Présentation de la formation

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Formation continue
Le Japon dans la première moitié du XXe siècle
Guerre russo‐japonaise, 1905 .
Le Japon dans la première moitié du XXe siècle (CO-00843 CO15-1), formation donnée par Pierre-François
Souyri le 11 avril 2016.
Intervenant :
Pierre-François Souyri est professeur à l'Université de Genève, responsable de l'unité de Japonais. Il a à
l'origine effectué ses recherches sur la société du Japon médiéval, avant de s'orienter progressivement sur
les périodes plus récentes. Il est spécialiste de la pensée politique et de la formation des sciences sociales
dans le Japon moderne et contemporain. Il a publié depuis quelques années un nombres importants
d'ouvrages de référence, tant sur le Japon médiéval que colonial, et est en particulier l'auteur d'une
Nouvelle histoire du Japon. Dans son dernier opus, Moderne sans être occidental : aux origines du Japon
d'aujourd'hui, paru en 2016 aux éditions Gallimard, se retrouve la trame de cette formation.
Présentation :
L'objectif de Pierre-François Souyri était de nous présenter l'histoire de l'ère Meiji jusqu'à la Seconde
guerre mondiale, une période cruciale du Japon contemporain, qui a expérimenté des voies singulières de
modernisation durant la dernière moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe. Il nous a présenté une
nation à la fois isolée et assimilant de manière accélérée la modernité occidentale. Modernisé, le Japon
impérial est devenu acteur d'une Seconde guerre mondiale moins connectée aux événements européens
qu'on a l'habitude de la relater en occident.
Support pédagogique :
http://edu.ge.ch/co/content/fc-le-japon-dans-la-premiere-moitie-du-xxe-siecle-animee-le-11-avril-par
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FC Histoire du japon / Introduc on
Résumé :
1. Le Japon en voie de modernisation
Jusqu'au XIXe siècle perdure au Japon un système féodal. C'est un pays en paix, replié sur lui-même
depuis 1630 et sa coupure avec l’occident. Depuis les années 1830, le gouvernement du Shogun est
incapable de procéder à des réformes sociales nécessaires. Dès 1820, Russes, Français et Anglais sont
présents et tournent autour de l’archipel où ils cherchent à se ravitailler. Depuis l’annexion de la Californie
et du fait de l’explosion de la chasse à la baleine dans le Pacifique, les USA sont également présents. Cette
pression occidentale pour l’ouverture du Japon atteint son comble vers 1854 lorsque les baleinières
américaines sont repoussées par les batteries côtières japonaises. La plus grosse flotte de guerre réunies
à cette époque est envoyée : 7 navires de l’amiral Perry entrent dans la rade d’Edo, obligeant Le Japon à
signer un traité d’ouverture en 1854.
En 1858 sont signés des traités de commerce (avec la Suisse en 1864), des traités dits inégaux : le Japon
n’est plus maître de ses droits de douanes à l’exportation, et doit négocier avec les occidentaux les taxes
(dessaisissement des droits de douanes), de plus des ports sont déclarés ouverts (Yokohama...). Ces
traités prévoient également le fait que les occidentaux ne peuvent être jugés que par des occidentaux s’ils
commettent des délits au Japon (privilège d’extra-territorialité). Ces traités de commerce (comme en Chine)
sont un nœud autour duquel la diplomatie japonaise est obsédée : il lui faut tout au long du XIXe siècle
renégocier les traités inégaux, ce qui commence à se faire en 1899 avec l’Angleterre.
L’entrée du Japon dans le marché mondial produit des bouleversements, des tensions qui conduisent le
Japon au bord de la guerre civile. Une génération de jeunes gens de statut samouraï (seigneur détenant un
petit fief) propose un certain nombre de réformes, mises en place dès 1865. Sakamoto Ryôma, un
samouraï, propose que le shogun se retire et soit remplacé par l’empereur, ainsi que la suppression des
ordres et statuts féodaux. Il souhaite la promotion des talents dans une logique anti-aristocratique, et que
le gouvernement agisse selon l’opinion publique, c’est-à-dire organise de structures décisionnelles
nouvelles, notamment en matière de fiscalité. Sakamoto est photographié à l’automne 67 à Nagasaki – un
des premiers clichés pris par un japonais – et est assassiné en sortant du studio de photographie, quelque
jours après la restitution des pouvoirs du shogun à l’empereur. Il a été considéré comme le « premier vrai
Japonais » de l'ère moderne.
Le gouvernement décrète des réformes anti-féodales : il est désormais centralisé, unifié, les fiefs sont
dissous et remplacés par des départements dirigés par des préfets. Les anciens seigneurs sont
dédommagés, on leur donne 5 ans de revenus. La deuxième réforme est l’abandon des statuts sociaux, les
ordres sociaux : les samouraïs, les paysans, les marchands, les artisans. Tous les Japonais sont placés sur
un plan d’égalité devant la loi. Le statut des samouraïs dissous, on fonde une armée impériale. Cette
réforme est mal vécue par les paysans, qui le vivent comme une corvée supplémentaires, d’où des
révoltes. L’école obligatoire est instaurée en 1871, tout en étant basée sur un tissu d’écoles déjà existant.
60 à 80 % des garçons savaient déjà écrire, et 40% des filles en 1871. C'est un système d’écoles
primaires, de petites écoles, avec un corps de fonctionnaires créé dans le cadre d’écoles normales fondées
dès 1872, encadrant la jeunesse jusqu’à 12 ans. En 1879, l’université impériale de Tokyo est fondée. Vers
1900, le système fonctionne, et plus de 90% des enfants savent lire et compter. Le Japon a d’ailleurs mis
en place plus tard un système d’éducation en Chine qui fait passer la Chine d’un pays majoritairement
analphabète à un pays alphabétisé entre 1849 et 1880.
La majorité des Japonais avait été formée au confucianisme et appréhenda la pensée occidentale
soudainement, dans le plus grand des désordres. Un grand mouvement associatif pour la liberté et la
démocratie se mit à réclamer à corps et à cri la démocratisation. C'était des classes moyennes : anciens
samouraïs, paysans riches, notables japonais. C'est un mouvement qui fait une sorte de révolution
culturelle, sans laquelle le programme de réforme de l’État aurait échoué. Si bien que les réformes ont été
un succès économique et social et qu’en 1889 est instaurée la première constitution du Japon, l’Empire du
Grand Japon. C’est le premier pays non occidental à se doter d’une constitution moderne.
La mission Iwacula : la moitié du gouvernement japonais décide de faire le tour du monde, une grand
mission de 1871 à 1873, dirigée par Iwacula Tomiomi. Ce sont des hommes qui veulent lancer la machine
japonaise économique, de manière à faire front un jour contre les occidentaux. Ils se rendent à SanFrancisco, descendent le long des cotes mexicaines, traversent Panama et remontent jusqu'à Washington,
puis passent en Angleterre, France, Belgique, Pays-bas, Allemagne, Suède, Russie, Autriche, et vont se
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FC Histoire du japon / Introduc on
refaire une santé en Suisse. De Marseille ils passent à Suez et regagnent le Japon. Ils veulent renégocier
les traités inégaux, mais comment ? Les occidentaux les traitent de barbares.
La modernité japonaise est pensée en termes confucianistes. Les Japonais pensent comme les
occidentaux, mais avec des catégories anciennes : cf. documents II et III, p. 12.
Image de 1889 : comme en Occident, en 1889 le port de la moustache est signe de modernité. Les glabres
représentent le passé. Les uniformes sont copiés sur la cours de Napoléon II 20 ans plus tôt. Les dames
sont au centre, les femmes de l’empereur : pour la première fois, les femmes sont habillées à l’occidentale.
1890 : prescrit impérial sur l’éducation. Le kokutai : caractère fondamental de l’Empire : le japon est fondé
sur l’autorité des impériaux ancêtres, une autorité impérissable et éternelle : beauté, vertu, piété filiale
forment la beauté politique (concepts confucianistes) : se comporter selon les règles forment la beauté,
avec le beau, le bon, le juste.
Le Japon développe alors une idéologie impériale, à l’origine de dérives ultérieures, même si tout le monde
ne marche pas : document VI, critique d’un moine zen, arrêté et exécuté en 1910 pour complot contre
l’empereur.
Une estampe de 1895, après la victoire contre la Chine et l’annexion de Taiwan : les Japonais habillés à
l’occidental reçoivent des Chinois habillés en Mandchous : c'est la victoire de la civilisation contre la
Barbarie.
Dans les années 1850-1870, toutes les technologies issues de la Révolution industrielle ont été importées
d’occident parfois plusieurs décennies après avoir été adoptée en Europe ou aux États-Unis. Dans les
années 1900, il y avait 6 mois de décalage pour l’importation des technologies occidentales. Au XXe siècle,
les Japonais inventent des technologies modernes sans décalage avec l’occident. Le retard est comblé.
2. L’empire du Grand Japon : émergence de l’état nation autour de l’empereur
Avec l’annexion de Taïwan en 1895, c’est la première annexion coloniale japonaise. → Le fameux maître
d’école éduque les indigènes taïwanais : imagerie de la « civilisation » éduquant le sauvage.
1900, c’est la date retenue du démarrage des industries lourdes, avec l’ouverture des aciéries Yawata,
avec la construction de bateaux pour gagner la guerre contre la Russie, ce qui sera fait en 1905.
En 1902, coup de tonnerre, les Anglais proposent aux Japonais une alliance qui stoppe la Russie en
Mandchourie et en Corée, 3 ans après la sortie des traités inégaux. L’année 1902 marque la montée du
Japon, qui devient un partenaire, en principe à égalité avec l’Angleterre.
La guerre de 1905 : pour la première fois dans l’histoire mondiale, une nation non occidentale vainc une
nation occidentale avec des armes occidentales. Les Japonais font la preuve qu’ils sont supérieurs aux
Russes dans tous les domaines, et que leurs réformes sont un succès. La victoire contre les Russes, c’est
la victoire de l’esprit japonais et des capacités technologiques modernes contre un pays occidental. C'est
l'époque de l'affirmation du nationalisme japonais (cf. texte VII p. 13 : Tokutomi Sôhô deviendra un
propagandiste de la guerre dans les années 30).
Cette guerre russo-japonaise est une boucherie monstrueuse, avec les premières tranchées, lors de
laquelle on dénombre plus de morts japonais que russes (cf. texte XI p. 13, de la poétesse Yosano Akiko).
La Corée est un royaume indépendant forcé de s’ouvrir au monde par le Japon. Le royaume refuse les
réformes, malgré un mouvement moderniste pro-japonais. Dès les années 1885, la monarchie coréenne
s’appuie sur la monarchie chinoise, les tensions se développent jusqu’à la guerre sino-japonaise, qui est
une guerre pour la Corée. La victoire japonaise tourne mal en Corée, car elle demande l’appui de la
Russie, le régime tsariste bloquant les réformes en Corée. La présence russe menaçant le Japon, la guerre
contre la Russie vise à faire partir les Russes de Corée, comme ils ont fait partir les Chinois de Corée en
1895. Dès 1905, la Corée est privée de toute appareil diplomatique. Les puissances occidentales acceptent
cette colonisation du Japon sur la Corée, en échange d’une ouverture du Japon et de la présence
américaine aux Philippines.
Une montée de la contestation ouvrière, des grèves, des patrons attaqués à la dynamites. Un des leaders
anarchistes, Kôtoku Shûsui, est arrêté dans une affaire de complot contre l’empereur. Il est exécuté en
1911. Certains de ses compagnons resteront enfermés jusqu’à leurs mort (1975).
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FC Histoire du japon / Introduc on
3. La démocratie de Taishô (1913-1925)
La démocratie se développe au moment de la participation du Japon à la 1ère Guerre mondiale, avec un
doublement du PNB. À partir de 1918, l’industrie pèse plus que l’agriculture dans le PNB. Le basculement
du japon se fait dans ces années là. Cela se traduit par l’enrichissement général du Japon, avec la montée
de couches moyennes urbaines, salariées, travaillant en bureau, dont une partie est féminine. Le salariat
féminin monte en puissance, il est lié à la scolarisation des jeunes filles. La conséquence est la poussée
démocratique, avec un mouvement pour le suffrage universel masculin : on est dans un système censitaire.
Puis rapidement ce mouvement touche la classe ouvrière, avec un suffrage universel masculin en 1925. Le
vote féminin a failli passer en 1923 au parlement. Émergence des moga, les modern gals, les jeunes
modernes et des féministes, dont deux figures se distinguent : Yamakawa Kikue et Hiratsuka Raichô : texte
XIV. La progression dans les professions se fait dès les années 1900, et l’ouverture totale se fait après
1945, y compris parmi les fonctionnaires.
À partir de 1915, le Japon devient agressif en Chine et impose son impérialisme. En 1919, il siège à
Versailles pour la signature du traité et est désormais sur un pied d’égalité avec les pays occidentaux.
Avec le traité de Washington de 1922, le rapport 5-5-3 établit un équilibre dans le Pacifique en défaveur
des Japonais (5 navires américaines, pour 5 navires britanniques, pour 3 navires japonais). La marine
japonaise devient anti-américaine. De manière générale, c'est la montée d’un sentiment anti-occidental
impérialiste. Le Japon est dans une position ambiguë de civiliser l’Asie à la manière occidentale, tout en se
montrant insatisfait des relations avec l’occident.
4. La guerre (1931-1952)
La Seconde guerre mondiale est une vision américaine. Il y a d'autres perspectives possibles, avec les
guerres oubliées : URSS-Japon, Finlande-URSS...
De quelle guerre parle-t-on ? Quand commence-t-elle ? Quand finit-elle ?
La réalité manifeste d'une guerre mondiale n’apparaît qu’en 1941, avec des alliances floues et non fiables
auparavant, et des conflits sans liens.
Depuis les événements de Mandchourie de 1931, il y a une continuité d’un point de vue japonais, jusqu’à la
guerre de la Grande Asie Orientale. La Guerre du Pacifique n’est pas liée par les Japonais aux guerres
asiatiques. Un historien japonais parle de la guerre de 15 ans : 1931-1945.
Maintenant on évoque une guerre européenne d’un côté et une Asia Pacific War de l’autre.
Pour les Chinois, la guerre dure jusqu’en 49. Pour les Coréens, la guerre commence en 1945. Pour les
vietnamiens, c’est d’abord un conflit de colonisateur, avec les colons japonais en 1940, l’annexion en mars
45 par le Japon, le retrait, puis le retour des Français : la guerre continue.
La dictature militaire japonaise s’impose dès 1931 et a pour but la lutte conte le communisme, c’est une
dictature anti-communiste et anti-soviétique. Pourtant, le Japon ne fait pas la guerre à l’Urss, ce qui aurait
soulagé l’Allemagne nazi. Pourquoi ?
Des Russes blancs et juifs avaient fuit les Soviétiques en Mandchourie, et se sont retrouvés dans le camp
japonais avec l’arrivée de l’armée rouge en 1945.
Pourquoi les Japonais font ils la guerre et contre qui ?
Les Japonais sont embarqués dans des conflits coloniaux, qui ne reçoivent pas un appui fort chaleureux au
Japon, avec une critique intellectuelle d’un petit mouvement anti-colonial. Mais lorsque le Japon attaque les
USA en 1941, les Japonais deviennent les porte-voix d’un mouvement anti-colonialiste contre les blancs,
les impérialistes occidentaux, dans une guerre pour la libération de l’Asie. Dès 1943, les Japonais
perçoivent qu’il s’agit d’une guerre de défense de la patrie, de défense à outrance d’une patrie et du
système impérial, menacée en son cœur même par l’appareil militaire américain.
Texte IX : Le but est d’enseigner que le monde n’est pas un monopole occidental.
Les Japonais font la guerre pour que le monde ne soit pas un monopole occidental. Il y a une fuite en avant
idéaliste vers la guerre, parce qu’ils font la guerre aux blancs, c’est tout un ressentiment qui rejaillit à ce
moment-là. Ils font la guerre en Chine et en même temps la guerre aux occidentaux. Terrible contradiction
de cette guerre faite pour libérer les Asiatiques.
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FC Histoire du japon / Introduc on
Or personne n’a jamais pensé marcher sur Washington. Et dans le même temps les occidentaux, à
commencer par les Américains, disent qu’ils vont faire « remonter les Japonais dans les arbres ». Les
Américains ont fait une guerre à outrance, les Japonais ont fait une guerre de défense et ne comprennent
pas la logique américaine car ils faisaient une guerre de colonisation en Asie et dans le Pacifique. Les
Américains veulent faire rendre gorge aux Japonais et prendre Tokyo.
Pour les dirigeants de Tokyo en 1931, le mal absolu est les soviétiques, parce que c’est l’ancienne Russie,
l'ennemi géopolitique, et parce que c’est l’idéologie communiste. L’antagonisme est géostratégique,
aggravé par l’idéologie. Le Japon est terrorisé par l’unification de la Chine en une puissance nationale antijaponaise. L’idéal est de mettre en place en Chine un régime pro-japonais. L’idée des Japonais est l’unité
de l’Asie contre les Anglo-saxons. Il y a donc 3 ennemis : l’URSS, la Chine réunifiée, les Anglo-saxons.
Le Japon ne s’est jamais donné les moyens de gagner.
L’armée de terre anti-communiste fait la guerre en Chine. L’armée de mer ronge son frein jusqu’en 1941,
est obnubilée par les anglo-saxons depuis le traité 5-5-3. Ces deux armées sont en conflit.
À qui faire la guerre ? L'option nord
L’expansion en Mandchourie parait une réponse à la crise économique des années 30 : la Mandchourie
comprend des terres vides, fertiles, des matières premières. Elles est occupée en 1931-33. Le Japon y fait
émigrer les paysans appauvris, avec 1 million de Japonais qui émigrent là-bas. Ainsi, le Japon tient à
distance l’URSS et affaiblit en même temps un gouvernement chinois éventuellement anti-japonais.
Les Japonais claquent la porte de la SDN en 1933, ce qui les isole complètement au niveau international.
Le Japon est seul et doit se trouver de nouvelles alliances, alors que l’URSS est en train de redevenir une
puissance industrielle, et pense à contenir la menace communiste avec une alliance avec les Italiens et
Allemands, internationale fascisante contre le Komintern. L’un des éléments est de se porter assistance
mutuelle pour se porter secours en cas d’agression contre Staline, clause secrète du pacte anti-komintern.
Les nazis hésitent entre les Japonais et le régime nationaliste de Tchang-kai-Tchek, qui est un régime
fascisant. Lors des massacres de Nankin, c’est un dirigeant nazi qui ameute les occidentaux contre les
massacres des troupes japonaises contre les Chinois.
Tokyo se rend compte que la guerre contre la Chine est impossible : le bourbier chinois est une expression
japonaise reprise par la suite à propos du Vietnam. La politique de la terreur ne fonctionne pas, fait monter
en puissance le sentiment national chinois. Alors même que dans le même temps, Staline s’appuie plutôt
sur les nationalistes chinois contre les communistes chinois.
Juillet 38 au lac Khalkal : bataille entre japonais et armée rouge. Les Japonais avaient un complexe de
supériorité contre l’armée rouge, mais se rendent compte qu'en 1938, l'URSS a rattrapé son retard. À
Nomonhan, bataille sérieuse et oubliée en août 1939 : peut-être plusieurs dizaines de milliers de morts.
Cela ne se passe pas très bien, sans correspondants étrangers, avec le black-out de Moscou et de Tokyo.
L’armée rouge dirigée par Joukov inflige une défaite aux Japonais, de mai à septembre 1939. La défaite
n’est pas tellement rapportée dans la presse. L’armée est surclassée dans tous les domaines, malgré
l’armée rouge qui a été désorganisée par les purges de Moscou. En Sibérie ça se passe bien pour les
Soviétiques, malgré la médiocrité de cette même armée en 1940 en Finlande ou au début de la guerre
contre l’Allemagne. Surtout, les Japonais ne veulent pas poursuivre jusque vers Moscou. L’armée de terre
japonaise parait moins forte qu’il n’y parait. L’option nord se termine. Or les Japonais apprennent
qu’Allemands et Soviétiques ont conclu un pacte, qu’Hitler n’a transmis aucune information aux Japonais.
Et les Allemands n’ont jamais appuyé les Japonais durant leurs batailles contre l’armée rouge. Le pacte
anti-komintern n’a jamais fonctionné.
En 1938-39, le premier ministre japonais ne sait plus contre qui faire la guerre. En avril 1941, Matsuda va à
Berlin et lui dit qu’ils vont signer un pacte de non-agression avec les Soviétiques. Les Japonais vont donc
signer un pacte de non agression avec l’URSS, ce qui les arrange par rapport à l’aide des soviétiques aux
nationalistes chinois. Deux mois plus tard, ils voient que les nazis attaquent l’URSS.
Les Japonais n’ont jamais été alliés des Allemands. Ils ne comprennent rien aux rapports internationaux. Ils
pensaient même que les Allemands, par nationalisme occidental, allaient rejoindre les Américains après
Pearl Harbour.
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FC Histoire du japon / Introduc on
À qui faire la guerre ? L'option sud
L’option sud se met en place en 1941, dès l’effondrement des puissances coloniales, françaises et
hollandaises au printemps 1940, et que les Anglais ont d’autres chats à fouetter dans l’Asie du Sud-est : les
Japonais se disent qu’il y a quelque chose à faire en Chine en prenant les Chinois à revers, en passant par
le Tonkin, et par le sud. Les autorités françaises collaborent avec les Japonais en Indochine. De plus il n’y a
du pétrole qu’en Indonésie.
Faut-il attaquer ou pas les USA ? La marine veut montrer à la l'armée de terre comment on fait la guerre.
Elle est devenue une des marines les plus puissantes au monde, avec les porte-avions, devenus une
spécialité japonaise. La marine pousse une guerre contre les Américains. Yamamoto affirme qu’il faut 6
mois pour gagner, car au bout de 6 mois l’industrie américaine va répliquer, estimant que les Américains
vont négocier. Mais ils ne comprennent pas les USA.
La guerre dans le Pacifique
L’armée japonaise se lance dans une guerre étonnante : de décembre 41 à juillet 42, le Japon progresse
sur tous les fronts, jusqu’à Midway. Le rapport de force est équilibré, avec une guerre technologique
complexe. Une forme d’hybris, de fureur héroïque, s’empare de l'armée japonaise. Yamamoto dit qu’il faut
négocier, mais personne ne veut négocier. Mais le rapport de force se renverse entre fin 42 et début 43. Le
code japonais est craqué en 1942. Yamamoto est descendu en plein vol grâce à ce code. Et en même
temps c’est une guerre ancienne, dans les climats tropicaux. C’est donc la logistique qui l’emporte. À partir
de l’automne 1943, les Américains sont supérieurs en ravitaillement, et en logistique.
La situation militaire s’aggrave : à partir du moment où les Japonais comprennent que les Américains
veulent détruire le régime impérial japonais, une guerre de défense héroïque est organisée : tai atari,
gyokusai, kamikazes. Le but est de faire peur, de faire craquer les Américains. Et les Américains craquent
souvent. La logique japonaise est arithmétique : si on perd 10 soldats, les Américains vont en perdre 7, et
ils vont craquer.
Dans la réalité, le soldat japonais ne meurt pas en héros, mais noyé ou affamé. Les convois sont coulés, et
les soldats ne reçoivent plus leur renfort. Les Américains remportent la victoire du point de vue industriel.
Un nombre incroyable de Japonais est mort sans combattre : des centaines de milliers de soldats sont
noyés dans leurs navires envoyés sans capacité de défense et coulés par l'ennemi. Et des dizaines de
milliers morts affamés dans leurs îles du Pacifique : 700000 morts de faim : 1 soldat sur 5. C’est une
catastrophe militaire dans des proportions considérables. Les Japonais ne se battent plus, ils ne sont plus
en capacité de se battre, malgré la propagande.
La fin de la guerre ?
À Yalta, Staline dit qu’il a besoin de 3 mois avant d’aller au Japon : du 8 mai au 8 août, jour de l’intervention
soviétique.
À Potsdam, les alliés s’entendent pour la capitulation complète du Japon.
L’empereur demande : qu’est-ce qui est prévu pour le kokutai ? Les états-majors disent que c’est sans
doute la fin de l’institution impériale et l’empereur dit : on continue.
Les bombardements occidentaux sur le Japon sont terribles, les Américains ont inventé le napalm, font
flamber les villes japonaises : 100000 morts en une nuit à Tokyo le 10 mars 1945. Cela renforce la
détermination japonaise à résister, avec une propagande contre les barbares américains. Le 6 août, c'est
Hiroshima, le 8 août, l'attaque soviétique, le 9 août Nagasaki, et l’empereur se demande ce qu’il va faire du
kokutai. Les Japonais sont encore en Mandchourie, avec une armée de Terre intacte, prête à se batte,
l’armée du Kuantoung. En quelques jours, l’armée du Kuantoung se désintègre contre l’armée rouge. Les
officiers japonais s’enfuient face aux Soviétiques, terrorisés par l’armée rouge, laissant leurs soldats sur
place. Les soldats se rendent tout de suite, capitulent : 700000 prisonniers en 8 jours. L’idéologie impériale
s’effondre. Seuls 60000 de ces prisonniers rentreront au pays, les autres mourant dans les camps
soviétiques. L’empereur décide d’arrêter. Les Japonais pensent que les Soviétiques vont arriver les
premiers au Japon. Les atrocités commises par les soviétiques sont épouvantables. L’armée rouge est un
déferlement de violence sur la Mandchourie.
Les bombes atomiques ont-elles mis fin à la deuxième guerre mondiale ? Les Américains ne sont pas dans
une logique de guerre froide, ils sont obnubilés par la destruction de l’appareil de guerre japonais, jusqu’en
1947. Le projet Manhattan a coûté une fortune invraisemblable, ils veulent voir l’effet que ça fait. Et bien
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FC Histoire du japon / Introduc on
sûr, il faut impressionner les Russes. Mais c’est surtout l’effondrement de la dernière armée, celle du
Kuantoung, qui fait basculer les Japonais dans l’acception de la défaite.
Dès 1945, En Asie, partout l’état de guerre s’impose, sauf au Japon. Est-ce une guerre mondiale ? Les
objectifs sont très différents, les Japonais n’ont pas l’impression qu’il y ait eu une symétrie entre l’Europe et
le Pacifique. Du côté Japonais, tout est d’une irrationalité folle.
6. Après-Guerre (1945-1952) : le démontage d’un empire
La capitulation
La capitulation du 15 août 1945 est signée le 2 septembre.
Le 14 août 1945 court le bruit que l’empereur va faire une déclaration. Comme il n'en a jamais fait
auparavant, les Japonais ne connaissent pas sa voix. Donc on sait que quelque chose d’important va se
passer. Écoute pieuse du discours par les Japonais, qui ne comprennent rien de cette langue archaïsante
et pompeuse, avec des formules vides. L'empereur dit soudain : il va falloir accepter l’inacceptable.
Certains sont humiliés d’avoir perdu, d’autres honteux, d’autres en colère. Le plus grand nombre est
soulagé, surtout du fait qu’ils ne vont pas mourir : c’était à ça que le discours de la propagande les
préparait. Le sacrifice général de la population était préparé. Donc le choc de la défaite acceptée est aussi
un soulagement.
Le Japon invaincu est confronté à la capitulation le 2 septembre dans la rade du Missouri. Il s’agit d’une
défaite américaine, car les Japonais ont dit que l’empereur ne signera pas. C’est le ministre des affaires
étrangères qui signe, même pas le 1er ministre.
Fin septembre, 400000 soldats américains sont au Japon, avec la mission de démanteler l’armée et
d’arrêter des hauts responsables : une quarantaine sont arrêtés dès septembre.
Kyodatsu : l’état de sidération, d’hébétement
État de sidération totale en août et septembre : les villes japonaises sont totalement détruites, avec l’effet
terrible du napalm. Les gens sont dans la rue, ils sont tous perdus, les familles se cherchent. État de
Tokyo : plus une ville debout. Les américains ont vitrifié le Japon. État de sidération vu le soulagement de
ne pas mourir, et en même temps, personne ne dit rien.
Deux journaux japonais : « 15 août 45 : il fait chaud, l’empereur a parlé, j’ai de la fièvre. » « L’empereur a
parlé, la guerre est terminée, ouf. » (modèle du aïku)
La question de l’empereur
L'occupation du Japon se fait petit à petit.
Le 27 septembre, Mac Arthur convoque l’empereur du Japon, qui ne s’est jamais fait convoquer par
personne depuis 2000 ans. Mac Arthur ne sait pas comment se tenir. Il demande à l'empereur de l’aider à
maintenir l’ordre, l’empereur dit d’accord. Une photo où les deux hommes scellent leur pacte en 2
secondes, alors que l’empereur pensait qu’il allait être arrêté. Ils ne se reverront plus. Tout le discours sur la
reconnaissance des crimes de guerre japonais est biaisé par cette rencontre Mac Arthur-empereur. Or
l’empereur du Japon avait le regard sur tout, même s’il n’avait pas d'impact direct sur les opérations. Le 14
août, c’est l’empereur qui dit « on arrête », alors que les officiers cherchent à continuer. Mac Arthur dira
après-guerre que l’empereur était un pantin. Les Américains veulent pendre Hiro-Hito. Mac Arthur minimise
son pouvoir. L'empereur, en réalité, veut seulement sauver sa peau.
La nouvelle constitution
Un mois après la présence américaine, les opposants politiques japonais sont toujours en prison. Les
Américains demandent l’ouverture des prisons, contre le 1er ministre qui démissionne. Ce sont presque les
mêmes au pouvoir qui ont collaboré à la guerre et à ses objectifs. Donc la relation est conflictuelle entre
Américains et Japonais.
Mac Arthur est un Républicain opposé à l’administration démocrate, mais obsédé par le démantèlement de
l’armée japonaise. Il veut démontrer qu’il peut maintenir l’ordre vis-à-vis des Soviétiques. Mac Arthur est
entouré d’un staff de démocrates trentenaires, qui rêvent d’une démocratie idéale au Japon, à mettre en
place sur les ruines de l’empire. Ils comprennent vite qu’il faut faire face à un gouvernement japonais fait de
conservateurs. Les Américains tiennent les Japonais avec l’empereur : si vous ne voulez pas faire des
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réformes, on arrête l’empereur, si bien que les Japonais acceptent les Réformes. Même s’il y a quelques
alliés, ce sont surtout des Américains.
Les Américains réformistes rétablissent les libertés civiles en octobre. La participation des femmes à la vie
publique est décrétée, ainsi que la liberté syndicale et une forme de libéralisation de l’enseignement, la
séparation de l’état du shinto, qui n’est plus la religion unique du Japon. Toutes ces mesures sont prises en
novembre-décembre 1945.
La démocratisation est engagée. Dès janvier 46, il y a toute une effervescence politique. Les partis
politiques conservateurs d’avant-guerre sont reconstitués, les anciens partis socialistes se réunifient. Le
nombre de syndiqués croît en flèche. Le 1er janvier 1946, les Américains demandent à Hiro-Hito de faire
une déclaration pour dire à son peuple qu’il n’est pas un « amatsimi-kami », donc qu’il n’est pas une
manifestation divine, il ajoute que c’est un concept creux fondé sur des mythes. C’est un « dieu » qui
démissionne en direct à la radio. Mais Mac Arthur dit à Washington qu’il faut maintenir l’empereur pour que
le Japon ne s’effondre pas. Ce qui devient la position américaine.
Les Américains demandent aux Japonais de créer une nouvelle constitution. Les conservateurs japonais
changent 3 virgules à la constitution de 1889. Les Américains finissent par pondre une nouvelle constitution
en 3 jours, d’une radicalité totale : article 9 : « le peuple japonais renonce à jamais à la guerre ». L’armée
japonaise est dissoute à jamais. L’État japonais ne peut plus faire la guerre. Les Américains font fuiter le
texte dans les journaux, les Japonais sont contents d’être débarrassés du militarisme. Un sondage donne
75% de la population d’accord avec la Constitution. Pour certains, cela donnait un nouveau statut
international au Japon. Il s’agit bien d’une leçon de guerre qui crée un pacifisme japonais. C’est le refus
absolu de l’armée belliqueuse, que les conservateurs japonais actuels n’ont jamais osé abandonnée, à
laquelle ils n’osent pas s’attaquer. Les interventions actuelles dans le cadre international sont donc
anticonstitutionnelles.
Le tribunal international de Tokyo
900 officiers japonais ont été exécutés : c'est une épuration légère. Une quarantaine d’officiers sont jugés à
Tokyo. Le juge soviétique ne parle ni japonais ni anglais, et il n’y a pas de traduction. Les Soviétiques
montent leur propre tribunal à Kabarovsk. Le tribunal juge par ailleurs selon un principe de rétroactivité de
lois écrites en 1945. À Tokyo, ces jugements n’ont pas été acceptés. Pour les Japonais il s’agit du tribunal
des vainqueurs contre les vaincus, il n’a aucune crédibilité. Or l’empereur n’est même pas convoqué
comme témoin.
Les grandes réformes
Elles sont imposées par les réformistes démocrates américains avec l’assentiment de la population
japonaises, malgré l’opposition des conservateurs japonais.
Elles s’appuient sur une épuration qui vise l’armée, dissoute par les Américains, et les dirigeants politiques
nationalistes, arrêtés puis relâchés, mais interdits de se représenter. L'épuration vise l’appareil
économique, les grands zaibatsu, trusts économiques (Mitsubishi…). Les Américains ne touchent pas à la
bureaucratie d’état. En Allemagne, les cadres ont été liquidés. Tandis qu’au Japon, la bureaucratie
japonaise reste en place avec la bénédiction des Américains. Elle a même des trous de mémoire, oubliant
que la guerre était perdue. Il y a donc une continuité des années 20, libérales, aux années 30,
conservatrices, puis aux années 40-50. IL y a une pérennité des structures administratives. Un ministre
actuel est le fils d’un ministre du développement de la Mandchourie.
Les réformes du travail : semaine de 42 heures, reconnaissance de l’activité syndicale ; réforme agraire :
les terres sont données aux paysans, si bien que le Japon crée une petite paysannerie qui constitue un fief
électoral du parti conservateur. Réforme de l’éducation : la grandeur de la culture japonaise remplace la
grandeur de l’état. La démocratie est mise en avant aux dépends des anciennes confucéennes. Les
femmes ont les mêmes droits que les hommes dès 1946.
La guerre froide et la marche arrière
Avec le début de la Guerre froide, la montée en puissance du parti communiste japonais inquiète, qui fait
jusqu’à 12% des voix. Les Américains s’appuient désormais sur les plus conservateurs avec la marche
arrière dès la fin des années 40 : les Red purges ont été vécues comme des coups de poignards dans le
dos par des réformateurs japonais, alors qu’on est en plein maccarthysme aux USA.
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Avec la guerre de Corée en 1950, le Japon est désormais la base arrière de la guerre menée contre les
Soviétiques, et bénéficie de retombées économiques. En 1952, le Japon a retrouvé la production de 1937.
En octobre 51, la grande conférence de San Francisco a pour but de remettre le Japon sur la scène
internationale. Les Russes, les Chinois et les Coréens ne sont pas invités. Les Américains annoncent aux
Japonais que la Corée va devenir indépendante. Le premier ministre Yoshida est littéralement enlevé pour
être emmené sur un porte-avions sur la rade de San Francisco pour signer un traité de défense nippoaméricain. Yoshida signe. Le Japon aurait pu devenir un pays neutre, mais devient une puissance qui subit
la sujétion de la puissance américaine. Depuis, le Japon reste bloqué sous le parapluie nucléaire
américain. Les bases américaines grêlent le territoire japonais. Au moment de Fukushima en 2011, les
Américains ont imposé qu’il y ait un conseiller américain au conseil des ministres japonais. Le problème,
c’est que le Japon reste un pays vassal des États-unis.
7. La mémoire : Les trois trésors
C'est une expression sino-japonaise désignant 3 choses importantes, fondamentales. Ici, une appellation
ironique constituant un blocage de la mémoire.
Unité 731
Durant la guerre, le but de cette unité était d’apporter des méthodes et des médicaments nouveaux sur le
front dans une perspective logistique, médicale. Un programme scientifique avait également pour objectif
de développer des armes biologiques et chimiques. Cette unité officielle de l’armée japonaise, sous la
direction de médecins militaires, décide de faire des expériences directement sur les humains, pour aller
vite, pour gagner du temps, et soi-disant pour sauver des vies humaines. Des expériences sont faites sur
des prisonniers de guerre chinois, mandchous, russes, qu’on appelle des buches. Ils servent également
d’entraînement pour les médecins militaires japonais. Chirurgie et dissection à vif. 3800 à 4000 personnes
vont périr de mort atroce dans ces unités. Le nombre de victimes indirectes est impossible à déterminer.
« Grâce à ça », des progrès scientifiques sont accomplis. Toutes les archives japonaises sont brûlées en
août 45, on estime que 30 à 40000 personnes sont impliquées dans le système.
Les Américains apprennent cela en 1945 et demandent aux chefs de l’unité 731 de donner leurs
documents, avec en échange le black-out. L’agent orange a été mis au point par l’unité 731 et le chef
médecin a fait des conférences jusque dans les années 50 aux États-unis.
Tout a été fait de manière propre et ordonnée, avec la demande de Tokyo. Et les membres de l’unité 731
passaient une guerre tranquille. Les dirigeants de l’unité 731 ont presque tous réintégré des unités de
médecin et ont dirigé des hôpitaux ou des unités chirurgicales : voir le dirigeant de la croix verte japonaise,
qui fut dissoute dans les années 80 à cause du scandale du sang contaminé. Les prisonniers étaient bien
traités, et au final, tous sont morts. Il n’y a donc pas de témoins. C’est très difficile de savoir la vérité :
empoisonnement des eaux, etc. Certains ont parlé. Dans les années 80, des interviews sont sortis.
Personne ne nie l’existence de la 731. On discute de son ampleur et de sa légitimité. D’autre part, des
Américains ont fait des tests des années 50 aux années 80 de leur côté.
Les armes bactériologiques ont été utilisées, mais sans résultat. Les Américains n’ont pas été victimes. Ishii
Shirô, le chef de l’unité a peut-être été décoré par les Américains.
Ce sont des historiens japonais qui ont été intéressés par ce qui s’était passé et ont prouvé l’importance de
la Barbarie du système.
Le massacre de Nankin
En juillet 1937, la résistance à Shanghai est importante, et brusquement le front chinois s’effondre, et
l’armée japonaise fonce sur la capitale Nankin. Les soldats qui vont prendre Nankin se retrouvent sans
logistique, sans munition et sans nourriture. Ils rentrent dans Nankin sans avoir tiré un coup de fusil, mais
sans avoir mangé. Les soldats japonais se jettent sur Nankin et raflent la nourriture, avec viols, massacres
de jeunes nationalistes armés rapidement en civils. La situation échappe à l’état-major japonais. Du 7
décembre 1937 jusqu’en février 38, les massacres sont courants autour de Nankin : les morts vont de
30000 à 400000 morts, chiffre officiel chinois. La vérité doit être autour de 150000 morts. Les autorités
japonaises sont effarées par l’ampleur de la chose et du déchaînement contre les femmes en particulier.
Quelques photos fausses paraissent dans la presse occidentale. Les Japonais nient le massacre sur la
base de ces faux. C’est après la guerre que certains parlent. L’affaire de Nankin reste un nœud qui
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cristallise la violence de l’armée impériale, un massacre de masse sur la capitale chinoise, une affaire
d’abord oubliée avec les communistes chinois, affaire qui est ressorti dans les années 80, quand des
survivants se sont mis à parler. Au Japon, une frange négationniste parle d’une propagande communiste
chinoise.
Il n’y a aucune pression américaine sur ces questions.
Les femmes de réconfort
Après le massacre de Nankin, et pour des raisons liées à l’hygiène (maladie vénériennes), l’armée
japonaise a décidé d'encadrer le comportement de ses soldats vis-à-vis des femmes des pays occupés en
créant des maisons de réconfort. Dans un tel système organisé, le fait de passer au bordel devenait
obligatoire. Les filles étaient parfois sur place avant les médicaments. Une mentalité magique s'est
développée : les relations sexuelles protégeaient les soldats de la mort au front. Le bordels étaient donc
nécessaires avant de monter à l'assaut.
Ces lupanars n'ont pas été considérés comme un crime en soi, sauf que vers 1990, un certain nombre de
Coréennes ont affirmé qu’elles avaient été enlevées pour servir de femmes de réconfort contre leur gré.
Des recherches sont faites au Japon dans les années 90. Des études sortent et l’ampleur du phénomène
frappe : on parle de 200000 femmes, dont les 2/3 sont des Coréennes, avec des filles entre 14 et 18 ans. Il
fallait qu’elles soient vierges, pour ne pas être contaminées, avec l’obligation d’avoir des rapports protégés.
En fait, l’état japonais a planifié le rapt, la tromperie et le viol de milliers de jeunes filles. C’était donc des
esclaves sexuelles, souvent des paysannes enlevées dans des conditions atroces.
Ces femmes ont parlé, la plupart ne sont pas rentrées chez elles, se sont suicidées ou sont devenues de
véritables prostituées après-guerre. Il s’agit bien d’un esclavage d’état. L’état japonais a fini par nier sa
responsabilité. Or les stations étaient gérées par l’armée, les escouades étaient dirigées par des militaires.
En décembre 2015, le gouvernement japonais a décidé de verser 1 milliards de yen à 46 femmes de
réconfort coréennes encore en vie, sous la pression américaine. Mais l’affaire n’est pas close.
Sur cette affaire de mémoire, ce sont des Japonais qui ont effectué les recherches. Dans les cercles du
pouvoir, avec cette continuité de la bureaucratie d’état, les faits sont encore niés. Voir l’influence du Nihon
Kaigi dans l’appareil d’état (le 1er ministre Abé Shinzo en est membre).
L'éducation
Au Japon, il y a un manuel d’histoire unique. L’importance du manuel est d’autant plus important que les
jeunes japonais réécrivent le manuel (apprentissage complexe de l’écriture). Avant guerre, ces manuels
commençaient avec l’âge des dieux jusqu’à l’époque actuelle. Après guerre, il fallait noircir certaines lignes
des manuels du passé, en effaçant toutes les mentions nationalistes. À la rentrée 1946, mise en place d’un
manuel intitulé « la marche en avant » : un début sur la préhistoire, et une histoire essentiellement
économique, sociale et culturelle. Les Japonais retiennent donc qu’il y a une grande culture. Dans les
années 50, un comité pour l’éducation se charge de voir que le manuel est compatible avec la vérité et
vérifie tous les manuels qui sont vus par des historiens et validés par l’état. Mais ce comité a été vu comme
un contrôle de la pensée, une censure. Avec la course contre le temps des profs d’histoire, l’ordre
chronologique est suivi, et donc on ne parle jamais du contemporain, et donc des sujets qui fâchent. Les
profs n’avaient jamais le temps de parler de la guerre. Dans les années 90, le terme invasion de la Chine a
été remplacé par progression japonaise en Chine.
Chronologie
Le Japon en voie de modernisation
•
1854 : traité de paix et d’amitié avec les USA
•
1858 : traités de commerces (traité inégaux)
•
1868 : proclamation d’un nouveau gouvernement impérial réformateur
•
1871 : réforme anti-féodales
•
1889 : constitution de l’empire du Grand Japon
•
1895 : victoire du Japon contre la Chine
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L’empire du Grand Japon
•
1895 : Annexion de Taiwan
•
1899 : renégociation des traités inégaux
•
1900 : naissance d’une industrie lourde
•
1902 : alliance militaire anglo-japonaise
•
1904-1905 : guerre russo-japonaise
•
1907 : premier pic de contestation ouvrière
•
1910--1911 : affaire du complot de lèse-majesté
La démocratie de Taishô (1913-1925)
•
Accélération de l’industrialisation
•
Montée des couches moyennes urbaines
•
Mouvement pour le suffrage universel
•
Naissance d’un mouvement féministe
•
Émeutes du riz (juillet-septembre 1918)
•
Effervescence sociale
•
Mouvement pour le kaizô (la reconstruction) = réformisme social
•
Droit de vote masculin en 1925, 1ères élections en 1928
•
1925--1928 : nouvelles lois répressives
Le Japon colonial et victorieux
•
1915 Les 21 demandes à la Chine
•
Le Japon à Versailles du côté des vainqueurs
•
Mars 1919 : mouvement Manse en Corée
•
4 mai 1919 : mouvement du 4 mai en Chine
•
1922 : traité de Washington. Régime du 5-5-3
•
1928 : opérations dans le Shandong et en Mandchourie
La guerre
•
1931-1945 : la guerre japonaise
•
1931-1952 : la séquence complète (Mandchourie, Chine, Pacifique...)
•
1941-1945 : la guerre américaine
•
1931 ou 1937-1949 : La guerre chinoise
•
1945-1953 : la guerre coréenne
•
1940-1975 : la guerre vietnamienne
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Documents:
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Bibliographie
Ouvrages, revues :
Asie-Pacifique, l'autre guerre mondiale, 1931-1945, L'histoire n°413-414.
Pierre-François Souyri, Moderne sans être occidental: Aux origines du Japon aujourd'hui, Gallimard, 2016.
Pierre-François Souyri, Nouvelle histoire du Japon, Perrin, 2010.
Pierre-François Souyri [dir.], Japon colonial, 1880-1930 : Les voix de la dissension, 2014.
Pierre-François Souyri, Constance Sereni Delespaul, Kamikazes, 2015.
Sites :
Institut culturel Meiji :
https://meijibunka.wordpress.com/2016/01/30/lepopee-meiji-1-le-japon-force-de-souvrir-au-monde
Fascinant Japon :
http://www.fascinant-japon.com
[Nombreuses contributions de spécialistes et journalistes, historiques, culturelles, touristiques]
Révolution industrielle au Japon :
http://www.japansmeijiindustrialrevolution.com
[Les sites de la révolution industrielle de l'ère Meiji, classés au patrimoine de l'UNESCO]
MIT Vizualising cultures
http://ocw.mit.edu/ans7870/21f/21f.027/home/vis_menu.html
[Magnifique mise en perspective de documentation visuelle, centrée sur le Japon moderne]
Reenvisioning Japan
http://humanities.lib.rochester.edu/rej/
[Nombreuses sources utiles, par l'Université de Rochester]
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