Place de la radiologie interventionnelle dans la prise en charge thérapeutique Percutaneous treatment of cholangiocarcinoma 쐌쎲 Maïté Lewin, Jean-Michel Tubiana* 왘 POINTS FORTS 왘 La cholangiographie à visée diagnostique n’a pratiquement plus d’indication. 왘 L’abord transhépatique sera considéré d’emblée pour les sténoses hilaires complexes, et après échec de l’approche endoscopique pour les sténoses sous-hilaires. 왘 L’objectif est d’améliorer l’état général du patient, en particulier nutritionnel, de rétablir une fonction hépatique quasi normale, de soulager le prurit et éventuellement de proposer une chimiothérapie. 왘 En cas d’obstacle sous-hilaire de la voie biliaire principale, le drainage est réalisé par une prothèse unique, avec une seule voie d’abord, préférentiellement droite, ce qui permet habituellement de drainer tout le foie ; en cas d’obstacle hilaire séparant les voies droites et gauches, plusieurs options peuvent être discutées. 왘 Pour un cholangiocarcinome du hile opérable, un drainage biliaire préopératoire permettra d’amener le patient dans les meilleures conditions à l’intervention. DRAINAGE PERCUTANÉ TRANSHÉPATIQUE DES VOIES BILIAIRES Dossier thématique D ossier thématique Cette procédure s’effectue sous sédation analgésique, une antibiothérapie prophylactique systématique (amoxicilline + acide clavulanique) étant administrée une heure avant, puis éventuellement adaptée aux germes des prélèvements biliaires. Les contre-indications sont des troubles de la coagulation impossibles à corriger, un patient en phase terminale, une obstruction intrahépatique de haut grade ou la présence d’une ascite. Cholangiographie transhépatique Le geste commence par une cholangiographie percutanée à l’aiguille fine (Chiba, 22 gauge), sous contrôle fluoroscopique ou échographique, par un abord soit intercostal latéral droit, soit épigastrique en cas d’exclusion des voies biliaires gauches (figure 1). Le repérage de la voie biliaire se fait en injectant de petites quantités de produit de contraste par l’intermédiaire d’un raccord souple lors du retrait de l’aiguille sous contrôle fluoroscopique. L’opacification se fait sous faible pression, afin d’obtenir un remplissage progressif des voies biliaires. Mots-clés : Drainage biliaire – Endoprothèse – Photothérapie dynamique. Keywords: Biliary drainage – Stents – Photodynamic therapy. L es techniques et les indications des procédures percutanées se sont considérablement modifiées durant ces dix dernières années. Le développement de l’endoscopie, l’apparition des endoprothèses métalliques et l’émergence de nouveaux protocoles thérapeutiques sont les principaux facteurs de cette évolution (1). * Service de radiologie, hôpital Saint-Antoine, Paris. La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - n° 8 - septembre-octobre 2007 Figure 1. Opacification percutanée à l’aiguille fine des voies biliaires intrahépatiques droites montrant une sténose du canal hépatique commun, de la convergence biliaire supérieure, avec extension aux convergences secondaires droites chez une patiente présentant un cholangiocarcinome hilaire de stade IIIa. 201 Dossier thématique D ossier thématique Mise en place d’un drain Après réalisation de la cartographie biliaire, le drainage biliaire est effectué. Le choix de la voie biliaire à ponctionner est primordial ; on choisira une voie biliaire périphérique de façon à diminuer le risque de saignement et pour disposer d’un long trajet endobiliaire en amont de l’obstacle. On utilise la même aiguille fine, qui permet le passage d’un guide puis d’un système coaxial pour faire progresser une sonde de calibre plus large. 왘 Un drainage biliaire interne-externe est réalisé après franchissement de l’obstacle grâce à diverses combinaisons de guides et de cathéters. En cas de difficulté, un guide hydrophile est très utile pour franchir des sténoses très serrées. L’extrémité du drain interne doit être dans le duodénum, si possible bouclée, pour permettre une meilleure stabilité. Dans tous les cas, il doit y avoir suffisamment de trous latéraux dans les voies biliaires au-dessus de la sténose pour un drainage efficace. 왘 Un drainage biliaire externe est réalisé en cas d’échec de franchissement de la sténose, en amont de l’obstacle, pour drainer les voies biliaires dilatées et opacifiées, avant de faire une nouvelle tentative quelques jours plus tard après diminution des phénomènes inflammatoires. amont ou en aval de la sténose pour retarder et prévenir au mieux les obstructions biliaires (figure 3). Une ou plusieurs prothèses peuvent être larguées selon l’étendue de la lésion. Une fois larguées, elles prennent leur diamètre définitif soit spontanément, soit avec l’aide d’un ballon d’angioplastie (figure 4). En cas d’obstruction d’une prothèse métallique, il est possible d’insinuer une nouvelle prothèse, plus longue, en général au travers de la nouvelle sténose. Ces prothèses métalliques ont comme inconvénient majeur d’être non extirpables. 왘 Les endoprothèses métalliques couvertes ont des indications limitées comme, par exemple, la couverture d’une zone de fistule. Endoprothèses Les endoprothèses biliaires permettent d’assurer un drainage interne sans présenter l’inconvénient du drain à la peau. La mise en place des endoprothèses biliaires s’effectue soit au décours de la procédure du drainage inaugural s’il n’existe pas d’infection biliaire ou d’hémobilie pendant la réalisation du geste, soit dans un second temps, quelques jours après la mise en place d’un drain interne-externe. 왘 Les endoprothèses plastiques sont peu chères, mais leur inconvénient majeur est la survenue inévitable d’une obstruction par incrustation en cinq à six mois, nécessitant des réinterventions et donc des hospitalisations pour des patients à durée de vie courte (figure 2). De plus, le gros calibre des endoprothèses plastiques rend leur pose douloureuse ; le diamètre le plus couramment utilisé est de 12 French. Cependant, elles ont comme avantage de pouvoir être retirées ou changées par voie rétrograde endoscopique. On peut les réserver aux indications palliatives, où la durée de survie est estimée en semaines, ou à certains drainages provisoires. 왘 Les endoprothèses métalliques expansibles ont remplacé chez la plupart des équipes les endoprothèses plastiques (2). Il existe un grand choix de diamètres et de longueurs. Elles offrent l’avantage d’un faible calibre d’introduction de 7 à 9 French, ce qui rend leur insertion plus aisée, celle-ci ne nécessitant pas de dilatation du trajet percutané ; une fois en place, elles offrent en outre un calibre de drainage important, avec une lumière interne de 10 mm de diamètre, contre 4 mm pour les endoprothèses plastiques. Le taux d’occlusions tardives, qui varie de 15 à 30 % selon les séries, n’est cependant pas sensiblement inférieur à celui relevé avec les prothèses plastiques malgré le calibre plus important de ces dernières, mais le temps de perméabilité est un peu plus long (3). Il est usuel d’utiliser des prothèses longues, même en cas de sténoses courtes, positionnées largement en 202 A B Figure 2. Endoprothèse plastique chez un patient présentant un cholangiocarcinome sous-hilaire de stade I. A. Opacification des voies biliaires montrant une sténose soushilaire. B. Mise en place d’une endoprothèse plastique. A B Figure 3. Drainage partiel chez une patiente présentant un cholangiocarcinome hilaire de stade IV avec atrophie du foie gauche. A. Mise en place d’un drain interne-externe. B. Mise en place de part et d’autre de la sténose d’une endoprothèse métallique autoexpansible prenant son diamètre définitif soit spontanément soit avec l’aide d’un ballon d’angioplastie. La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - n° 8 - septembre-octobre 2007 entier dans le cas de sténoses biliaires malignes. Les prélèvements peuvent être réalisés sous simple repérage fluoroscopique par l’intermédiaire d’un introducteur permettant le passage d’une brosse ou d’une pince à biopsie endobiliaires. Ils sont alors dirigés sur une image radiologique de sténose ou de bourgeon tumoral. L’analyse cytologique de la bile après drainage biliaire ou la pratique du brossage biliaire ont un taux de positivité d’environ 50 %. Cholangioscopie Le cholangioscope (12 à 16 French) est introduit en douceur dans une gaine après dilatation du trajet. Le but de ce geste est de faire des prélèvements sous contrôle de la vue au niveau d’une zone suspecte : bourgeon ou sténose. Dossier thématique D ossier thématique Gestes à visée thérapeutique Figure 4. Ballon d’angioplastie placé gonflé dans une prothèse métallique. Résultats L’un des avantages de cette technique est une voie d’abord directe de l’obstacle tumoral, avec un taux de succès proche de 100 % si les voies biliaires sont dilatées. Le taux de complications est inférieur à 5 %. Celles-ci sont principalement le saignement et l’infection. Le pneumothorax, la fistule biliopleurale, le biliopéritoine et la pancréatite sont plus rarement observés. Le taux de mortalité précoce à 30 jours du drainage palliatif des sténoses malignes est estimé à 25 % avec les prothèses plastiques. Il est réduit à près de 10 % avec les prothèses métalliques expansibles (4). INDICATIONS Gestes à visée diagnostique Cholangiographie diagnostique Elle n’a pratiquement plus d’indication. Les examens morphologiques non invasifs comme l’échographie, le scanner multibarrette et surtout la cholangio-IRM permettent de préciser les modalités techniques du drainage biliaire. Cependant, la cholangioIRM peut être prise en défaut lorsqu’il existe des obstacles avec peu ou pas de dilatation biliaire sus-jacente. L’identification de l’obstacle peut se faire lors de la cholangiographie percutanée en analysant la cinétique d’évacuation de la bile opacifiée. Prélevement de tissu par “brossage” L’obtention de prélèvements histologiques reste un problème Traitement palliatif Les indications concernent les tumeurs non résécables sur le plan chirurgical. L’abord transhépatique sera considéré d’emblée pour les sténoses hilaires, et après échec de l’approche endoscopique pour les sténoses sous-hilaires. Il s’agit de réaliser un drainage palliatif simple des voies biliaires dans le but d’améliorer l’état général du patient, en particulier nutritionnel, de rétablir une fonction hépatique quasi normale, de soulager le prurit et éventuellement de proposer une chimiothérapie. Le choix de la voie d’abord et d’un drainage complet ou seulement partiel du foie est déterminé, si possible avant l’opacification biliaire, en se fondant sur les données de la cholangio-IRM. En cas d’obstacle sous-hilaire de la voie biliaire principale, le drainage est réalisé par une prothèse unique, avec une seule voie d’abord, préférentiellement droite, ce qui permet habituellement de drainer tout le foie. En cas d’obstacle hilaire séparant les voies droites et gauches, plusieurs options sont discutées : drainage complet du foie par abord bilatéral ou prothèses intersegmentaires, drainage restreint aux secteurs les plus dilatés ou drainage uniquement controlatéral à l’extension tumorale prédominante en cas d’atrophie hépatique associée (1). Cas particulier : drainage biliaire préopératoire du cholangiocarcinome hilaire En cas de patient opérable présentant un cholangiocarcinome du hile, un drainage biliaire peut être réalisé dans le but d’amener le patient dans les meilleures conditions à l’intervention, laquelle peut être très lourde (hépatectomie parfois majeure avec résection de la voie biliaire et anastomose biliodigestive). L’importance de la cholestase étant un facteur péjoratif, certaines équipes chirurgicales préconisent la mise en place d’un drain externe ou d’un drain interne-externe pendant quelques semaines (5). Complications opératoires tardives Une sténose anastomotique secondaire à une récidive peut survenir en postopératoire. Après confirmation de la récidive, le traitement, percutané, repose sur la dilatation de la sténose par un ballonnet d’angioplastie et sur la mise en place d’une endoprothèse métallique (figure 5). La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - n° 8 - septembre-octobre 2007 203 Dossier thématique D ossier thématique A B Figure 5. Sténose d’une anastomose hépaticojéjunale par récidive d’un cholangiocarcinome. A. Mise en place d’un drain transanastomotique. B. Mise en place d’un guide transanastomotique et d’une endoprothèse métallique. Curiethérapie endobiliaire La curiethérapie endobiliaire peut être pratiquée dans le cadre d’un protocole pour les tumeurs non résécables (traitement palliatif ), associant radiothérapie externe, chimiothérapie et radiothérapie endobiliaire. L’intérêt de cette technique fait actuellement l’objet d’un débat (6). Thérapie photodynamique Une PDT peut être réalisée par voie percutanée avant la mise en place d’une endoprothèse. Des études récentes ont démontré un allongement très significatif de la survie dans un groupe de patients présentant un cholangiocarcinome inopérable traité par PDT et endoprothèse biliaire versus un drainage biliaire simple (7). ■ RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 2. D’Alincourt A, Hamy A, Thibaud C et al. Ictères obstructifs néoplasiques : apport des prothèses métalliques percutanées. Gastroenterol Clin Biol 2000;24:770-5. 3. Lee MJ, Dawson SL, Mueller PR et al. Percutaneous management of hilar biliary malignancies with metallic endoprostheses: results, technical problems, and causes of failure. Radiographics 1993;13:1249-63. 4. Lammer J, Hausegger KA, Flückiger F et al. Common bile duct obstruction due to malignancy: treatment with plastic versus metal stents. Radiology 1996;201:167-72. 5. Nimura Y, Kamiya J, Kondo S et al. Aggressive preoperative management and extended surgery for hilar cholangiocarcinoma: nagoya experience. J Hepatobiliary Pancreat Surg 2000;7:155-62. 6. Singhal D, Van Gulik TM, Gouma DJ. Palliative management of hilar cholangiocarcinoma. Surg Oncol 2005;14:59-74. 7. Ortner ME, Caca K, Berr F et al. Successful photodynamic therapy for non1. Barrioz T. Prise en charge médicale des cholangiocarcinomes. Gastroenterol Clin Biol 2004;28:57-65. 204 resectable cholangiocarcinoma: a randomized prospective study. Gastroenterology 2003;125:1355-63. La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - n° 8 - septembre-octobre 2007