34080_931_932.qxp 24.4.2009 9:43 Page 1 éditorial ‘ Virus, lymphocyte et cerveau : ‘ une nouvelle problématique neurologique A l’instar de la plupart des branches médicales, la neurologie – qui s’intègre elle-même dans ce qu’il convient désormais d’appeler les neurosciences cliniques – évolue vers une individualisation de plus en plus affirmée de ses différentes sous-spécialités, liée à une complexité croissante, voire exponentielle, des connaissances et à une multiplication des options thérapeutiques à disposition. La neuroimmunologie et la neurovirologie, disciplines qui s’intéressent aux maladies du système nerveux liées, respectivement, à un dérèglement du système immunitaire et à la présence d’un agent pathogène viral à propriété neurotrope, en sont de bons exemples et c’est donc tout naturellement qu’un numéro de «… on assiste actuellement de la Revue médicale suisse à une véritable explosion de neurologie leur est consacré. l’offre thérapeutique pour la Le champ d’application de la neuroimmunologie s’est considérablement sclérose en plaques …» élargi, depuis l’individualisation de la sclérose en plaques comme entité morbide par Alfred Vulpian et JeanMartin Charcot entre 1866 et 1868. En effet, de nombreuses autres affections du système nerveux central (vasculites idiopathiques ou liées à des collagénoses, myélites transverses, neuromyélite optique, syndromes paranéoplasiques, encéphalites autoimmunes, neurosarcoïdose), du système nerveux périphérique (Guillain-Barré, polyneuropathie inflammatoire démyélinisante chronique, polyneuropathies d’origine vasculitique, neuropathies motrices multifocales à blocs de conduction), de la jonction neuromusculaire (myasthénie grave, Lambert-Eaton) et du muscle (myosites) font que cette discipline est maintenant impliquée dans une variété de syndromes neurologiques, autrefois inconnus ou de cause indéterminée. De plus, la neuroimmunologie s’est pourvue d’outils diagnostiques de plus en plus sophistiqués, parfois décisifs, comme par exemple le dosage de certains anticorps spécifiques. L’élément le plus réjouissant est qu’on assiste actuellement à une véritable explosion de l’offre thérapeutique, notamment depuis 1995, avec l’arrivée des premiers immunomodulateurs (interférons β puis acétate de Articles publiés glatiramère), pour les patients souffrant de sclérose en plaques. Dans cette sous la direction des professeurs seule affection, près d’une dizaine de traitements ciblant l’inflammation Pierre R. Burkhard sont en phase de validation finale (phase III), et cet arsenal thérapeutique élargi permet d’envisager des schémas de plus en plus personnalisés en Theodor Landis fonction du profil et de l’évolution de la maladie chez un patient donné. Service de neurologie HUG, Genève Il est bon toutefois de rappeler que l’efficacité accrue de ces traitements a pour corollaire une augmentation du risque d’effets secondaires, parfois François J. G. graves, incluant par exemple l’anaphylaxie ou le purpura thrombotique thrombocytopénique comme conséquences de l’utilisation d’alemtuzumab. Vingerhoets Si l’immunologue et l’oncologue jonglent depuis longtemps avec ces difRichard S. férentes thérapies et leurs effets délétères, on est en droit de se demander si le neurologue est, à l’heure actuelle, suffisamment préparé à cette Frackowiak Service de neurologie invasion de molécules nouvelles, dont il se retrouvera très prochainement CHUV, Lausanne être le prescripteur averti et le garant d’un suivi sans complications. Editorial P. R. Burkhard R. S. Frackowiak T. Landis F. J. G. Vingerhoets Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 29 avril 2009 931 34080_931_932.qxp 24.4.2009 9:43 Page 2 ‘ ‘ ‘ ‘ De conception encore plus récente, la neurovirologie est également une branche en plein développement et en phase d’individualisation, à l’interface entre infectiologie et neurologie. Là aussi, de nouvelles maladies sont identifiées, qu’il s’agisse d’agents pathogènes récemment isolés ayant un tropisme neural plus ou moins marqué, ou de manifestations cliniques atypiques que l’on peut attribuer, avec une haute vraisemblance, à une infection par un virus connu. A titre d’exemples, on citera la liste bientôt interminable des virus responsables d’encéphalites aiguës ou les manifestations neurologiques remarquablement diversifiées de l’infection par le VIH. «… l’hypothèse avancée Dans ce domaine également, le neurologue par Pierre Marie en 1884 sera bientôt confronté à des défis nouveaux, est constamment revisitée en termes de moyens diagnostiques et thérapeutiques, auxquels il se doit de se préde nos jours …» parer. Finalement, le choix de réunir ces deux sous-spécialités de la neurologie au sein d’un même numéro de la Revue médicale suisse n’est pas le fruit du hasard, neuroimmunologie et neurovirologie étant intrinsèquement liées. En effet, un certain nombre d’affections dysimmunes du système nerveux résultent vraisemblablement de l’exposition récente ou ancienne à un agent viral, et l’hypothèse avancée par Pierre Marie en 1884 selon laquelle la sclérose en plaques serait le résultat d’une maladie infectieuse banale de l’enfance, est constamment revisitée de nos jours. Inversement, les manipulations thérapeutiques de certaines maladies neuroimmunologiques peuvent favoriser la survenue d’infection virale du névraxe, comme le suggère le développement d’une leucoencéphalopathie multifocale progressive – à virus JC (John Cunningham virus) – lors du traitement d’une sclérose en plaques par le natalizumab. Sans prétendre être exhaustif, ce numéro de neurologie aborde certaines thématiques neuroimmunologiques et neurovirologiques d’une manière succincte et pratique, tout en illustrant la place de plus en plus importante que prennent aujourd’hui, et que prendront demain, ces nouveaux domaines des neurosciences cliniques. 932 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 29 avril 2009 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 29 avril 2009 0