é d i t o r i a l S Édito rial

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Pourquoi
votre patient
ne sera pas
opéré
P. Cesaro*
Efficacement aiguillonnés
par les différents vecteurs
de désinformation
médicale grand public,
patients et familles de
parkinsoniens viennent
réclamer à cor et à cri
le miracle chirurgical
au neurologue traitant
qui n’en peut mais…
Les raisons de s’abstenir
ne manquent pourtant pas.
* Département de neuroscience médicale,
INSERM U 421, Créteil.
Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 2, mai 2000
S
ouvent, l'intervention chirurgicale n’est pas retenue du fait
d'une absence d’indication. Le cas le plus fréquent est le niveau
de gravité modéré (stade 3 et stades inférieurs de l'échelle
de Hoehn et Yahr). Compte tenu du risque iatrogène, seuls des
patients au stade 4 et 5 représentent une indication potentielle.
Il existe cependant des cas limites : un tremblement important, gênant
socialement, non corrigé par le traitement médicamenteux peut justifier
une chirurgie relativement précoce et souvent unilatérale. L’absence
d’indication peut provenir également de caractéristiques particulières
au patient : un âge trop avancé (un bon état physiologique est recommandé
pour le patient au-delà de 70 ans), des troubles posturaux majeurs
non améliorables lors d’un test aigu à la lévodopa, des manifestations
psychiatriques surtout lorsqu’elles ne sont pas iatrogènes, une détérioration
cognitive enfin.
Il est malheureusement fréquent que la contre-indication vienne
d’un diagnostic différent de celui de maladie de Parkinson idiopathique.
Il faut se méfier tout particulièrement des patients qui ont un tableau
neurologique sévère peu d’années après le début de la maladie
de Parkinson. Il est fréquent que des atrophies multisystématisées soient
dopa-sensibles, au début de leur évolution. On note dans ce cas fréquemment
des dyskinésies atypiques, notamment des dyskinésies bucco-faciales avec
une dystonie du visage ou de l’étage cervical. Des signes axiaux, un stridor,
des troubles de déglutition, des troubles posturaux précoces nécessitant
l’utilisation d’un fauteuil roulant orientent le diagnostic. Là encore,
la pratique d’une imagerie de résonance magnétique cérébrale est utile
de même qu’un examen électrologique des sphincters. Le problème est plus
facile lorsqu’il existe des troubles végétatifs dès le début de l’évolution,
le plus souvent une incontinence urinaire ou des signes pyramidaux
ou encore cérébelleux. Dans ce cas, la sensibilité à la lévodopa est
très partielle ou nulle. Il faut rappeler ici qu’une absence de sensibilité
à la lévodopa est une contre-indication formelle à la chirurgie.
Cette situation conduit souvent à des drames, notamment entre le médecin
désireux de rendre service à son patient et les familles qui comprennent
mal qu’une maladie aussi grave ne puisse être traitée par une méthode
dont ils ont apprécié l’efficacité, par exemple, à la télévision.
Dans le cas de patients qui représentent une indication raisonnable
de la chirurgie, particulièrement de la stimulation électrique chronique
du noyau sous-thalamique, se pose le problème du délai de l’intervention.
Lorsqu’une indication chirurgicale semble raisonnable, les patients sont gérés
en plusieurs temps. L’examen initial vérifie la durée d’évolution de la maladie
de Parkinson, son début asymétrique, l’absence de signes cliniques
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ou de symptômes évoquant un autre diagnostic. Un test à la lévodopa permet
de confirmer le diagnostic de maladie de Parkinson, d’apprécier l’amplitude
et la durée du bénéfice obtenu après une dose unique, supra-liminaire
de lévodopa. Un examen neuropsychologique vérifie l’absence d’altération
cognitive. Une imagerie cérébrale recherche des anomalies morphologiques
qui pourraient représenter une contre-indication chirurgicale. Le cas est alors
discuté lors d’un staff médico-chirurgical, et le patient est inscrit sur liste
d’attente ; le degré d’urgence est apprécié en fonction de la sévérité du patient
en “off” et du nombre de blocages sous traitement médical adapté.
Les réactions des patients et de la famille diffèrent en fonction de paramètres
plus ou moins rationnels, mais également en fonction du réalisme du délai
qui leur est proposé. Cette séquence permet d’éviter d’opérer à tort
des patients qui risquent de ne pas bénéficier de l’intervention et de confirmer
le désir du patient de recevoir cette chirurgie, elle permet aux différents
intervenants de bien insister sur l’objectif qui n’est pas la guérison de la maladie
de Parkinson mais l’amélioration des symptômes moteurs dopa-sensibles.
Au total, il convient de vérifier l’indication de la chirurgie, d’en préciser
les objectifs et les risques pour le patient, d’être enfin réaliste quant au délai.
Ce dernier point est susceptible de s’améliorer pour deux raisons :
l’émergence de nouveaux centres de stéréotaxie fonctionnelle dans différentes
villes, la prise en compte progressive par les autorités sanitaires de l’intérêt
de la chirurgie pour la qualité de vie des patients, mais aussi pour les
économies de santé : les patients au stade 4 et 5 coûtent plus de 50 KF/an,
le geste qui va les améliorer rapidement, pour une durée de 5 ans
au minimum, représente un coût global de 200 KFpour l’implantation.
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Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 2, mai 2000
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