Sommaire ÉDITORIAL Vol. V - N° 6 - novembre-décembre 2009 Vers un nouveau paradigme pour l’insertion des personnes schizophrènes ÉDITORIAL 113 Vers un nouveau paradigme pour l’insertion des personnes schizophrènes Toward a new paradigm of employment for schizophrenic subjects Toward a new paradigm of employment for schizophrenic subjects A. Leplège, A. Plagnol ACTUALITÉS SCIENCES 115 A. Leplège*, A. Plagnol** Coordonnées par E. Bacon L’ DOSSIER THÉMATIQUE 118 Handicap psychique et réinsertion professionnelle Coordonnateur : A. Leplège Pathologie schizophrénique et insertion professionnelle Schizophrenia and employment A. Plagnol Handicap psychique, réhabilitation psychosociale et réinsertion professionnelle Psychic disability, psychosocial rehabilitation and vocational outcome B. Pachoud Real-world functioning et insertion : une nouvelle perspective ? Real-world functioning and rehabilitation: a new perspective V. Matrat, K. Grenier Évaluation de la réinsertion professionnelle du point de vue des sujets : mesures de qualité de vie Assessing vocational rehabilitation from the subjects’ point of view: the measures of quality of life A. Leplège CONGRÈS-RÉUNION 137 Anxiété et troubles de l’adaptation du tournant de la vie Synthèse de l’atelier scientifique présidé par le Pr M. Ferreri, 3 juin 2009, Paris F. Cazala, C.S. Peretti EN PLUS... ✥ Nouvelles de l’industrie pharmaceutique I 141 Abonnez-vous en ligne ! www.edimark.fr Bulletin d’abonnement disponible page 143 évolution des pathologies schizophréniques a été transformée par les antipsychotiques qui favorisent un abord relationnel plus approfondi et une forte réduction des périodes d’hospitalisation. Progressivement, un consensus assez large sur les modalités optimales de soins s’est établi autour de l’association étroite des volets médicamenteux, psychothérapeutiques et sociaux, dans le souci de favoriser au maximum l’autonomie des patients. Même s’il existe des schizophrénies “résistantes”, beaucoup de patients parviennent à vivre avec une symptomatologie résiduelle, et l’on commence même à parler dans certains cas de “rétablissement” (recovery), c’est-à-dire non pas de guérison pensée comme une restitution ad integrum, mais d’un processus subjectif de réappropriation par le sujet d’un équilibre intégrant sa “maladie” et lui permettant d’exprimer des potentialités parfois inattendues. On note cependant la persistance d’un fossé entre les améliorations cliniques permises par les antipsychotiques et les difficultés dans la vie quotidienne. Le thème du retentissement fonctionnel (functional outcome) à long terme des troubles schizophréniques est donc apparu au premier plan des préoccupations de nombreux auteurs. En France, ce questionnement a été renouvelé à l’occasion de la rédaction de la loi du 11 février 2005, qui a été conçue pour répondre à l’ensemble des situations de “handicap” – terme dont pouvaient se méfier les psychiatres autant que leurs patients même s’ils recouraient de façon pragmatique aux dispositions de la loi de 1975. La loi de * Département d’histoire et de philosophie des sciences, université Paris-Diderot ; ** laboratoire de psychopathologie et de neuropsychologie, université Paris-8. La Lettre du Psychiatre • Vol. V - n° 6 - novembre-décembre 2009 | 113 ÉDITORIAL 2005, en distinguant les altérations des fonctions mentales et cognitives des altérations des fonctions psychiques pour répondre à la demande des associations de patients et de familles, a ouvert un espace nouveau à l’analyse et à la conceptualisation des problèmes rencontrés par les sujets vivant avec une schizophrénie, celui du “handicap psychique”. Le terme de “handicap” a été initialement mal accueilli par une partie des patients et des soignants travaillant dans le champ de la santé mentale, car ils se représentaient le handicap comme un déficit fonctionnel peu évolutif (consolidé), répondant de façon peu satisfaisante aux soins et ayant de nombreuses conséquences sociales dont l’origine et la cause se trouvaient dans la maladie du sujet. L’attribution du qualificatif de “handicapé” aux sujets souffrant de schizophrénie a donc semblé non seulement stigmatisante, mais surtout contradictoire avec le projet de soin dont l’objectif reste l’évolution du patient vers la sortie de la maladie. Cette représentation pessimiste du handicap correspond au modèle médical traditionnel et sous-tend encore la classification internationale des handicaps publiée en 1980 par l’OMS (1). Mais cette représentation négative fait l’impasse sur toute une littérature scientifique (connue sous le terme de disability studies), qui s’est développée dès les années 1980 et qui a eu pour objectif de critiquer précisément cette conception culpabilisatrice et stigmatisante du handicap et de proposer un modèle alternatif, partiellement démédicalisé, qui mette l’accent sur les causes sociales des handicaps. Une réponse (partielle) à ces critiques a été la publication de la Classification internationale des fonctionnements, du handicap et de la santé par l’OMS (2). En France, en dehors de la littérature spécialisée, on trouve quelques traces de ce débat dans la littérature généraliste. Citons le rapport de Julia Kristeva qui met l’accent sur la notion de “situation de handicap” (3). Ces réflexions, centrées initialement sur des problèmes posés par les handicaps physiques, ont rapidement concerné le domaine de la santé mentale. S’il importe de rester conscient des difficultés épistémologiques et éthiques soulevées par ces nouvelles catégorisations, voire des dangers persistants de stigmatisation, il faut aussi souligner que l’association du qualificatif “psychique” à “handicap” implique maintenant une inflexion dynamique qui s’oppose à la conception fixiste antérieure. Désormais, tous les intervenants insistent sur le caractère relatif au contexte social de tout handicap, qui – pour être bref – ne saurait être évalué que par une approche centrée sur la personne en interaction avec son environnement. Tout cela ouvre de nouvelles perspectives de lutte contre les handicaps (notamment en intervenant sur les contextes sociaux et environnementaux). Il s’est ainsi ouvert un vaste chantier ayant pour objectif de clarifier l’articulation des fonctions respectives des services de soins et des structures (médico-) sociales. La création de centaines de groupes d’entraide mutuelle (GEM) ou l’essor des services d’assistance à la vie sociale (SAVS) et des services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH), proposant un soutien spécifique, sont les premiers effets de cette évolution. L’ampleur qu’a déjà pris ce courant dans les revues scientifiques internationales de psychiatrie témoigne d’un élargissement des préoccupations des psychiatres, et sans doute aussi d’une véritable transformation de la conception des maladies mentales. Elles semblent désormais considérées comme des pathologies persistantes évolutives, dont le retentissement fonctionnel constitue une dimension essentielle, l’optimisation des conditions et de la qualité de vie de ces personnes devenant l’objectif premier de la politique de prise en charge. Une seconde raison de s’intéresser à ces études est que leurs résultats sont parfois inattendus, du moins au regard de présupposés inhérents aux conceptions psychiatriques dominantes, et qu’elles ont par ailleurs des conséquences concrètes pour les pratiques d’évaluation. Dans ce contexte, le thème de la réinsertion professionnelle des sujets atteints de troubles mentaux a pris une importance particulière. La richesse de la bibliographie sur ce sujet manifeste l’actualité de cette thématique. Les articles qui constituent ce numéro de La Lettre du Psychiatre se placent précisément dans cette nouvelle perspective, plus positive et plus ouverte, sur le handicap psychique. Nous avons regroupé quatre articles qui s’inscrivent dans les travaux réalisés dans le cadre d’un projet de recherche porté par A. Leplège (université Denis-Diderot), A. Plagnol (université Paris-8), B. Pachoud (université Denis-Diderot) et C. Barral (Centre technique national d’études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations [CTNERHI]) et financé par la mission Recherche de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES-MiRe) et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), en collaboration avec la Direction générale de l’action sociale (DGAS), le GIS-IRESP et l’Union nationale des amis et familles de malades psychiques (UNAFAM). Le premier article (A. Plagnol) souligne que le fonctionnement psychotique persistant implique de prendre en compte de nombreux facteurs dans l’appréciation du potentiel professionnel qui dépend d’éléments émotionnels et relationnels complexes. Bernard Pachoud nous propose une réflexion sur les notions de retentissement fonctionnel, de devenir de la personne (outcome), de rétablissement et de réhabilitation, ainsi que sur leur incidence sur les pratiques d’évaluation et de soutien à la réinsertion professionnelle. Vincent Matrat et Karine Grenier s’intéressent à la notion de realworld functioning, qui pourrait contribuer à une meilleure prise en compte de la subjectivité, de la singularité et de la globalité du vécu individuel, dans une perspective “écologique” d’interaction avec l’environnement. Enfin, le dernier article (Alain Leplège), rappelle les principes généraux des études de qualité de vie, décrit le contenu de quelques-uns des instruments disponibles et insiste sur la rigueur méthodologique et scientifique nécessaire à la réussite de ces études. ■ Références bibliographiques 1. Wood P et al. The international classification of impairments, disabilities, and handicaps. OMS, 1980. | La Lettreinternationale du Psychiatre des V - n° 6 - novembre-décembre 2009 et de la 2. Classification du handicap • Vol.fonctionnements, 114 santé. OMS, 2001. 3. Kristeva J. Lettre au président de la République sur les citoyens en situation de handicap, à l’usage de ceux qui le sont et de ceux qui ne le sont pas. Paris: Fayard, 2003.