MISE AU POINT Acide zolédronique dans le cancer du sein : au-delà des métastases osseuses Zoledronic acid in breast cancer: beyond bone metastases P. Beuzeboc 1 L’ acide zolédronique est un N-biphosphonate (N-BP) de troisième génération comportant un cycle azoté lui conférant une activité antirésorption osseuse 10 000 fois supérieure à celle d’un BP de première génération (1). Le cancer du sein est une tumeur solide à tropisme osseux important : les métastases osseuses sont les lésions secondaires les plus fréquentes (environ 70 %) [2]. Outre les complications fracturaires et compressives, les métastases osseuses altèrent la qualité de vie des patientes par les douleurs qu’elles génèrent. Cette revue de la littérature se propose de faire le point sur les acquis de l’acide zolédronique dans le cancer du sein, non seulement dans son indication princeps, c’est-à-dire la prévention des complications des métastases osseuses, mais aussi en ce qui concerne les données cliniques actuellement disponibles hors du contexte de ces métastases. Au-delà de son activité d’inhibition de la résorption osseuse via son mécanisme d’action antiostéoclastique, l’acide zolédronique présente des résultats cliniques laissant apparaître d’autres propriétés originales. Acide zolédronique : une efficacité amplement démontrée dans la prévention des complications liées aux métastases osseuses du cancer du sein 1 Institut Curie, Paris. L’envahissement métastatique osseux du cancer du sein induit une ostéolyse due à une augmentation de l’activité des ostéoclastes stimulés par les cellules 210 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 3 - mars 2010 tumorales (cercle vicieux des métastases osseuses). Cette ostéolyse est la cause d’une morbidité importante, grave et invalidante, qui se manifeste par des fractures, des compressions nerveuses ou médullaires et des douleurs chroniques, et qui implique le recours à des traitements palliatifs telles la radiothérapie ou la chirurgie et l’utilisation d’antalgiques majeurs. L’acide zolédronique, puissant inhibiteur de la résorption osseuse, a trouvé naturellement son développement clinique initial dans ce type de situations. L’autorisation de mise sur le marché (AMM) a pu être obtenue dès 2001, grâce à plusieurs études cliniques randomisées. Acide zolédronique versus pamidronate (Rosen et al. [3]) Publiée en 2001, cette étude randomisée en double aveugle a inclus 1 131 patientes atteintes de cancer du sein avec au moins une métastase osseuse ostéolytique, sur une population totale de 1 643 sujets, dont 513 présentaient un myélome multiple. L’acide zolédronique, à la posologie de 4 ou 8 mg i.v. toutes les 3 semaines, a été comparé au traitement standard de l’époque (pamidronate 90 mg i.v. de 2 à 4 heures toutes les 3-4 semaines). L’objectif principal était de comparer la fréquence des événements osseux (fractures pathologiques, compressions médullaires, recours à la radiothérapie ou à la chirurgie) – hors hypercalcémie maligne (HCM) – dans les trois groupes, au cours des 13 mois de traitement et des 25 mois de suivi (3, 4). Les critères secondaires concernaient le délai d’apparition du premier événement osseux incluant ou non Résumé Au-delà de son activité anti-ostéoclastique et de son rôle dans le traitement des métastases osseuses des cancers du sein, l’acide zolédronique a montré dans des essais cliniques récents des propriétés anti­ tumorales et de nouvelles perspectives dans la prévention des récidives à un stade précoce de la maladie. Mots-clés Acide zolédronique Cancer du sein Ostéopénie Métastases osseuses Traitement adjuvant Highlights Tableau I. Principaux résultats d’efficacité de l’étude acide zolédronique versus pamidronate sur la population de patientes avec cancer du sein à 25 mois de suivi (d’après [4] ; dossier AMM Clinical Study Report 010). Patientes avec EO* Délai d’apparition du 1er EO* Patientes ayant eu recours à la radiothérapie Pamidronate (n = 555) Acide zolédronique (n = 561) p 51 % 47 % 0,243 370 jours 415 jours 0,047 24 % 19 % 0,037 Beyond its anti-ostoclastic activity and its role in the management of breast cancer bone metastases, the zoledronic acid has shown in recent clinical trials anti-tumoral properties and new perspectives in the prevention of recurrence at the initial setting of the disease. * EO : événement osseux, défini par une fracture pathologique, une compression médullaire, un recours à la radiothérapie ou à la chirurgie, hors hypercalcémie maligne (HCM). l’HCM, le recours à la radiothérapie et la tolérance. Les principaux résultats de cette étude sont présentés dans le tableau I. Il n’existe aucune différence significative entre les deux doses d’acide zolédronique, ni entre l’acide zolédronique et le pamidronate, sur le critère principal de jugement (4). En revanche, l’acide zolédronique retarde significativement l’apparition du premier événement osseux de 45 jours par rapport au pamidronate (415 jours versus 370 jours ; p = 0,047), et rend moins fréquent le recours à la radiothérapie (19 % versus 24 % ; p = 0,037) [tableau I]. L’analyse multi-événementielle selon la méthode d’Andersen-Gill, réalisée sur la population totale des patientes avec cancer du sein (groupe de traitement pamidronate versus acide zolédronique 4 mg) et en fonction du traitement associé (hormonothérapie ou chimiothérapie), montre que l’acide zolédronique réduit significativement le risque de développer un événement osseux, y compris une HCM : cette réduction est de – 20 % (RR : 0,79 ; p = 0,025) par rapport au pamidronate (figure 1). Les données de cette étude ont aussi été analysées rétrospectivement sous l’angle des marqueurs de résorption osseuse tel le N-télopeptide du collagène de type I (NTX-I) urinaire (5). La corrélation entre diminution du NTX sous acide zolédronique et survie des patientes a été recherchée. La valeur de normalité du NTX a été fixée au-dessous de 64 mmol/ mmol de créatinine. Les patientes traitées par acide zolédronique ont été réparties en 3 groupes, selon leurs valeurs initiales de NTX, puis selon celles obtenues à 3 mois de traitement : ➤➤ groupe E-N (NTX élevé au départ et normalisé à 3 mois) ; Keywords Zoledronic acid Breast cancer Osteopenia Bone metastases ➤➤ groupe E-E (élévation du NTX aux 2 temps) ; ➤➤ groupe N-N (NTX normal aux 2 temps). En termes de descriptif de la population, 196 patientes (59,7 %) avaient des taux initiaux de NTX élevés : après 3 mois de traitement par acide zolédronique, 76 % d’entre elles (n = 149) présentaient une normalisation de cette valeur (groupe E-N). Trente et une patientes ont été intégrées dans le groupe E-E en raison de taux de NTX initialement élevés et persistants à 3 mois. Enfin, parmi les 132 patientes ayant un taux initial de NTX normal, 124 (93,9 %) ont conservé ce taux normal à 3 mois (groupe N-N) ; une seule patiente a présenté une élévation de son taux de NTX sous traitement. Adjuvant treatment p Myélome multiple 0,593 Cancer du sein 0,025 Total 0,030 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 1,8 2 Hazard-ratio (acide zolédronique 4 mg versus pamidronate) En faveur de l’acide zolédronique En faveur du pamidronate Figure 1. Réduction du risque de développer un événement osseux (HCM incluses) dans l’analyse multi-événementielle (d’après [4]). La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 3 - mars 2010 | 211 MISE AU POINT Acide zolédronique dans le cancer du sein : au-delà des métastases osseuses La figure 2 illustre l’analyse de la survie selon la méthode de Kaplan-Meier selon le taux de NTX dans les 3 groupes précédemment définis : la durée médiane de survie est de 901 jours (IC95 : 800-non atteinte) en cas de NTX initial normal, versus 719 jours (IC95 : 578-858) en cas de NTX élevé à l’entrée dans l’étude (p = 0,0068). Dans le groupe E-N, la médiane de survie est de 790 jours (IC95 : 696-non atteinte), versus 446 jours dans le groupe E-E (IC95 : 303-757 ; p = 0,0004). La valeur du NTX à 3 mois de traitement est significativement corrélée à l’évolution clinique : sa normalisation est associée à une diminution significative du risque d’événement osseux ultérieur (RR : 0,504 ; IC95 : 0,318-0,798 ; p = 0,0034) et à une survie prolongée (réduction du risque de décès 100 E-N (36 à risque, 27 événements) E-E (160 à risque, 79 événements) 80 Décès (%) N-N (132 à risque, 49 événements) 60 40 20 0 0 3 6 9 12 15 18 21 24 Mois Analyse de la survie à 3 mois selon Kaplan-Meier en fonction du niveau de NTX initial. E-N : patientes avec NTX élevé qui se normalise à 3 mois. E-E : patientes avec NTX élevé qui persiste. N-N : patientes avec NTX initial et NTX à 3 mois normaux. Figure 2. Survie médiane selon le taux initial de NTX et son évolution sous acide zolédronique (d’après [5]). Tableau II. Acide zolédronique 4 mg versus placebo : résumé des autres résultats d’efficacité (d’après [6]). Nombre d’EO*/année/ patiente Taux d’EO* (hors HCM) Incidence d’EO* (hors HCM) Acide zolédronique versus placebo (Kohno et al. [6]) Cette autre étude randomisée en double aveugle comparant acide zolédronique 4 mg versus placebo a évalué l’incidence des événements osseux (hors HCM), définie par le nombre d’événements osseux par année et par patiente (critère principal) [6]. Une population de 228 femmes japonaises ayant déjà présenté au moins un événement osseux a été évaluée au terme des 12 mois de traitement de l’étude. Parmi les critères secondaires, le score de la douleur a notamment été pris en compte. Comme le montrent le tableau II et la figure 3, l’acide zolédronique réduit de façon significative le taux de complications osseuses par année (1,10 sous placebo versus 0,63, soit une diminution de 43 %, p = 0,016) [figure 3]. Dans la sous-population des patientes avec antécédent de fracture pathologique, le taux ajusté prenant en compte ces événements antérieurs est de 0,61 (p = 0,027, test de permutation), indiquant que l’acide zolédronique réduit le taux d’événements osseux de 39 % (tableau II). L’analyse multi-événementielle sur le risque d’événements osseux (hors HCM) révèle une réduction du risque de 41 % (p = 0,019) versus placebo. Le délai médian d’apparition du premier événement osseux est significativement augmenté par l’acide zolédronique (non atteint versus 364 jours dans le groupe placebo ; p = 0,07). De plus, l’évolution de la p = 0,016 p Acide zolédronique 4 mg 1,10 Acide zolédronique n = 114 Placebo n = 113 Taux non ajusté Taux ajusté** Toutes patientes 0,63 1,10 0,57 – 0,016 Patientes avec fracture pathologique antérieure 1,55 1,91 0,81 0,61 0,027 Patientes sans fracture pathologique antérieure 0,33 0,78 0,43 – – *EO : fracture pathologique, compression médullaire, recours à la radiothérapie ou à la chirurgie (hors HCM). ** Taux ajusté prenant en compte la survenue de fractures antérieures. 212 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 3 - mars 2010 de 55 % ; RR : 0,454 ; IC95 : 0,293-0,704 ; p = 0,0004) par rapport à la persistance du taux élevé de NTX. De même, la normalisation du NTX à 3 mois est significativement corrélée à une réduction du risque de première fracture ou de chirurgie ultérieure (RR : 0,486 ; IC95 : 0,294-0,805 ; p = 0,005) et de recours à la radiothérapie. Placebo 0,63 n = 113 n = 114 Figure 3. Résultat sur le critère principal (taux d’événements osseux par patiente et par année, hors HCM) de l’étude acide zolédronique 4 mg versus placebo (d’après [6]). MISE AU POINT Parallèlement au développement des indications des N-BP en oncologie, ces agents sont apparus comme étant également capables de réduire la perte de densité minérale osseuse (DMO) induite par la déprivation androgénique ou estrogénique. Certains agents hormonaux utilisés dans le traitement adjuvant du cancer du sein – tels les agonistes de la LH-RH et les inhibiteurs de l’aromatase (IA) – sont susceptibles d’induire une ostéopénie : l’acide zolédronique, du fait de son action antiostéoclastique sur l’os sain ou envahi, a donc été évalué dans ce contexte d’hormonothérapie adjuvante par létrozole, en prévention de la perte de DMO induite par ce type d’hormonothérapie. Deux études jumelles, Z-FAST (États-Unis et Canada) et ZO-FAST (Europe, Europe de l’Est, Asie, et Amérique du Sud), ont étudié l’administration d’acide zolédronique utilisé d’emblée avec le létrozole en adjuvant (4 mg i.v. tous les 6 mois sur 5 ans ; n = 833 patientes) versus un traitement retardé (même posologie, mais le traitement est initié dès l’apparition d’un T-score de l’extrémité supérieure du fémur ou vertébral ≤ 2 ou dès la survenue d’une fracture non traumatique ; n = 834). Le schéma de cette étude randomisée est décrit dans la figure 5 (7-9). Le létrozole était délivré à la posologie usuelle de 2,5 mg per os pour une durée de traitement de 1,0 0,8 0,6 0,4 0,2 0,0 – 0,2 – 0,4 – 0,6 – 0,8 – 1,0 Acide zolédronique 4 mg Placebo * 0 2 4 * * 8 12 * 16 * * 20 * 24 * * 28 32 * 36 40 * 44 * 48 * 52 Semaines Figure 4. Évolution de la variation moyenne du score de l’échelle BPI selon le groupe traité (acide zolédronique 4 mg versus placebo) et selon le temps par rapport aux valeurs initiales (d’après [6]). RANDOMISATION Acide zolédronique : une activité antiostéoclastique pour prévenir la perte osseuse induite par l’hormonothérapie adjuvante du cancer du sein Échelle BPI douleur montre une amélioration majeure du score de l’échelle Brief Pain Inventory (BPI) par rapport au groupe placebo (figure 4). En ce qui concerne la tolérance, aucune des deux études n’a mis en évidence de différence significative entre l’acide zolédronique et le pamidronate sur la tolérance rénale (0,4 % d’augmentation de la créatinine atteignant un grade 3-4 sous acide zolédronique versus 1,9 % sous pamidronate) [3, 4]. Dans l’étude de Kohno comparant acide zolédronique et placebo (6), la fonction rénale (créatininémie) n’était pas significativement différente entre les 2 groupes. Une variation du taux de β2-microglobuline de significativité incertaine (car non corrélée à une élévation de la créatinine) était observée sous acide zolédronique. Aucun cas d’ostéonécrose de la mâchoire n’était rapporté dans les 2 études. 0 Acide zolédronique d’emblée (4 mg i.v. tous les 6 mois) + létrozole (2,5 mg/jour) Acide zolédronique en administration retardée* (4 mg i.v. tous les 6 mois) + létrozole (2,5 mg/jour) 1 an Analyse primaire 2 ans 3 ans 4 ans 5 ans Analyse finale * Début du traitement déterminé par toute valeur du T-score de la hanche < –2, par toute fracture clinique non liée à un trauma, ou toute fracture diagnostiquée à la radiologie à 36 mois. Figure 5. Descriptif des études Z-FAST et ZO-FAST (d’après [7-9]). 5 ans. Une supplémentation en calcium et en vitamine D était administrée à toutes les patientes. L’objectif principal de l’étude était la comparaison du pourcentage de variation de la DMO à 12 mois au niveau lombaire (L1 à L4) entre les 2 groupes de traitement. Les critères secondaires concernaient le pourcentage de variation du T-score au niveau de la hanche, la variation des NTX urinaires et des phosphatases alcalines osseuses, l’incidence des fractures et la survie sans événement, ainsi que la tolérance. La figure 6 illustre les pourcentages moyens de variation des T-scores de la hanche et du rachis lombaire à 1 an, en fonction des 2 groupes de traitement (n = 300 patientes dans chaque groupe). Elle montre une augmentation de la DMO au niveau des 2 T-scores dans le groupe traité par acide zolédronique d’emblée, alors que, dans le groupe traité avec délai, une ostéopénie est observée. Les différences à 12 mois sont hautement significatives sur ce paramètre. Dans le groupe acide zolédronique traité de façon retardée, 12,6 % des patientes avec une DMO normale à l’inclusion ont présenté une ostéopénie La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 3 - mars 2010 | 213 MISE AU POINT Acide zolédronique dans le cancer du sein : au-delà des métastases osseuses Pourcentage moyen de variation de la DMO à 6 et 12 mois 2,5 Administration d’emblée Administration retardée Figure 6. Pourcentage m oy e n d e v a r i a t i o n des T-scores (vertèbres lombaires et hanche) en fonction des groupes de traitement dans les études Z-FAST et ZO-FAST (d’après [7-9]). Rachis lombaire Hanche 2 p < 0,0001 1,5 1 0,5 0 – 0,5 –1 – 1,5 –2 – 2,5 –3 – 3,5 6 mois 12 mois 6 mois 12 mois DMO : densité minérale osseuse. Survie sans événement (%) 100 80 Acide zolédronique administré d’emblée Acide zolédronique en administration retardée 60 HR = 0,573 Log-rank p = 0,0183 (analyse stratifiée) 40 20 0 0 Nombre de patients à risque : Administration d’emblée 831 Administration retardée 830 6 12 18 24 30 561 568 185 189 Temps (mois) 805 805 764 784 731 747 Figure 7. Survie sans événement à 2 ans dans l’étude adjuvante Z-FAST/ZO-FAST (d’après [10]). faible à modérée à un an, et 14,8 % ont présenté une ostéopénie sévère. L’analyse à 24 mois, exposée en 2009 à Saint-Gall, concernait les critères secondaires des fractures et de la survie sans événement sur une population de 1 667 femmes (10). À 24 mois, 154 patientes sur 834 (soit 19 %) du groupe traitement retardé avaient entamé un traitement par acide zolédronique. Il n’existait aucune différence significative sur l’incidence des fractures entre les 2 groupes : 3,1 % dans le groupe acide zolédronique d’emblée et 3,5 % dans le groupe administration retardée. Dans le groupe acide zolédronique d’emblée, les fractures étaient plus fréquentes en cas d’ostéopénie à l’inclusion, alors que c’était l’inverse dans le groupe administration retardée. L’analyse de la survie sans 214 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 3 - mars 2010 événement selon Kaplan-Meier et suivant le modèle de Cox (prise en compte d’une chimiothérapie administrée) a montré que l’administration d’acide zolédronique d’emblée améliorait significativement la survie sans événement par rapport au traitement retardé (HR = 0,593 ; IC95 : 0,358-0,916 ; p = 0,0183) [figure 7]. La réduction du risque à 2 ans atteint 43 % avec l’administration d’emblée. De plus, le taux de rechute du cancer du sein est significativement réduit dans le groupe administration d’emblée versus administration retardée (0,84 % versus 1,9 % ; p = 0,04), de même que l’incidence des rechutes ou décès (1,1 % versus 2,3 % ; p = 0,0396). Ces résultats cliniques viennent souligner à nouveau l’existence d’un éventuel effet antitumoral extraosseux de l’acide zolédronique, indépendant de son activité antirésorption osseuse. Sur le plan de la tolérance, le taux d’ostéonécrose mandibulaire a été de 0,06 %, avec un seul cas sur 830 patientes traitées observé dans le groupe ayant reçu l’acide zolédronique d’emblée. Au niveau rénal, le traitement a été bien toléré (aucun grade 3-4) ; seuls 2 cas dans chaque groupe de grade 1-2 ont justifié l’interruption du traitement. Sept cas de fibrillation auriculaire de grade 3-4 ont été rapportés (3 dans le bras traitement d’emblée et 4 dans le bras traitement retardé), qui ont tous conduit à l’arrêt du traitement. Les autres effets indésirables sont ceux attendus dans cette population de femmes ménopausées, sans différence entre les 2 groupes de traitement. Acide zolédronique en adjuvant dans la prévention des rechutes du cancer du sein : un effet antitumoral cliniquement étayé Un faisceau d’arguments issus d’études fondamentales et précliniques s’est accumulé, concernant l’existence d’une activité antitumorale directe et indirecte de l’acide zolédronique (11-13). Dans l’essai Z-FAST/ZO-FAST, une diminution significative des rechutes du cancer du sein a été observée dans le groupe traité par acide zolédronique d’emblée avec le létrozole en adjuvant. Les résultats des études cliniques de Mistakidou et al. et de Gnant et al. (14, 15) ont mis en évidence un effet de prévention des métastases, non seulement osseuses, mais aussi au niveau des autres sites. Le concept d’un potentiel antitumoral de l’acide zolédronique montré en préclinique s’est donc trouvé conforté par les résultats cliniques obtenus en situation adjuvante. MISE AU POINT Étude pilote dans la prévention des métastases osseuses Étude Gnant (protocole ABCSG-12) : acide zolédronique dans le traitement adjuvant du cancer du sein Les résultats de l’étude du groupe autrichien ABCSG-12 (15-18) ont été publiés tout récemment dans le New England Journal of Medicine. Cette étude a concerné une population conséquente de 1 803 femmes non ménopausées, traitées en adjuvant par 2 types d’hormonothérapie randomisés entre goséréline (3,6 mg s.c. tous les 28 jours pendant 3 ans) + tamoxifène (20 mg/j per os pendant 3 ans) ou goséréline + anastrozole (1 mg/j per os pendant 3 ans). Dans chaque bras, les patientes ont reçu – ou non, selon la randomisation – de l’acide zolédronique (4 mg i.v. tous les 6 mois pendant 3 ans). Quatre groupes de traitement ont ainsi été constitués (figure 9). L’objectif principal de l’étude était la survie sans maladie (SSM). La rechute était définie par une récidive locale ou locorégionale, par un cancer du sein controlatéral, par des métastases à distance, par un autre cancer primitif, ou par un décès quelle que soit sa cause. L’âge médian de la population incluse était de 45 ans. Dans 75 % des cas, il s’agissait de tumeurs de stade T1, et 30 % des patients avaient un envahissement ganglionnaire. Toutes les tumeurs présentaient des récepteurs positifs aux estrogènes ou à la progesté- Acide zolédronique Oui Non 1,0 Pourcentage cumulé de patients L’équipe de Mistakidou a étudié une population de 40 patients des deux sexes atteints de cancers principalement bronchiques et mammaires (n = 16 cancers mammaires/40). Les patients présentaient tous à l’inclusion une rechute sans envahissement osseux. La population de cette étude pilote ouverte était randomisée en 2 groupes : un groupe traité par acide zolédronique 4 mg i.v. (n = 20, dont 10 cancers du sein) versus un groupe contrôle non traité (n = 20, dont 6 cancers du sein) [14]. À 18 mois, il existait une différence significative dans le pourcentage de patients sans métastases osseuses (20 % dans le groupe traité versus 0 %), dans la durée médiane sans métastases osseuses (12 mois versus 6 mois) et dans l’intervalle libre sans métastases osseuses (figure 8). La probabilité de rester sans métastases osseuses à 12 mois était de 90 % dans le groupe acide zolédronique et de 40 % dans le groupe contrôle. À 18 mois, ces pourcentages étaient respectivement de 20 % et 5 %. 1,2 0,8 0,6 Log-rank : p < 0,0005 0,4 0,2 0,0 0 10 20 30 40 Temps sans métastases osseuses (mois) 50 Figure 8. Intervalle libre sans métastases osseuses dans l’étude acide zolédronique versus contrôle, en prévention des métastases osseuses – analyse à 18 mois (d’après [14]). Les 4 bras sont traités avec goséréline 3,6 mg/28 jours Population totale, n = 1 803 Étude os, n = 404 Cancer du sein stade I/II Stratification • Âge • Grade SBR • Stade • RE+ et/ou RP+ • Nombre de ganglions lymphatiques envahis Tamoxifène : 20 mg/jour Anastrozole : 1 mg/jour R Tamoxifène : 20 mg/jour + acide zolédronique (4 mg tous les 6 mois) Anastrozole : 1 mg/jour + acide zolédronique (4 mg tous les 6 mois) Suivi 4 années pour rechute et survie (SSM, SSR et SG) Durée totale de traitement : 3 ans SSM : survie sans maladie ; SSR : survie sans rechute ; SG : survie globale ; RE+ : récepteurs positifs aux estrogènes ; RP+ : récepteurs positifs à la progestérone. Figure 9. Schéma de l’étude adjuvante ABCSG-12 et effectifs des 4 groupes de traitement (d’après Gnant 2008). rone (ou aux deux), et cette expression était élevée dans 85 % des cas (score de coloration de Reiner de 80-100 %). Les résultats (analyse en intention de traiter) ne montrent aucune différence significative entre les 2 types d’hormonothérapie (anastrozole versus tamoxifène) à 5 ans en termes de SSM et de survie globale (SG) [47,8 mois de suivi]. En revanche, la comparaison des populations ayant ou n’ayant pas reçu l’acide zolédronique montre que les taux de SSM à 5 ans sont significativement différents : 94 % versus 90,8 % respectivement (p = 0,01). Cette différence en faveur de l’acide zolédronique est de 3,2 %, soit une réduction du risque de rechute de 36 % (HR : 0,64 ; IC95 : 0,46-0,91 ; p = 0,01) par rapport à une hormonothérapie adjuvante seule (figure 10). Cette différence de 3,2 % en valeur absolue de SSM est similaire à celle observée dans les essais comparant tamoxifène et inhibiteurs de l’aromatase chez les La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 3 - mars 2010 | 215 MISE AU POINT Acide zolédronique dans le cancer du sein : au-delà des métastases osseuses Survie sans maladie (%) 100 Hazard-ratio pour la progression de la maladie 0,64 (IC95 : 0,46-0,91) p = 0,01, test de Wald p = 0,01, test log-rank 80 60 40 Acide zolédronique 54 Pas d’acide zolédronique 83 20 0 0 Nombre de patientes à risque Acide zolédronique 899 Pas d’acide zolédronique 904 12 24 36 Mois 846 832 730 713 555 537 48 60 72 84 414 407 257 241 123 145 54 47 Figure 10. Survie sans maladie dans les groupes hormonothérapie adjuvante seule versus hormonothérapie adjuvante + acide zolédronique dans l’étude ABCSG-12 (d’après [15]). Figure 11. Descriptif des événements initiaux par patiente survenus dans la population de l’étude adjuvante de Gnant et al. (analyse en intention de traiter) [d’après Gnant, ASCO 2008]. 2 Nombre de premiers événements par patiente (n) Décès sans rechute antérieure Cancer secondaire Cancer du sein controlatéral Métastase à distance Rechute locorégionale 10 10 0 9 41 6 29 20 10 0 0 Pas d’acide zolédronique n = 904 Acide zolédronique n = 899 patientes ménopausées (19, 20). De même, le taux de survie sans rechute à 5 ans est de 94 % versus 90,9 % respectivement, correspondant à une réduction de 35 % du risque de récidive sous acide zolédronique par rapport à une hormonothérapie seule (HR : 0,65 ; IC95 : 0,46-0,92 ; p = 0,01). Il n’existe pas de différence en termes de SG (26 décès dans le bras hormonothérapie seule versus 16 décès dans le bras acide zolédronique + hormonothérapie adjuvante). En raison du faible nombre d’événements à type de métastases osseuses, il n’existe pas de différence significative entre les 2 groupes traités ou non par acide zolédronique, malgré une réduction de 32 % du risque de survenue de métastases osseuses (p = 0,22). La figure 11 décrit les types de rechute observés selon les 4 groupes de traitement. Il est intéressant de noter que le groupe traité par acide 216 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 3 - mars 2010 zolédronique en adjuvant présente moins de rechutes locorégionales (10 versus 20), moins de métastases à distance (29 versus 41), moins de métastases osseuses (23 versus 16) et extra-osseuses. L’analyse multivariée prenant en compte les facteurs influençant la survie sans maladie est illustrée dans la figure 12. Les patientes traitées par acide zolédronique en adjuvant présentent une réduction de 33 % du risque de progression du cancer du sein (p = 0,02) et une diminution de 3 % du risque de rechute (p = 0,03). Le nombre nécessaire de patientes à traiter par acide zolédronique en adjuvant pour prévenir une rechute est de 31 : ce chiffre est comparable à celui retrouvé avec les taxanes (n = 28 pour le paclitaxel et n = 31 pour le docétaxel) [21]. Sur le plan de la tolérance, on note une incidence des polypes utérins de 1,1 % sous tamoxifène versus 0,2 % sous anastrozole (p = 0,07). Le profil d’effets indésirables sous acide zolédronique est celui attendu en ce qui concerne les douleurs osseuses (35 % versus 25 %), les arthralgies (24 % versus 18 %) et la fièvre (9 % versus 2 %). En revanche, il n’a été observé aucun cas de toxicité rénale sur les 16 863 dosages de créatinine, ni de cas avéré d’ostéonécrose de la mâchoire. L’analyse de la DMO dans cette étude a été réalisée sur une cohorte de 404 patientes. Comme l’illustrent les figures 13 et 14, les groupes traités par goséréline + anastrozole ou goséréline + tamoxifène seuls présentent une diminution significative de la DMO dès 12 mois par rapport aux valeurs de départ (maximales à 36 mois) [17]. La perte osseuse est plus importante sous anastrozole que sous tamoxifène. Bien qu’une récupération partielle soit obtenue à l’arrêt de l’hormonothérapie, la DMO à 60 mois reste en dessous des valeurs de départ. Chez les patientes ayant reçu l’acide zolédronique, on observe que la DMO reste globalement comparable à celle mesurée initialement, avec une augmentation significative de 5,3 % au niveau lombaire à 36 mois dans le groupe traité par tamoxifène. Enfin, notons qu’une analyse coût/efficacité a été réalisée sur les données de cette étude, prenant en compte le coût additionnel du traitement par acide zolédronique et les économies engendrées par la prévention des rechutes et de l’ostéopénie induite par l’hormonothérapie (22). Il s’avère que le traitement adjuvant par acide zolédronique est associé à un coût de 7 794 $ par année de vie gagnée, ajusté sur la qualité de vie : ce chiffre est très en dessous du seuil considéré comme acceptable aux ÉtatsUnis (50 000 $) et beaucoup plus faible que celui de nombreux traitements acceptés en oncologie (22). MISE AU POINT L’étude randomisée AZURE (23), toujours en cours actuellement, évalue l’apport d’acide zolédronique à un traitement adjuvant standard de 5 ans chez des patientes atteintes de cancers du sein de stade II/ III pré- et postménopausées. Plusieurs posologies d’acide zolédronique sont évaluées dans cet essai, dont le critère principal est la survie sans rechute. Une population de 3 360 patientes sera analysée sur 5 années suivant les 5 ans de traitement adjuvant. Acide zolédronique : un effet antitumoral “synergique” en association avec la chimiothérapie néoadjuvante Sous-groupes Traitement (acide zolédronique versus sans acide zolédronique) Survie sans maladie Survie sans rechute Stade T (T1 versus T2) Survie sans maladie Survie sans rechute Grade SBR (1 ou 2 versus 3) Survie sans maladie Survie sans rechute Envahissement ganglionnaire (+ versus –) Survie sans maladie Survie sans rechute Statut des RH (–, bas, moyen, ou élevé) Survie sans maladie Survie sans rechute Densité minérale osseuse (%) 5 0 –5 2,1 % p = 0,245 12 1,0 % p = 0,606 36 60 Mois < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 Augmentation du risque Figure 12. Analyse multivariée de la survie sans maladie et de la survie sans rechute en fonction des facteurs indépendants de récidive dans l’étude adjuvante de l’ABCSG-12 (d’après [15]). 1,04 Densité minérale osseuse estimée moyenne (g/cm2) 1,02 1,00 0,98 0,96 0,94 0,92 12 0 24 Temps (mois) Anastrozole + acide zolédronique : p< 0,0001 Tamoxifène + acide zolédronique : p = 0,049 36 48 60 Tamoxifène seul : p < 0,0001 Anastrozole seul : p < 0,0001 Figure 13. Modifications de la DMO au niveau vertébral lombaire par rapport aux valeurs de départ dans les 4 groupes de traitement adjuvant sur les 60 mois de suivi (d’après [17]). Sans acide zolédronique 3,1 % 0,9 % – 0,1 % p = 0,203 p = 0,653 p = 0,951 12 0,02 0,04 Diminution du risque 10 5,2 % p = 0,038 0,02 0,03 RH : récepteurs hormonaux. Avec acide zolédronique Tamoxifène Anastrozole p 0,00 0,25 0,50 0,75 1,00 1,25 1,50 1,75 2,00 2,25 2,50 2,75 3,00 Dans certains modèles in vitro, l’acide zolédronique a présenté un effet synergique antitumoral avec certains cytotoxiques comme la doxorubicine : un effet “séquence” a également été mis en évidence dans des modèles animaux (24, 25). La chimiothérapie néoadjuvante constitue un bon modèle ad hoc pour évaluer in vivo l’efficacité sur la réduction du volume tumoral d’un traitement associé à la chimiothérapie, comme l’acide zolédronique (dont le potentiel antitumoral synergique est suggéré in vitro). Dans l’étude AZURE (n = 3 360 patientes incluses), 205 patientes ayant reçu une chimiothérapie néoadjuvante (étude Néo-AZURE) ont été analysées rétrospectivement selon leur groupe de traitement (chimiothérapie seule versus chimiothérapie + acide zolédronique 4 mg i.v. toutes les 3-4 semaines pendant 6 mois) [26]. Le critère principal de jugement était la taille tumorale résiduelle (TTR, en mm) après traitement au moment de la chirurgie. Les critères secondaires étaient le nombre de ganglions axillaires envahis et le pourcentage de 10 Hazard-ratio 36 60 Tamoxifène Anastrozole 5 0 –5 – 10 – 10 – 15 – 15 Mois 12 36 60 12 36 – 4,5 % p = 0,116 – 5,6 % p = 0,003 – 9,0 % p 0,0001 60 – 7,8 % p = 0,003 – 9,3 % p < 0,0001 Figure 14. Pourcentage de variation de la DMO lombaire selon l’hormonothérapie adjuvante et le traitement par acide zolédronique (d’après [17]). – 13,6 % p < 0,0001 La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 3 - mars 2010 | 217 MISE AU POINT Acide zolédronique dans le cancer du sein : au-delà des métastases osseuses 50 20 40 Différence de 14,1 mm en moyenne (IC95 : 5,4-22,9 ; p = 0,002) 30 20 42,4 mm 28,2 mm 10 0 Chimiothérapie seule Chimiothérapie +acide zolédronique Patientes avec réponse complète pathologique (%) Moyenne ajustée de la taille tumorale résiduelle (en mm) réponse complète pathologique (pRC, définie comme ­l’absence de résidu tumoral invasif au niveau du sein et des ganglions). Il n’existait aucune différence entre les 2 groupes en termes de caractéristiques initiales, avec un nombre médian de 6 cycles de chimiothérapie reçue (minimum : 6, maximum : 8). Dans le bras chimiothérapie seule (n = 104), la chimiothérapie néoadjuvante contenait dans 97,1 % des cas une anthracycline, associée à un taxane dans 53,8 % des cas. On retrouvait des pourcentages comparables dans le bras chimiothérapie + acide zolédronique (n = 101), avec 93,1 % d’anthracyclines et 48,3 % de taxanes. La TTR était plus limitée dans le bras chimiothérapie néoadjuvante + acide zolédronique (30 mm) versus chimiothérapie seule (38,5 mm) : en analyse multivariée, une différence statistiquement significative de – 14,1 mm est observée (TTR moyenne ajustée : chimiothérapie seule : 42,4 mm ; chimiothérapie + acide zolédronique : 28,2 mm ; p = 0,002). Il en était de même pour le pourcentage de pRC (5,8 % versus 10,9 % ; p = 0,03) [figure 14]. Au vu de ces résultats très encourageants, une étude de phase III randomisée (étude ANZAC) est en cours, pour comparer chimiothérapie néoadjuvante à base de FEC versus la même chimiothérapie + acide zolédronique administrée à J + 2 du protocole FEC. 16 OR : 3,7 ; IC95 : 11-12,3 ; p = 0,03 12 8 4 0 6,8 % Chimiothérapie seule 10,9 % Chimiothérapie +acide zolédronique Figure 14. Taille tumorale résiduelle et pourcentage de pRC dans l’étude Néo-AZURE : chimiothérapie seule versus chimiothérapie + acide zolédronique (d’après Winter 2008). Tableau III. Principales recommandations pour la prévention des ostéonécroses (d’après [31]). Avant de commencer le traitement : Examen approfondi de l’état dentaire et prise en charge de toute lésion Mesures rigoureuses d’hygiène bucco-dentaire Traitement de toute infection dentaire Pendant le traitement Éviter tout acte de chirurgie dentaire En cas de pathologie dentaire autre qu’une ostéonécrose en cours de traitement, un acte le plus réduit possible sera favorisé et l’arrêt du traitement par BP jusqu’à complète résolution sera discuté 218 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 3 - mars 2010 Tolérance de l’acide zolédronique Le profil de tolérance de l’acide zolédronique dans son indication actuelle est bien connu (27). L’administration à la posologie de 4 mg en perfusion i.v. de 15 mn toutes les 3-4 semaines doit être pratiquée après contrôle de la clairance de la créatinine (ClCr). La posologie est adaptée en fonction de ce paramètre. En cas d’atteinte rénale avérée (ClCr < 30 ml/­mn), le traitement doit être arrêté. Une hydratation correcte doit également être mise en place. Lors d’un traitement chronique, comme cela est le cas dans la prise en charge des métastases osseuses du cancer du sein, la fréquence des effets indésirables de l’acide zolédronique est similaire à celle des autres BP : syndrome pseudo-grippal dans 9 % des cas, incluant douleurs osseuses (9,1 %), fièvre (7,2 %), frissons (2,9 %) et asthénie (4,1 %) [RCP zolédronate]. Des réactions locales au site d’injection peuvent survenir (moins de 1 % des cas), ainsi que des troubles digestifs (nausées : 5,8 % et vomissements : 2,6 %). En 2001-2003, les premiers cas d’ostéonécrose de la mâchoire sous BP ont été rapportés (28-30). Cet effet secondaire des BP i.v. est relativement rare mais représente une complication sérieuse, observée principalement (85 % des cas) chez les patientes avec cancer du sein ou dans le traitement du myélome (31, 32). Le revue de Woo et al. (32) portant sur les 368 cas rapportés entre 1966 et 2006 montre que la localisation préférentielle est l’os mandibulaire (65 % des cas). Dans un tiers des cas, l’ostéonécrose était indolore, et il existait une légère prédominance féminine (ratio de 3:2). L’un des facteurs de risque importants est apparu d’emblée : 60 % des cas sont survenus après extraction dentaire ou chirurgie impliquant l’alvéole. Les BP les plus souvent impliqués dans cette revue étaient l’acide zolédronique et le pamidronate ; d’autres cas ont cependant été rapportés avec l’ibandronate (33). En termes de prévalence des ostéonécroses dues aux BP dans le cancer du sein, les fréquences sont de 3-4 % dans les grandes séries (34, 35). Bien que l’origine de l’ostéonécrose soit multifactorielle, certains paramètres sont corrélés à une augmentation d’incidence : mauvaise hygiène bucco-dentaire, dose et durée de traitement par BP, association avec la chimiothérapie, administration de glucocorticoïdes, de thalidomide ou d’autres angiogéniques (31, 36). Plusieurs recommandations internationales sur l’utilisation des BP, incluant les recommandations sur la prévention de l’ostéonécrose, ont été récemment publiées (30, 31, 37). Le tableau III présente une MISE AU POINT synthèse des recommandations du panel d’experts, incluant les États-Unis, le Canada et de nombreux pays européens, dont la France (31). Conclusion Le rôle de l’acide zolédronique dans la prévention des complications des métastases osseuses du cancer du sein n’est plus à démontrer. Son bénéfice dans la prévention de l’ostéopénie induite par les inhibiteurs de l’aromatase est clairement étayé sur la base d’études cliniques randomisées. Le point actuel le plus important concerne la prévention de la rechute par l’acide zolédronique en situation adjuvante. Sur la base rationnelle de données fondamentales et de résultats cliniques convergents, il existe des argu- ments forts en faveur d’un mécanisme d’action antitumoral. Bien que non totalement élucidée à l’heure actuelle, cette action antitumorale s’exercerait par un effet indirect (inhibition de l’angiogenèse et du relargage de facteur de croissance tumorale par le micro-environnement) ou par une action cytotoxique directe. La poursuite des connaissances fondamentales apparaît primordiale dans ce domaine. Les données cliniques favorables obtenues en adjuvant avec l’acide zolédronique doivent être validées par des essais de phase III. Aussi les résultats de l’essai AZURE sont-ils attendus avec impatience ; ils pourraient conduire rapidement à un changement des pratiques, avec administration de l’acide zolédronique en adjuvant (et en néoadjuvant) dans le cancer du sein. ■ Références bibliographiques 1. Rogers MJ, Gordon S, Coxon FP et al. Cellular and molecular mechanisms of action of biphosphonates. Cancer 2000;88:2961-78. 2. Rabbani SA, Mazar AP. Evaluating distant metastases in breast cancer: from biology to outcomes. Cancer Metastasis Rev 2007;26:663-74. 3. Rosen LS, Gordon D, Kaminski M et al. Zoledronic acid versus pamidronate in the treatment of skeletal metastases in patients with breast cancer or osteolytic lesions of multiple myeloma: a phase III, double-blind, comparative trial. Cancer J 2001;7:377-87. 4. Rosen LS, Gordon D, Kaminski M et al. 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