemcitabine (µM) Figure 2. Corrélation entre l’accumulation intracellulaire de gemcitabine triphosphate et l’inhibition de la synthèse d’ADN dans des cellules humaines (d’après W. Plunkett et coll., 3). 200 Gemcitabine triphosphate (µM) durées prolongées qui sont nécessaires pour que la majorité de la population tumorale puisse parcourir la totalité du cycle cellulaire. – Il existe une forte corrélation entre l’accumulation de la gemcitabine triphosphate et l’inhibition de synthèse de l’ADN, qui représente le mécanisme principal de l’action biologique de cette drogue (figure 2). À ce titre, la rétention prolongée des nucléotides de la gemcitabine est sans doute d’une grande importance. – Plusieurs étapes du métabolisme de la gemcitabine sont saturables : il s’agit de l’étape de phosphorylation par la déoxycytidine kinase, mais surtout de l’accumulation intracellulaire de gemcitabine triphosphate. En effet, si l’accumulation est concentration-dépendante à faible concentration, elle atteint un plateau à partir de 15-20 µmol/l (figure 3), et l’augmentation des concentrations ne permet plus alors d’augmenter l’accumulation intracellulaire. Il a été démontré que cette accumulation intracellulaire optimale de gemcitabine triphosphate était réalisée lorsque la concentration plasmatique de gemcitabine se situe entre 20 et 25 µmol/l. Ces données de pharmacologie précliniques sont d’un grand intérêt si l’on considère leurs implications cliniques, et favorisent l’allongement de la durée de perfusion plus que l’augmentation des concentrations. 100 0 0 25 50 75 Gemcitabine (µM) 100 Figure 3. Concentration-dépendance et saturabilité de l’accumulation de la gemcitabine triphosphate dans des cellules leucémiques humaines (d’après W. Plunkett et coll., 3). Tableau I. Activité de la gemcitabine in vitro contre des colonies tumorales humaines (d’après D.D. Von Hoff, 4). Nombre de réponses**/Nombre “évaluables” Concentration Type de tumeur 2,0 µg/ml 20,0 µg/ml Sein Côlon Bronche NPC* Mélanome Ovaire Pancréas 0/27 0/4 3/26 1/4 1/44 1/10 7/25 1/ 4 7/26 2/4 5/42 2/8 *Non à petites cellules. **Réponse définie par ≤ 50 % de survie des colonies tumorales formant unité. 201 N O U V E L L ÉTUDES D’ASSOCIATION PRÉCLINIQUES La gemcitabine s’est révélée être un composé prometteur en association à d’autres agents anticancéreux en préclinique. Un effet cytotoxique synergique est notamment observé sur les lignées cellulaires tumorales lorsque la gemcitabine est associée au cisplatine, à l’oxaliplatine, à la vindésine, à l’étoposide ou à la mitomycine C (8, 9, 10). Les mécanismes sous-tendant cet effet supra-additif sont actuellement encore mal connus. Ils pourraient concerner le nombre de lésions formées au niveau de l’ADN, mais aussi les systèmes de réparation de l’ADN. La gemcitabine est également un puissant agent radiosensibilisant lorsqu’elle est utilisée in vitro sur plusieurs lignées pancréatiques, coliques et bronchiques (11), ce qui explique que certains auteurs aient proposé des essais d’association radiochimiothérapie avec ce composé. ÉTUDES CLINIQUES Les études précliniques indiquaient que la toxicité de la gemcitabine était schéma-dépendante. Ceci a permis de prédire correctement les toxicités observées lors des essais de phases I et II. Études de phase I Lorsque la gemcitabine est administrée chaque jour (1 à 12 mg/m2) pendant cinq jours toutes les trois semaines, la toxicité dose-limitante est représentée par un syndrome grippal avec fièvre, malaise, céphalées et anorexie. Chez certains patients, à des doses ≥ 7 mg/m2, des épisodes sévères d’hypotension ont été observés. La gemcitabine paraît mieux tolérée lorsqu’elle est administrée toutes les deux semaines, la toxicité dose-limitante étant la myélosuppression, prédominant sur la lignée plaquettaire, avec une dose maximale tolérée de 5 700 mg/m2. En administration bihebdomadaire pendant trois semaines, différents symptômes ont été observés : asthénie, fièvre, syndrome pseudogrippal et rash cutané. Une thrombopénie réversible était notée avec une dose maximale tolérée de 65-75 mg/m2. Le schéma hebdomadaire pendant trois semaines, suivi d’une semaine de repos, démontre une activité associée à une toxicité extrahématologique minimale. La dose maximale tolérée est de 790 mg/m2 chez les patients prétraités et de 1 370 mg/m2 dans une autre étude, la toxicité dose-limitante étant hématologique (thrombopénie). La durée de perfusion a été également étudiée : une perfusion supérieure à une heure entraîne une augmentation de la myélosuppression et de la cytolyse hépatique (12). Le schéma retenu pour les études de phase II est l’administration de gemcitabine en perfusion hebdomadaire de trente minutes pendant trois semaines, suivies d’une semaine de repos, à des doses comprises entre 750 et 1 500 mg/m2. Du fait de son activité dans de nombreuses tumeurs, de son profil de toxicité très favorable et de son potentiel de synergie, de très nombreuses études de phase I d’associations avec d’autres agents anticancéreux ont été réalisées : les organoplatines, les taxanes, les inhibiteurs topo-isomérases I, les vinca-alcaloïdes (vinorelbine), les alkylants (ifosfamide). Lors de ces très nombreuses études de phase I d’associations, différents schémas d’administration ont été testés. Beaucoup de ces essais ne sont publiés que sous forme d’abstracts et ne seront pas présentés en détail dans cette revue. 202 E D R O G U E Tolérance Le profil de tolérance de la gemcitabine est favorable (13). La toxicité la plus fréquente est une myélosuppression modérée. Les toxicités de grade 3/4 sont peu fréquentes : anémie (< 8 %), neutropénie (< 25 %) et thrombopénie (< 5 %). Cette myélosuppression est généralement de courte durée et sans signification clinique (incidence d’infection < 2 %). Les autres toxicités comportent des perturbations biologiques hépatiques (cytolyse), des nausées et des vomissements, une protéinurie et une hématurie, des rashs cutanés avec ou sans prurit, une fièvre, un syndrome grippal et des œdèmes (en l’absence de cause cardiaque, hépatique ou rénale). Plus rarement, on peut observer : dyspnée transitoire, alopécie, somnolence, diarrhée, constipation, mucite. Cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) Activité en monothérapie Dans une série d’essais de phase II, la gemcitabine en monothérapie a donné un taux de réponse objective de 20 % chez des patients présentant un cancer du poumon stades IIIb et IV (14, 15). Dans la plus grande étude, incluant 161 patients, ce taux de réponse était associé à une survie médiane de 9,4 mois (15). Études de phase II d’association Dans les études précliniques, il existe une synergie entre la gemcitabine et le cisplatine, entraînant la réalisation de très nombreux essais de phase II d’associations où la gemcitabine était administrée à J1, J8 et J15 et le cisplatine une fois par mois, selon des schémas différents (tableau II) (16, 17, 18, 19). Les taux de réponse sont compris entre 30 et 59 %. La survie médiane est comprise entre 8,4 et 15,4 mois et la survie à un an est comprise entre 40 et 59 %, ce qui se compare favorablement avec les résultats des autres études d’associations avec le cisplatine. L’administration du cisplatine à J2 ou J15 est associée à un meilleur taux de réponse et une meilleure survie que les autres schémas d’administration (J1 ou J1-J8-J15). D’autres essais de phase II d’association sont également étudiés avec le carboplatine, la vinorelbine, l’étoposide, l’ifosfamide et les taxanes (paclitaxel et docétaxel). Des associations comprenant trois agents sont également en cours de développement. Tableau II. Études de phase II d’association gemcitabine-cisplatine dans les CPNPC. Jour 1 Cisplatine Nombre 30 de patients Stades III/IV 17/83 Taux de 33 réponse (%) Survie 9,9 médiane (mois) Survie 40 à un an (%) 2 15 15 1, 8, 15 1, 8, 15 48 53 60 40 48 46/54 54 62/38 52 68/32 37 15/85 31 15/85 28 15,4 13 10,2 9,1 8,4 59 55 40 34 30 Gemcitabine 1 000-1 500 mg/m2 J1-J8-J15. Cisplatine 100 mg/m2 J1 ou J2 ou J15 ou 30 mg/m2 J1-J8-J15. La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 5 - octobre 1998 Essais de phase III Gemcitabine versus étoposide-cisplatine : l’activité en monothérapie de la gemcitabine a été également évaluée dans deux essais randomisés (tableau III). Dans une large étude européenne, 146 patients ont été randomisés entre la gemcitabine et l’association cisplatine 100 mg/m2 J1 - étoposide 100 mg/m2 J1-J2-J3 (20). Cette étude montre une activité identique dans les deux bras, avec un profil de tolérance en faveur de la gemcitabine. Une étude américaine randomise l’association gemcitabinecisplatine versus cisplatine dans les CPNPC stades III/IV (tableau IV). L’analyse intermédiaire est en faveur d’une supériorité de l’association gemcitabine-cisplatine (21). Dans une étude multicentrique espagnole, des patients présentant un CPNPC stade IIIb ou IV, en bon état général, étaient randomisés entre gemcitabine-cisplatine (1 250 mg/m2 J1 et J8, 100 mg/m2 J1) et étoposide-cisplatine (100 mg/m2 J1-2-3, 100 mg/m2 J1) (22). Vingt-huit patients (40,6 %) ont présenté une réponse partielle dans le bras gemcitabine-cisplatine contre 14 (21,9 %) dans le bras étoposide-cisplatine (p = 0,0253). Le temps jusqu’à progression est plus long dans le bras gemcitabinecisplatine (7,9 mois contre 4,6 mois, p = 0,02). De même, la tolérance hématologique est meilleure dans le bras gemcitabine. Un essai comparant gemcitabine-cisplatine versus MIC (mitomycine-ifosfamide-cisplatine) a été réalisé dans les CPNPC de stades IIIb et IV (23). L’association gemcitabine-cisplatine se révèle supérieure à l’association MIC en termes de réponse objective (40 % versus 21 %, p = 0,03), mais sans différence significative en termes de survie médiane. L’analyse de la qualité de vie est en cours. Un grand essai de l’ECOG (1 200 patients) a débuté fin 1996 ; il comprend quatre bras comparant les associations paclitaxelcisplatine, gemcitabine-cisplatine, docétaxel-cisplatine et paclitaxel-carboplatine. Cet essai devrait préciser la place respective des nouveaux agents cytotoxiques dans le traitement de première ligne des CPNPC. Cancers de vessie localement avancés ou métastatiques Activité en monothérapie Les résultats de quatre essais de phase II sont présentés dans le tableau V (24, 25, 26, 27). Dans tous ces essais, la gemcitabine est administrée à J1, J8 et J15, avec reprise du cycle à J28. Ces essais de phase II suggèrent donc que la gemcitabine est active dans les cancers de vessie localement avancés ou métastatiques. Cela est démontré que les patients soient prétraités ou non par une chimiothérapie de type MVAC ou par une association à base de cisplatine. Les réponses ont été obtenues dans tous les sites métastatiques, et étaient fréquentes au niveau hépatique et pulmonaire. Association gemcitabine-cisplatine en première ligne thérapeutique Compte tenu des résultats des essais de phase II, il paraissait donc logique de développer les associations gemcitabinecisplatine. Deux essais d’association sont présentés dans le tableau VI. Dans le premier, la gemcitabine associée au cisplatine hebdomadaire donne un taux de réponse de 40 %. Ce taux La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 5 - octobre 1998 Tableau III. Essais de phase III gemcitabine versus étoposide-cisplatine CPNPC. Réponses partielles/ patients évaluables Taux de réponse en % (IC 95 %) Survie médiane (mois) Toxicité grades 3-4 Neutropénie (%) Nausées-vomissements (%) Alopécie (%) Neutropénie fébrile (%) Gemcitabine Cisplatine-étoposide 1000 mg/m2 J1, J8 et J15 100 mg/m2 J1100 mg/m2 J1-2-3 12/66 11/72 18,2 (9,8-30) 15,3 (7,9-25,7) 6,6 7,6 7,4 11,3 2,9 12,7 15,3 28,9 61,8 23,6 Tableau IV. Gemcitabine-cisplatine versus cisplatine dans les CPNPC stades III/IV. Cisplatine Cisplatine 100 mg/m2 J1 100 mg/m2 J1 Gemcitabine 1 000 mg/m2 J1-J8-J15 Taux de réponse objective (%) 9,1 31 p = 0,0001 Temps jusqu’à progression 4,2 6,8 p = 0,0004 (mois) Survie médiane (mois) 7,6 9,1 p = 0,012 Toxicité grades 3/4 Neutropénie (%) 5 58 Thrombopénie (%) 3 51 Neutropénie fébrile (%) 1,3 3,9 Tableau V. Essais de phase II monothérapie dans les cancers de vessie. Étude Pollera et coll. (24) De Lena et coll. (25) Stadler et coll. (26) Moore et coll. (27) Dose Chimiothérapie Nombre (mg/m2) antérieure de patients inclus/ évaluables 875-1370 oui (14/15) 15/15 Réponses Réponses complètes + objectives réponses (%) partielles 1+3 27 1250 oui 34/25 3+4 28 1200 non* 40/38 4+7 29 1200 non* 40/21 2+6 38 *Chimiothérapie adjuvante et néo-adjuvante autorisée en fonction de l’intervalle libre (6/12 mois). Tableau VI. Association gemcitabine-cisplatine en première ligne thérapeutique. Étude Dose Schéma Nombre (mg/m2) de patients inclus/ évaluables J1-8-15 tous les 28 jours G 1 000 G : J1-8-15 C100/75 C : J1 tous les 28 jours Réponses Réponses Survie complètes + objectives médiane réponses (%) (mois) partielles von der Maase G 1 000 et coll. (28) C35 44/38 6+9 40 12,1 Stadler et coll. (29) 16/16 5+7 75 ND 203 N O U V E L L de réponse n’est pas élevé, mais la durée de réponse et la survie médiane de 12 mois paraissent encourageantes. La toxicité dans cet essai est acceptable bien que la myélosuppression ait entraîné des réductions de doses. Les résultats préliminaires de l’étude gemcitabine associée au cisplatine mensuel, avec un taux de réponse de 75 %, sont très encourageants. La dose initiale de 100 mg/m2 de cisplatine a dû être réduite à 75 mg/m2, compte tenu de l’importance de la myélosuppression. Le protocole MVAC étant considéré comme le standard de la chimiothérapie des carcinomes vésicaux, cette association a été choisie pour être comparée à l’association gemcitabinecisplatine dans un essai international multicentrique randomisant 400 patients présentant un cancer de vessie localement avancé ou métastatique. La gemcitabine est administrée à la dose de 1 000 mg/m 2 J1-J8-J15 et le cisplatine à celle de 70 mg/m2 J2 (comme dans le MVAC). Cancers du pancréas Le traitement des cancers du pancréas avancés ou métastatiques représente une difficulté majeure en oncologie médicale. De nombreux essais de phase II évaluant de nouveaux agents anticancéreux n’ont pas permis d’individualiser un agent donnant un taux de réponse supérieur à 20 %. De ce fait, dans le cadre de cette pathologie, le contrôle des symptômes tend à devenir le critère principal d’évaluation. Activité en monothérapie Dans le premier essai de phase II publié (30), le taux de réponse est de 11 %. Cependant, les investigateurs ont noté une amélioration des symptômes (stabilisation ou amélioration du performance status, diminution de la consommation d’antalgiques) chez un nombre significatif de patients. Cela a été confirmé dans une seconde étude de phase II (31). Un nouveau critère de réponse a été défini, “le bénéfice clinique”, comprenant l’évaluation de différents paramètres : douleurs (intensité et consommation d’antalgiques), performance status, poids. Ce critère de réponse a été adopté dans l’évaluation des essais cliniques ultérieurs. Dans une étude randomisée, 126 patients présentant un cancer du pancréas localement avancé ou métastatique recevaient 1 000 mg/m 2 de gemcitabine par semaine, pendant sept semaines, suivies d’une semaine de repos, puis une perfusion hebdomadaire pendant trois semaines par mois, ou 600 mg/m2/semaine de 5-FU (32). Quinze patients (23,8 %) ont présenté un bénéfice clinique contre seulement 3 (4,8 %) des patients recevant du 5-FU. La différence est très significative (p = 0,0022). La durée du bénéfice clinique est de 18 semaines pour le groupe gemcitabine et de 13 semaines pour le groupe 5-FU. La gemcitabine apparaît supérieure au 5-FU en termes de survie médiane (5,65 versus 4,41 mois, p = 0,0025), de survie à 12 mois (18 % versus 2 %) et de réponse objective (5,4 % versus 0 %). Les deux agents ont été bien tolérés avec un taux de toxicité grades 2-3 inférieur à 10 % (neutropénie, élévation des phosphatases alcalines, nauséesvomissements). Dans un autre essai de phase II, 63 patients présentant un cancer du pancréas ayant progressé sous 5-FU ont été traités par 204 E D R O G U E gemcitabine selon le même schéma que l’étude randomisée (33). Dix-sept patients (27 %) ont présenté un bénéfice clinique avec une durée médiane de réponse de 14 semaines et une survie médiane de 3,85 mois. Le taux de réponse objective est de 10,5 % (6/57). Le profil de toxicité est acceptable et similaire à celui de l’étude randomisée. Études d’association Les associations de gemcitabine avec le FU, le cisplatine ou l’épirubicine ont été évaluées dans des études de phase I. Cancers du sein Activité en monothérapie Quatre études de phase II ont été réalisées dans le cancer du sein métastatique. Le schéma utilisé est l’administration de gemcitabine en perfusion de 30 min J1, J8 et J15, suivie d’une semaine de repos. Les différences entre les essais concernent les caractéristiques des patientes et la posologie de gemcitabine. La première étude (34) concerne 44 patientes présentant un cancer du sein avancé ou métastatique ayant reçu une seule ligne de chimiothérapie (en situation adjuvante ou métastatique) et traitées par gemcitabine 800 mg/m2 J1, J8 et J15. La dose médiane administrée est de 733 mg/m 2. Parmi les 43 patientes évaluables, on observe 3 réponses complètes et 7 réponses partielles pour un taux de réponse objective de 25 %. Les réponses sont observées au niveau de tous les sites métastatiques (tissus mous, foie et poumon). Le temps médian à la première réponse est court : 1,9 mois. D’autres études de phase II utilisant des doses plus élevées de gemcitabine ont été réalisées (tableau VII). Les résultats préliminaires de 37 % et 28 % confirment la première étude (35, 36). Une de ces études a été réalisée chez des patientes présentant un cancer du sein métastatique, en deuxième ligne après traitement avec anthracyclines ou anthracénedione (36). En outre, 30 % des patientes ont reçu une chimiothérapie adjuvante. Trente-deux patientes (74 %) présentent une maladie viscérale (foie, poumon). Le taux de réponse objective est de 28 % (IC 95 % : 15-44) et les réponses sont observées au niveau de tous les sites métastatiques (tissus mous, foie et poumon). Tableau VII. Essais de phase II de la gemcitabine dans les cancers du sein métastatiques. Carmichael et coll. (34) Blackstein et coll. (35) Spielman et coll. (36) Dose 800 1 200 1 200 Chimiothérapie adjuvante (7/40) adjuvante (21/39) adjuvante (9/42) antérieure métastatique (19/40) Nombre de patientes 44/40 39/35 47/43 incluses/évaluables Réponses complètes + 3+7 4+9 4+8 partielles Réponses objectives 25 37,1 28 en % (IC 95 %) (12,7-41,2) (23-57) (15-44) Durée médiane 13,5 (6-43+) > 12,7 7 (2-14) de réponse (mois) Survie médiane 11,5 > 17,5 15 (mois) La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 5 - octobre 1998 Études en association Dans une étude de phase II associant gemcitabine et doxorubicine, les patientes présentant un cancer du sein métastatique en première ligne thérapeutique (chimiothérapie adjuvante autorisée) recevaient doxorubicine 25 mg/m2 à J1-J8-J15 et gemcitabine à une dose de départ de 800 mg/m2 à J1-J8-J15, reprise à J28 (37). Du fait de l’absence de toxicité chez les 6 premières patientes, la dose de gemcitabine a été augmentée secondairement à 1 000 mg/m2 chez les 6 patientes suivantes. Cependant, à ce niveau de dose, 2 décès précoces ont été observés (hémorragie et pneumopathie bilatérale) ; la dose de gemcitabine a alors été réduite à 800 mg/m2 chez les 28 autres patientes. Le nombre médian de cycles administrés est de 6 (0-8). Chez les 40 patientes évaluables pour l’activité, 5 réponses complètes et 19 réponses partielles ont été observées, pour un taux de réponse objective de 60 % (IC 95 % : 40-80). Après un suivi de 21 mois, la survie médiane n’est pas atteinte. D’autres essais de phase II d’association ont été réalisés, notamment avec l’épirubicine et les taxanes (14). Cancers de l’ovaire Activité en monothérapie L’activité de la gemcitabine a été rapportée après échec d’un traitement par organoplatine ou taxane (38, 39). La gemcitabine 800-1 250 mg/m2 était administrée à J1-J8-J15 avec reprise à J28. En seconde ligne thérapeutique, la gemcitabine donne un taux de réponse de 19 % et une durée médiane de réponse de 8,1 mois (40). Études d’association Plusieurs essais de phase I/II d’association sont en cours, notamment avec le cisplatine, et confirment l’activité et la tolérance de l’association gemcitabine et cisplatine en première ligne thérapeutique de cancers de l’ovaire de stades III et IV. Trois essais de phase II confirment l’activité et la tolérance de l’association gemcitabine-cisplatine dans les cancers de l’ovaire stades III-IV en première ligne thérapeutique (tableau VIII). Dans l’étude allemande, seules les patientes de plus de 60 ans sont éligibles. La gemcitabine à la dose de 1 250 mg/m2 est administrée à J1 et J8 et le cisplatine à celle de 75 mg/m2 à J1, avec reprise à J21. Autres tumeurs D’autres essais de phase II en monothérapie et/ou en association sont en cours d’évaluation dans d’autres tumeurs : cancers du poumon à petites cellules, mésothéliomes, cancers ORL, cancers digestifs, sarcomes... Tableau VIII. Associations gemcitabine-cisplatine dans les cancers de l’ovaire. Nombre de patientes incluses/évaluables Réponses complètes Réponses partielles Taux de réponse objective (%) Krakowski et coll. (42) 42/26 Nogue et coll. (43) 27/26 Bauknecht et coll. (41) 31/15 7 13 71 5 13 69 4 4 53 La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 5 - octobre 1998 Conclusion La gemcitabine est un nouvel antimétabolite paraissant original de par ses caractéristiques de pharmacologie cellulaire, son activité antitumorale en monothérapie dans un grand nombre de tumeurs solides, et son profil de tolérance favorable permettant son intégration dans de nombreux protocoles d’association. Les prochaines études devraient déterminer le rôle de la gemcitabine : optimalisation du schéma et des associations (organoplatines, taxanes, anthracyclines, inhibiteurs topo-isomérases I), ainsi qu’une meilleure caractérisation des résistances tumorales. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Huang P., Chubb S., Hertel L., Grindley G.B., Plunkett W. 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