Anorexie : l’efficacité à long terme des psychothérapies

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Revue de presse
Anorexie : l’efficacité à long terme
des psychothérapies
Londres (Grande-Bretagne)
Quatre-vingt patientes (57 anorexiques,
23 boulimiques) ayant bénéficié d’une
psychothérapie ambulatoire d’une
durée d’un an après une hospitalisation
favorable (poids), ont été évaluées juste
après la psychothérapie puis 5 ans plus
tard, selon la même méthode : pesée et
entretien structuré (Morgan-Russell)
recensant de l’information sur la nutrition, le cycle menstruel, l’état psychique, l’adaptation psycho-sexuelle, le
statut socio-économique. L’objectif à
un an était de comparer les mérites respectifs de la thérapie familiale (TF) et
de la thérapie individuelle (TI).
L’objectif à cinq ans était d’apprécier le
maintien des résultats à long terme
(Family and individual therapy in anorexia nervosa. A 5-year follow-up,
Arch. Gen. Psychiatry, 1997, 54 : 10251030). I. Eisler et coll. ont réparti leur
cohorte au hasard en 2 groupes (TF et
TI) puis en 4 sous-groupes : anorexie
précoce de courte durée (APCD), anorexie précoce de longue durée (APLD),
anorexie tardive (AT), boulimie de
faible poids (B). Les 2 psychologues
évaluateurs n’ont pas participé aux psychothérapies. L’analyse des données
permet un classement des résultats des
traitements en 3 catégories selon l’état
général des patientes (bon : poids et
cycle menstruel normaux ; moyen :
poids normal, aménorrhée persistante ;
faible : écart de poids supérieur à 15 %
par rapport au poids normal moyen, ou
développement de symptômes boulimiques) et selon les 5 dimensions cliniques de Morgan-Russell.
Les résultats à un an confirment et affinent les données de travaux antérieurs.
Les résultats à 5 ans affirment le maintien, voire l’amélioration des résultats à
un an : 1) Amélioration générale et
significative à 5 ans, même pour les
résultats faibles à 1 an (le rôle de l’évolution naturelle semble donc non négligeable). 2) TF > TI pour l’APCD, surtout pour le poids et le cycle menstruel :
la TF se confirmerait donc comme le
traitement de choix des anorexiques
adolescentes (18 ans au plus et moins
de 3 ans d’anorexie). 3) APLD et B :
résultats plutôt faibles. 4) TI > TF pour
A1 (> 18 ans) surtout pour l’état mental et l’adaptation psychosexuelle. 5) Il
n’existe pas de corrélation entre le
niveau familial d’Emotion Exprimée
(marotte anglo-saxonne ?) et les résultats à 5 ans.
Attention : les effectifs par sousgroupes sont faibles et l’information
sur ce qui s’est fait thérapeutiquement
entre 1 et 5 ans est imparfaite.
Mots-clés : Anorexie, Psychothérapie familiale, Psychothérapie individuelle.
Ch. L.
Hôpital de jour : facteurs prédictifs
de la durée de séjour
Londres (Grande-Bretagne)
Sensés limiter les effets de l'aliénation
institutionnelle, les hôpitaux de jour
permettent de proposer des prises en
charge structurées qui représentent une
réelle alternative à l'hospitalisation
temps plein. Cependant, derrière ces
déclarations d'intention qui ont des
accents de langue de bois, se cachent
des difficultés pour objectiver les bénéfices attendus de cet outil de qualité ;
en particulier, beaucoup de centres
accueillent des malades pour des
séjours prolongés ce qui retentit sur
leur fonctionnement. Devant ce constat,
S. Shergill et coll. ont tenté d'identifier
une sorte de profil typique des patients
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qui pouvaient le plus bénéficier d'un
séjour limité dans le temps en hôpital
de jour.
Dans cette étude prospective, les caractéristiques socio-démographiques, cliniques et diagnostiques qui peuvent
avoir une influence sur la durée de
séjour ont été évaluées à l'entrée, et
après 6 semaines de soins, à l'aide de 4
échelles : l'échelle abrégée d'évaluation
psychiatrique (BPRS), de dépression
de Beck, d'évaluation globale de fonctionnement (GAF) et le questionnaire
de fonction sociale. Les 57 malades,
âgés en moyenne de 37 ans, sont admis
dans ce centre pour des moments
féconds schizophréniques (36 %), des
troubles de l'humeur à tonalité dépressive (30 %) ou bipolaire (16 %), et des
perturbations de la personnalité (16 %).
Si dans leur totalité les échelles confirment l'amélioration clinique des
patients après 6 semaines d'hospitalisation, en particulier pour les sujets
vivants isolés (50 %), seuls les scores à
la GAF permettent de prévoir la durée
de séjour approximative ; cette échelle
d'évaluation dite globale, qui permet de
réaliser une estimation des symptômes,
du comportement et du niveau de fonctionnement des patients, reflète ici de
manière assez fidèle le besoin en soins
: les patients souffrant de dépressions
avec un score élevé à la GAF font un
séjour bref ; au contraire, l'association
d'un faible score et du diagnostic de
trouble de la personnalité permet de
prévoir un séjour prolongé en hôpital
de jour. Finalement, en tenant compte
des limites des résultats de cette étude,
les auteurs se demandent si cet outil est
réellement le plus adapté à certaines
prises en charge au long cours
(Predictors of length of stay in day hospital patients, Psychiatric Bulletin,
1997, 21 : 760-763).
P.B.
Mots-clés : Hôpital de jour, Troubles de la
personnalité, Durée séjour.
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Dépression majeure : deux thérapies valent mieux qu’une
Pittsburgh (Etats-Unis)
La méta-analyse des données originales
de 595 patients dépressifs majeurs
inclus dans 6 études standardisées de
protocoles thérapeutiques réalisées
entre 1982 et 1992 a permis d’obtenir
une cohorte à la fois plus vaste et plus
hétérogène en termes de caractéristiques socio-culturelles et de variables
évaluées, que ne pourrait le permettre
une étude isolée. Diagnostic : trouble
dépressif majeur primaire, non bipolaire, non psychotique, sans comorbidité
(DSM III et DSM III-R) ; score > 14 à
l’échelle de Hamilton, passée après une
fenêtre thérapeutique de 14 jours. Age
moyen : 44 ans ; 31 % de femmes, 69 %
d’hommes. L’objectif général de M.E.
Thase et coll. (Treatment of major
depression with psychotherapy or psychotherapy-pharmacotherapy combinations. Arch. Gen. Psychiatry, 1997,
54 : 1009-1015) est de comparer l’efficacité respective de la psychothérapie
(P) à l’association psychothérapiepharmacothérapie (APP). Tous les
patients ont reçu 16 semaines de traitement ; 243 une psychothérapie seule,
soit cognitivo-comportementale (TCC),
soit interpersonnelle de soutien (TIS) ;
352 l’association antidépresseur + thérapie interpersonnelle. La guérison est
définie comme l’observation d’une
période de 4 semaines avec un score
< 7 à la Hamilton, se maintenant jusqu’à la 16e semaine. Résultats : 1) Les
auteurs présentent leur étude comme la
démonstration la plus probante à ce
jour de la supériorité de l’APP sur la P
seule dans le traitement ambulatoire
des dépressions les plus sévères et
récurrentes tant en termes de taux de
guérison que de rapidité de la rémission. 2) Il n’y a pas de différence pour
les dépressions dites moyennes ; ainsi
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (15), n°207, Février 1998
en ambulatoire pour la dépression
“moyenne” l’APP ou la pharmacothérapie seule ne se justifieraient pas en
première intention pour la majorité des
patients si une TCC ou une TIS peut
être proposée. 3) Les femmes et les
sujets âgés obtiennent des résultats
moins favorables. 4) Il n’y a pas de corrélation entre le résultat et l’âge au premier épisode ou le nombre d’épisodes
antérieurs.
Attention : les taux de guérison sont
faibles (de 23 à 51 % selon les études ;
pas de données sur l’association TCC +
antidépresseurs ; pas de données sur
l’APP-vs pharmacothérapie seule.
Ch. L.
Mots-clés : Dépression majeure, Psychothérapie, Pharmacothérapie.
monaire d'antidépresseurs est donc
déplacée par d'autres antidépresseurs
avec une augmentation des concentrations plasmatiques qui peut avoir des
conséquences éventuellement toxiques.
Sans nous tenir en haleine, ces résultats
aux implications cliniques évidentes font
souffler un vent de renouveau dans la
recherche en psychopharmacologie.
P.B.
Mots-clés : Poumon,
Imipramine, Sérotonine.
Clomipramine,
Infections au cours du premier
trimestre de grossesse et
psychoses cycloïdes
Wuerzburg (Allemagne)
Le poumon, le poumon vous dis-je
Chiba (Japon)
A vous couper le souffle ! Les poumons
fonctionnent probablement comme un
réservoir pour les antidépresseurs qui
ont une affinité forte pour la sérotonine. Inspirés par quelques travaux antérieurs, réalisés surtout chez le rat, les
chercheurs japonais à l'origine de cette
étude : T. Suhara et coll. (Lung as reservoir for antidepressants in pharmacokinetic drug interactions, 1998, The
Lancet, 1998, 351 : 332-335). Ils ventilent les volontaires sains, qui ne manquent pas d'air, en 2 groupes afin de
réaliser des dosages d'imipramine marquée dans le cerveau et dans le poumon. Résultats à l'expiration de ce travail : une forte proportion de dérivé
imipraminique marqué se fixe dans les
poumons (68 à 86 %) et l'administration
de clomipramine diminue cette accumulation pulmonaire de plus de 40 %. Par
contraste, le taux cérébral d'antidépresseur oscille entre 1,7 et 2 % et augmente
aux environs de 5 % suite à l'administration de clomipramine. Cette réserve pul-
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Plusieurs études épidémio-cliniques et
morphométriques cérébrales plaident
en faveur de l’hypothèse neuro-développementale de certains troubles mentaux (schizophrénie, PMD). Selon cette
théorie, les complications obstétricales
pré- et péri-natales, ainsi que les infections virales induiraient des anomalies
neuro-organiques fœtales pendant la
grossesse et contribueraient plus tard
au développement de désordres mentaux.
Partant de ces données, Stöber et coll.
ont présenté les résultats d’une enquête
originale auprès de mères de sujets
atteints de troubles mentaux. L’objectif
de ce travail était de confirmer ou d’infirmer l’existence de corrélation entre
certaines pathologies psychiatriques
constatées chez l’adulte jeune et une
éventuelle atteinte neuro-anatomique
précoce liée soit à une agression virale
pendant le premier trimestre de grossesse soit à des complications obstétricales (First-trimester maternal gestational infection and cycloïd psychosis.
Acta Psychiatr. Scand., 1997, 96 : 319324). Ainsi, à l’aide d’entretiens et
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d’évaluations standardisés, les auteurs
ont pu sélectionner 120 mètres. Ils les
ont réparties ensuite en 3 groupes
“homogènes” de 40 personnes chacun
(le premier regroupe des mères de
patients présentant une psychose
cycloïde, le deuxième une PMD, et le
troisième est un groupe contrôle
indemne de tout désordre mental
avéré).
Aucune relation statistiquement significative n’a été trouvée entre le groupe
PMD et des atteintes maternelles au
cours du premier trimestre qu’elles
soient liées à des agressions infectieuses ou inhérentes à des complications obstétricales. Par contre, pour le
groupe des psychoses cycloïdes, les
auteurs ont noté une corrélation positive entre ce groupe et des infections
maternelles constatées au cours du premier trimestre de grossesse mais non
avec les complications obstétricales.
Ce résultat a fort logiquement inspiré le
titre de cet article.
Mais, en fait, qu’est-ce qu’une psychose
cycloïde ? Ces psychoses sont décrites
par Léonard dès 1954 à partir des travaux de Schröder et de Kleist (“psychoses dégénératives”, “psychoses
métaboliques”, et “psychoses phasophréniques”) et reprises en 1974 par
Perris. Elles sont principalement caractérisées par la survenue d’états psychotiques aigus périodiques évoluant généralement selon des dimensions bipolaires : agitation-ralentissement ; anxiété-élation et akinésie-hyperkinésie).
Autrement dit, c’est une entité hybride
empreintant d’une part, la bipolarité et la
cyclicité à la PMD mais pas les troubles
de l’humeur, et d’autre part les troubles
de la pensée (confusion psychotique) à
la schizophrénie.
Nous avons assisté ces dernières années
à une efflorescence de travaux concernant l’hypothèse neurodéveloppementale des troubles mentaux. Leurs résultats sont souvent contradictoires. Outre
les critiques légitimes de l’enquête
rétrospective utilisée dans l’actuel travail (entretiens vingt ans ou plus après
la grossesse), c’est le recours au
concept de psychoses cycloïdes qui
rend les conclusions floues et inutilisables à l’heure où tout le monde ou
“presque” utilise le DSM IV.
M. Bouzekraoui
Mots-clés : Psychoses cycloïdes, PMD,
Infection gravidique, Complications obstétricales.
Apologie d'une affaire de famille :
la dépression
Une revue de la littérature à propos de la
dépression chez l'enfant, réalisée il y a
20 ans, concluerait à un diagnostic
“hâtif, prématuré et à un traitement sans
garantie” selon S.V. Faraone, car à cette
époque la dépression de l'enfant était
décrite par les auteurs anglo-saxons
comme une phase du développement, ou
un symptôme qui cachait d'autres problèmes (A family affair, The Lancet,
1998, 351 : 1581).
Que les troubles dépressifs aient des
caractéristiques familiales et une composante génétique, au sein d'une étiologie
complexe, tient désormais du truisme ; si
les parents déprimés ne sont pas les seuls
à engendrer des enfants tristes, les plus
jeunes ne sont pas pour autant épargnés :
la dépression de l'enfance peut donc être
l'expression précoce d'une forme de ce
trouble bien connu chez l'adulte. Selon
M.M. Weissman et coll., la controverse à
propos de l'émergence de ces troubles
dépressifs durant les phases prépubertaires est liée à la comorbidité fréquente,
car la dépression juvénile prend rarement
des formes pures (Offspring of depressed
parents : 10 years later, Archives General
Psychiatry, 1997, 54 : 932-942). 83 % des
enfants déprimés à haut risque présentent
aussi des troubles anxieux ou une appé-
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tence pour les toxiques, sans écarter les
troubles hyperactifs avec déficit de l'attention qui semblent souvent précéder l'apparition des signes dépressifs. Les données
actuelles justifient donc cette nouvelle
maxime : les enfants anxieux et présentant des troubles du comportement avec
turbulence qui remplissent les critères de
troubles dépressifs.... sont probablement
déprimés !
La méconnaissance de la dépression de
l'enfant n'est pas uniquement alimentée
par la comorbidité psychiatrique ; sa présentation clinique peut paraître atypique
si l'on s'en réfère aux standards de l'adulte : les enfants déprimés sont souvent
plus irritables que tristes, selon une évolution sub-aiguë, sans rémissions, ce qui
complique le diagnostic différentiel. Si
les cliniciens avisés ne sont pas dupes,
plus d'un tiers des enfants à haut risque
ne sont toujours pas pris en charge pendant la période de suivi de leurs parents
déprimés, ce en dépit des perturbations
familiales (Weissman).
Les implications pratiques sont importantes et dépassent la polémique idéologique car l'identification précoce des
troubles dépressifs chez ces enfants permet de mettre en œuvre des mesures préventives dont l'efficacité est reconnue
(V. Beardslee : Sustained change in
parents receiving preventive interventions for families with depression, Am. J.
Psychiatry, 1997, 154 : 510-15). En
somme, le diagnostic et le traitement des
dépressions devraient enfin être considérés comme une affaire de famille.
P.B.
Mots-clés : Troubles dépressifs, Enfant.
Imprimé en France - Differdange S.A. 95110 Sannois - Dépôt légal 1er trimestre 1998.
© Décembre 1984 - Médica-Press
International S.A.
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