ACTUALITÉ NEURO JUIN 3/09/02 16:45 Page 96 éditorial Éditoria Le XXIe siècle sera neurologique… C. Geny* * Service de neurologie, CHU de Pau. Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 3, juin 2000 L e 17 juillet 1990, Georges Bush, président des États-Unis, a lancé l’important programme de recherche intitulé The Decade of the Brain. Le caractère solennel de cette déclaration témoignait de l’ambition du projet. Dans son discours, le président Bush précisait l’importance (électorale ?) des problèmes de santé publique liés aux maladies du système nerveux, en insistant sur les pathologies classiques neurologiques, mais aussi en élargissant le domaine de recherche à d’autres affections comme le sida les lésions médullaires post-traumatiques, la toxicomanie et surtout la psychiatrie, recréant la non si lointaine neuropsychiatrie. Qu’en est-il dix après, des espoirs thérapeutiques soulevés ? Certes, les neurosciences fondamentales n’ont pas déçu, car les avancées ont été majeures. Les progrès des moyens d’investigation du fonctionnement cérébral au niveau moléculaire, cellulaire ou macroscopique, comme l’IRM fonctionnelle ou le PET scanner, ont surpris même les plus optimistes d’entre nous. Mais peut-on parler de révolution thérapeutique ? Les nouveaux médicaments changent-ils réellement la vie de nos patients Ainsi, le NIHM a été attaqué sur le peu de recherches effectuées pendant cette décennie sur les maladies psychiatriques. Les associations de malades, ces nouveaux partenaires du monde médical, attendent beaucoup plus que les résultats préliminaires de travaux même très prometteurs. Mais il ne faut pas bouder son plaisir ; la neurologie, au cours de la décennie, a effectué un tournant majeur, celui d’avoir une réelle ambition thérapeutique. En outre, grâce aux médias qui ont su rendre attractif l’aspect fascinant du fonctionnement cérébral, cette discipline à la réputation contemplative est devenue mieux connue du grand public. Il est dépassé, l’âge où il fallait discourir pendant de longues minutes pour expliquer à son concierge ou à sa belle-mère en quoi consistait le travail de neurologue. Les médias commencent à faire pénétrer le neurologue dan le panthéon des professions médicales honorables où régnaient en maîtres d’autres collègues comme les chirurgiens ou les cardiologues. Le Téléthon a pointé le projecteur des médias sur les maladies musculaires, enfants délaissés de la neurologie, et nourri nombre de chercheurs en neurosciences. Les émissions sur la mémoire ont popularisé la maladie d’Alzheimer, la faisant sortir du cadre des maladies honteuses. La recherche prend enfin sa place dans le champ des préoccupations de santé publique avec la Semaine du cerveau, la Journée sur la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer. Les débats concernant la vaccination contre l’hépatite B et la SEP, la transmission humaine de l’encéphalopathi bovine spongiforme confirment l’importance de notre discipline dans les préoccupations de santé des Français. La création de la Fédération française de neurologie est aussi une étape importante, car elle organise les forces grandissantes de notre discipline afin de pouvoir faire entendre son opinion dans ces débats de santé publique. 96 ACTUALITÉ NEURO JUIN 3/09/02 16:45 Page 97 éditorial Éditorial À tous nos lecteurs, à tous nos abonnés, Les Actualités en Neurologie vous souhaitent un bel été et vous remercient de votre soutien. Le prochain numéro paraîtra en septembre. Pendant cette période, près d’une vingtaine de molécules sont venues enrichir notre arsenal thérapeutique, mais c’est surtout la définition de nouvelles cibles thérapeutiques par les progrès de nos connaissances sur la physiopathologie de nombreuses affections qui va changer profondément notre pratique quotidienne. La neurogénétique, depuis la révolution du génome, inonde la littérature médicale de protéines comme l’huntingtine, la dystrophine, etc. Le séquençage du génome humain, qui sera complété en 2002-2003, permettra de déterminer l’origine de toutes les maladies monogéniques si nombreuses en neurologie. Certes, les promesses de la thérapie génique, n’ont, pour le moment, pas été tenues, mais des procédés dignes de films de science-fiction des années 80, comme la greffe intracérébrale, les stimulations intracérébrales chroniques, la neuronavigation, nous ont convaincus que la profanation du sanctuaire cérébral pouvait être bénéfique, même dans des pathologies où l’inexorable perte cellulaire nous avait habitués à une certaine résignation thérapeutique. Dans ces maladies neurodégénératives, les neurosciences nous ont appris que nos cellules nerveuses avaient des tendances suicidaires mais nous font rêver avec le concept de plasticité et l’existence des cellules souches, certes en nombre limité, dans le cerveau adulte. Les années 70-80 étaient les années neuromédiateurs. Les années 90 ont été marquées par l’invasion des facteurs neurotrophiques et des cytokines, dont le nombre a finalement vaincu nos capacités d’apprentissage. Tous ces progrès en neurosciences relégueraient-ils le neurologue de terrain inculte en neurosciences dans les musées d’histoire de la médecine, accompagné de son inséparable marteau à réflexes datant d’un autre siècle ? A-t-il toujours sa place dans cette ère où le triumvirat de l’Evidence Based Medicine, de l’accréditation et des caisses d’assurance-maladie dicterait ses lois aux praticiens qui oseraient se fier à leur intuition clinique sans se connecter au Web ? Certes non, les nombreux travaux sur la qualité de vie, la prise en charge globale montrent qu’il est plus important d’apprécier la souffrance du conjoint d’un patient atteint de maladie d’Alzheimer que de connaître les connections cholinergiques cérébrales, que la manière d’annoncer un diagnostic peut réduire à néant le bénéfice d’un interféron dans la SEP, que réduire un diagnostic à la positivité d’un seul examen complémentaire ou une piètre expertise clinique expose à l’iatrogénécité, fléau de moins en moins toléré par notre société. Le neurologue du XXIe siècle peut rester fier de l’art (ancestral ?) de la sémiologie, décrit par Dejerine comme un exposé des rapports existant entre les facultés sensorielles des médecins et les troubles objectifs présentés par les malades. Il peut aborder cette nouvelle ère thérapeutique sereinement et en profitant pleinement des nouvelles acquisitions en neurosciences. Gageons que Les Actualités en neurologie, par l’ambition de rendre accessibles à tous, de manière compacte et sans complexe, ces nouvelles avancées, joueront un rôle important dans cette neurologie future. 97