N° 38 SÉNAT PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1980-1981 Annexe au procès-verbal de la séance du 16 octobre 1980 . RAPPORT D'INFORMATION FAIT en application des dispositions de l'article 22, premier alinéa, du Règlement, au nom : de la Commission des Affaires économiques et du Plan, de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, et de la Commission des Affaires sociales, sur les perspectives des équilibres extérieurs de la France dans le nouvel environnement international . Par MM . Edgard PISANI , Charles BEAUPETIT , Louis BOYER , Jacques CHAUMONT , PREVOTEAU , Robert LAUCOURNET , Maurice Sénateurs . TOME I TABLE/ U DES PERSPECTIVES INTERNATIONALES Commerce extérieur. — Accords irîernutionaux - Banques - Communauté économique européenne (C.E.E. ) - Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (C.O.F.A.C.E. ) - Coopération scientifique, culturelle et technique - Douanes - Échanges internationaux - Énergie - Industries agro-alimentaires - Politique extérieure - Politique monétaire - Système monétaire européen ( S.M.E. ) - Tokyo Round - Tourisme - Travailleurs étrangers. SOMMAIRE DU TOME I TABLEAU DES PERSPECTIVES INTERNATIONALES Pate* INTRODUCTION 7 CHAPITRE I. — LES DIFFICULTÉS DE LA PRÉVISION ÉCONOMIQUE I. — La rationalité économique prise au piège de* aléas politiques 19 20 II . — La réalité de la crise prise en défaut par le* adaptation structurelles de l'économie 23 III . — La perspective* CHAPITRE II . mintrce international 26 — PERSPECTIVES MONÉTAIRES 31 I. — La manche de* bien» réels : le pétrole e< l'or 32 A. — Le pétrole 32 1* La situation privilégiée des paya exportateur! de pétrole au sein du système monétaire international 2* Les procédures de « recycl ge » des capitaux pétroliers pour­ ront-elles continuer à jouer Uii rôle efficace ? B. — L'or 3' 36 41 1* Une hausse du cours de l'or 41 2* Vers une remonétisation de l'or 49 C. — Les matières premières II . — Le* Etats-Uni* : 51 une exploitation pragmatique du désordre monétaire international 57 A. — L'objectif des Etats-Unis : reporter sur leurs partenaires le réta­ blissement de leurs grands équilibres 57 1 * Priorité au rétablissement de l'équilibre commercial : des pari­ tés imposées 57 2' Priorité à la lutte contre l'inflation : la recherche de l'appré­ ciation du dollar par la hausse des taux d'intérêt B. — Les politiques suivies : la diversité dans l'empirisme 62 64 P Fixité, puis flottement des cours des monnaies 64 2' Abstention , puis intervention sur le marché des changes 64 C. — Les résultats obtenus : un dollar dirigé au profit de l'économie 66 américaine III . — Le* partenaire* de* Etats-Unis : une extrême dépendance ris-è-vis des événements 68 A. — La désillusion monétaire : l'expérience des faits contre les ensei­ gnements de la théorie économique 68 1° Dépréciation de la nF uai. et déficit commercial 68 2* Appréciation de la monnaie et excédent commercial 72 3' L'apparition récente d'une nouvelle vulnérabilité des créancier» 73 Sénat 38 - T. I. — 1 — 2 — P>ie> 4* Les particularités de la situation de la France a) L'hypothèse de la dépréciation du franc b) L'hypothèse de l'appréciation du franc c) Une conclusion : veiller au maintien, sur le marché , de la fermeté du cours du franc 75 75 77 82 5* L'impossibilité générale d'équilibrer, par les seules variations de parité, les échanges commerciaux B. — L'espoir des « pôles monétaires » 83 85 1 * Le fondement des < pôles monétaires » : l'apparition d'indices encore fragiles d'une éventuelle faiblesse d'ordre structurel du dollar 85 2* L apparition de * pôles monétaires » 88 a) Le « pôle japonais » 88 b) Le système monétaire européen (S.M.E.) 90 1 . Le S.M.E. : un fonctionnement technique satisfaisant dans un contexte politique difficile 90 2 . Les perspectives du S.M.E 92 3 . La recherche , par les Etats-Unis , de nouvelles formes de prépondérance a) Le nouveau 94 rôle du Fonds monétaire international ( F.M.I.) et des Droits de tirages spéciaux ( D.T.S.) b) Le contrôle des euromarchés 94 % IV. — L'érosion de la puissance des Etats sur les relations monétaires inter­ nationales 99 A. — Le rôle croissant des entreprises multinationales B. — Les emprunts des Etats auprès du système bancaire privé 99 104 a) Les emprunts des Etats industrialisés sur l'euromarché 104 b) Le recours des pays en voie de développement au marché des eurodevises et aux prêteurs privés 105 1 . L'ampleur du phénomène 106 2. Les risques afférents à ces opérations 107 CHAPITRE III . — PERSPECTIVES ÉNERGÉTIQUES A. — Petsractlvs énergétiques globales 111 113 1 * Les perspectives de la consommation mondiale de produits énergétiques 113 i* Lu perspectives de ressources 114 a) Les perspectives du pétrole 114 b) Les perspectives des autres ressources énergétiques 122 B. — Le ces de la France P-, 1 * L'évolution du montant et de la structure de la consommation nationale d'énergie 124 a) L'évolution du montait de la consommation nationale d'énergie .... 124 b) L'évolution de la structure ri : la consommation nationale d'énergie . . 127 La lente diminution de '» part des hydrocarbures dans la consom­ mation nationale d'énergie 128 1. a) Les quantités importées demeurent relativement stables, mais leur répartition géographique est critiquable 129 b) Les prix du pétrole ont subi une nouvelle et b'utale majora­ tion 131 c) La « future pétrolière » dépend des variations de parité du dollar des Etats-Unis contre franc français 2. Les progrès de la part du nucléaire dans la consommation natio­ nale d'énergie 133 135 — 3 — rua 3. Le* perspective» du charbon et du gaz dans la consommation nationale d'énergie 4. Les énergie* nouvelle : une contribution limitée T Un scénario de pénurie Conclusion du chapitre III 136 138 139 141 ANNEXE I AU CHAPITRE III . — Lm reçoit» propres ma principaux Etats membres de la C.E£ 142 1* Un aperçu ponctuel des difficultés : l'évolution de la consommation d'énergie dam les principales branches de l'économie en R.F.A., en Grande-Bretagne, eux Pays-Bas et en France 142 2* Les perspectives des principaux Etats 145 a) Le Royaume-Uni 145 b) Les Pays-Bas 147 c) L'Italle 148 d) La R.F.A 148 ANNEXE II AU CHAPITRE III . — Le* principal** conclusions de la onzième Conférence mondiale d* l'énergie (Munich - 8-12 septembre 1980) 151 1 * La situation énergétique des pays du Tiers-Monde et tee conséquences 151 2' La possibilité de développer les énergies alternatives au pétrole 154 CHAPITRE IV. — LES RELATIONS DE PUISSANCE 1 . Le rapport de force* Etate-Unia - U.R.S.S A. — Sur le plan militaire B. — Sur le plan de la giostratégie 157 159 160 161 a) en Asie 162 b) en Afrique 162 c) au Moyen-Orient 164 d) en Europe 165 e) en Amérique 166 2 . L'Islam 169 A. — Des valeurs traditionnelles 169 B. — Une aire géographique essentielle 170 C. — Un théâtre des rivalités mondiales 171 3. La Chine 172 A. — Chine et U.R.S.S 172 B. — Chine et U.S.A 17 3 C. — Chine et Japon 174 4 . Conclusion 175 — 4 — R^SI CHAPITRE V. — UNE MARGE DE MANŒUVRE ÉTROITE POUR LA FRANCE 177 I. — Une marge de manœuvre limitée par l'environnement international 177 .... A. — Le nouvel aspect de la compétition internationale 1 . Une compétition internationale sans merci a) La concurrence entre pays industrialisés occidentaux 177 178 178 b ) La concurrence entre pays industrialisés occidentaux et pays industrialisés d'Extrême-Orient 2. 180 Une compétition internationale déséquilibrée 181 a) La don.ination énergétique et financière des Etats producteurs de pétrole 182 b) Les inégales perspectives de la concurrence des pays en voie d'industrialisation B. — Les économies face à la « montée des périls » 182 185 1 . L'engrenage récent des événements 185 2 . L'évolution des prises de position officielles 185 3. 186 Les précautions économiques nécessaires Il . — Une marge de manœuvre limitée sur h plan intérieur A. — Les limites de l'adaptation 1. La limite financière 2. La limite humaine B. — La nécessaire converger .-e des actions 187 187 187 187 188 1 . Économies d'énergie 188 2 . Le rejet d'un protectionnisme aveugle 189 3. 190 La reconquête du marché intérieur 4 . l'accroissement des exportations 193 5. 1% L'endettement extérieur ANNEXE AU CHAPITRE V. - L'évolution récente de la concurrence des nouveaux pays Industrialisé* 199 — 5 — « Au sein des nations démocratiques , le compétition mondiale se développe en une guerre économique qui compromet gravement le commerce extérieur de presque toutes les nations et menace l'emploi d'un nombre grandissant de travailleurs. Ce qu'on appelle « la guerre du pétrole » n'est qu'un aspect particulier de cette tension générale que les nations les plus faibles désespèrent de maîtriser autrement qu'en se jetant dans les bras de régimes autoritaires , qu'ils soient à dominante militaire ou non. On voit déjà les troubles qu'engendre , dans la région du golfe Persique, le caractère malsain de. ambitions et des convoitises qui règne autour des richesses pétrolières . « Du côté de l'Est, les événements qui pourraient intervenir ne prêtent guère à moins de préoccupations . Sans doute , à la veille de la Conférence de Madrid, peut-on croire encore i une certaine détente. Mais l'extension continue de l'influence des Etats de cette sphère à des régions d'importance essentielle, soit par leurs positions stratégiques, soit par leurs richesses poten­ tielles , est hautement significative. « Il n'est donc pas étonnant que cette situation soit profon­ dément génératrice de troubles au niveau des individus et qu'elle inspire de sérieuses appréhensions en ce qui concerne l'avenir de notre type de société. » ALAIN POHER . — 7 — MESDAMES, MESSIEURS, Le rapport sur les enjeux et les conditions des équilibres exté­ rieurs de la France élaboré et publié en 1978 avait suscité un intérêt certain de la part de tous ceux qui , en France, à un titre ou à un autre , sont concernés par le commerce extérieur de la France . Mais , à cause de la rapidité de l'évolution de la situation inter­ nationale, un travail de cet ordre perd assez vite de sa valeur d'actua­ lité . Aussi de nombreuses personnalités nous ont incités à poursuivre l'étude entreprise. C'est pour cette raison que les trois commissions des Affaires économiques , des Affaires étrangères et des Affaires sociales ont décidé le 13 décembre 1979 de désigner un nouveau groupe d'études pour mettre à jour et compléter le précédent rapport. Ce groupe comprenait : — au titre de la commission Affaires économiques : MM . Charles Beaupetit, RcV t Laucournet , ML . ce Prevoteau ; — au titre de la commission des Affaires étrangères : MM . Jacques Chaumont , Louis Jung, Edgard Pisani ; — au titre de la commission des Affaires sociales : MM . Louis Boyer, Pierre Louvot, Hector Viron . La commission des Finances pour sa part avait accepté de désigner son Rapporteur spécial compétent , M. Tony Larue , pour suivre les travaux du groupe . Dans sa réunion constitutive du 19 dét re 1979 , le groupe a chargé MM . Edgard Pisani , Charles Beaupetit, Robert Laucourret , — 8 — Maurice Prevoteau , Jacques Chaumont et Louis Boyer de préparer un rapport dont les trois axes seraient : 1 . d'analyser les différents aspects du contexte international ; 2 . de faire le point de la situation du commerce extérieur français ; 3 . de présenter une étude spécifique des « invisibles ». Au cours du premier semestre de 1980 , le groupe a procédé à 25 auditions . Les personnalités suivantes ont bien voulu accepter de lui faire part de leurs observations : MM . Anouar Abdel Malek , sociologue à l'Ecole pratique des hautes études ; Audigier Pierre , conseiller économique au Secrétariat général de la défense nationale ( S.G.D.N. ) ; Balaresque Bertrand , directeur des Assurances, accompa­ gné de M. de Boissieu ; Barbul Georges , chargé de mission à la direction du Tourisme ; Bouchet François, président du Groupement des entre­ prises de transport françaises auxiliaires du commerce extérieur de la France ( G.A.C.E.F.) ; Chapelle Jean , président-directeur général de la Compa­ gnie française d'assurance pour le commerce exté­ rieur ( C.O.F.A.C.E. ) ; Cuvillier Philippe , directeur d'Amérique au ministère des Affaires étrangères ; Daridan Jean , ambassadeur de France ; de Demandolx-Dedons Pierre , délégué général du Comité central des armateurs de France ; Domenach Jean-Marie , attaché de recherche à la Fonda­ tion nationale des sciences politiques ; Essig François , directeur général de la Marine mar­ chande ; Freyche Michel , directeur des relations économiques extér'eures au ministère de l'Économie, a'xompagné de M. Dubarry Jean-Pierre ; Gaudet Michel , président de la Fédération française des sociétés d'assurances, accompagné de M. Lohéac Francis ; — 9 — MM . Georgy Guy , directeur des Affaires africaines et mal­ gaches au ministère des Affaires étrangères ; Gergorin Jean-Louis , chef du centre d'analyse et de pré­ vision du ministère des Affaires étrangères ; Hassner Pierre , maître de recherches à la fondation nationale des sciences politiques ; Lefort Gabriel , directeur général des services étrangers le la Banque de France, accompagné de M. Icard . . iiJré , chef du service de la balance des paiements ; Pigagnol Pierre , ancien délégué à la Recherche scienti­ fique ; Santucci Jacques , directeur d'études du monde arabe au Centre des hautes études et d'administration musul­ manes ; Trigano Gilbert , président du Club Méditerranée ; Veil Antoine , directeur général de l'Union des transports aériens ( U.T.A. ) ; Velichkovitch Jean , vice-président de la Société nationale des chemins de fer français ( S.N.C.F. ) ; Vianès Georges , directeur de l'Institut national de la pro­ priété industirelle ; Wiart Michel , président de la Compagnie des commission­ naires agréés , accompagné de MM . Goldschmidt Michel , commissionnaire agréé, et Marquet Yannick , maître de conférence agrégé . Nous tenons ici à remercier ces personnalités pour les informa­ tions qu'elles nous ont communiquées dans un esprit de coopération très ouvert . Pour donner une idée du contenu et de l'esprit de ce travail , nous dirons d'abord qu'il a paru au groupe que la seule mise à jour purement technique du précédent rapport aurait été d'un intérêt limité . C'est pourquoi , conscient que l'année 1979 pouvrit être cons dérée comme une année charnière dans l'évolution du monde , il a cru nécessaire de brosser un tableau des problèmes auxquels sont confrontés actuellement tous les pays , de façon à montrer qu'au-delà de l'aspect technique de la balance des paiements , ce qui est en jeu pour la France dans le système d'échange international c'est sa place dans le monde . Encore faut-il savoir ce qu'est devenu maintenant , en 1980, ce monde et comment les responsables peuvent guider l'éco­ nomie d'après les prévisions des experts . — 10 — Or, précisément , une première difficulté vient de ce que la prévision économique devient de plus en plus aléatoire parce que le concept de rationalité n'est plus déterminant dans certaines hypo­ thèses politiques . Témoins les décisions successives de relèvement du prix du pétrole qui bouleversent tous les secteurs d'activité industrielle . Dans le même temps , la lenteur des prises de conscience des popu­ lations sur la nature véritable de la crise et ses conséquences limite la marge de manœuvre des responsables . Après avoir évoqué ce handicap initial , le rapport traitera lon­ guement des redoutables problèmes monétaires liés à l'abandon du système de Bretton-Woods et au développement croissant de l'infla­ tion . A cet égard , le groupe a été amené à faire plusieurs constata­ tions . En premier lieu , on voit une désaffection vis-à-vis d ^ la mon­ naie en tant que telle ; Etats et particuliers privilégient selon leurs possibilités les biens réels : pétrole, or et matières premières . En second lieu , la pragmatisme monétaire des Etats-Unis a conduit leurs dirigeants à une sorte d'exploitation pratique du désordre monétaire international au profit du marché américain . Il en est résulté pour leurs partenaires une dépendance qui les oblige à assurer la fermeté du cours de leur monnaie , faute de pouvoir jouer utilement de son appréciation ou de sa dépréciation . Aussi ces partenaires sont-ils incités à créer d'autres pôles monétaires que celui du dollar : pôle de fait du yen japonais , construction juridique du système monétaire européen . Mais ces tentatives suscitent , de la part des Etats-Unis , la recherche de nouveaux modes de prépondérance par le truchement du Fonds monétaire international , des droits de tirages spéciaux et du contrôle des euromarchés . Enfin le désordre monétaire inter­ national se traduit par une moindre maîtrise des relations monéta'res internationales par les Etats , ce que manifestent deux phénomènes : un accroissement du rôle des entreprises multinationales et plus parti­ culièrement des entreprises financières , un endettement des Etats auprès d'un système bancaire privé dont la vulnérabilité croît avec l'importance des sommes en jeu . En conclusion de ce tour d'horizon monétaire , le groupe ne cache pas son inquiétude quant à la fragilité d'un système déréglé dans lequel l'adaptation aux besoins semble être le miracle renouvelé de l'organisation bancaire privée . Il serait temps que la communauté des Etats adopte de nouvelles règles . Une lente évolution des esprits en faveur d'un système moins inconsistant que celui des changes flottants constitue la seule lueur d'espoir en ce domaine , où les diffi­ cultés cumulées et les intSiSts divergents des uns et des autres semblent mener à une impasse . Le groupe n'a pas pu passer sous silence le problème des sources d'énergie , épée de Damoclès des sociétés industrialisées . Ce rapport rappelle les principales données en matière d'énergie . Le bilan mon­ — 11 — dial demeure toujours aussi inquiétant , le sort de la France malgré des efforts importants toujours aussi peu enviable . Il nous faut savoir qu'une pénurie physique de pétrole aurait des conséquences drama­ tiques . Et puis , dans un cortcxte international où les foyers de violence et de guerre ne cessent de se multiplier jusqu'à mettre les deux Grands en état d'alerte , le groupe n'a pas cru devoir se soustraire à une ana­ lyse géopolitique du monde . Il a essayé de caractériser l'état actuel des rapports force : rapport entre les superpuissances où la pré­ pondérance , en changeant de camp , met en question les règles anté­ rieures du jeu ; apparition de « contre-pouvoirs » sectoriels au sein de l'Islam , détenteur du pétrole mais aus>i zone d'extrême fragilité politique ; lente émergence de la Chine cimmuniste . La conclusion du groupe est que la multiplicité et la di\crsité des tensions dans le monde comportent le risque d'enclenchement d'un processus de désor­ dres violents dont la maîtrise échapperait même aux plus puissants Etats . Ayant procédé à ces constats , vos Rapporteurs, revenant au cœur x leur sujet , se sont interrogés sur l'ampleur de la marge de manœuvre dont dispose la France pour assurer l'équilibre de ses échanges dans une perspective de hausse continue du prix du pétrole . Cette marge leur apparaît étroite d'abord sur le plan extérieur où la compétition devient de plus en plus dure , que ce soit entre pays à tradition industrielle ancienne ou entre ceux-ci et les nouveaux pays industriels . En outre , le déséquilibre croissant entre les diverses catégories d'acteurs du n._rché international conduit à de nouvelles difficultés qui sont des sources potentielles de conflits . La marge de manœuvre de la France ne paraît pas moins étroite sur le plan intérieur en raison notamment des limites , soit financières , soit humaines qui freinent les adaptations que requiert la logique économique . De plus , la France ne disposant pas d'un atout écono­ mique qu'il suffirait de développer pour résoudre ses problèmes est obligée de prodiguer ses efforts dans tous les domaines à la fois vigilance particulière à l'égard des conséquences excessives d'u libéralisme auquel il convient de demeurer attaché , recherche exa­ cerbée de créneaux d'exportations , avec ce qu'elle implique en matière de recherche et d'innovation , limitation raisonnable de l'endettement extérieur, économies d'énergie et surtout effort indispensable pour reconquérir un marché intérieur trop profondément pénétré par la concurrence . L'approche très globale du tome I se devait d'être complétée d'études plus technique". C'est pourquoi vos Rapporteurs présentent dans le tome II l'analyse factuelle de notre commerce extérieur depuis deux ans , des indications sur le fonctionnement du système d'aides à l'exportation et un compte rendu du Tokyo Round . — 2 — Cette étude suggère deux réflexions : la première concerne les termes du dilemme économique français : la croissance souhaitable pour le développement de l'emploi est ruineuse pour l'ensemble de l'économie en raison de son fort contenu en importations . Ce blocage est d'autant plus néfaau. qu'un certain resserrement des débouchés extérieurs est à craindre . De ce piège , on ne pourra sortir qu'à la faveur d'une lente et longue évolution de l'appareil de production axé sur l'économie des produits importés . La seconde réflexion concerne l'efficacité et la rentabilité du système d'aide à l'exportation . La stabilité en quelque sorte fonction­ nelle de ce système nécessaire aux entreprises ne doit pa ? empêcher les responsables de l'économie nationale d'apprécier dans quelle me­ sure son application appelle des modulations pour tenir compte des fluctuations et des risques des marchés Des déboires comme ceux causés par l'affaire iranienne doivent inciter à la réflexion . Le tome III est consacré à une étude des « invisibles » et des services plus approfondie que dans le premier rapport car ils se sont révélés facteurs d'équilibre en 1978 et 1979 . Nous y analysons cha­ cune des rubriques qui composent cet er:emble un peu hétéroclite et assez mal connu statistiquement . De je travail un peu aride , nous retirons l'iir.pression que c'est un secteur qui peut apporter des soldes positifs à la balance des paiements irais , d'une part , nous nous refu­ sons à affirmet le caractère permanent de cet apport et , d'autre part , nous ne pensons pas qu'on puisse considérer à cet égard le secteur tertiaire autrement que comme un appoint , d'ailleurs vulnérable , à la réalisation de l'équilibre des échanges extérieurs . Nous estimons quand même qu'un effort doit être fait pour que la connaissance des « invisibles » s' améliore . Quelles seront donc nos conclusions générales ? Dans un contexte aussi anarchique que celui du monde actuel , le problème de l'équilibre des échange^ devient de plus en plus dif­ ficile à résoudre . Tous les efforts qui ont été faits , tant par les agents économiques que par l' État , doivent être hautement loués . La régularité du fonctionnement de la machine éc «nomique ne peut que renforcer leur efficacité . En revanche , face à certains concurrents qui font preuve d'une discipline et d'une disponibilité étonnantes , il est important que les mesures d'adaptation de l'appareil productif qu'impose la concurrence soient réglées pacifiquement par des inter­ locuteurs de bonne foi en fonction des réalités et non par des conflits passionnels et passionnés conduits dans une optique conser­ vatrice . Il y a là un problème de fond qui doit trouver sa solution en France comme dans les autres pays industrialisés . Il n'est de l'intérêt de personne de nier des réalités économiques qui , de toute façon , prévaudront contre toute attitude négative . La mise en place de procédures authentiquement démocratiques devrait permettre de — 13 — concilier les nécessités économiques et le respect du travailleur . C'est là , en effet , une tâche d'autant plus urgente que — nous l' avons dit dans le pren ier rapport — les phénomènes d'adaptation seicnt désormais continus : ils ne pour.ont plus être considérés comme des circonstances exceptionnelles ; il faut donc mettre en place des méca­ nismes régulateurs permanents . Une seconde conclusion , que nous avons déjà esquissée , porte sur la défense du marché intérieur — nous devrions dire , pour cer­ tains secteurs de plus en plus étendus , sur l'existence du marché intérieur . C'est un faux libéralisme que celui qui admet la non-réciprocité des échanges : si la spécialisation internationale consiste pour certains à assurer l'imperméabilité de leur marché intérieur et à annexer totalement le marché intérieur du voisin et ceci globalement , elle équivaut davantage à une hégémonie qu'à un progrès écono­ mique . Le monde des échanges est un monde de compétition . Le cadre libéral , librement choisi par les partenaires commerciaux , doit faire place à des moyens régulateurs qui , loin de le mettre en cause , assurent au contraire sa protection contre des procédés qui s'appa­ rentent davantage à la razzia qu'à la concurrence . Nous retrouvons ici un phénomène nouveau : au lieu que l'économie soit un des aspects — fût -il prépondérant — d'une civilisation , elle revêt un caractère totalitaire en ce qu'elle exige des individus une disponibilité totale dans le temps et dans l'espace . On en vient à « faire l'éco­ nomie » comme « on fait la guerre ». On en change ainsi la nature , on détourne les règles convenues de leur sens exact ; les réussites technologiques des uns peuvent conduire , si l'on n'y prend garde , à les perturbations socialement intolérables chez les autres , précipi­ tant ainsi un désordre qui peut rapidement devenir insupportable . La France ne saurait donc avoir mauvaise conscience de se protéger de l'agressivité commerciale de ceux dont le comportement écono­ mique est susceptible de mettre en cause son équilibre social . Pour ne citer qu'un exemple , le bon sens exige que les pays européens , et la France en particulier, fassent échec aux conséquences sociales qui résulteraient de la conquête du marché européen de l'automobile par une industrie étrangère . Ce n'est pas à dire d'ailleurs qu'il faille accepter de ce fait la sclérose d'un secteur productif. Il faut seulement se ménager un second souffle pour éviter des pertes irréparables . Enfin , il n'est pas normal dans un pays industrialisé — en dépit de la théorie libérale — que d'importants et nombreux secteurs de biens de consommation relèvent entièrement ou presque de l'impor­ tation . Nous avions déjà suggéré dans le précédent rapport que ce phénomène résultait peut-être moins du rapport qualité/prix que de « rationalités » commerciales . Il est regrettable qu'une telle situation se perpétue . — 14 Dans le même ordre d'idées , nous rappelons je problème de la filière bois dont le déficit continue à être important alors que les solutions ont été clairement définies par les hommes les plus compé­ tents . En résumé , nous pensons que beaucoup d'efforts ont été bien faits et ont abouti à des résultats appréciables et que des progrès peuvent encore être réalisés pour exporter davantage , notamment par la mise en œuvre de « créneaux porteurs » comme le préconisent très judicieusement les commissions du VIIIe Plan . Nous ne croyons pas , en revanche , que les « invisibles » puissent être la solution miracle de nos difficultés . Ils doivent cependant être connus et atten­ tivement favorisés car leur portée n'est pas chiffrable seulement en termes de balance des paiements ; ils ont aussi un effet d'entraînement et d'accompagnement très important . Il nous semble cependant que, tout ayant été fait pour avoir une industrie et une agriculture mus­ clées , les hausses récentes du prix du pétrole et celles qui ne man­ queront pas de jalonner les années à venir nous imposent de « rai­ sonner » le libéralisme auquel nous demeurons attachés en réduisant nos postes de dépenses . Pourquoi ce que nous faisons pour le pétrole serait-il délictueux pour des produits moins essentiels ? Mais nous répé­ tons encore qu'ii ne saurait s'agir de protectionnisme primaire mais de la défense pratique d'une conception équilibrée et raisonnable du libé­ ralisme lui-même . * * Le projet de rapport préparé par le groupe d'études a été soumis aux commissions mandantes qui l'ont adopté à l'unanimité le 15 oc­ tobre 1980 . Toutefois , il a été précisé , à la demande de plusieurs membres , que l'adoption pour publication du rapport n'emportait pas nécessairement l'adhésion individuelle des commissaires à tous les éléments contenus dans le document . TABLEAU DES PERSPECTIVES INTERNATIONALES — 17 — La dégradation de la situation internationale constatée depuis notre précédent rapport a conduit une France toujours aussi vulné­ rable à vivre dans un monde de plus en plus dangereux . La réalité de nos faiblesses est attestée par la résistance des mentalités au nouvel ordre de choses et par la difficulté ressentie à surmonter les contraintes croissantes et successives imposées à notre économie . En effet , depuis les graves événements de 19731974 , notre pays vit une situation de crise sans pour autant modifier sensiblement ses comportements et ses jugements . L'accoutumance aux cascades de hausses du prix du pétrole favorise ainsi une indifférence qui révèle , face à l'accumulation des menaces , une insuffisante prise de conscience de l'opinion . L'examen des données les plus récentes devrait pourtant normalement inciter au discernement : l'année 1980 constitue une nouvelle étape dans la détérioration de notre influence sur les affaires mondiales . Il ne fait pas de doute qu'un coût de financement de la balance commerciale de l'ordre de 60 milliards de francs ( 1 ) constitue un appauvrissement substantiel de la nation , car il représente 2,5 % du P.I.B. alors que les entreprises font un effort exceptionnel d'exportation . Notre pénurie en ressources énergétiques et en matières pre­ mières est évidente. Mais nous n'avons pas saisi les occasions de profiter des atouts traditionnels des grands Etats : notre « tissu industriel » n'est pas homogène car le vieillissement des structures empêche les entreprises les plus dynamiques de répondre aux exi­ gences de la demande mondiale ; notre capital de connaissances est insuffisamment exploité ; notre rayonnement culturel lui-même est directement menacé . Nous continuons sance industrielle au des agents extérieurs . « On exporte ce que à miser sur le développement de notre puis­ moment où ses fondements sont minés par Nous disions pourtant , il y a deux ans : l'on est. » L'analyse de la structure de nos échanges traduit nos insuffi­ sances : sauf de rares exceptions , partout où le succès commercial apparaît comme la consécration de l'effort et du risque , nous nous trouvons distancés par nos partenaires . Notre capacité d'adaptation à un monde de plus en plus instable , après nous avoir permis de surmonter la première vague de hausses ( 1 ) Le déficit cumulé des neuf premiers mois de 1980 se situe aux alentours de 46 milliards de francs. Sénat SS - T. I. — 2 — 18 — du pétrole , commence-t-elle à être prise en défaut ou atteint-elle ses limites ? La question se pose . En tout cas , il est nécessaire de bien connaître ceux des facteurs internationaux qui constituent des con­ traintes sur lesquelles nous avons présentement peu d'influence . Dans cette optique , une description encore incomplète suppose d'examiner successivement la désorganisation de la prévison écono­ mique sous l'effet des décisions discrétionnaires et unilatérales , la dissolution du système monétaire international , le poids des contraintes énergétiques sur notre pays . Mais cette analyse purement économique ne suffit plus à expli­ quer notre situation ni à éclairer nos décisions : l'interdépendance économique se double d'une interdépendance politique de plus en plus contraignante . La considération des relations de puissance dans le monde pèse sur l'analyse des facteurs purement économiques . — 19 — CHAPITRE I LES DIFFICULTÉS DE LA PRÉVISION ÉCONOMIQUE Depuis les années 1973-1974, les différentes hausses du prix du pétrole ont provoqué une véritable désorganisation des relations économiques internationales . L'évolution mondiale ne peut plus, désormais, être interprétée selon les schémas classiques fondés sur les principes de la pure rationalité . Ce phénomène n'est sans doute pas nouveau . Les prévisions ont souvent été démenties par la réalité ; toute tentative pour aper­ cevoir le sens des transformations d'une société postule en défini­ tive la permanence des situations, sans accorder une attention suf­ fisante à la capacité de renouvellement de l'initiative des hommes ; le philosophe Auguste Comte pouvait ainsi rêver au xix* siècle, en créant la sociologie, de fonder une « physique sociale ». Mais l'ampleur des incertitudes a considérablement augmenté depuis la crise de l'énergie. Il ne s'agit plus d'initiative individuelle, mais bien de la manifestation irrationnelle de « contre-pouvoirs », dont les responsables ne peuvent pas être clairement identifiés ; personne ne peut dire, actuellement, qui détient le pouvoir en Iran : les autorités de l'État ? les chefs de la « révolution islamique » ? L'incapacité à prévoir l'avenir est d'autant plus durement res­ sentie que la situation présentement vécue ne correspond pas à la nature des inflexions révélées par les années passées. La réalité de la crise est, en effet, prise en défaut par l'extra­ ordinaire souplesse des adaptations structurelles de notre économie et par les réactions des agents économiques. La vanité des efforts de prévision est également mise en valeur par une étude du perspectives du commerce international. — 20 — I. — LA RATIONALITÉ ÉCONOMIQUE PRISE AU PIÈGE DES ALÉAS POLITIQUES L'économie française subit, de plein fouet, les conséquences d'une crise grave , dont les principaux éléments méritent d'être briève­ ment rappelés : — l'indice de la production industrielle , en septembre 1980, est inférieur à scn niveau atteint en juillet-août 1979 ; — le nombre des demandeurs d'emploi est supérieur, en août 1980, à l'effectif constaté en août 1979 ; il avoisine 1.500.000 ; même les offres d'emploi proposées par les sociétés de travail tem­ poraire diminuent ; — les indices de prix , au cours des années 1979 et 1980, n'ont pas cessé d'augmenter, passant (base 100 en 1970 ) de 209,7 en janvier 1979 à 254 ,) en août 1980 ; — depuis le mois de mars 1980 , les achats de produits manu­ facturés des ménages ont diminué ; les immatriculations de voitures ont même décru de 23,5 % en mai 1980 par rapport au mois précédent ; — l'investissement productif des entreprises privées demeure stagnant , malgré quelques timides signes de reprise , — l'accumulation des stocks , qui peut être constatée dans le secteur des biens de consommation , risque de s'étendre aux biens intermédiaires et aux biens d'équipement ; — le déficit du budget ne peut être financé que par un recours accru à la création monétaire . De telles caractéristiques ne sont pas propres à notre pays . Mais elles soulignent, surtout, l'incapacité , pour la prévision économique, de proposer des mesures appropriées pour résoudre les difficultés . Dans sou rapport semestriel sur les « perspectives écono­ miques *, publié en décembre 1979 , l'Organisation de coopération et de développement économique (O.C.D.E.) prévoyait que le monde occidental risquait de connaître une croissance nulle en 1980 , et ceci , sur la baie d'un prix du baril de pétrole estimé à 26 dollars au 1er janvier 1980 . Six mois plus tard, les ministres du pétrole des treize pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (O.P.E.P.), réunis à Alger les 9 et 10 juin 1980, fixaient à 37 dollars le prix maximum des Etats exportateurs. — 21 — Les prévisions de l'O.C.D.E. devenaient ainsi caduques six mois seulement après avoir été rendues publiques . Le pronostic établi à l'automne de l'année 1979 n'était pourtant pas encourageant : les Etats industrialisés devaient enregistrer une décélération de leur croissance , une aggravation de la hausse de leurs prix d'environ un point , un déficit des paiements courants supérieur à 50 milliards de dollars , un chômage de quelque 20 millions de personnes- Ces évaluations ne tenaient compte que des « effets mécaniques » de la hausse du prix du pétrole constatée en 1979. Elles étaient les suivantes pour 1 principaux Etats membres de l'O.C.D.E. : PRÉVISIONS DE Lt).CJ>X. POUR 19S0 ( Publiée* en décembre 1979.) fil !>■««» Prix («■■mu* (ca pnwmtain) Etats-Unis - 1, + 9,5 * Me) (•a iwwn—m» <1 la mwlMfc» activa) + 3,6 m 2 lapon + 4,7 + 7.2 - 8,7 R.F.A + 2,2 + 5 — 5 3,7 Grande-Bretagne —2 + 15,5 + 0,5 6,7 France + 2 + 11,5 - 1,5 6,75 Mais ces prévisions ne pouvaient pas prendre en considération l'évolution du marché pétrolier, notamment celle du montant de la production de « brut », ni les conséquences psychologiques sur les anticipations des chefs d'entreprise et des consommateurs. Les experts de l'O.C.D.E. ont cependant tenté d'apprécier les effets d'une hausse de 10 % du prix du pétrole : cette majoration conduirait à une diminution de 0,6 % du produit national brut et à une augmentation des prix de l'ordre de 0,5 % . La prévision économique reste cependant désarmée face à l'impossibilité de prévoir le comportement des Etats exportateurs . Il en résulte l'apparition , dans les calculs , de marges d'incertitude de très grande ampleur, qui réduisent, évidemment , la valeur des travaux entrepris . — 22 — Depuis le mois de décembre 1979 , l'accumulation rapide d'évé­ nements politiques de très grande portée a conduit à modifier les perspectives : crise afghane , hausse du prix du pétrole, appréciation du dollar... La rationalité économique subit donc, elle aussi , les effets de la crise . Cette situation est d'autant plus évidente que les économies parviennent à masquer la réalité même des évolutions . L'analyse des conjoncturistes décèle les grandes tendances de la récession : elle n'explique que fort imparfaitement le maintien d'un certain mode de vie , car les indices de la dégradation demeurent, somme toute, assez discrets dans les grands Etats industrialisés . Une progressive perception de la crise a cependant conduit à élaborer de nouveaux indices qui rendent assez bien compte du décalage existant entre les prévisions et les réalités . A titre d'exemple , le tableau reproduit ci-dessous illustre parfaitement cette démarche . L' « INDICE DE MALAISE ÉCONOMIQUE » L' < indice de malaise » — somme des taux de chômage et d'inflation — permet de déterminer dans quelle mesure un pays fait front au chômage et i l'augmentation du coût de la vie. Voici un tableau de la situation dans les grands pays industriels au second trimestre de 1980. VarIMlM d'Inhiba Tua ladies de charge de ■■!»!>« (1) 6 par npport terme 1979 Grande-Bretagne 25,6 % % 32,5 Etats-Unis 15,2 % 7,5 % 22,7 + France 15,3 % 6,8 % 22,1 + 27 % Japon 13,4 % 1,9 % 15,3 + 22 % Allemagne fédérale 7,6 * 3,2 % 103 + 15 % Suisse 5,6 % ( 1 ) 0,3 % 53 — 12 % ( 1 ) UtlmatkM . Soumet : F.M.I. - ministère du Travail dm Etato-Uak. + S3 % 13 % — 23 — II . — LA RÉALITÉ DE LA CÎ1ÎSE PRISE EN DÉFAUT PAR LES ADAPTATIONS STRUCTURELLES DE L'ÉCONOMIE La réalité de la crise est inscrite dans les statistiques depuis 1973 . Le tableau reproduit ci-contre révèle l'existence d'une double tendance à la réduction de la croissance et à la progression des prix de détail . — 24 — PAYS INDUSTRIALISES : VARIATIONS DE LA PRODUCTION ET DES PRIX, 1962-1978 (Variations en pourcentage .) Vatiatloa par rapport à l' année précédente Moyeua manuelle 1962*1972 ( 1 ) 1975 1974 1975 1976 1977 1979 un 2.7 P.N.B. réel : Canada 5.5 7.6 3.6 12 5.5 22 3.4 Etats-Unii 3,9 5.5 — 1,4 - 13 5,9 5,3 4,4 2,3 10,5 10,0 - 0.6 '3 6,5 « 6,0 6,0 Japon France (*> 5.5 5.4 2.8 d.3 4.6 3.0 3.6 33 Allemagne , République fédérale d ' .... 4,5 4,9 0,4 — 1,8 5,3 2,6 3,5 4,4 Italie 48 69 4 .1 — 3.5 5.9 1.9 2.6 5.0 Royaume-Uni (2) 2,9 7,8 — 1,2 — 0,7 3,7 1,0 3,5 0,9 Autres psys (3) 4,9 5,5 3,5 - 03 3.6 1,0 2,2 2» 4,7 62 0,3 — 0,6 5,3 3,8 4,0 3.4 Sept principaux pays (4) 4.7 63 - 02 - 0,7 5,6 42 4,3 3,5 Pays 4,5 5,7 1,9 — 1,1 4,4 2,3 3,0 3,4 Canada 3.6 9.2 15.2 10.8 93 7,0 63 10,3 Etats-Unis 3.6 5.7 9.4 9.6 52 6.0 73 8.9 lapon 4,9 10,8 20,0 8,6 5,7 5,5 4,1 2,0 France (2) 4.8 7.7 11.2 13.1 9,7 9.1 9,7 9,6 Allemagne, Répullique fédérale d 4,1 6,0 6,8 6,7 3,2 3,8 3,9 3,9 Italie 5.0 11.7 18.3 17.4 18.0 18.9 14.1 15.1 Royaume-Uni (') 5,1 6,7 14,9 27,2 14,3 13,8 10,6 14,4 Autres pays (3) 5,6 9,5 12,4 13,1 10,6 10,1 9,1 8,0 4,3 7,4 12,1 11,3 7,6 7,6 7,4 7,7 4.1 7.1 12.0 11.0 7.0 7.1 7.1 7.7 5,0 8,0 11,6 13,6 9,7 9,7 8,6 8,7 t '\ Ensemble des pays industrialisé: . Dont : européens Indice d'ajustement du P.N.B. : H Ensemble des pays industrialisés — Dont : ( 1 ) Taux Sent principaux Pays européens annuels composés . pays (2) P.I.P. aux prix du marché . (3) Comprend l'Australie, l'Autriche , la Belgique , le Danemark , l' Espagne , la Norvège . les Pays-Bas , la Suède et la Suisse la Finlande , l' Irlande , l' Islande , le Luxembourg , . (4) Enumérés séparément ci-dessus . ( 5) Déflateur du P.I B. Source : Publication statistiques nationales , fonda de données du P.M.I. et estimations des services du Fonds . la Nouvelle- Zélandr — 25 — Au cours des années précédentes , dans notre pays , cette récession ne semble pas s'être manifestée avec acuité . Une explication :le ce phénomène peut être proposée . De 1974 à 1976 , les entreprises ont supporté , pour l'essentiel , la charge du prélèvement pétrolier, car les revenus réels des ménages ont continué de progrerser à un rythme souvent rapide . L' importante dégradation de la situation financière des firmes a provoqué une diminution très sensible de l'investissement productif, qui a large­ ment contribué à la crise . En 1977 , un retournement de tendance s'est produit : la part de la rémunération des salariés dans la valeur ajoutée des sociétés , qui était passée de 64,4 % en 1973 à 69,1 % en 1976 , est revenue à 68,9 % , avant de poursuivre cette décroissance ( 68,7 % en 1978 et 68,5 % en 1979 ). Au même moment , la rentabilité des entreprises s'est redressée . Depuis 1977-1978 , un net ralentissement de la progression du taux de salaire horaire peut d'ailleurs être constaté . Sans doute ces données ne permett. nt-elles pas de prendre en considération le coût social di chômage . Mais elles suggèrent que l'économie française a vécu , de 1974 à 1978 , dans une prospérité illuso.re . Le recul des investissements — qui a constitué, en partie, le moyen de régler notre « facture pétro­ lière » — a gravement obéré l'avenir de notre capacité productive pendant toute cette période . Ce résultat a pu être atteint à un moindre coût grâce au maintien , à un rythme élevé , de la hausse des prix , et grâce au recours à l'endettement extérieur. Il n'en va plus de même depuis les années 1977-1978 . Mais la perception de la réalité de la crise est encore différée par la longueur du délai de réaction des agents économiques . Dans ce contexte, il faut noter que ia baisse du taux d'épargne des ménages , en 1979-1980 , semble être le résultat de la volonté de maintenir les niveaux de vie acquis antérieurement . L'économie française , qui vit , depuis sept années , dans une situation de crise , risque de n'en être convaincue que dans les pro­ chains mois , d'autant plus que les perspectives du commerce mon­ dial demeurent défavorables . — 26 — III . — LES PERSPECTIVES DU COMMERCE INTERNATIONAL Comme on l'a vu , depuis les événements des années 19731974 , la prévision économique ne parv'snt plus à connaître le sens des évolutions . Pendant très longtemps , des erreurs étaient possibles ; mai* leur ampleur demeurait assez limitée, car les considérations d'ordre politique interfé/aient assez peu, en définitive, avec les questions d'ordre technique . La diversité des aléas a bouleversé cette situation . Les prévisions relatives au commerce mondial demeurent d'autant plus difficiles que les comportements des principaux acteurs — et notamment des Pries exportateurs de pétrole — n'obéissent plus à des raisons d'ordre rationnel , dictées par des règles logiques . Rappelons d'abord l'évolution récente des transactions inter­ nationales , ce qui nous permettra de mettre en valeur l'influence des ' vénements de 1973-1974 sur le montant et la structure des échf .îges . La valeur du commerce mondial a connu une croissance accé­ lérée au cours des années 1970-1980 , exclusivement due à l'aug­ mentation des prix en dollars . En revanche , l'accroissement en volume a subi un net ralentissement après les événements de 19731974 . En 1979 , la valeur du commerce mondial a dépassé 1.600 mil­ liards de dollars (+ 25 % par rapport à 1978 , contre + 16 % en 1978 par rapport à 1977 ) ; en volume , les transactions ont pro­ gressé de près de 7 % en 1979 par rapport à 1978 , contre + 6 % en 1978 par rapport à 1977 . Mais une analyse non plus globale niais qualitative révèle l'importance nouvelle acquise , dans les échanges internationaux , par les pays exportateurs de pétrole . La part de ces Etats , dans le commerce mondial , a doublé de 1973 à 1974 , puis elle s'est stabilisée au niveau de 13-15 % ; celle des pays en voie de développement , revenue de 15 % en 1960 à 12 % en 1973 , n'a pas sensiblement évolué depuis ; les pays indus­ trialisés ont conservé une position dominante . — 27 — EXPORTATIONS MONDIALES PAR PRINCIPALES RÉGIONS, 1960-1979 ( Parts en pourcentage .) i960 1*70 1471 1974 »n 100 100 100 100 100 69 68 63 64 3 2 J 2 2 7 6 7 15 13 Autres pays en voie de développement . 15 12 12 12 13 Pays de l'Est 12 11 10 9 9 Monde entier ( 1 ) Pays 64 industriels Afrique du Sud, Australie et Nouvelle Zélande O.P.E.P ( I ) Les chiffres ayant été arrondis , leur somme peut ne pas être égale t 100 . Données : Le commerce international. G.A.T.T. , divers numéros . La contribution des hydrocarbures aux échanges mondiaux est passée de 12 % en 1973 à 20 % en 1974 ; la part des produits agricoles a fortement diminué de 1960 à 1979 ; celle des biens manufacturés est demeurée, au cours des dernières années, de l'ordre de 60 % . Cette constatation souligne l'importance des événements de 1973-1974 sur les relations internationales . COMMERCE MONDIAL PAR PRINCIPALES CATÉGORIES DE PRODUITS, 1960-1979 (Pourcentage .) Toul (1) Produits agricoles 1960 itro 1973 1974 S979 100 100 100 100 100 52 21 19 18 16 7 7 6 6 4 Minerais , produits minéraux et métaux non ferreux Combustibles 10 9 12 20 20 Produits 51 62 64 56 60 manufacturés ( 1 ) Non compris les produits qui ne sont pas clamés par catégories . Lea chiffra ayant arrondis, leur somma peut ne pas être égale à 100 . Données : Statistique commerciale? mir Danoa nufnétique, G.A.T.T. , divers numéros . Nations unlee et Le comment international, — 28 — Selon les évaluations de l'Accord général sur les tarifs et le commerce ( G.A.T.T. ) publiées en 1980, les perspectives à court terme ne sont pas encourageantes . La résurgence de taux d'inflation à deux chiffres dans plusieurs pays industriels témoigne d'une crise sévère . Selon le G.A.T.T. , les deux principaux problèmes de l'éco­ nomie mondiale devraient être liés au comportement futur des prix de l'énergie et des approvisionnements , ainsi qu'au « recyclage » des excédents des principaux pays pétroliers , dont les importations ne devraient pas progresser au même rythme que les dernières années . Le taux de croissance du commerce international retenu pour 1980 par le G.A.T.T. est de 3 % ( contre + 7 % en 1974 / 1973 ). Pour l'Organisation de coopération et de développement éco­ nomique ( O.C.D.E.), en 1980 , la faiblesse de la croissance dans la zone de l'O.C.D.E. et le tassement de la demande émanant des pays en développement non producteurs de pétrole , ne devraient être que partiellement compensés par l'augmentation des dépenses de réemploi des pays de l'O.P.E.P. : le volume total des exportations des Etats membres pourrait progresser de 4 % ou moins La Banque mondiale , dans son « Rapport sur le développement dans le monde » publié en août 1979 , a tenté d'apprécier l'incidence , sur les pays en voie de développement , d'une hypothèse de forte croissance des échanges de 1980 à 1990 (+ 7,3 % par an) : les exportations de marchandises des pays en voie de développement progresseraient au rythme soutenu de 7,6 % par an ; dans le cas contraire (croissance des échanges mondiaux de 5,0 % ), les ventes de ces Etats n'augmenteraient que de 5,2 % . De simples ordres de grandeur aura'ent été plus convaincants que ces chiffres aussi précis . Les principales hypothèses économiques pour 1980 , publiées au moment de la présentation du projet de loi de finances pour 1980 , indiquaient que « le commerce mondial devrait être assez déprimé dès la seconde partie de l'année en cours ». En fait , l'évolution des échanges , au cours des prochains mois , va dépendre des variations du prix du pétrole . Les incertitudes de la prévision économique trouvent leur origine dans l'impossibilité de prévoir l'attitude des Etats exportateurs , qui fixent discrétion­ nairement et unilatéralement le prix des hydrocarbures, sans obéir nécessairement à des considérations fondées sui un strict respect des impératifs économiques mondiaux . Il est donc devenu extrê­ mement aléatoire d'intégrer ce comportement aux projections , d'au­ tant plus que les experts ont tendance à ne pas envisager les hypo­ thèses les plus défavorables : en effet, de brutales majorations du prx du pétrole ne correspondent pas à une fluctuation cohérente — 29 — des cours . La science économique est donc désarmée face à l'intru­ sion des choix politiques dans les attitudes des acteurs . Il n'est plus possible , désormais , de raisonner en termes de pure rationalité économique . Ainsi , même si l'on admet que , seule , l'énergie nucléaire peut permettre de pallier les effets de la crise de l'énergie , et qu'à ce titre , aucun autre choix n'est possible , il faut bien convenir que la ten­ tation est grande de céder à des raisonnements dont la validité , comme les prévisions nucléaires elles-mêmes , repose implicitement sur une hypothèse de stabilité , à long terme , du prix de l'uranium . Elle ne peut donc plus contribuer à éclairer les décisions des responsables avec le même degré de probabilité que dans les décennies précédentes . Le monde est entré dans un système anarchique , où le dérègle­ ment du marché pétrolier bouleverse peu à peu tous les secteurs d'activité , en produisant des effets cumulatifs ; l'affaiblissement des Etats-Unis et l'inexistence d'une puissance politique européenne favorisent les comportements erratiques des pays du Tiers-Monde , ainsi que les diverses entreprises de déstabilisation du système mis en place au lendemain du second conflit mondial . D'ailleurs , apparaissent et se développent de plus en plus des méthodes singulièrement étrangères aux pratiques communément admises pour les échanges : les prises d'otages , qui ont commencé à défrayer la chronique dans le domaine politique , ont , en effet , inspiré des comportements apparentés en matière économique . Deux exemples peuvent assez bien illustrer ce type de contraintes , dans la mesure où ils révèlent une mutation des comportements éco­ nomiques . Le système des « compensations à plus de 100 % » est couram­ ment pratiqué : certains Etats n'hésitent pas à imposer à un pays chargé de réaliser une usine sur leur territoire d'acheter non plus la totalité de la production de cet iquipement , mais encore d'autres biens . C'est ainsi qu'une analyse des coûts et des avantages globaux d'une prise de commande peut se révéler négative en termes commer­ ciaux . Second exemple : des pays arabes obligent les entreprises étran­ gères , en cas de litiges , à se justifier face aux tribunaux coraniques : il y a alors une regrettable confusion des intérêts au détriment de la firme exportatrice. Tous ces éléments conduisent à infirmer la valeur des prévisions et , par conséquent, à réduire la valeur des analyses des instituts de conjoncture . — 30 — Cette situation n'a d'ailleurs pas échappé au Fonds monétaire international , puisqu'une étude préparée en 1980 par ses services , consacrée aux « Perspectives de l'économie mondiale », indique que « les projections ont été établies dans un climat de franche incer­ titude et à une époque caractérisée par des problèmes très complexes ». * • * Cette double considération d'une mauvaise perception d'une crise économique dont l'origine remonte à 1973 et de l'irrationalité économique du comportement d'un certain nombre d'acteurs majeurs du théâtre mondial ne devra pas être perdue de vue au cours des analyses qui suivent . Elle montre à quel point la marge de manœuvre des dirigeants occidentaux est réduite du fait du refus des opinions publiques de s'adapter à une situation de crise et du fait de l'absence de moyens immédiats pour faire face aux conséquences de la poli­ tique des Etats producteurs de pétrole. — 31 — CHAPITRE II PERSPECTIVES MONÉTAIRES Le système monétaire international a subi, depuis le précédent rapport, une nouvelle dégradation . Le renchérissement pour des raisons politiques du pétrole a eu pour conséquence une déstabilisation monétaire . En ce sens, les biens réels ont perturbé les marchés des actifs financiers. Face à une situation dont la maîtrise échappe de plus en plus aux Gouvernements , les réactions des Etats ont été très différentes. La puissance américaine est assez bien parvenue à exploiter, pragmatiquement, le désordre monétaire international . Les amples variations de parité du dollar ne résultent certes pas d'une stratégie délibérée : elles constituent cependant l'expression du souci des auto­ rités de laisser les Etats-Unis limiter l'influence, sur leur économie, des perturbations d'ordre extérieur. La situation des autres Etats industrialisés est différente dans la mesure où elle traduit une extrême dépendance face aux événe­ ments. Après avoir espéré, par le jeu des fluctuations de parité du cours des devises, un retour à l'équilibre commercial, ces Etats , face à la modestie des résultats ainsi obtenus , tentent désormais de créer des « pôles monétaires » afin d'introduire dans les relations écono­ miques internationales une cohérence nouvelle fondée sur le respect des intérêts de toutes les parties en présence . Cette politique a également pour objet de restaurer la puissance des Etats actuellement contrariée par le rôle de plus en plus impor­ tant des organismes privés, qu'il s'agisse des banques, engagées à l'égard des pays débiteurs , ou des entreprises, dictant le plus sou­ vent, malgré les interventions officielles des banques centrales sur le marché des changes, les évolutions du cours des devises. — 32 — I. — LA REVANCHE DES BIENS RÉELS : LE PÉTROLE ET L'OR Les marchés des changes ont appris à supporter, depuis plu­ sieurs années , des menaces réelles . La première est intimement liée aux majorations du prix du pétrole . La deuxième est constituée par la tendance des opérateurs à acheter de l'or pour se prémunir contre les dépréciations . La troisième est le résultat de la propension de certains agents économiques à intervenir à l'achat des matières premières par suite d'une méfiance généralisée envers les devises . Dans ces trois cas , tout se passe comme si le système interna­ tional des paiements , parvenu à un certain point d'abstraction , sup­ portait les effets d'une véritable revanche des biens réels sur les actifs monétaires . A. — Le pétrole. Le première majoration importante du prix du pétrole brut , intervenue entre la fin de l'année 1973 et le début de 1974 , qui avait conduit à un quadruplement des cours , avait suscité des craintes que justifiait le caractère massif du facteur de déséquilibre introduit dans le système international . La première préoccupation était relative à l'inégale capacité des principaux pays consommateurs de pétrole d'assumer le coût com­ plémentaire des hydrocarbures ; le cas des Etats industrialisés était alors disjoint de celui des économies en voie de développement . Deux phénomènes ont cependant réduit, au moins jusqu'en 1979 , l'acuité de ces difficultés . Le système bancaire , notamment aux Etats-Unis , est parvenu , grâce à l'excellent fonctionnement des euromarchés , à « recycler » les moyens de paiement ainsi transférés aux producteurs de pétrole. De plus , le Fonds monétaire international a mis en place des procédures de crédit en faveur des Etats consommateurs d'hydro­ carbures , qui ont contribué à limiter les effets de l'augmentation des cours . — 33 — Le second souci , plus fondamental , était inspiré par l'importance considérable des sommes qui devaient être transférées aux Etats membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole . Les prévisions les plus pessimistes pour l'Occident portaient sur 600 à 700 milliards de dollars de 1974 à 1980 ; mais ces estimations avaient été révisées en baisse dès 1975 et , en définitive , le montant cumulé des excédents financiers , après défalcation des importations des pays en cause, ne devait atteindre qu'une somme comprise entre 250 et 300 milliards de dollars . La crise semblait donc en voie de résorption progressive au moment où , à nouveau , en 1979 , une brutale augmentation des prix du pétrole était décidée . Cet événement risque de produire des conséquences infiniment plus graves dans la mesure où , grâce au premier transfert financier réalisé à partir de 1973-1974 , les principaux pays exportateurs de pétrole bénéficient , en 1980 , ce qui n'était pas le cas en 1973-1974, d'une situation privilégiée au sein du système monétaire inter­ national ; il conduit donc à s'interroger sur la future efficacité des procédures mises en place au cours des années précédentes pour « recycler » les capitaux pétroliers . 1° La situation privilégiée des pays exportateurs de pétrole au sein du système monétaire international. Depuis la très forte majoration du coût des hydrocarbures , les puissances pétrolières ont acquis une réelle influence sur le système monétaire international . Deux critères permettent d'apprécier leur nouvelle capacité d'intervention : l'importance de leurs réserves et l'augmentation de leurs pouvoirs au sein du Fonds monétaire international . Premier critère : L'évolution du montant des réserves possédées, à l'exclusion de l'or, par les « principaux pays exportateurs de pétrole » ( 1 ). Les avoirs de ces pays sont passés de 1,3 milliard de D.T .S. en 1950 à 46,2 milliards de D.T.S. en 1978 , après avoir culminé à 62,2 milliards de D.T.S. en 1977 . Le résultat de 1979 est de quelque 55 milliards de D.T.S. ( 1 ) Le F.M.I. regroupe, sous l'appellation de « principaux pays exportateurs de pétrole » : l'Algérie, l'Arabie saoudite , les Émirats arabes unis, l'Indonésie, l'Irak, l'Iran , le Koweït, la Libye, le Nigeria, Oman, Quater et le Venezuela. Sénat M - T. I. — 3 — 34 — Le tableau ci-dessous depuis 1950 : récapitule l'évolution de ces actifs ÉVOLUTION DES RESERVES DES PRINCIPAUX PAYS EXPORTATEURS DE PETROLE 1950 1960 nn 1974 1975 197« 1977 1971 Montant des réserves (en milliards de D.T.S.) Montant des primé en du total mondiales .. 1979 U 23 5,0 38,4 48.î 56,1 62,2 46.2 55.0 2.62 3.75 5,36 21,39 24,92 25,31 23,76 16,53 20,0 réserves ex­ pourcentage des réserves Source ! P.M.I. Après avoir dépassé en 1976 le quart des réserves mondiales, ces réserves sont revenues à près de 17 % du total en 1978. Il faut savoir que le recul enregistré en 1978 a surtout été provoqué par le reclassement, opéré par l'Arabie saoudite, d'une fraction de ses avoirs en devises ( 1 ). Mais il n'en demeure pas moins que même si l'on ne tient pas compte de cette modification comptable, les réserves de ce groupe de pays ont diminué entre la fin de 1977 et celle de 1978 . Une telle évolution ne devrait être que temporaire à la suite des fortes majorations du coût des hydrocarbures constatées pendant l'année 1979. Il est probable que les avoirs de change des pays pro­ ducteurs de pétrole avoisineront, en 1980, le tiers du montant total des actifs de change. Cette situation est évidemment le résultat d'une évolution extrêmement favorable de la balance des paiements courants des Etats membres de l'O.P.E.P. Le tableau ci-dessous indique que le solde positif aurait décuplé de 1973 à 1980 . (1 ) Depuis le mois d'avril 1978, les avoirs de l'Arabie saoudite excluent la couverture en devises des titres que ce pays a émis et dont le montant était de 4,3 milliards de D.T.S. à la fin de min 1978. — 35 — ÉVOLUTION DES BALANCES DES PAIEMENTS COURANTS (En milliard* de dollars .) 1974 1973 10 O.C.D.E OMJ — 27 5M 7,5 1971 - 0.5 27 1976 1977 1971 — 8 — 25 36,5 1979 190 9 — 30 - 31,5 29 7 65 75,5 Pays en voie de développement non produc' teurs de pétrole —6 - 23,5 — 37,5 — 25,5 — 24 — 36 — 47 — 60 Autres pays non O.C.D.E — 3,5 — 9,5 — 18 — 13 - 8,5 - 9,5 — 11 — 12 - 0,5 — 29 — 20 — 28,5 - 29,5 — 23 — 28 Total 8 Sourct i O.C.D.E., décembre 1979 ; le total peut ne pu correspondre 1 la tomme algébrique des composantes. Les années 1979 et 1980 seraient ainsi caractérisées par une très forte augmentation de l'excédent des pays de l'O.P.E.P., contrastant avec les résultats de 1977 , et surtout, de 1978 ; par un accroissement prononcé du déficit des pays en voie de développement non producteurs de pétrole ; par un nouvel et important déficit des Etats membres de l'O.C.D.E. Deuxième critère : L'augmentation de l'influence des Etats pro­ ducteurs de pétrole au sein du Fonds monétaire international. Au cours de la sixième révision générale des quotes-parts ( 1976), le pourcentage d'accroissement des contributions a été supérieur à la moyenne pour ces Etats : un effort particulier a été demandé aux pays producteurs de pétrole, dont la part est passée de 4,98 % à 9,88 % du total. Par rapport à la situation résultant de la cinquième révision ( 1969), la quote-part de l'Iran et du Koweït a été multipliée par 3,5 ; celle de l'Arabie saoudite par 4,5 ; celle de la Libye et des Émirats arabes unis par 8. Une nouvelle révision doit avoir lieu, comprenant encore des augmentations spéciales pour les principaux Etats pétroliers, dans le courant de 1980. De plus, comme l'Arabie saoudite a été l'un des deux prin­ cipaux Etats créditeurs du Fonds au cours de la période comprise entre le 31 juillet 1976 et le 31 juillet 1978, elle a pu désigner, à compter du 1e novembre 1978 , comme membre de droit un admi­ nistrateur au sein du conseil d'administration du Fonds ; elle ne partage ce privilège qu'avec cinq pays industrialisés (Etats-Unis, Royaume-Uni, R.F.A., France et Japon). — 36 — 2° Les procédures de « recyclage » des capitaux pétroliers pourront-elles continuer à jouer un rôle efficace ? L'importance des excédents financiers des pays producteurs sou­ lève la question des conséquences pouvant résulter d'une modifica­ tion du choix des devises pour le placement des actifs . Comme on l'a vu, le montant cumulé des excédents finan­ ciers des pays producteurs de pétrole peut être évalué à quelque 250-300 milliards de dollars pour la période 1974-1979 . Les esti­ mations de la « Morgan Guaranty Trust Company of New York », entreprises pour les années 1980 à 1984 , conduisent à penser que même selon les hypothèses les plus optimistes pour les pays consom­ mateurs de pétrole, fondées sur une simple augmentation annuelle en termes réels du coût des hydrocarbures par rapport au niveau atteint en 1980, le surplus de l'O.P.E.P. ne devrait pas être inférieur à 50 milliards de dollars par an jusqu'en 1984 ( 1 ). Dans ces conditions, ces pays auraient accumulé, de 1974 à 1984, une somme de près de 600 milliards de dollars , qui repré­ sente environ la moitié de la valeur du commerce mondial chiffrée par le G.A.T.T. pour 1979 et qui constitue plus du double des réserves mondiales à la fin de 1978 . De très graves perturbations monétaires devraient donc être redoutées si le « recyclage » de ces capitaux sur la place de New York était remis en cause. Rappelons en effet que ces capitaux, jusqu'en 1977-1978, ont été investis, chaque année, soit sur les euromarchés , à raison de quelque 35 % , soit aux Etats-Unis, à hauteur d'environ 25 à 35 % . Les blocages de fonds iraniens dans les banques américaines et leurs filiales à l'étranger, au début de 1980, peuvent remettre en cause cette structure des placements. Toute modification dans le choix des devises risquerait alors, compte tenu de l'étroitesse de certains mar­ chés, d'affecter gravement l'équilibre financier du monde occidental . Actuellement, le pétrole est payable en dollars . La réunion de Caracas de l'O.P.E.P. (décembre 1979) a laissé à l'initiative des pays membres toute décision éventuelle tendant à modifier cette situation. Aucun État n'a encore refusé la monnaie américaine ; mais il est impossible de ne pas apercevoir, dans la baisse simultanée du cours du dollar et la hausse du prix de l'or, que les pays de l'O.P.E.P. , après avoir encaissé des dollars, les utilisent pour acheter de l'or. Tout se passe comme si l'or noir était payable en or jaune. ( 1 ) t World Financial Markls », décembre 1979, p. 5. — 37 — Il est désormais quasiment certain que des établissements privés implantés au Proche-Orient alimentent de plus en plus la demande sur le marché de l'or . Il est non moins évident que les statistiques officielles fournies par les banques centrales au F.M.I. , détaillant leurs avoirs de change , pèchent par omission . Le montant total des réserves d'or de tous les pays exportateurs de pétrole n'équivaudrait ainsi même pas à la moitié de celles de la Banque de France , les pays les plus pourvus étant le Venezuela , l'Algérie et l 'Arabie saoudite . Mais il est dififcile de ne pas soupçonner l'existence d'avoirs en or discrètement compta­ bilisés dans des institutions spécialement créées à cet effet . Est-il possible , compte tenu de cette progressive affirmation de la puissance monétaire des Etats pétroliers , de conférer , dès mainte­ nant , à ces pays un rôle essentiel dans le système des paiements mon­ diaux ? Deux raisons , d'ordre technique et économique , incitent à la prudence . En premier lieu , une devise ne peut exercer une influence domi­ nante sans bénéficier des avantages d'une organisation financière et banwiie bien adaptée aux soucis des opérateurs . Or, les puissances pétrolières ne disposent pas encore de places à haute technicité . Sans doute , au Koweït , à Bahreïn , dans les « centres offshore », des orga­ nisations peuvent-elles se développer : le dinar koweitien ( K.D. ) a même pu déjà servir de monnaie d'émission pour dix-huit emprunts internationaux en 1978 , à hauteur de 154 millions de K.D. Mais il reste beaucoup à accomplir pour que les banques centrales par­ viennent à assurer une liquidité satisfaisante de ces devises sur les différentes places financières du Proche-Orient . Par ailleurs , trois considérations d'ordre économique conduisent à manifester une certaine prudence vis-à-vis d'un éventuel accroisse­ ment du rôle international des devises des Etats du Proche-Orient . D'abord , il ne faut pas oublier que toute économie fondée sur une seule richesse — ici en l'occurrence , le pétrole — est , par défi­ nition , fragile et vulnérable . La puissance d'une monnaie dépend , en définitive , de la diversification des activités : or , l'industrie est très faiblement développée dans les Émirats arabes unis , à Bahreïn , au Qatar, dans le Sultanat d'Oman ... L'institution d'une « monnaie- pétrole » ne doit donc pas faire illusion . En second lieu , la croissance assez lente du rôle international des devises des Etats du Proche-Orient est aussi le résultat de la dépréciation interne de ces monnaies : dans la mesure où le rythme de hausse des prix , dans les différents pays , est supérieur au taux d'intérêt offert sur les devises , la détention des dinars et des ryals , par exemple , ne peut être justifiée que par une réévaluation continue des dinars et des ryals contre dollars des Etats-Unis . — 38 — Or, la majoration du cours des hydrocarbures a exercé un effet inflationniste sur les économies des puissances pétrolières : le taux annuel moyen d'inflation a été de 33 % en Arabie saoudite et de 35 % au Koweït, de 1970 à 1976 , contre seulement , de 1960 à 1970 , 1 % et 0,6 % . Cette progression des prix de détail n'est d'ailleurs pas compensée par une suffisante appréciation des devises par rapport au dollar des Etats-Unis . L'attrait des monnaies des Etats pétroliers demeure donc limité pour les banques . De 1970 à 1973 , une hausse de cours assez importante peut être constatée ; mais de 1974 à la fin de 1977 , les variations de parité ont été beaucoup moins importantes et cette stabilité relative des devises des Etats pétroliers contre dollar a traduit , en réalité , une baisse de leur change "ontre devises fortes ( yen ou deutschemark). A titre d'exemple , le tableau ci-après fournit les pourcentages d'accroissement , contre dollar américain de la valeur des devises du golfe Arabique : VARIATIONS DE PARITÉ DES MONNAIES DU GOLFE ARABIQUE CONTRE DOLLAR DES ETATS-UN IS (En pourcentage .) 1975/ 1970 1979/ 1970 Ryal saoudien + 27 Dinar koweitien + 20 + 29,5 Ryal d'Oman + 20,6 + 20,6 Dinar de Bahreïn + 20,6 + 24 Ryal de Qal ; + 20,5 + 243 Dirham des Émirats arabes unis + 19 + 23,8 Dans ces conditions, il est tentant de sous-estimer l'importance de l'influence des Etats pétroliers sur le système monétaire inter­ national . Ne nous y trompons cependant pas : tout dépend de l'attitude des Etats-Unis face à ces puissances pétrolières . Dans la mesure où le soutien et la protection du dollar exigeront une aide financière de la part d'alliés politiquement sûrs , l'adminis­ tration américaine aura tendance à tout mettre en œuvre pour confé­ rer un rôle majeur , dans les paiements mondiaux , aux devises des pays du Proche-Orient . La stratégie des Etats-Unis sera alors fondée — 39 — sur un objectif — le maintien de la prééminence du dollar —, sur une technique — la mobilisation des réserves détenues par les Etats pétroliers pour soutenir le dollar — et sur un allié privilégié et inconditionnel — l'Arabie saoudite — dont l'importance en fait le pivot économique et monétaire de la stratégie américaine au ProcheOrient . Mais la question du « recyclage » des capitaux pétroliers de­ meure , comme le signale un rapport du G.A.T.T. ( Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ) publié en février 1980 , « le problème le plus urgent à résoudre ». La capacité d'importation des pays pétroliers a diminué et de très nombreux emprunteurs éventuels sont plus lourdement endettés aujourd'hui qu'en 1980 . Pour l'instant , toutefois , les dernières statistiques disponibles , élaborées par la Banque d'Angleterre , révèlent que la structure des investissements à l'étranger des pays exportateurs de pétrole n'aurait pas connu , en 1979 , de modifications substantielles . Le montant global des sommes disponibles aurait subi , d'un;; année à l'autre , une forte hausse sous l'effet de l'augmentation des recettes d'hydro­ carbures : pendant le troisième trimestre , le total des placements aurait atteint 22,5 milliards de dollars , niveau nettemert supérieur aux 10,7 milliards de dollars investis par ces mêmes pays pendant le premier semestre de l'année 1979 . Les données relatives au quatrième trimestre de 1979 indiquent notamment que les nouveaux investissements des pays exportateurs de pétrole aux Etats-Unis ont singulièrement progressé pendant la période de référence , atteignant 7,1 milliards de dollars , ce qui por­ terait à 8,7 milliards de dollars le total des placements de ces pays aux Etats-Unis pendant toute l'année 1979 . Le premier trimestre de 1980 confirme , en l'amplifiant , cette tendance (+ 3,1 milliards de dollars , ce qui , à ce rythme , représen­ terait plus de 12 milliards de dollars en année pleine ). Le tableau reproduit ci-dessous récapitule l'évolution de la structure des placements des excédents pétroliers depuis 1977 . — 40 — PLACEMENTS DES EXCÉDENTS PÉTROLIERS (estimations) ( I ) ( Milliards de dollars E.-U.) ! 1980 197» 1977 197« I I Royaume-Uni Titres 4,1 <"État Bons du Trésor - Dépôts en livres sterling .. Autres - 1» 24 - 04 0.1 0.2 0,2 0,1 04 0.2 0,2 0,4 0,1 » investissements II ' III 2fi IV I (2) 8,9 6,0 0,1 0,2 03 0,2 — 0,6 0,6 0,1 0.4 0,7 08 01 0,1 0,1 0,1 » 0,4 en livres sterling ( 3) » Obligations en devises du gouvernement britanni­ 0,2 que Dépôts en Autres emp.unts devises » — 3,4 » » 2,0 » 1,4 13 » » 8,1 3,5 4.1 0,2 r 7,1 3.1 de­ e. vises % » Etats-Unis 9,2 » » » 14 - 1,6 1,0 2J Obligations et certificats du Trésor Bons du Trésor Dépôts bancaires | Divers ( 3 ) Autres pays Dépôts bancaires Mécanismes téraux — 1,6 - 1,2 - 0,6 0,3 — 0,9 » 0,4 1,0 0,4 0,7 - 0,7 1,1 0,7 3,7 - 0,7 5,3 3,1 04 0,1 0.2 1,0 0,7 19,9 I 1« S,4 { 1,9 11,8 8,3 » - 0,6 9.2 6,1 » 2,5 2,6 2,2 » - 0,1 i - 0,4 04 » 7,5 5,0 1,7 (4) 12,4 8,6 3,7 internationales.. 04 0,1 - 0,2 spéciaux et autres tissements Organisations 4,3 - 03 (3), 1.0 bila -j inves-l Total J34Î I (i) 2,1 04 1,9 W j 1 4,8 22,5 i 19,8 » I Ce tableau ne comprend pas , d' une part , les engagements provenant d'emprunts nets ou d' Investisse­ ments intérieurs directs et , d' autre part , dans les actifs , les variations du crédit au dtrv d' exportations de pétrole . ( 2) Chiffres provisoires . (5) Y compris les avoirs en actions , biens immobiliers , etc. (4) Y compris les prêts octroyés aux pays moins développés . D omtm : Banque d'Angleterre . La Banque d'Angleterre prévoit que le montant des « pétro­ dollars » excédentaires susceptibles d'être affectés à des placements à l 'étranger pourrait représenter 110 à 120 milliards de dollars en 1980, contre 50 à 60 milliards de dollars en 1979 . Cette évaluation — 4 — pour 1980 est légèrement supérieure à celle du G.A.T.T. , qui , elle , n'est que de 100 milliards de dollars . Le renchérissement des prix du pétrole constitue donc une grave menace pour le système monétaire international , dans la mesure où il accorde , aux pays producteurs d'hydrocarbures , une marge de manœuvre considérable , introduisant ainsi des risques d'instabilité majeurs . Mais la revanche des biens réels se traduit également par l'évo­ lution du cours de l'or . B. — L'or . La très forte augmentation du prix de l'or constatée à la fin de l'année 1979 et en janvier 1980 conduit à s'interroger sur le rôle futur du métal précieux dans les paiements internationaux ( ). Le statut actuel de l'or est fixé par la décision prise à Kingston , en janvier 1976 , d'aboutir à une « démonétisation » fondée sur l'abo­ lition du prix officiel et sur l'élimination , dans les statuts du Fonds monétaire international , de toute référence au métal précieux . Mais depuis cette époque , l'évolution du cours de l'or sur le marché a favorisé l'apparition éventuelle de plus-values considérables sur les stocks de métal jaune détenus par les banques centrales . Au même moment , aucune devise , et à plus forte raison , les droits de tirage spéciaux eux-mêmes , n'ont pu s'imposer comme le véritable actif central de réserve . Face à une situation caractérisée par une hausse de l'or , la question d'une « rcmonétisation » du métal précieux mérite d'être évoquée . 1° Une hausse du cours de l'or . Contrastant avec une longue période - h stabilité de 1815 à 1914 , le cours de l'or a subi , au xxc siècle , une augmentation importante . Plusieurs explications de cette évolution peuvent être fournies . Les raisons d'ordre politique méritent d'être citées , car elles demeurent primordiales en cas de risque de guerre ou de crise inter­ nationale . Mais il est possible de mentionner au moins cinq explications d'ordre technique . ( 1 ) 700 dollars l'once après l'entrée des trcupes soviétiques en Afghanistan ; 710 dollars l'once après le début des conflits irako-iraniens ( 22 septembre 1980). — 42 — PRIX DE L'OR ( I979-I98C) — 43 — a) Certains observateurs ont cru pouvoir déceler l'existence d'un certain parallélisme entre l'augmentation du prix de l'or et l'accrois­ sement du prix du pétrole . Ainsi , une once d'or valait environ 17 barils de pétrole en 1934 ; elle se maintenait de 10 à 30 barils jus­ qu'en 1976 ; elle se retrouve aujourd'hui aux environs de 18 barils . Cette corrélation, malgré son caractère arbitraire, incite les opérateurs à anticiper encore une hausse de l'or dans la mesure où les prix des hydrocarbures se trouvent , pour des raisons politiques , orientés à la hausse . b ) Plus fondamentalement , l'augmentation de l'or traduirait la méfiance vis-à-vis du dollar des Etats-Unis . En fait , à l'exception de quelques périodes assez brèves , une étude comparée du cours de l'or et du dollar révèle la réalité des rapports entre ces deux actifs , dont les prix évoluent en raison inversement proportionnelle . ÉVOLUTION DU COURS DE L'OR ET DU DOLLAR DES ETATS-UNIS Les opérateurs chercheraient ainsi à se prémunir contre la dépréciation du dollar en achetant de l'or . Cette demande supplémentaire de métal précieux conduirait à une vive hausse du cours . Il faut rappeler, en effet , que l'offre ne peut répondre aux fluc­ tuations vives du marché . En effet, la production mondiale d'or est demeurée stable, de­ puis 1940 , aux alentours de 1.000 tonnes métriques . — 44 — PRODUCTION D'OR DANS LE MONDE ( En tonnes métriques .) Afrique du Sud . Canada . 1929 1940 1946 ! 323,9 436,9 371,0 ! 60,0 165,9 «8.5 64,0 151.4 49,0 Etats-Unis Papouasie Nouvelle-Guinée » Australie Philippines Rhodésie . ...I » 13,3 51.1 5,1 34,9 ' 1970 1975 1976 1977 197* 371,4 1.000,4 713.4 713,4 699.9 706,4 126,1 74,9 51,4 52,6 53,9 51,8 60.9 54,2 32.7 32,6 34,2 30,0 0,7 19,0 20.2 22,8 23,5 1953 ! » » 25 6 19,3 16,4 15,7 19,4 14,9 18,7 15,6 15,6 17,4 I 18,3 20,0 ! 18,0 17,4 25,7 16,9 15,6 15,f 20,0 20,0 Ghana 6,4 27,6 18,2 22,7 22,0 16,3 16,6 Colombie 4,3 19,7 13,6 13,6 6,3 9,7 3,3 4,7 4,4 3.6 5.3 lapon 9,3 12,6 1,3 7,i Zaïre 4,9 17,4 10.3 11.5 511,9 947,9 598,8 58,6 I 217,1 67,7 Brésil . . i Total Autres pays j Production mondiale (estimations)* 570.5 i I 1.165,0 | ! : | 666,5 J 16,9 14,2 9,3 8,2 8,0 5,4 4,9 5,4 5,4 7,9 4,5 4,3 4,4 4,4 5,6 3,2 2,8 2.5 2,6 680.8 ! 1.230,9 907,6 908,0 905,0 902,5 73,4 36.6 48,8 60,4 63.8 ! 65,1 968,4 ! | 967,6 754,2 1.267,5 956,4 i Non compris l' U.R S.S. . l' Europe de l' Est . la Chine continentale et la Corée du Nord . Source : B. R. t. L'approvisionnement du marché en or neuf est cependant assuré , outre par cette production , par les ventes des pays communistes et par la diminution des encaisses officielles des pays occidentaux . ORIGINE ET UTILISATION DE L'OR ( estimations) ( En tonnes métriques ) 1975 Rubriques 1976 1977 1978 Production 955 970 970 970 Ventes des pays communistes (estimations) 150 350 450 450 35 ( 1 ) 155 ( 1 ) 195 ( 2) 325 1.140 1.475 1.615 1.745 Diminution des encaisses officielles des pays occidentaux (chiffres nets) Total (= absorption taire , estimations) (1 ) (2) non moné­ Non compris la diminution des réserves d'or de l' Afrique du Sud de 160 tonnes en 1976 et de 90 tonnes en 1977 . Non compris 65 tonnes d' or transférées du ministère japonais des Finances à la Banque du lapon , non comptabilisées précédemment dans les réserves mondiales d' or . Sourd : B. R. I. 19,9 33,4 968,8 — 45 — Les ventes des pays communistes sont dictées par la nécessité de se procurer des devises ; l'endettement de certains Etats de l'Est, très élevé , permet d'estimer que le marché de l'or devrait continuer à être alimenté par les pays communistes en vue de financer le service de leurs emprunts contractés en devises ; mais il ne faut pas oublier que , sous l'effet de la forte hausse du cours de l'or, chaque tonne vendue leur rapporte davantage , ce qui est de nature à réduire l'am­ pleur de leur programme de vente ( 1 ). En 1978 , l'or prélevé sur les réserves officielles des pays occi­ dentaux peut être estimé à 325 tonnes — soit le chiffre le plus élevé depuis l'année 1968 ; sur ce dernier total , les ventes eif «îctuées par le Trésor des Etats-Unis ont porté sur 126 tonnes et celles eu Fonds monétaire international ont représenté 104 tonnes . Les résultats obtenus pour 1979 conduisent aux évaluations suivantes : (En tonnes .) Demande Offre 1 . 000 Production dont : ( Afrique du Sud ) Pièces et médailles 300 Thésaurisation 450 ( 710) Industrie 1.100 850 Ventes dont : ( Ventes des Etats-Unis) ( 365 ) ( Ventes du F.M.I.) ( 170) (Ventes des pays communistes) . ( 315 ) Total 1.850 Total 1.850 Face à cette offre limitée , la demande est constituée par les usages industriels de l'or et par la stricte thésaurisation . Mais il faut bien apercevoir que l'utilisation de l'or à des fins industrielles correspond , en fait , activités de bijouterie représentent plus de précieux . Or, dans la trielles de l'or, selon à une véritable thésauriastion , grâce aux ou de frappes de médailles et de monnaies , qui 80 % des utilisations industrielles du métal répartition géographique des utilisations indus­ les banques britanniques , la part des pays du Proche-Orient aurait eu tendance à progresser. c) Une troisième explication de la hausse du cours de l'or est fondée sur l'étude de la croissance des engagements à court terme des Etats-Unis . Selon le Professeur Christian Goux , il est intéressant de ( 1 ) Selon le Crédit suisse, les ventes d'or soviétique atteindraient, en 1980, 115 tonnes. — 46 — remarquer un certain parallélisme entre l'évolution du prix du métal précieux et celle du montant de l'endettement extérieur des EtatsUnis ; les particuliers, les banques privées et les banques centrales ne se contenteraient plus de papier comme garantie de leurs enga­ gements, mais désireraient des actifs physiques facilement négo­ ciables et dont la valeur est indiscutable ; l'or serait alors sans concurrent. Ainsi , à la fin de l'année 1979 , le prix de l'or était de quelque 600 dollars l'once - ce qui représentait 17 fois son ancien prix offi­ ciel de 35 dollars l'once, fixé en 1934 ; or, de 1950 à 1978 , les engagements des Etats-Unis ont plus que proportionnellement aug­ menté . Le tableau reproduit ci-dessous révèle que , fin 1978 , le prix de l'or aurait dû atteindre 920 dollars l'once pour équilibrer la dette extérieure des Etats-Unis . ÉVOLUTION COMPARÉE DU PRIX DE L'OR ET DE LA CROISSANCE DES ENGAGEMENTS A COURT TERME DES ETATS-UNIS ( I) 19.904 1960 O) 509 <J) 59.1 (4) 75.60 1961 » 484 » 35.15 1962 » 459 » 35.07 1963 » 446 » 35,08 1964 » 442 » 35,12 1965 29.130 402 72,5 35,12 1966 30.273 378 80.1 35.19 33.802 345 34.655 311 111.4 1969 42 .034 339 124 35,20 1970 44 945 316 142.2 37.37 1971 67386 292 230,8 43,63 1972 82.227 276 297,9 64,90 1973 91.739 276 332.4 112.25 1967 1968 ( 5) 98 35.20 41.90 1974 117 *» 276 427.1 186 J0 1075 17X069 275 465.7 140.25 1976 157.746 275 573.6 134.75 1977 200.577 277 724.1 164.95 1978 255.028 277 920,7 226 1979 » 263 » 600 21-1-1980 » » » 850 ( 1) B»|| *■ à court terme des Etats-UnU (item de change autres que l'or défalquées). (]) Millions d'onces d'or (31,103 grammes) à Fort-Knox . (S) Prix auquel la valeur du stock d'or est égaie aux engagements. (4) Prix de l'or sur la marché de Londres (5) Lee banquée centrales cessent , depuis la dissolution du pool de l'or, de maintenir le prix du marché au niveau du cours officiel (moyennant une marge de fluctuation étroite) de 35 dollars l'once . — 47 — d ) Une quatrième hypothèse de travail est suggérée par un examen comparé des crédits à l'économie américaine accordés par le « Federal Reserve System » ( F.E.D. ) — la banque centrale des EtatsUnis — et l'évolution du cours de l'or . Il existerait un rapport étroit entre l'augmentation et la contrac­ tion des concours du F.E.D. et la hausse et la baisse du prix du métal précieux. De janvier 1977 à janvier 1980, presque tous les mouve­ ments de croissance des crédits du F.E.D. ont été suivis , après un délai de réaction variable , par un accroissement du cours de l'or . Cette relation serait logarithmique : toute augmentation des concours du F.E.D. entraînerait une progression exponentielle du prix de l'or. Elle traduirait l'influence des anticipations, car les opérateurs auraient tendance, à chaque injection de crédit, à se prémunir toujours plus résolument contre les risques d'inflation . COURS DE L'OR EN DOLLARS. CONCOURS DU FED EN MILLIARDS DE DOLLARS, RENDEMENT DES OBLIGATIONS DU TRÉSOR AMÉRICAIN A LONG TERME e) Mais l'explication techniquement la plus plausible de la forte hausse du prix de l'or est liée au développement des opérations à terme sur le métal précieux. — 48 — En effet , l'institution de marchés à terme sur l'or a contribué à accélérer les mouvements spéculatifs orientés à la hausse du prix du métal précieux . Les transactions à terme sur l'or sont relativement récentes . Avant 1968 , le prix de l'or était fixé à 35 dollars l'once et un marché à terme ne s'imposait donc pas. Même après l'accord de mars 1968 , qui avait institué un double marché (« two tier system »), l'un où le prix de l'or était librement fixé par le jeu de l'offre et de la demande (« marché libre »), l'autre où la valeur de l'or était maintenue à 35 dollars l'once pour les institutions officielles (« marché régle­ menté »), les prix du métal précieux étaient restés relativement stables sur le « marché libre » jusqu'en 1972 . Deux événements ont cependant provoqué l'apparition des mar­ chés à terme . En premier lieu , la forte hausse du prix de l'or constatée en 1972 , année où l'once devait atteindre 70 dollars , a incité , en novembre 1972 , à créer un marché à terme à Winnipeg , au Canada . Par la suite, lorsque l'interdiction de détenir de l'or aux EtatsUnis a été supprimée , le 31 décembre 1974 , cinq marchés ont été institués aux Etats-Unis ; deux d'entre eux , le New York Commodity Exchange Inc. ( C.O.M.E.X. ), à New York , et l'International Monetary Market ( I.M.M. ), à Chicago , dominent les trois autres . Des achats ou des ventes d'or à terme peuvent également être effectués à Londres et à Zurich . Mais , en pratique , seul , un assez faible pourcentage des transactions à terme se traite en Europe , en raison de l'inexistence , sur le Vieux Continent , de marchés organisés . VOLUME CROISSANT DES OPÉRATIONS A TERME SUR L'OR EN AMÉRIQUE DU NORD ( volume quotidien moyen des opérations sur le COMEX [ New Yorkl et sur l I M.M. [ Chicago ], millions d'onces ) — 49 — Or, le développement des marchés à terme aux Etats-Unis permet aux très gros détenteurs de capitaux de s'intéresser à l'or ; ces res­ sources supplémentaires provoquent une répercussion des mouve­ ments de prix enregistrés à terme en Amérique du Nord sur l'évolu­ tion des cours au comptant en Europe. Il est inquiétant de constater, dans ces conditions , que des opérations spéculatives , sur le marché américain , peuvent boule­ verser les conditions de fonctionnement des places européennes où l'or est coté au comptant. Les acheteurs d'or, à New York, misent en effet sur une hausse du cours du métal entre le moment où ils concluent leur contrat et le moment où ils le d 'nouent ; dans ce cas , ils réalisent un béné­ fice égal à la différence entre le prix auquel ils peuvent revendre l'or et le prix auquel ii» l'avaient acheté à terme . Leurs transactions se trouvent d'ailleurs facilitées par la fai­ blesse des dépôts de garantie reouis , qui peuvent ne représenter que le % du montant total des ordres passés . Les opérateurs du marché américain favorisent ainsi direc­ tement la hausse du cours de l'or en amenant progressivement les ob­ servateurs à évoquer la question d'une éventuelle « remonétiiation » du métal précieux . 2° Vers une « remonétisation » de l'or ? Depuis de nombreuses années , l'or a cessé d'être utilisé pour régler les soldes des balances des paiements . Il constitue , en effet , une valeur sûre et la politique suivie par les Etats est favorable à la conservation du métal précieux dans leurs réserves . Plusieurs indices permettent d'estimer que l'or est appelé à devenir, à nouveau , un étalon des valeurs. Les Etats-Unis ont dû , sous la pression des circonstances , révi­ ser le montant et les modalités de leurs ventes mensuelles . Pendant dix-huit mois , le Trésor américain a procédé à des adjudications chaque troisième mardi . Mais , le 16 octobre 1979 , il a décidé de supprimer toute contrainte d'échéance fixe pour vendre du métal précieux . L'objectif était de faire baisser l'or , et le montant des enchères avait varié pour peser sur le cours : 1.500.000 onces jus­ qu'en avril 1979 , 750.000 d'avril à octobre 1979 , 1.250.000 onces à la fin du mois d'octobre 1979 ... Mais le marché , comme l'a démontré la suite des événements , n'a nullement été influencé par cette politique et le cours de l'once d'or a quasiment doublé en quelques mois . Les Etats-Unis se trouvent donc placés devant un Sénat M - T. I. — 4 — 50 — dilemme : ou bien ils continuent de vendre de l'or, sans effet, sur le marché, et ils demeurent en cela fidèles à leur conception relative à la « démonétisation » ; ou bien ils cessent, pour des raisons liées à la nécessité de conserver un stock stratégique incompressible de métal précieux, et ils abandonnent, en fait, leur doctrine sur le système monétaire international. Depuis le mois de novembre 1979, les ventes américaines se trouvent suspendues sine die. Un autre indice de la possible « remonétisation » de l'or est constitué par la question de la comptabilisation des réserves d'or détenues par les banques centrales, qui n'a pas encore été complè­ tement résolue . La réévaluation du stock d'or de la Banque de France au j:r ix du marché, en janvier 1974, a été, depuis, imitée par d'autres insti­ tuts d'émission. En réalité, les 38.000 tonnes d'or détenues par les banques centrales dans leurs réserves représentent une considérable source de plus-value potentielle. PRINCIPALES RÉSERVES D OR DÉTENUES PAR LES ETATS INDUSTRIALISES (En toaM.) EUt-Uni» 8.300 R.F.A 3 XXX) Suisse 2.600 France 2300 Source : F.M.I. Il n'est plus possible, en particulier pour la France, d'ignorer l'utilité de cette contribution de l'or au financement de la balance des paiements. Outre ses avoirs officiels, notre pays détiendrait, en effet, plus de 4.600 tonnes à titre privé, ce qui est un chiffre supé­ rieur à celui de tous les autres pays européens réunis (4500 tonnes), un peu inférieur à celui de l'Asie (5.500 tonnes), voisin de celui de l'Amérique (5.000 tonnes), très supérieur à celui de l'Afrique (3.200 tonnes). Un troisième indice d'une éventuelle « remonétisation » de l'or est lié à l'attitude de certains pays en voie de développement, qui ont préféré, en 1978, acquérir de l'or auprès du F.M.I. au prix de 35 D.T.S. l'once plutôt que de bénéficier immédiatement de la plusvalue en dollars correspondant à la vente de cet or par le F.M.I. Enfin, les ministres des Finances composant le comité intérimaire du F.M.I., réunis à Hambourg, le 25 avril 1980, ont « pris acte de l'achèvement du programme des ventes d'or du Fond monétaire inter­ — 51 — national ». Ainsi, jusqu'à nouvel ordre, le F.M.I. ne mettra plus d'or aux enchères. Le programme établi en 1976 après la Conférence de la Jamaïque portait sur quatre années ; il s'est achevé le 7 mai 1980 avec l'adjudication des dernières 14 tonnes d'or. Au total, le F.M.I. qui détenait 4.650 tonnes d'or en 1976, en a vendu environ 1.450 tonnes . Il est apparu, à l'expérience, qu'il devait conserver cet actif, qui demeure une importante réserve de valeur. C. — Les matières premières. En période de crise monétaire, le recours aux marchés des produits de base est sans doute moins spectaculaire que l'augmen ­ tation des transactions sur l'or. Il n'en révèle cependant pas moins une désaffection vis-à-vis des devises. Les cours des matières premières ont, depuis quelques années, moins progressé que les prix du pétrole et de l'or. Mais des hausses brutales, sur le marché, traduisent parfois non seulement une inadap­ tation conjoncturelle de l'offre à la demande, mais encore la pression d'opérations spéculatives. Les tableaux reproduits ci-dessous ont été élaborés par le Fonds monétaire international. L'indice trimestriel « tous produits » correspond à la moyenne pondérée des cours de 37 produits de base (pétrole et or exclus). Le tableau 1 exprime le prix des matières premières en droits de tirage spéciaux (D.T.S.) ce qui fournit la valeur nominale de ces produits ; le tableau 2 indique l'évolution des cours en valeur réelle, compte tenu des prix des produits manufacturés exportés par les pays déve­ loppés. Il faut noter que, dans les deux cas, les séries statistiques obéissent à une tendance pratiquement identique. — 52 — PRIX DES PRODUITS DE BASE Tableau 1 : Prix de* produit! de bue eu D.T.S. (valeur nominale). (Indices trimestriels , 1972 * 100.) 1 To« Coprah l Neuf Caoof* produits Ldaa ... lé Étala Cuivre eho«s (!) i ben i i ! ! 197J : m 152 163 187 218 200 113 120 169 239 135 213 112 IV 1S8 158 207 227 167 116 140 183 322 13C 242 127 1974 : I 178 147 205 m 182 123 178 197 50 / 117 268 232 II 181 137 164 220 243 / 30 221 233 466 93 197 278 III 173 116 152 177 226 117 215 147 403 95 220 369 IV 178 93 127 149 226 115 177 115 326 81 244 566 385 1975 : I 155 92 114 149 197 109 176 104 202 CS 194 Il 137 101 129 140 149 106 163 103 154 78 166 216 III 145 98 138 157 165 145 163 106 152 83 206 208 IV 143 111 144 160 182 155 155 101 134 92 199 lus I 152 128 169 195 205 184 163 109 133 100 200 175 Il 171 139 188 229 262 258 188 134 147 110 196 175 III 178 14« 223 223 317 280 207 137 210 99 175 132 IV 183 164 221 231 414 343 205 113 237 92 145 98 I 217 161 215 232 550 496 252 127 282 102 146 108 II 224 150 206 220 564 549 242 120 320 95 129 112 III 191 147 163 227 589 395 273 105 2"?0 88 130 92 IV 184 146 149 235 493 J49 307 104 231 93 144 91 1976 : 1977 : 1978 : I 182 136 163 231 424 329 283 104 252 113 150 99 II 182 144 172 245 440 291 277 108 266 129 161 87 III 176 150 172 268 457 251 301 112 2S8 120 158 83 IV 184 148 181 284 512 247 331 117 337 138 164 93 91 1979 : I 187 159 177 284 461 224 326 145 405 166 168 II 203 171 176 334 445 271 354 156 434 172 183 I» 209 172 178 330 416 331 342 153 398 149 206 101 IV 214 178 183 330 391 335 361 162 357 160 214 145 26 27 35 66 : 90 Pourcentage de variation, novembre 1979 par rapport à la moyenne de 1978. I 18 | I 24 ! 8 ! 29 —6 | 19 | I i 22 48 | — 53 — Tableau 2 : Prix eu valeur réelle (3). cm- Tom LaÉM Came Cd EUFCI Calm Coprah Baut ahoae M ( i) 1973 : IV 138 148 169 198 182 103 109 154 217 123 194 102 III 143 142 187 205 151 103 126 165 291 117 219 114 1974 : I 1 55 128 178 255 158 108 134 171 435 101 233 201 II 142 108 129 173 191 102 174 183 366 73 133 218 III 132 88 116 135 172 89 163 112 307 72 167 281 IV 127 67 91 107 162 83 127 83 233 58 173 405 1975 : 108 64 79 10« 137 76 122 72 140 47 133 267 II 9S 70 89 97 103 73 113 71 107 54 115 150 III 101 69 96 110 116 102 114 74 106 58 144 146 IV 99 78 100 111 127 108 108 94 64 139 117 I 10< 87 115 133 141 126 111 74 91 M 136 120 II 114 92 125 153 174 171 125 89 98 7J 130 117 I 70 1976 : III 116 96 145 145 206 182 134 89 136 63 114 86 IV 116 103 139 146 261 216 129 71 130 58 92 62 l 135 101 134 145 344 310 157 79 176 64 91 68 Il 138 93 127 136 349 340 150 74 198 59 80 69 III 116 89 98 137 356 239 165 63 133 53 78 56 IV 110 87 89 140 294 208 183 62 138 55 86 54 I 107 79 95 135 248 193 166 61 148 66 88 58 II 104 82 99 141 252 167 159 62 152 74 93 50 III 99 84 97 151 258 141 169 63 162 68 (9 47 IV 102 82 100 158 285 137 184 65 187 77 91 52 1977 : 1978 : 1979 : I 101 86 96 154 251 121 177 78 220 90 91 49 II 103 92 93 179 239 146 190 84 233 92 99 48 III 110 90 94 174 219 174 180 80 209 78 109 53 IV 110 92 94 170 202 173 186 84 184 82 110 75 33 14 I5 22 50 Pourcentage de variation, novembre 1979 par rapport à la moyenne de 1978. 7 12 -3 i NOM : 16 — 23 I 8 i 10 Le» chiffra» 1« ptua élevé» sont en Italique et tca plus ba «cal ai ira. ( I) Moyenne pondérée» des prix de» produits de bue. pétiole et or exclu» La composition de» produit! et le* cocffcknU de poudéiatloa tant Indiquée m tableau ]. (2) Sur la bue des données d'octobre et de novembre . (3) Indice dea prix courante flrinu au tableau 1 dlvtaé par l'Indice de» Nation* unie» des prix des produit» manufacturé» exportée par HA P«J» iMwkwlhi Dému» : DtvMou de» produit!, F.M.I. . Département dm «ad»». - 54 — Les prix de plus de la moitié des produits de base figurant aux deux tableaux ont atteint leur niveau le plus élevé au premier semestre de 1974 , peu après le sommet du cycle économique dans les pays industrialisés ; ils ont été au plus bas au premier semestre de 1975 , au moment de la récession . L'évolution des cours de certaines ma­ tières premières a cependant été différente sous l'effet de phénomènes d'ordre conjoncturel qui ont affecté l'offre : la très forte augmentation des prix du café , en juillet 1977 , a notamment résulté des dégâts que les gelées avaient causés aux plantations brésiliennes . Mais l'expérience du début de l'année 1980 révèle que les mar­ chés commerciaux réagissent également aux événements monétaires . Avant l'accélération de la hausse des taux d'intérêt, les cours de certains produits ont atteint des niveaux importants . En une seule année , de 1979 à 1980 , le zinc et le plomb ont gagné respectivement quelque 15 % et 20 % . De même , la tonne de cuivre (barres à fil), à Londres , est passée de 784 à 1.345 livres sterling. Les exemples du platine et de l'argent-métal sont encore plus significatifs . Au début de 1979 , l'once de platine, à New York , valait 355 dollars ; au début de mars 1980, elle coûtait 1.025 dollars . L'argent-métal , sur la même place, passait, de janvier 1979 à mars 1980, de 6 à 36,45 dollars l'once . Ces évolutions traduisent parfaitement une désaffection pour les monnaies . La très forte hausse du prix des produits de base , constatée notamment de la mi-décembre 1979 à la mi-février 1980 ne peut ainsi , en aucune façon , être le résultat d'une amélioration de la situation économique , puisque celle-ci a continué à se dégrader dans les pays industrialisés . Elle a été due purement et simplement à un mouvement généralisé de défiance envers les devises et à la crainte d'une recrudescence de l'inflation . Les anticipations ont été atténuées par le resserrement de la politique monétaire aux Etats-Unis . En effet , seule une très forte hausse des taux d'intérêt , à partir de mars 1980 , en améliorant les rémunérations servies sur les devises , et sur­ tout , en annonçant l'imminence d'une probable récession , a incité les opérateurs à se porter sur les actifs financiers . Il n'était plus oppor­ tun , selon eux , de courir des risques sur les marchés > terme de matières premières au moment où des placements très liquides en dollars offraient une rentabilité accrue . Entre le 15 février 1980 et le 28 mars 1980, le taux de base aux Etats-Unis — c'est-à-dire le taux que les banques commerciales consentent à leurs meilleurs clients — a progressé de 28 % , le cours PRIX DES PRODUITS DE BASE, TAUX D'INTÉRÊT AUX ÉTATS-UNIS ET TAUX DE CHANGE DU DOLLAR 55 — ;,h — du deutschemark a diminué de 1 1 % par rapport au dollar américain et le prix du cuivre, par exemple, a fléchi d'un tiers . Encore faut-il , cependant, que la hausse des taux d'intérêt exerce une action décisive sur le cours des devises . En 1974, le coût de l'argent avait atteint un niveau très élevé aux Etats-Unis et les prix du cuivre et du zinc avaient pourtant été orientés à la hausse pendant tout le premier semestre de cette année ; mais les effets de l'accroissement n'avaient pas été immédiatement perceptibles . Le graphique ci-dessus suggère parfaitement que les cours des matières premières peuvent varier en raison inversement proportion­ nelle aux taux d'intérêt et au cours du dollar, ce qui traduit, en défi­ nitive , le caractère spéculatif des arbitrages des opérateurs , fayota' '.es aux biens réels quand les devises donnent des signes de faiblesse. Les autorités monétaires se trouvent donc obligées d'utiliser au mieux leurs possibilités d'influer sur les taux d'intérêt pour limiter les perspectives de gain sur les produits réels . Mais cette action sur le coût de l'argent ne sert pas les inté­ rêts de tous les Etats en présence : l'attitude des Etats-Unis contrarie les perspectives économiques de leurs partenaires . II . — LES ÉTATS-UNIS : UNE EXPLOITATION PRAGMATIQUE DU DÉSORDRE MONÉTAIRE INTERNATIONAL Les Etats-Unis dominent , depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale , les relations monétaires internationales : l'évolution du cours du dollar affecte directement les économies de leurs parte­ naires . La puissance américaine a toujours manifesté une réelle capa­ cité d'adaptation aux événements les plus inattendus . L'objectif constant de . autorités a été de reporter, sur les autres Etats , la charge , et donc les contraintes , du rétablissement des grands équilibres . Les politiques suivies à cet effet ont pu varier, mais les résultats obtenus demeurent caractérisés par une indéniable propension à diriger le cours du dollar au mieux des intérêts de l'économie américaine . A. — L'objectif des Etats-Unis : reporter sur leurs partenaires le rétablissement de leurs grands équilibres. Les Etats-Unis se trouvent confrontés , depuis plusieurs années , à deux difficultés majeures . Le premier souci des autorités est de rétablir l'équilibre com­ mercial . La seconde préoccupation est de limiter la hausse des prix internes . Les autorités américaines estiment donc que leurs partenaires doivent contribuer à l'amélioration de leurs comptes extérieurs et à la diminution de leur taux d'inflation . 1° Priorité au rétablissement de l'équilibre commercial des Etats-Unis: l'influence limitée des variations de parité sur les comptes extérieurs. Depuis le début de la décennie 1960-1970, la compétitivité de l'économie américaine a progressivement diminué sous l'influence de la vigueur des concurrences européenne et japonaise. Les parte­ — 58 — naires des Etats-Unis , après avoir reconstruit leurs économies , se dotaient en effet d'une forte capacité de production et d'un potentiel technologique de haut niveau . Le cours du dollar était donc mani­ festement surévalué : pourtant , pendant de nombreuses années , les autorités américaines ont manifesté un refus systématique, pour des raisons de prestige, de procéder à un changement de parité . La balance commerciale des Etats-Unis , traditionnellement excédentaire depuis 1935 , est alors devenue , pour la première fois , déficitaire en 1971 . Le caractère irréaliste du rapport de change entre le dollar et les autres devises est alors apparu à tous les observateurs . Des d>':isions urgentes s'imposaient : elles furent pratiquement imposées au reste du monde , unilatéralement , par le Président Nixon , le 15 août 1971 . Une surtaxe de 15 % était notamment instituée sur les impor­ tations aux Etats-Unis ; elle était destinée à durer tant que les autres pays ne consentiraient pas à une réforme du système monétaire international fondée sur les conceptions américaines . I ) s'agissait , en fait , d'obtenir , par la définition d'une nouvelle « grille » de parités monétaires , un retour à l'équilibre de la balance commerciale des Etats-Unis ; tel fut bien le sens de l'accord du « Smithsonian Institute », du 18 décembre 1971 . Ces événements assez lointains méritent cepenJunt d'être rap­ pelés , car ils marquent le début d'une longue période où les autorités monétaires américaines ont tenté de rétablir l'équilibre de leur balance commerciale en « laissant glisser » le cours du dollar. Les résultats obtenus ont été , en définitive, assez modestes, comme le prouvent les expérience des trois dépréciations importantes subies, depuis cette époque, par le dollar : — la première dépréciation a eu lieu du troisième trimestre de 1971 au deuxième trimestre de 1972 (— 6,5 % ) ; — la deuxième, du quatrième trimestre de 1972 au troisième trimestre de 1973 (— 9 % ) ; — la dernière, du troisième trimestre de 1977 au quatrième trimestre de 1978 (— 9 % également). Les taux de dépréciation ont été mesurés sur la base des calculs de la Morgan Guaranty Trust Company . La première dépréciation de 1971-1972 n'a provoqué aucune amélioration à court terme de la balance commerciale . La deuxième, en 1972-1973 , a eu une forte incidence positive , qui peut avoir été renforcée par les effets différés de la dépréciation de 1971-1972 . — 59 — La dernière dépréciation , d'une ampleur analogue aux précé­ dentes, ne semble pas avoir produit immédiatement des effets favo­ rables sur les échanges commerciaux . Mais au cours de l'année 1978 , une amélioration progressive des résultats du commerce extérieur a pu être constatée : du quatrième trimestre de 1977 au quatrième trimestre de 1978 , le taux annuel du déficit commercial a été ramené de 37 milliards à environ 25 mil­ liards de dollars ; pendant la même période de référence , les expor­ tations de biens ont augmenté de près de 20 % en volume, alors qu'elles n'avaient guère varié l'année précédente . De nombreux expor­ tateurs semblent cependant avoir tiré parti de la dépréciation de la monnaie américaine pour relever leurs prix en dollars et pour accroître ainsi leurs maiges bénéficiaires . Bien que ses effets puissent se trouver partiellement érodés par l'accélération de l'inflation , la dépréciation du dollar observée en 1978 devrait encore contribuer à soutenir les ventes de marchandises . ÉVOLUTION DU SOLDE COMMERCIAL DES ETATS-UNIS ( En milliards de dollar* 1973 1973 1974 19M 1976 1977 1978 des EtaU-Unli .) 1979 j i960 |(prtrtrions) — 6.4 + 0,9 — 5,4 + 9,1 - 9.3 — Î0,9 - 34,2 — 30,1 - 25,8 Malgré le caractère plutôt encourageant de l'évolution constatée en fin de période , les résultats obtenus ne doivent pas faire illusion , car les variations de parité du dollar n'ont pas permis d'obtenir, à l'exception des années 1973 et 1975 , un retour à l'équilibre commer­ cial . Le déficit est même passé d'une dizaine de milliards de dollars en 1976 à plus de trente milliards de dollars en 1977 , 1978 et 1979 . Mais le rappel de ces expériences de dépréciation du dollar incite à formuler deux réflexions et à proposer une explication de cette insensibilité du solde commercial aux modifications du cours du dollar . Les autorités des Etats-Unis ont d'autant plus été incitées à « laisser glisser » le cours de leur monnaie que , traditionnellement, leur commerce extérieur ne représente qu'une faible part de leur activité économique . La situation évolue cependant assez rapidement , car l'importance des marchés mondiaux ne cesse de croître pour l'économie américaine ; plus que jamais, les Etats-Unis sont tribu­ taires de leurs ventes pour maintenir la demande globale à un niveau — 60 — élevé. La part de leurs exportations dans leur produit national brut a augmenté régulièrement, passant de près de 6 % en 1968 à plus de 8 % en 1979 ; de même, leurs importations ont représenté plus de 7 % de leur P.N.B. en 1979, contre seulement 4 % en 1964 . Toute solution exclusivement fondée sur la baisse du dollar comporte donc des inconvénients de plus en plus évidents, notam­ ment liés à la généralisation croissante , sur les prix internes, des dépréciations du change. Cette réflexion suggère que la hausse des taux d'intérêt, aux Etats-Unis , afin de permettre l'appréciation du dollar, correspond à un changement de politique. De plus, l'impossibilité de parvenir à rétablir l'équilibre com­ mercial par les variations de parité a conduit l'administration des Etats-Unis à rechercher une substantielle amélioration de leurs échanges « d'invisibles Ainsi , alors que jusqu'en 1971 , l'excédent des Etats-Unis au titre des invisibles était généralement inférieur à 1 milliard de dollars, depuis , le solde positif a considérablement augmenté, atteignant en moyenne annuelle, pour la période 19711978 , le chiffre de 8,3 milliards de dollars . Cette performance est la conséquence de revenus de plus en plus importants provenant des investissements directs à l'étranger. Grâce à cette contribution des « invisibl s la balance des paiements courants (biens, services et transferts) a pu être équilibrée de 1973 à 1976 inclus , avant d'enregistrer toutefois une détérioration à partir de 1977, en raison de l'importance du déficit commercial. Malgré cet effort accompli au titre des « invisibles », il semblait donc évident, en 1978 , que la baisse du change ne permettrait pas de rétablir l'équilibre du compte courant. Ce phénomène peut d'ailleurs être expliqué par trois raisons essentielles. L'extrême rigidité, par rapport aux vacations du change, de la majorité des exportations américaines, doit être mentionnée : à concurrence de plus de 60 % , les ventes des Etats-Unis sont prati­ quement inélastiques par rapport aux prix. Il s'agit des exportations de produits agricoles (20 % ); du commerce avec le Canada (23 % ); des ventes aux pays en voie de développement non producteurs de pétrole (23 % ). Dans ces trois cas, les variations du change se trouvent soient annulées par des modifications de même ampleur du cours des devises dans les pays acheteurs , soit neutralisées, comme aux frontières du Marché commun agricole, par des prélèvements destinés à protéger la production intérieure. Le reste des exportations (soit moins de 40 % des ventes) recou­ vre surtout des produits industriels finis et particulièrement, des biens - 61 - d'équipement très perfectionnés, secteur où la part des Etats-Unis dans le commerce mondial, qui était de 16 % en 1970, est passée à 20 % en 1974 avant de revenir à 18,3 % en 1976. Au cours de la même période, en revanche, la part du Japon a augmenté de 11 à 15 % et celle de la République fédérale d'Allemagne demeurait stable à quelque 19 % . La structure qualitative des exportations américaines explique donc une certaine inertie des échanges. Une seule raison est suggérée par l'examen des variations trimes­ trielles du cours du dollar. Les dépréciations du dollar ont été le résultat de mouvements très prononcés, mais d'assez longues périodes de rémission ont suivi de profonds accès de faiblesse : depuis mars 1973 , la valeur de la monnaie américaine a sans doute oscillé à l'intérieur d'une « fourchette » allant de 3,85 FF à plus de 5 FF, et de 2,81 DM à moins de 1,70 DM, cette dernière statistique four­ nissant le taux directeur des relations monétaires internationales ; mais le dollar n'a perdu, en termes pondérés, de décembre 1971 à l'été de 1977, que 4 % . A certaines époques, le cours du dollar a même pu être surévalué sous l'effet de facteurs purement financiers : rapatriements de béné­ fices provenant d'investissements à l'étranger, interventions des ban­ ques centrales, etc. La dépréciation du dollar n'a donc été ni générale, ni absolue pendant toute la période sous revue. Enfin, de nombreux experts américains estiment que l'absence de réaction positive des exportations aux variations des taux de change tient au fait que les gouvernements étrangers s'efforcent de protéger leurs propres marchés contre la concurrence extérieure, et partant, de compenser, le cas échéant, les avantages procurés par une baisse des taux de change en prenant des mesures appropriées , ainsi que de favoriser l'activité de leurs entreprises exportatrices par toute une série d'interventions officielles de nature à corriger les inconvé­ nients consécutifs à une hausse de leurs monnaies. Les obstacles non tarifaires au commerce et les subventions aboutissent ainsi à s'opposer aux tendances nationales des marchés . Désormais, à partir de 1978 , les avantages — faibles — résultant de la dépréciation ne compensaient plus les inconvénients liés au renchérissement du coût des importations. L'administration Carter qui, au début de la chute du dollar, donnait l'impression de vouloir rétablir l'équilibre de la balance des paiements courants par la baisse du change, a alors changé d'attitude. L'objectif de la lutte contre la hausse des prix devenait prépon­ dérant. — 62 — 2° Priorité à la lutte contre la hausse des prix : la recherche de l'appréciation du dollar par la hausse des taux d'intérêt. La hausse du coût de l'argent aux Etats-Unis, qui a débuté avec l'augmentation du taux de l'escompte, en novembre 1978 , a initia­ lement eu pour fondement le souci de lutter contre l'inflation interne ; par la suite , l'appréciation du cours du dollar a été encouragée oar des perspectives de rémunération en accroissement constant . La hausse des taux a été d'une très grande ampleur, comme le révèle le graphique reproduit ci-après . Elle a eu pour objet de minorer le coût des produits importés aux Etats-Unis ; ses consé­ quences pour les partenaires commerciaux ont été extrêmement préjudiciables , car elle a renforcé les effets dépressifs , sur l'activité productive, de « flottement » des cours . Évolution MI taux à court terme (eurodollar) à moyen et à long terme. ( Source : B.N.F. ). 6—3 — 64 — Depuis 1973 , les économies occidentales subissent ainsi une grave crise des investissements, due en grande partie aux aspects internationaux ?es mesures prises par les Etats-Unis soit pour trans­ férer à d'autres/Etats la charge du rétablissement de leur équilibre commercial (le « flottement gincite à différer les projets d'équipe­ ment dans la mesure où il accroît les incertitudes affectant leur rentabilité), soit pour réduire la hausse des prix internes ( l'augmen­ tation du coût de l'argent sur la place de New York se généralise et, par contagion, renchérit le prix du crédit). B. — Les politiques suivies : La diversité dans l 'empirisme. A l'exception de la question du statut de l'o/, les Etats-Unis ont toujours manifesté un refus réaliste des conceptions doctri­ nales . Deux exemples permettent d'apprécier, à ce sujet, leur capacité d'adaptation fondée sur un empirisme efficace. - < 1° Fixité,f puis flottement du cours des monnaies. En juillet 1944, au moment de la Conférence de BrettonWoods, les représentants des Etats-Unis ont imposé, face aux Bri­ tanniques , le principe de la fixité du cours des monnaies ; ils sou­ haitaient, à vrai dire, l'établissement d'un système aussi proche que possible de l'étalonor, car ils disposaient, en 1944, d'un stock consi­ dérable de métal précieux, et leur propre expérience les amenait à estimer que la fixité des cours était la condition préalable à l'orga­ nisation des échanges mondiaux. Les événements monétaires ont cependant conduit les EtatsUnis à abandonner la fixité des cours . Le « flottement » généralisé des monnaies, à partir de 1973 , a permis aux autorités américaines de pratiquer une politique de « douce inscuciance » (begnign neglect ») afin de favoriser le rétablissement de leur balance com­ merciale en faisant supporter à leurs partenaires un véritable « dum­ ping de change ». Selon les Etats-Unis, il convenait d'introduire plus de souplesse dans les relations monétaires internationales pour que des variations de parité de plus grande ampleur puissent exercer un effet correcteur. 2° Abstention, puis intervention sur les marchés des changes. Les Etats-Unis ont longtemps exprimé leur réticence face à toute action de soutien important du dollar. — 65 — Dans le cadre du régime de Bretton-Woods, les autorités amé­ ricaines , dont la monnaie jouait le rôle d'instrument de réserve, étaient dispensées d'intervenir sur le marché des changes puisque, en contrôlant les fluctuations du cours de leur devise contre dollar, les autres banques centrales limitaient du même coup les variations du cours du dollar en toutes les autres devises. En revanche, il incombait aux Etats-Unis d'assurer la liaison de l'ensemble du système avec l'or, en maintenant la convertibilité de leur monnaie en métal pré­ cieux. La fixité des cours n'était donc rendue possible, sans Tinter* vention des Etats-Unis sur le marché, que par la convertibilité du dollar en or. Le Trésor américain n'a d'ailleurs plus acheté de dollars de 1930 à 1961 . A partir du moment où cette convertibilité a été supprimée, d'abord de facto, puis de jure le 15 août 1971 , les Etats-Unis auraient dû participer au maintien de la fixité du cours du dollar. Certes , aux pires moments de la spéculation, ils sont intervenus, mais toujours de façon exceptionnelle et très limitée. Par la suite, les Accords de Rambouillet, en novembre 1975, ont décidé d'établir un partage plus équitable des responsabilités entre les banques centrales européennes et le Système fédéral de réserve ; de même, à la Conférence de Kingston, en janvier 1976, avait-on précisé que « les banques centrales coopéraient pour contrecarrer le désordre des marchés ou les fluctuations erratiques des taux de change » ; mais de telles formules demeuraient empreintes d'incer­ titudes . La réticence des Etats-Unis à procéder à des achats de soutien s'explique parfaitement dans la mesure où des interventions régu­ lières les obligeraient à détenir les monnaies d'autres pays ; leur si­ tuation deviendrait ainsi moins privilégiée. Pourtant, à plusieurs reprises « l'administration Carter » n'a pas exclu, récemment, des interventions considérables sur les marchés des changes : — le 21 décembre 1977, le Président Carter, à la. suite d'une déclaration de politique générale sur la situation du commerce et des paiements des Etats-Unis, précisait qu'il avait l'intention « d'inter­ venir autant qu'il le faut pour rétablir l'ordre sur les marchés des changes » ; le 4 janvier 1978 , un accord était signé entre le Trésor des Etats-Unis et la Deutsche Bundesbank, mettant à la disposition des autorités américaines une ligne de crédits pour intervenir sur le marché du dollar ; — le 1er novembre 1978, le Président Carter déclarait que la baisse du dollar n'était pas justifiée par la situation économique fon­ damentale et qu'elle compromettait le succès du programme antiinflationniste ; de nouveaux accords de crédit étaient conclus pour un montant de 30 milliards de dollars aux fins d'éventuelles inter­ ventions coordonnées sur les marchés des changes. Senat M - T. I. — S — 66 — Des préoccupations d'ordre interne — la lutte contre la hausse des prix — ont donc obligé les Etats-Unis à sortir de leur relative indifférence . C. — Les résultats obtenus : le dollar contrôlé au profit des intérêts de l'économie américaine. La baisse du cours du dollar a certainement des causes intrin­ sèques : déficit budgétaire, solde commercial négatif, inflation, etc. Mais tout se passe comme si les autorités américaines, pour uti­ liser la formule du Professeur Bourguinat, pratiquaient la « straté­ gie du dérapage contrôlé ». Cette attitude est fondée sur l'ampleur brutale des variations du dollar. En changes flottants, il est inévitable qu'une monnaie attaquée soit portée bien au-delà du taux qui serait justifié par de* éléments plus objectifs, tels que les prix relatifs ou les rythmes de croissance comparés de la masse monétaire. Le retournement de la tendance ne se produit que si, d'abord, de très profonds écarts ont été creusés par les opérateurs. Il en résulte une évolution saccadée des cours, marquée par des baisses, puis des hausses soudaines. Les Etats-Unis s'accommodent parfaitement de ces reculs du change ; une amélioration de la compétitivité des entreprises en est la conséquence, dans la mesure toutefois où les exportateurs améri­ cains acceptent de répercuter les baisses sur les prix exprimés en monnaies étrangères. Il serait erroné d'estimer que les autorités déclenchent ou favo­ risent de tels mouvements ; mais elles savent bien les utiliser, en cherchant toutefois à permettre au dollar de trouver, à chaque fois, de nouveaux paliers de résistance. Cette méthode présente des dangers évidents pour le système monétaire international. Elle impose d'abord aux partenaires commerciaux des EtatsUnis de supporter une appréciation, parfois excessive, du cours de leur monnaie. Cette situation est d'autant plus ressentie que le dollar, lorsqu'il se déprécie, est suivi par de nombreuses autres monnaies sa­ tellites. De plus, elle implique, de la part des autorités américaines, une bonne maîtrise de l'offre du dollar, qui est singulièrement difficile compte tenu de l'importance des avoirs en dollars détenus hors des Etats-Unis. Enfin, elle soumet les autres Etats à une extrême dépendance vis-à-vis des événements. - 67 — TAUX DE CHANGE DES PRINCIPALES MONNAIES VIS-À-VIS DU DOLLAR Écarts en pourcentage par rapport aux parités en dollar» d'octobre 1967 chiffres fia de mot» • — 68 — III . — LES PARTENAIRES DES ÉTATS-UNIS : UNE EXTRÊME DÉPENDANCE VIS-À-VIS DES ÉVÉNEMENTS Pendant de nombreuses années, les partenaires des Etats-Unis ont espéré que les variations de parité pourraient provoquer un retour à l'équilibre de leur balance commerciale. Sous réserve de quelques exceptions (R.F.A., Japon), chaque pays entendait d'ailleurs recourir à la dévaluation, puis à la déprécia­ tion, pour obtenir la résorption de son déficit. Ce raisonnement était parfaitement justifié par les enseignements de la théorie : une dévaluation, en majorant le prix en valeur natio­ nale des importations, et en diminuant le prix en valeur nationale des exportations, devait inéluctablement conduire à un rétablissement de l'équilibre. Mais ce schéma devait être démenti . Les autorités ont alors manifesté une certaine « désillusion » vis-à-vis du cours du change, en reportant leurs espoirs sur l'institu­ tion de « pôles monétaires » capables d'assurer la stabilité des cours. A. — La désillusion monétaire : l'expérience des faits contre les enseignements de la théorie économique. L'expérience a révélé que la dépréciation de la monnaie n'em­ pêchait pas le maintien d'un déficit commercial ; de même, elle a prouvé que l'appréciation pouvait coexister avec un excédent, mais, dans ce cas précis, des Et?ts traditionnellement créditeurs semblent, depuis peu, subir les effets d'une vulnérabilité nouvelle. La France peut retirer des enseignements utiles de ces évolu­ tions. Sa situation assez particulière, caractérisée par une relative fermeté de sa monnaie, lui confère en effet un rôle spécifique. 1° Dépréciation de la monnaie et déficit commercial. Le Royaume-Uni et l'Italie ont longtemps été confrontés à une dépréciation continue du cours de leur monnaie et un déficit important de leurs échanges commerciaux. — 69 — Une telle situation était inattendue dans la mesure où la baisse du change devait logiquement stimuler les exportations et limiter les importations . Trois raisons pouvaient être données de cette évolution . Première raison : Le « flottement » du cours de la livre sterling et de la lire prolongeait la durée des « effets pervers » de la dépré­ dation. il est admis qu'une dépréciation de la monnaie, ne provoque pas, immédiatement, un accroissement des exportations et une diminution des importations . Deux phases doivent être distinguées . Initialement, la balance commerciale se dégrade par suite de la détérioration des termes de l'échange : les prix des importations augmentent instantanément, alors que la demande étrangère de pro­ duits nationaux exportés ne réagit pas encore à la baisse de leur prix. Les importations coûtent donc plus cher au moment où le /;• volume des ventes ne progresse pas dans une proportion suffisante V'* peut compenser et, à plus forte raison, pour excéder le montant des -i. - recettes perdues à la suite de la diminution du coût des marchan~ dises . Après qî£Îques trimestres, la dévaluation produit normalement les effets attendus . Ce phénomène est connu sous le nom de « courbe en f ». Mais le flottement du cours des monnaies a conduit à des mou­ vements cumulatifs de baisse , sans que les signes précurseurs de l'amélioration normalement prévue à terme puissent apparaître. En effet, en régime de parités fixes , si le choix du taux de dévaluation est réaliste , compte tenu des perspectives de l'évolution des prix internes , l'économie ne supporte que pendant un délai rela­ tivement bref les « effets pervers » de la modification de la valeur externe de la monnaie. Mais quand la baisse de la monnaie se réalise de façon pro­ gressive aucun opérateur ne connaît le niveau du futur palier de résistance ; le marché n'enregistre d'abord que la dépréciation du cours , puis la dégradation de la balance commerciale, ce qui accroît le pessimisme des anticipations , et ce qui exerce encore un effet dépressif sur les cours . La « baisse appelle la baisse » et ne permet pas , alors, de sortir de la partie perverse Je la « courbe en I ». L'exemple de la livre sterling, pendant l'année 1976, illustre parfaitement ce type d'évolution . Après être passée au-dessous de — 70 — 2 dollars au début de mars, la livre a baissé jusqu'à 1,55 dollar à la fin d'octobre, et il a fallu que les autorités britanniques décident de recourir à l'aide du Fonds monétaire international pour renverser la tendance. Deuxième raison : La r Action des détenteurs d'actifs financiers conduit à différer l'apparition du taux de change permettant d'équi­ librer la balance commerciale. Les théoriciens du flottement des monnaies estiment que de faibles variations de cours permettent de rétablir l'équilibre de la balance commerciale , grâce au caractère nécessairement stabilisant de la spéculation. En réalité, les ordres d'achat et de vente des monnaies ne corres­ pondent évidemment pas seulement à des transactions commerciales ; ils traduisent également le souci des trésoriers d'entreprises de re­ chercher une composite t optimale de leur portefeuille en termes de rendement et de risque. ' Or, l'expérience prouve que les opérations dont le délai de réac­ tion h une modification de fours est le plus rapide sont celles qui portent précisément sur de tels actifs financiers . Ainsi , bien avant que la baisse d'une devise ait pu stimuler les exportations et freiner les importations , les détenteurs d'avoirs en cette monnaie les convertissent en une autre, ce qui provoque un mouvement cumulatif de baisse. Ce comportement est d'autant plus efficace que le phénomène peut se déclencher simplement parce que les anticipations se sont modifiées : dans ce domaine, il est impos­ sible de savoir si la spéculation est stabilisante ou non ; une tendance à la baisse est parfois amplifiée sous un « effet de Panurge » (« band wagon effet ») ; elle peut aussi être enrayée par suite d'une « réac­ tion technique ». En tout état de cause, les modifications de la structure des porte­ feuilles des opérateurs internationaux influencent aussitôt les changes , ce qui réagit sur les transactions courantes, le cas échéant dans un sens déséquilibrant. La spéculation à la baisse «Viné monnaie ren­ chérit les importions du pays , puis elle fjd à renforcer l'inflation Interne, enfin elle détériore la balance commerciale et elle accentue la baisse. Il existe donc une très grande différence de réaction aux varia­ tions de cours entre las détenteurs d'actifs financiers et les opérateurs commerciaux. L'attitude des premiers , qui est la plus prompte, con­ trarie le rétablissement de l'équilibre des comptes en provoquant gé­ néralement l'entrée dans un « cercle vicieux ». Au Royaume-Uni et en Italie, de 1973 à 1976, la chute de la livre et de la lire a constamment excédé ce qui était nécessaire pour com­ penser l'inégalité des taux d'inflation . Elle a, au surplus, puissamment — 71 — contribué à la hausse des prix internes : la dépréciation majorait le coût des produits importés ; cette hausse était répercutée après un court délai sur les prix des biens domestiques techniquement liés aux achats à l'étranger ; la prime originelle donnée à l'exportation disparaissait et l'inflation diminuait le surcoût des importations ; la recherche de l'équilibre commercial exigeait de nouvelles déprécia­ tions qui , à leur tour, relançaient l'inflation, etc. Mais il est intéressant de constater qu'une telle évolution est en partie initialement due aux détenteurs d'actifs financiers : les trésoriers d'entreprises multinationales peuvent ainsi , par souci de rendement, contribuer à empêcher le retour à l'équilibre de la balance commerciale. Troisième raison : Les variations des coûts relatifs peuvent annuler l'influence des modifications du cours du change. L'activité réelle d'une économie ne réagit aux variations des taux que dans la mesure où les effets des modifications du change ne se trouvent pas neutralisés par l'évolution des salaires et des prix. Or, au Royaume-Uni et en Italie, les variations nominales du change ont été plus que compensées par l'écart entre les taux d'in­ flation et, par conséquent, la tendance au retour à l'équilibre a pu se trouver contrariée . Ces mouvements neutralisants des salaires et des prix sont d'ail­ leurs amples dans ces deux pays à économie ouverte sur l'extérieur, où les prix des importations sont l'une des composantes du coût de la vie. Quand les hausses de salaires sont quasiment indexées sur les variations de l'indice des prix à la consommation , les modifications du rapport entre les coûts intérieurs et les coûts extérieurs seront beau­ coup moins profondes que celles du taux de change. Dans ces conditions, jusqu'à une date récente, il semblait que le Royaume-Uni et l'Italie ne parviendraient pas à rétablir l'équilibre de leurs échanges commerciaux par les seules variations de parité de leur monnaie. ÉVOLUTION DU SJLDE COMMERCIAL DE L'ITALIE ET DU ROYAUME-UNI (En milliards 6» dollars.) 19» tm tm tm tm - 3,9 - «3 - 1,1 - 4,2 + 0,1 + 3,1 + 1 + 0,5 - 5.7 - 11.7 — 6,6 -M —M - 1,8 - 6.2 + 0.3 tm tm laite + 0.1 Roytnne-Un - 1,6 197» 19» (gérMaa) — 72 — Le retournement de la balance commerciale de l'Italie est intervenu en 1977 ; l'amélioration de l'évolution des échanges a d'ailleurs été consolidée par de substantiels excédents au titre des « invisibles » la situation du Royaume-Uni n'est devenue moins précaire que depuis les perspectives offertes par la production de pétrole de la mer du Nord . 2° Appréciation de la monnaie et excédent commercial. La République fédérale d'Allemagne et le Japon constituent des exemples extrêmes de paya où , pendant de nombreuses années, malgré l'appréciation de la monnaie , des excédents alors qualifiés de « structurels » étaient détenus au titre des paiements courants . Des raisons d'ordre commercial et institutionnel peuvent expli­ quer cette insensibilité, aux variations des cours , des transactions commerciales . La rigidité de la demande étrangère ' est d'abord le résultat de la réputation commerciale des produits . La qualité des articles de haute technologie offerts par la R.F.A. , et à un moindre degré par le Japon, permet ainsi aux Exportateurs de conserver des parts importantes de marché, malgré la dégradation de leur position concurrentielle à la suite de la hausse de leurs prix due à l'appré­ ciation du deutschmark et du yen. De plus , les obstacles non tarifaires au commerce peuvent avoir une forte incidence sur la réaction des courants commerciaux aux variations de prix relatifs, si les nouvelles chances de vente se heurtent à une ferme résistance . Le marché japonais, et même le marché de la R.F.A. se trouvent très protégés grâce à une réglementation extrêmement subtile, por­ tant par exemple sur des normes de sécurité. Mais, depuis 1979, cette analyse traditionnelle est remise en cause par une évolution assez semblable qui doit être constatée en R.F.A. et au Japon. ÉVOLUTION DU SOLDE COMMERCIAL DU JAPON ET DE LA R.F.A. (En milliards de dollars.) MO im 1m I«pon +9 + R.F.A. + 8.2 + 14.4 3.7 tm + M + 22,2 tm + 5 + 17,5 1m tm tm 9,9 + 17* + 24,5 + + 16.7 + 19.7 + 25.5 + 18,5 + tm 2* (frttWoa) + Jfi . + 16.6 — 73 — 3° L'apparition récente d'une nouvelle vulnérabilité des créanciers. Depuis peu , en R.F.A. comme au Japon , les monnaies donnent des signes de faiblesse : l'excédent commercial risque , selon les pré­ visions de l'O.C.D.E. , de subir une dégradation importante , de plus , le déficit traditionnel dû , dans ces deux pays , aux « invisibles » atteint des proportions considérables . Le yen a, le premier, baissé sur le marché des changes . Alors qu'en 1978 , la balance commerciale du Japon avait enregistré un excédent, encore jamais égalé , de 24,5 milliards de dollars , une très importante diminution de ce solde positif a été constatée en 1979 . Cette évolution quelque peu inattendue a été due à une modifi­ cation substantielle du fonctionnement des mécanismes économiques . En 1977 et 19715 , les événements confirment encore les ensei­ gnements des années précédentes.. Du début de 1977 au premier trimestre de 1978 , une forte appré­ ciation du yen exerce un effet déflationniste en réduisant le rythme annuel dc hausse des prix. L'amélioration immédiate de la compéti­ tivité de* produits japonais qui en résulte consolide l'excédent com­ mercial , qui continue à augmenter malgré le renchérissement de la valeur externe du yen. Le retournement de situation se produit à partir d'avril 1978. A ce moment, le solde positif commence à se réduire sous l'effet de la pression à la baisse exercée par l'évolution des cou­ rants d'échange. Au premier trimestre de 1979, cette tendance est brutalement renforcée par l'effet initial de « courbe en J » lié à la forte dépré­ ciation du yen enregistrée depuis le mois de novembre 1978 ( 1 ). La forte diminution de l'excédent commercial constatée en 1979 est donc le résultat combiné des effets différés de l'appré­ ciation de 1977 et des trois premiers trimestres de 1978 , puis des conséquences « perverses » de la dépréciation du dernier trimestre de 1978 . A ces causes monétaires s'ajoutent la hausse des prix du pétrole et du cours d'autres produits de base sur les marchés internatio­ naux. Le résultat de cette évolution a été une très forte réduction de l'excédent commercial. ( t ) Sur U « courbe en j », cf., p. 69. — 74 — En 1980, l'amélioration de la position concurrentielle du Japon devrait exercer une influence positive sur ses échanges, sans pour autant parvenir à dégager un surplus équivalent à celui des années 1977 et 1978 . Le cas de la République fédérale d'Allemagne est sensiblement différent dans la mesure où le deutschemark a été soumis plus tar­ divement à des pressions à la baisse de moindre ampleur que le yen . Mais après avoir diminué en 1979 par rapport à 1978, le solde commercial de la R.F.A devrait encore subir une réduction en 1980 par rapport à 1979 . Cependant, aussi bien dans le cas du Japon que dans celui de la R.F.A. , l'évolution des paiements courants traduit une très forte dégradation due aux échanges d'« invisibles ». Dans plusieurs pays de l'O.C.D.E., en effet, les balances des invisibles ont commencé à enregistrer des mouvements assez irré­ guliers . En Allemagne fédérale, le déficit est surtout le résultat des dépenses du tourisme ; les comptes du Japon sont surtout obérés par les transferts , les transports et les voyages . ÉVOLUTION DE LA BALANCE DES PAIEMENTS COURANTS DU JAPON (En mollirai w toUan.) 1971 tm 1MO (TrfcMaa) Balance commerciale + 24,5 + 23 + Balance des services - 7J - 9,6 - 11,7 Solde des transferts publics - 0,2 - 0.7 — 0,7 Balance des opérations courantes + 16,5 — 7,5 - 8,8 Source I 3» O.C.D.E. ÉVOLUTION DE LA BALANCE DES PAIEMENTS COURANTS DE LA R.F.A. (En milliards de dollars..) tm Balance commerciale 1m MO (MvMom) + 25 J + 18.9 + 16.6 Solde des services et transferts privés . . - 12.3 - 14,9 - 16.3 Soldes des transferts public* — 4,4 — - Balance des paiements courants + - 1 /) Source : O.C.D.E. 83 5JÔ 3,4 — S,1 — 75 — Cette évolution de la R.F.A. et du Japon révèle l'apparition d'une vulnérabilité nouvelle des créanciers qu'il convient d'interpré­ ter. La situation actuelle n'est-elle que l'amorce d'une transformation durable ou un fimple incident de parcours ? Il serait très difficile de fournir à cette question une réponse définitive. En réalité , tout se passe comme si une cause identique, dans ces deux pays , devait produire , à terme, des conséquences différentes . Les deux économie': ont dû affronter une forte hausse du coût de leurs importations de pétrole. Mais les perspectives du Japotf demeurent relativement plus favorables que celles de la R.F.A. Le rythme annuel de hausse des prix est inférieur à 8 % ; la modération des hausses de salaires , en limitant la progression des coûts , réduit les effets de l'inflation im­ portée. En revanche, en R.F.A. , le maintien de la croissance a pour ré­ sultat une forte demande d'importations ; en 1979, les achats à l'étran­ ger ont ainsi progressé de 20 % . Cette modification de la situation économique de la R.F.A. a cependant une signification politique dans la mesure où les autres pays pourront désormais plus difficilement lui demander d'accroître ses importations . 4° Les particularités de la situation de la France. Le précédent rapport avait const lé que l'économie française ne retirait plus d'avantages substantiels d'une dépréciation du cours du franc, alors qu'en revanche , une appréciation de la monnaie na­ tionale continuait, comme auparavant, à susciter des difficultés pour nos exportateurs. L'évolution ultérieure n'a pas infirmé ce jugement, comme le révèle l'examen des effets d'une dépréciation ou d'une appréciation du franc sur nos importations et sur nos exportations . Elle conduit à proposer de continuer à veiller au maintien , sur le marché, de la fermeté du cours du franc. a) L'hypothèse de la dépréciation du franc. La dépréciation du franc produit des effets importants sur l'éco­ nomie : — elle augmente le prix des produits importés , et, à ce titre , elle a un impact inflationniste important ; cette situation est d'autant plus vivement ressentie que près de 70 % de nos achats à l'étranger correspondent à des importations incompressibles de matières pre­ mières, d'énergie, de demi-produits et de biens d'équipement ; en — 76 — raison des retards de l'indexation des revenus des ménages sur les prix, la consommation des ménages est réduite ; — elle accroît la part de la demande fournie par les producteurs nationaux en réduisant la compétitivité des produits importés ; cet effet diminue au fur et à mesure que l'inflation interne diminue le gain de change procuré par la dévaluation ; — elle améliore à l'exportation la compétitivité des produits nationaux , mais les entreprises peuvent , soit maintenir leurs prix en devises (donc l'augmenter en francs) pour améliorer leurs marges , soit diminuer leurs prix en devises pour développer leurs ventes ; — elle modifie les comportements des industriels , dans la me­ sure où la hausse du prix des matières premières importées induit d'abord des pratiques de stockage spéculatif. L'évolution relativement récente de nos échanges extérieurs ré­ vèle ainsi que les dévaluations de 1958 (de 17,55 % ) et de 1969 (de 12,50 % ) avaient été suivies d'un net regain de compétitivité de nos produits , d'une durée plus ou moins longue selon la nature des biens concernés . Ce mécanisme favorable ne joue plus , désormais , sous l'influence combinée de plusieurs facteurs. La structure de la facturation de nos importations joue un rôle essentiel à cet égard . Le dollar représente à lui seul plus de 30 % de la valeur de nos achats ; la devise américaine est notamment utilisée pour les im­ portations d'hydrocarbures , et à ce titre, compte tenu des besoins nationaux d'énergie, quasiment incompressibles, toute variation de parité du dollar se traduit mécaniquement par un gain, en cas d'appré­ ciation du franc, ou par une perte, en cas de dépréciation de notre monnaie. Il s'agit au surplus de sommes importantes puisque, selon le ministère de l'Économie, la « facture pétrolière » de la France ( 110 mil­ liards de francs en 1980) est majorée de 3 milliards de francs quand le dollar gagne 10 centimes par rapport au franc et se maintient à ce niveau . Tout se passe donc comme si l'évolution de notre balance commerciale était directement liée au sort du dollar : une déprécia­ tion de la devise américaine améliore notre situation et une appré­ ciation conduit à prélever, sur notre économie, un impôt d'autant plus indolore que son incidence en est mal perçue par l'opinion publique. Il est donc malsain de rechercher une solution de facilité fondée sur l'insouciance ou la bonne volonté des Etats-Unis. Au demeurant, la dépréciation du cours du franc n'a plus pour conséquence d'améliorer la compétitivité de nos ventes à l'étranger. — 77 — Nos industriels maîtrisent assez mal l'instabilité monétaire : les comportements de marge traduisent généralement une certaine incapacité à prévoir les évolutions et à s'y adapter. En outre, à l'exportation, la prime de change liée à la dépré­ ciation du franc permet d'éviter, en principe, de procéder à des investissements de rationalisation et de modernisation absolument nécessaires ; elle encourage la sclérose de l'appareil de production. Il est enfin reconnu que la clientèle étrangère demeure relative­ ment insensible à la diminution du prix de nos exportations résul­ tent de la baisse de notre taux de change. Un service après-vente généralement défectueux et un réseau de commercialisation souvent insuffisant expliquent parfaitement une telle réaction. Notre économie subit ainsi , en cas de dépréciation du cours du franc, tous les inconvénients de l'augmentation du coût des impor­ tations sans pour autant bénéficier pleinement des avantages de la diminution du prix de nos exportations. Il est alors permis d'estimer, à partir des enseignements de l'expérience et d'une étude des structures de notre économie, que le recours à la dépréciation du franc aboutirait à des résultats très limités . Supposons, en effet, une baisse de 10 % du cours du franc, et tentons d'en prévoir les conséquences . Premier effet : une faible relance de la production, due au stockage spéculatif et à l'accélération des dépenses d'investissement, ne conduisant qu'à un accroissement peu important de l'emploi . Deuxième effet : un ralentissement de la progression de la consommation des ménages. Troisième effet : une dégradation, à court terme, de la balance commerciale, provoquée par les « effets pervers » de la dépréciation du franc, suivie d'une amélioration, elle-même peu à peu grignotée par l'inflation interne et le comportement de marge des exporta­ teurs . La dépréciation présenterait les avantages d'une certaine crois­ sance de l'activité et d'un gain en solde commercial , mais au prix d'une forte inflation et d'une baisse de la consommation des ménages . b) L'hypothèse de l'appréciation du franc. 7. L'appréciation du cours du franc a toujours suscité des difficultés à nos exportateurs. Elle soulève, par ailleurs, des questions d'un intérêt primordial pour l'économie tout entière : dans quelle mesure la Musse du — 78 — change peut-elle favoriser une restructuration industrielle fondée sur une meilleure spécialisation de l'appareil productif ? Notre extrême dépendance à l'importation ne risque-t-elle pas de susciter une pro­ gression rapide des achats ? L'Institut national de la statistique et des études économiques (I.N.S.E.E.) a procédé, en utilisant le modèle « Dynamique Multi Sectoriel > (D.M.S.), à une simulation des effets d'une appréciation de 10 % du cours du franc, défini par sa parité par rapport à un panier de devises pondérées par la structure des exportations fran­ çaises ( 1 ). La conclusion essentielle de ces travaux est que tout mouvement de parité affecte de manière très différenciée les divers secteurs industriels : elle traduit les faiblesses de la spécialisation de notre appareil productif (absence de diversité des pôles de compé­ titivité à l'exportation ; vulnérabilité des industries intermédiaires aux variations relatives des coûts de production ; aggravation sensible de la dépendance à l'importation). Les tableaux ci-dessous fournissent les écarts annuels moyens, par rapport à la situation de référence, d'une appréciation de 10 % de la parité effective du franc sur la période 1980-1985 (2 ). ÉCARTS ANNUELS MOYENS PAR RAPPORT AU COMPTE DE REFERENCE SUR LA PÉRIODE 1980-198S Production intérieure brute — 0.6 % Production industrielle — 3,9 % Consommation + Prix k la consommation — 2,8 % OJ % Investissement — Prix de l'investissement — 4,9 % Prix des importations industrielles — 7.1 % Prix des exportation — 44 % Industrielle» Prix k la production de l'industrie 1.1 % — 2J % Balance commerciale en biens industriels (en valeur) — 17,6 milliards do francs Balance commerciale totale (en valeur) — Excédent brut d'exploitation (sociétés et Quasi-sociétéi) — 32 % Population disponible k la recherche d'un emploi + 42.700 personnes milliard.) de francs ( 1) Ajlietu (Michel), Orléan (André), Oudiz (Gilles) i L'industrie française joct aux co.tralnM da change. (Économie et Statistique, février 1980, n* 119, p. 53.) L'évolution de référence est caractérisée par une croissance moyenne du mode Utfalwa brut de 24 % entre 1978 et 1985 et par un taux d'Inflation moyen d'environ 7 % . (2) Rappelons que le* * simulations » ne peuvent être encore moins k de* « prévision s. à de* € projection* », — 79 — Voici quatre des constatations que permet cette simulation : 1 . Conséquences globales d'une appréciation de 10 % du franc. La balance commerciale, après une amélioration initiale due à un simple effet de valorisation, se détériore à hauteur de près de 9 milliards de francs . L'évolution globale peut être ainsi résumée : les prix des ex­ portations industrielles diminuent de 4,4 % par rapport à l'évolu­ tion de référence ; la réduction des profits qui en résulte incite les entreprises à limiter h baisse des prix internes, évaluée à seulement 2,8 % ; les rabais consentis par les exportateurs sont cependant insuffisants pour éviter lu dégradation de près de 9 milliards de francs à la suite de la perte de compétitivité des produits français . En effet, les prix industriels français ont, en moyenne, augmenté de près de 6 % si on les exprime en devises étrangères. Un processus déflationniste se développe, mais le fléchissement des prix reste très modéré et la position concurrentielle de la France s'en trouve dura­ blement aggravée ; la perte de compétitivité est de l'ordre de 5 % . 2 . Les cheminements de quelques variables significatives : ÉCARTS ( 1 ) PAR RAPPORT AU COMPTE DE REFERENCE, SUITE A UNE APPRÉCIATION DE 10 % DU FRANC 1MO IMI IMI 19*] - - 0,4 - 0.4 - 0,6 - OJS - 0Jt - ift Prix à la contommation (%) — 1.7 - 2,4 - 3fi - « - « - 3.3 + W - 6.9 — 10,6 - I2fi — 13,4 - 15.9 - 6Jt - 3,8 - 3,2 — 5,1 - 4,9 — 4,5 Production intérieure IMS brute (%) Balance commerciale en va­ leur (milliard* de Francs) . Compétitivité dei produits In­ dustriel! (%) ( I) Abd ta volume de la production IntMcun brute mit ca IM2 d« 0.6 H Inférieur au rtndtal doué par es oompte. — 80 — 3 . Sensibilité inégale des secteurs industriels aux contraintes du change : ÉCARTS ANNUELS MOYENS EN POURCENTAGE DE REFERENCE SUR LA PÉRIODE 1980-191». PAR SUITE RAPPORT A UNE AU COMPTE APPRÉCIATION DE 10 % DU FRANC ■>ra Dia* Prix à la production — 4* — 3.4 Prix à l'exportation — 7,1 - 3,2 — *.♦ Prix i l'importation - 73 - ffi - 8,2 Compétitivité - 2,9 — 6.8 — 4,6 Production (ta volume) - *fi -M — 2,5 Exportations (en volume) - 1U - 3.2 - 5,5 Importation* (en volume) - ifi - 2a + JjO - 23 fi -U -m - ÎSJ - 4,6 — 8,1 - 23 - 02 - 0,8 - - 3j0 — 2,5 Investissement en volume Excédent brut d'exploitation ciété* et quaitciétéa Productivité apparente du des travail Coûts salariaux par unité produite — 5.8 «o- M — 81 — 4 . Une vision sectorialisce des déformations de nos soldes extérieurs. EC * RTS EN MILLIARDS DE FRANCS PAR RAPPORT AU COMF TE DE REFERENCE SUITE A UNE APPRÉCIATION DE I4M 10 % DU FRANC 1*2 19« 1*5 19M Biens intermédiaires : Volume - 1,8 — ♦,1 — 3,9 — 4,5 — Valeur — 2,8 - 73 — 7,7 — 8,9 — 10.2 - 5.4 6,6 — 12,0 Biens d'équipement : Volume - 1,5 - U - 2.0 - 2j0 - 1.9 - Valeur — 0,8 - 2 ,0 — 5,7 - 7,2 — 8,-: — 10,4 4.4 - 4,7 2.1 Biens de consommation : Volume - 1,8 - 3,6 - 4X1 - 4.1 — Valeur — 0,4 - 3,7 - 4,1 - 4,2 — S .S - - 5,1 - 8,9 — — 4,0 4,8 Industrie : Volume Valeui | 9,9 — 10,6 — 11.7 - 15.4 — 17.5 - 20.3 - 23,1 — 27,2 ; — 10,4 — 103 - 11,5 j — 12,9 - 6,9 ; - 10,6 — 12,6 - 13,4 - 15.9 - 13,6 Balance commerciale : Volume — 54 Valeur + 5,9 9,5 I i Importations énergétiques en valeur 1 - 11,7 j i I - 113 ! - 13.9 — 15,9 1 — 18,9 i — 21,7 i Mais cette évolution globale recouvre des situations sectorielles très contrastées . Le secteur des biens intermédiaires , confronté à d'importantes surcapacités a<' niveau mondial , est le plus sensible à la concurrence extérieure ; les producteurs sont obligés de réduire leurs inves.issements sans pour autant empêcher la diminution de leurs ventes . Le secteur des biens d'équipement et , dans une moindre mesure , celui des biens de consommation , réagissent mieux , semble-t-il , à cette variation de parité . Ce résultat traduit assez bien les effets de la crise sur le pro­ cessus de spécialisation antérieurement suivi par notre économie : le ralentissement de la croissance mondiale a durablement affecté notre appareil productif , comme le révèle une comparaison avec la R.F.A. et le Japon. Sénat » • T. I. - 6 — 82 — En effet , la R.F.A. bénéficie de pôles multiples de compétitivité qui se traduisent par un solde commercial très excédentaire pour les produits industriels ; de plus , elle a considérablement diversifié ses activités , en opérant , au contraire de la France , un retrait dans les biens d'équipement , et en s'engageant dans les industries intermé­ diaires , et nctamment chimique . De même , le Japon a multiplié ses possibilités d'exportation en établissant des filières de production dans tous le : grands sec­ teurs de l'industrie , ce qui lui a permis de maîtriser son marché inté­ rieur et d'éviter la pénétration étrangère . Quand le yen s'apprécie , les contraintes de change jouent sans doute sur les exportations , mais progressivement , grâce à cette domination du marché intérieur qui évite la baisse de l'investissement . Les modèles monétaires allemand et japonais ne peuvent donc être transposés tels quels en France et une politique d'appréciation systématique du franc handicaperait le développement de l'industrie à moyen terme , en l'empêchant notamment d'investir suffisamment . Les faiblesses de notre industrie , et plus particulièrement l'absence de véritable « pôle de compétitivité » en dehors de l'automobile ou de l'aéronautique , lui interdisent d'espérer pratiquer, comme les Alle­ mands et les Japonais l'ont fait depuis longtemps , une stratégie de « cercle vertueux ». Cette simulation révèle parfaitement que l'appréciation moné­ taire ne semble pas favoriser la reconversion de notre appareil pro­ ductif . Les effets bénéfiques escomptés ( réduction de la hausse des prix ; gains sur les termes de l'échange ; spécialisation des industries ) sont plus faibles que les conséquences néfastes résultant de la baisse de l'investissement provoquée par la diminution de la demande et par l'affaiblissement des industries intermédiaires . c ) Une conclusion : veiller au maintien , sur le marché, de la fer­ meté du cours du franc. L'économie française , face à l'instabilité monétaire internatio­ nale , est confrontée à un véritable dilemme : toute recherche de solu­ tion fondée sur une dépréciation ou une appréciation du cours du franc comporte des avantages supérieurs aux inconvénients ; dans le premier cas , un gain de change limité est composé par une aug­ mentation de l'inflation interne qui contrarie , assez rapidement , ! amé­ lioration de la compétitivité des produits nationaux ; dans le second cas , la perte de marchés extérieurs entraîne une diminution des inves­ tissements qui affecte assez gravement la capacité de modernisation de nos entreprises , tans pour autant provoquer une sensible baisse des prix. — 83 — La fermeté du cours du franc doit donc demeurer un objectif essentiel . Deux motifs fondamentaux imposent cette politique . En premier lieu , l'extrême dépendance à l' importa ion de notre économie rend impérative une action en vue de limitei î'ampleur du transfert de ressources vers l'extérieur . H ne s'agit pas de rechercher les disciplines de rigueur d'une politique de réévaluation mais de conserver un niveau réaliste au cours de la monnaie . En second lieu , il s' agit de faciliter l'adaptation de notre appareil de production à la satisfaction des besoins de la demande mondiale . Une dépréciation du franc , en conférant un avantage de change précaire à nos exportateurs , les inciterait à différer leurs projets d'investissement de modernisation . Une telle évolution produirait alors des effets analogues à ceux d'une appréciation au moment précis où le coût de nos importations subirait une forte hausse . L'avantage du maintien de la fermeté du cours du franc est d'éviter une dégradation de la spécialisation de nos industries . Elle impose , par ailleurs , aux pouvoirs publics de ne pas dévaluer le franc dans le cadre du système monétaire européen et , à ce titre , elle comporte un risque majeur , dans la mesure où le coût des interventions de soutien pourrait rapidement réduire le montant global des réserves de la Banque de France , estimé à quelque 150 milliards de francs . L'évolution récente de notre monnaie n'incite pas au pessimisme . L'expérience révèle que les crises de change ont été assez bien réso­ lues au cours des dernières années et que les opérateurs n'utilisent jamais le montant maximum des possibilités qui leur sont reconnues par le contrôle des changes . 5° L'impossibilité générale d'équilibrer, par les seules variations de parité, les échanges commerciaux. Les observations qui précèdent incitent à penser que l'ajuste­ ment des déséquilibres des balances des paiements ne peut être le résultat des seules variations de parité . Les tableaux reproduits ci-dessous indiquent en effet que , dans la majorité des cas , ni les dépréciations , ni les appréciations ne pro­ voquent les effets escomptés . — 84 — (I) (2) Y compris le* transferts officiels ; taux annuel deselsonnallsé . Indices « MERM » tel» qu' ils sont présentés dans International Financial StalUtlcs. PRINCIPAUX PAYS INDUSTRIALISES COURANTES ET TAUX : SOLDES DE CHANGE DES OPÉRATIONS EFFECTIFS, 1975-PREMIER TRIMESTRE 1979 ( Source ; F.M.I. ) Cette impossibilité générale de parvenir à équilibrer, par les seules modifications de cours , les échanges , tient en partie à l'effet inflationniste du surcoût des importations : les déficits de certains pays persistent et , par conséquent , les excédents d'autres Etats ont , eux aussi , tendance à durer. — 85 — Comme le transfert de ressources réalisé au profit des Etats exportateurs de pétrole a encore été récemment accru , une politique de gestion de la demande dans les pays déficitaires , visant à réduire les importations d'hydrocarbures , devrait enregistrer des résultats positifs . Telle est du moins l'une des conclusions contenues dans le rapport du Groupe de prospective à long terme de l'environnement international de la France , animé par M. Jacques Lesourne dans le cadre de la préparation du VIIIe Plan . Pour le moment , les partenaires des Etats-Unis , déçus par l'inefficacité des variations de parité , ont tenté de résoudre leurs difficultés en recourant à la formule des « pôles monétaires ». B. — L'espoir des « pôles monétaires ». Le fondement des « pôles monétaires » actuellement en voie de constitution réside dans l'apparition d'indices encore fragiles d'une éventuelle faiblesse d'ordre structurel du dollar . Les partenaires des Etats-Unis cherchent donc à limiter les effets , sur leurs économies respectives , des turbulences de la mon­ naie américaine en affirmant leur autonomie . Mais ces efforts risquent de rencontrer assez rapidement des limites dans la mesure où les Etats-Unis recherchent de nouvelles formes de domination . 1° Le fondement des « pôles monétaires » : l'apparition d'indices encore fragiles d'une éventuelle faiblesse d'ordre structurel du dollar. Une certaine érosion de la puissance financière des Etats-Unis peut être décelée sous l'effet de plusieurs tendances relatives à la diminution du rôle du dollar dans les liquidités internationales , sur les euromarchés et dans les facturations internationales . 1 . Une tendance à la diminution du rôle du dollar dans les li­ quidités internationales. Il peut sembler, apparemment, que l'importance du dollar dans les réserves mondiales ne cesse de croître . — 86 — Les avoirs détenus en dollars par les banques centrales sont notamment passés de 79,2 milliards de D.T.S. en 1976 à 103,8 mil­ liards de D.T.S. en 1977 , et ces créances représentent désormais plus de la moitié des réserves de change en devises . Les causes de cette prééminence du dollar peuvent être aisément identifiées : la devise américaine est fréquemment utilisée pour fi­ nancer les échanges internationaux et notamment les achats de pé­ trole ; le dollar est la monnaie la plus employée , à cils fins d' interven­ tions , sur les marchés des changes . Mais la situation actuelle est caractérisée , semble-t-il , par une modification du sens de cette évolution . Deux raison -, en effet , conduisent à estimer que le rôle du dollar dans les liquidités internationales connaît actuellement un certain déclin . — En premier lieu , le maintien de l'importance relative du dollar des Etats-Unis dans les réserves de change est , en réalité , surtout dû aux opérations de soutien pratiquées par trois pays : la République fédérale d'Allemagne , la Suisse et le Japon Comme le constate Henri 3ourguinat , dans ce cas précis , il faut bien noter que le phénomène correspond à une accumulation de réserves en dollars finalement non désirées ( 1 ) : les banques centrales qui ont soutenu la devise américaine ont cherché , avant tout , à limiter l'appréciation de leur propre monnaie . On estime d'ailleurs que si on déduisait le montant des dollars accumulés par les trois pays précités du total de l'aug­ mentation des réserves de change , la part du dollar dans l'accrois­ sement net de ces réserves serait bien inférieure à 80 % et elle ne se situe-ait plus qu'entre 50 et 60 % . — Un second facteur peut expliquer la limitation du rôle du dollar dans les liquidités internationales : l'attitude des Etats membres ue l'Organisation des pays exportateurs de pétrole ( O.P.E.P. ), encou­ ragée par la décision de l'administration Carter, en décembre 1979 . de « bloquer » les avoirs iraniens dans les banques américaines . Il ne faut pas oublier, en effet , que selon les sources autorisées , le montant des actifs financiers des pays de l'O.P.E.P. , constitués depuis 1974 , représente une somme globale évaluée au 31 décembre 1378 , è près de 200 milliards de dollars ; ce chiffre devait d'ailleurs assez largement dépasser 250 à 35C milliards de dollars à la fin de l'année 1979 . Or , l'examen de l'évolution de la structure des pla­ cements , de 1974 à 1978 , révèle une propension marquée à investir sur le marché américain, sous fo>me de souscriptions à des bons du Trésor ou d'achats de titres d'État à plus long terme . ( Les investis­ ( 1 ) Henri Bourguinrt : De l'étalon dollar au système multi-devises - Premiers signes d'évolution. (Eurépargnê, octobre 1979 , p. 8 .) — 87 — sements aux Etats-Unis ont successivement représenté 20,4 % de l'excédent financier global en 1974 , puis 27,0 % en 1975 , 33,5 % en 1976 , avant d'enregistrer une stabilisation aux environs de 25 à 30 % en 1977 .) Face au risque politique constitué par le « blocage » des actifs , la menace d'un retrait des valeurs américaines , par les pays de l'O.P.E.P. , doit toujours être prise en considération . La conséquence d'un tel retournement de tendance pourrait être de provoquer, en contrepartie , un nouvel et brutal essor du marché des eurodevises , se traduisant , à terme , par de nouvelles possibilités d'inflation et de spéculation . Chacun sait , en effet , que le marché des eurodevises est né de la crainte des autorités soviétiques , au moment de la guerre de Corée , de subir un « blocage » des avoirs en dollars détenus par leurs établissements bancaires aux EtatsUnis . Actuellement , d'ailleurs , les banques centrales des Etats membres de l'O.P.E.P. diversifient leurs avoirs . Le Koweït a joué un rôle de précurseur : depuis 1974 , cet État pratique , systématiquement , une politique tendant à lui permettre de disposer de 60 % de ses actifs en dollars et de 40 % en francs suisses et en deutschemark . Le conflit entre les Etats-Unis et l'Iran , en novembre-décembre 1979 , constitue donc un encouragement supplémentaire à poursuivre en ce sens. Cette diversification des avoirs est d'ailleurs confirmée par une tendance à la diminution du rôle du dollar sur les euromarchés . 2 . Une tendance à la diminution du rôle du dollar sur les euromarchés. Les investisseurs et les emprunteurs partagent le manque de confiance des banques centrales dans le dollar. Selon la Morgan Guaranty Trust , la part des titres émis sur les euromarchés , qui est libellée en dollars , est ainsi revenue de 64 % en 1977 à 50 % en 1978 , alors que les opérations en deutschemark passaient de 23 % en 1977 à près de 40 % et les émissions dans d'autres devises ( franc suisse et yen , notamment) progressaient de 5 à 7 %. Le phénomène doit cependant être interprété avec prudence : l'évolution de la répartition des émissions , de 1973 à 1978 , par devises , révèle plus une irrégularité de la part du dollar, qui suit les évolutions, d'une certaine ampleur, du cours de la monnaie américaine, que l'existence d'une tendance indéniable à la réduction du rôle du dollar . — 88 — Mais les statistiques fournies par la Morgan Guaranty Trust traduisent également l'attitude des investisseurs publics et privés qui cherchent à élargir leurs possibilités de placements afin de réduire leurs risques . 3 . Une tendance à la diminution du rôle du dollar dans les facturations internationales . Malgré l'absence de statistiques précises sur le choix des mon­ naies de facturation , il semble que dans certains pays industriels , la part du dollar ait eu récemment tendance à diminuer . Cette remarque intéresse le financement des exportations, car à la suite de l'accrois­ sement du coût des approvisionnements en pétrole , à l'importation , le rôle du dollar a augmenté depuis 1973 . En effet , les exportateurs — y compris les grandes entreprises françaises — incitent de plus en plus souvent leurs distributeurs à facturer en monnaie étrangère locale , confiant à leur service de trésorerie le soin de gérer les risques par compensation. Cette attitude peut conduire , à terme , à tCMopper les contrats libellés en devises autres que le dollar, ce qui réduirait le rôle de la monnaie américaine dans le financement du commerce internatio­ nal . 2° L'apparition de « pôles monétaires ». Les puissances pétrolières acquièrent , comme on l'a déjà vu , une importance accrue dans les relations monétaires internationales . Mais deux « pôles » essentiels apparaissent en voie de cons­ titution : le « pôle japonais » et le « pôle européen ». a) Le « pôle japonais ». Le yen joue un rôle de plus en plus important dans les relations monétaires internationales . La devise japonaise assure d'abord une fonction d'actif de réserve. En effet , la baisse du dollar, en incitant à la conversion des « balances » libellées en cette monnaie , a conduit les banques cen­ trales à acheter notamment des yen . La part du yen dans le total des réserves officielles de change demeure encore sans doute modeste (moins de 3 % ), mais , au cours des trois dernières années , l'accrois­ sement des « balances » yen a été très considérable : leur montant représente la contrevaleur de 10 milliards de dollars ( sol : 2.000 — 89 — milliards de yen). Toutefois, la répartition de ces « balances » yen est géographiquement très concentrée en Asie et dans plusieurs pays producteurs de pétrole au Proche-Orient. Le yen devient également un instrument de placement pour les investisseurs privés . Les portefeuilles d'actions et d'obligations japo­ naises détenu ! par des non-résidents étaient évalués à 3.200 mil­ liards de yens à la fin de l'année 1978 (soit 16 milliards de dollars), ce qui constituait une progression de 230 % par rapport à 1973 . Une évolution identique peut être constatée pour les dépôts en yens convertibles et pour les certificats d'euro-yens . Le yen est enfin , de plus en plus fréquemment, une monnaie d'intervention. En mars 1979, les autorités canadiennes ont emprunté des sommes en yens pour soutenir le cours de leur monnaie. Il n'est donc pas étonnant que le gouvernement japonais ait poursuivi , depuis novembre 1978 , un objectif d'internationalisation du yen. L'une des premières déclarations de politique étrangère de M. Ohira, alors Premier ministre , libéral démocrate, a ainsi été consa­ crée au rôle du yen dans le système mondial des paiements , et notam­ ment en Asie. M. Ohira a souligné d'une part , le rôle international du yen , au même titre que le deutschemark , afin de pallier les défaillances du dollar et il a insisté d'autre part, sur la nécessité d'accélérer l'uti­ lisation de la devise japonaise en Asie. L'exemple allemand a certainement inspiré ces déclarations : les traditions culturelles de discipline nationale et la recherche de l'efficacité économique caractérisent les mentalités de ces deux peuples. La réglementation des changes japonaise a d'ailleurs été récem­ ment modifiée dans un sens libéral. En 1979, un comité a remis un rapport sur les amendements à apporter aux deux textes de loi anciens de plus de trente ans, res­ pectivement relatifs aux contrôles sur les opérations commercial et sur les mouvements de capitaux. A la fin du mois de décembre de la même année, le Parlement japonais a approuvé une nouvelle réglementation tendant à supprimer les obstacles à l'internationali­ sation de la place di Tokyo : — le principe de la liberté des transactions a été substitué à celui de leur interdiction : les sociétés japonaises à l'étranger et les sociétés étrangères au Japon pourront émettre des obligations sans autorisation gouvernementale ; d'autres opérations deviennent égale­ — m0- ment libres ( prêts de banques japonaises à l'étranger, achat de titres par des sociétés étrangères , etc. ) ; d'autres , enfin , ne se trouvent plus que soumises à un dépôt de rapport préalable (établissement des sociétés étrangères au Japon ), et non plus à l'approbation des pou­ voirs publics ; — les autorités se réservent toutefois le droit de rétablir des mesures de contrôle en cas d'urgence , en cas de fluctuations erra­ tiques de taux de change , de détérioration de la balance des paiements ou d'afflux soudain et excessif de capitaux étrangers . Le risque majeur .'e cette libéralisation est , en effet , lié aux mouvements spéculatif? d'origine étrangère : la vulnérabilité de toute monnaie internationale à de telles crises impose de prévoir une possibilité de repli . Mais toutes les conditions de fait et de droit se trouvent réunies pour que le yen s'impose progressivement , en Extrême-Orient , comme actif de réserve , instrument d'interventions et monnaie de règlement dans les relations économiques avec les pays d'Extrême-Orient . b ) Le système monétaire européen ( S.M.E. ). La constitution de l'Europe monétaire peut modifier assez sensi­ blement , au cours des prochaines années , les perspectives fondées , en définitive , sur une remise en cause encore très progressive des situa­ tions acquises . Le système monétaire européen p été mis en place , en 1979 , pour instituer , face à la faiblesse persistante du cours du dollar, une « zone de stabilité ♦. A terme , l'objectif principal du S.M.E. est de permettre à une véritable banque centrale de maîtriser les évolu­ tions de parité et d'aboutir à une seule unité monétaire pour l'Eu­ rope . Un bilan du fonctionnement du S.M.E. depuis sa création doit nécessairement précéder une étude des perspectives de cc mécanisme . 1 . Le S.M.E. : un fonctionnement technique so*kfdïunt dans un contexte politique difficile. Le système monétaire européen introduit trois éléments nouveaux essentiels par rapport à l' incien « serpet t » qui avait été institué à Bâle en 1972 . Il apporte d'abord cne souplesse accrue dans !*■ fonctionnement des mécanismes . Cette m< .'Heure faculté d'adaptation aux évolutions économiques et financières peut £tre constatée à trois égards . — 91 — Le sj»,\me accepte explicitement la possibilité de marges de fluctuations \ lus larges, afin de permettre aux pays confrontés à des difficultés de. ne pas abandonner le dispositif. Il prévol ensuite formellement la possibilité de modifier, en .'es réévaluant \ t en les dévaluant, les taux-pivots des monnaies ( 1 ). Enfin, il institue des « d'affronter brutalement des tation préalable au moment apparaître à terme plus ou indicateurs de divergence » pour éviter crises inattendues, grâce à une concer­ où certaines difficultés semblent devoir moins rapproché. Le second élément nouveau du système monétaire européen par rapport à l'ancien serpent est d'affirmer une meilleure cohésion entre les Etats membres. Auparavant, la charge du rééquilibre de la balance des paiements incombait au pays dont la monnaie se dépréciait. Le partage des res­ ponsabilités, en ce domaine, est désormais clairement affirmé, et tous les Etats doivent prendre des mesures correctives . De plus, une « unité monétaire nouvelle », l'E.C.U., constitue actuellement « l'élément central » du S.M.E. Cet E.C.U. joue le rôle de numéraire dans le mécanisme des taux de change, sert h établir « l'indicateur de divergence », intervient comme unité comptable et constitue enfin le moyen de règlement entre les autorités monétaires de la C.E.E. La troisième modification intéresse le montant des tords sus­ ceptible d'être utilisé pour le maintien des parités : par apport à l'ancien « serpent », les possibilités d'intervention ont approxima­ tivement décuplé. Le S.M.E. recouvre donc tout à la fois un mécanisme de flot­ tement concerté des cours et une procédure d'aide financière. Un an après l'entrée en vigueur du mécanisme, le bilan est glo­ balement satisfaisant. « L'indicateur de divergence » a pleinement joué son rôle vis-à-vis des monnaies subissant une dépréciation. La Belgique a pris ainsi trois mesures de redressement interne : la Banque natio­ ( 1 ) Chaque banque centrale choisit une parité en une nouvelle uniti de compte (l'E.C.U.) de sa monnaie nationale, dont il est possible de déduire la valeur de 1'E.C.U. en cette devise s il s'agit du < taux-pivot *. - Ce « taux-pivot » sert à déterminer une grille de taux de change bilatéraux (< taux centraux »), en rappoitant les uni aux autres les différents' « taux-livots ». Si l'E.C.U. vaut 5r 9831 » et 2,51064 DM, le cour* du deutschemark (« taux central ») exprimé er. franc frugais est de : 5,79831 ; > 2,30950. 2,51064 Les monnaies peuvent fluetner autour de ce- trux bilatéraux dans une marge de + ou — 215% . — 92 — nale est intervenue sur le marché ; le taux d'escompte a été porté, en trois étapes , à 9 % ; le déficit budgétaire de l'année 1979 a été limité. Cette politique a permis au franc belge de revenir, en juin 1979, en dessous de son seuil de divergence. En revanche, le dispositif d'intervention anticipé n'a pas fonc­ tionné par rapport à toutes les devises déviant vers le haut. En effet, deux des monnaies entrant dans la composition de l'E.C.U. ont suivi une évolution inattendue : dès avril 1979, la livre sterling a nette­ ment progressé et la lire italienne a , elle aussi , connu une impor­ tante appréciation. En octobre 1979 , une remise en ordre de la grille des parités, fondée sur une réévaluation de 2 % du cours du deuCschemark, a cependant été décidée ; la couronne danoise a été dévaluée en sep­ tembre et en novembre. « L'indicateur de divergence », qui différencie le S.M.E. de l'ancien « serpent », a donc présenté une utilité réelle ; mais son utilisation a été adaptée aux exigences particulières de la situation de certaines monnaies . L'avenir du S.M.E. dépend évidemment de l'évolution du cours du dollar des Etats-Unis. Les tensions entre les devises européennes trouvent souvent leur origine dans les mouvements désordonnés et excessifs du dollar, car la contrepartie des ventes de la monnaie américaine est souvent libellée en deutschemarks , ce qui conduit à une appréciation de la devise allemande par rapport aux autres monnaies européennes . Au contraire, quand le dollar s'apprécie — ou a pu constater ce phénomène au début de l'année 1980 — le deutschemark donne des signes de faiblesse. La naissance difficile du S.M.E. , marquée par une âpre dis­ cussion sur les « montant: compensatoires agricoles », puis le refus du Royaume-Uni d'accepter les disciplines de change ne laissaient cependant pas présager une évolution ultérieure aussi calme. 2 . Les perspectives du système monétaire européen. Le S.M.E. constitue, incontestablement, selon les vaux de ses promoteurs , un « zone de stabilité ». Mais cette entreprise devra, pour réussir, surmonter de nom­ breuses difficultés. Il faut, tout d'abord , que les différences de taux d'inflation entre les Etats européens se réduisent. L'expérience révèle que, jusqu'en 1967, une tendance à la conver­ gence dans l'évolution des prix se manifestait entre les pays de la — 93 — Communauté, même compte tenu des trois adhérents ultérieurs. Au contraire, depuis environ dix années , les écarts se sont creusés, allant, certaines années , du simple au quadruple. Dans ces conditions, il sera extrêmement difficile de maintenir des conditions de change ordonnées si les disparités de coûts et de prix relatifs continuent à s'accroître. Un exemple souligne l'ampleur des problèmes à résoudre : alors que la première dévaluation de la couronne danoise, en sep­ tembre 1979, avait été négociée avec ses partenaires, il n'en a pas été de même en novembre 1979, et cette opération a alors présenté la particularité de constituer une décision unilatérale. De plus, l'amplrur des abandons de souveraineté nécessaires impose des choix radicaux à l'État. L'aspect politique de la construc­ tion monétaire européenne ne doit surtout pas être négligé, d'autant plus que le Conseil européen de Bruxelles, réuni en décembre 1978 , a prévu la création d'un Fonds monétaire européen deux ans après la mise en place du S.M.E. , soit en 1981 . Le projet est ambitieux, puis­ qu'il s'agit de créer ce que M. Jacques Van Ypersele, alors président du comité monétaire de la Communauté économique européenne, a appelé « l'embryon d'une véritable banque centrale européenne », qui devrait remplacer l'actuel Fonds européen de coopération moné­ taire dont les responsabilités sont essentiellement d'ordre comptable. Ajoutons à ce sujet que les résistances à la construction d'une véritable organisation européenne ne proviennent pas toutes, comme on le dit trop fréquemment, de la France : les modifications de la conjoncture économique renforcent les égoïsmes monétaires . L'avenir du système monétaire européen dépend donc étroite­ ment de l'inégale conviction partagée par les différents gouverne­ ments sur son utilité. Trois éventualités peuvent se présenter : — une crise monétaire de grande ampleur peut provoquer un éclatement du système ; — le mécanisme subsiste sous sa forme actuelle, sans enregistrer de progrès ; — le programme initial est réalisé malgré l'ampleur des incer­ titudes politiques . Pour l'instant, au sein du S.M.E. , l'influence du deutschemark est appelée à croître pour plusieurs raisons : — la faiblesse de la hausse des prix de détail en R.F.A. ; — la confiance, même quelque peu vacillante, des opérateurs envers le deutschemark : — 4 — — la compétitivité des produits allemands sur les marchés étrangers ; — la puissance industrielle de la R.F.A. N'oublions pas que la R.F.A. peut trouver, dans sa participation au S.M.E. , un avantage non négligeable dans la mesure où les pays à monnaie faible pourront limiter, à l'avenir , l'appréciation du deutschemark , ce qui diminuerait le prix des produits allemands . Toute la question est désormais de savoir si les ajustements de parité ( telle que la réévaluation du deutschemark décidée à l'automne 1979) peuvent exactement compenser ce « glissement » des cours . Cette question demeure toutefois moins actuelle en 1980 compte tenu de l'érosion de la valeur du deutschemark . 3 . La recherche par les Etats-Unis de nouvelles formes de prépon­ dérance . Face à ces évolutions, les autorités américaines ont donc été conduites à rechercher de nouvelles formes de prépondérance , en modifiant leur stratégie pour assurer la permanence de leur influence . Les Etats-Unis entendent agir , comme à l'accoutumée , dans le cadre du Fonds monétaire international , où leur influence demeure réelle ; mais , plus subtilement , au moment où l'importance relative du dollar diminue sur les euromarchés , ils proposent de contrôler les opérations pratiquées sur les xéno-devises . a ) Le nouveau rôle du Fonds monétaire international et des droits de tirage spéciaux ( D.T.S. ). Les Etats-Unis ont toujours remarquablement su influencer les institutions financières internationales . Après avoir été , pendant longtemps , hostiles au projet de créa­ tion d'un « compte de substitution » de dollars en D.T.S. ( 1 ), considéré alors comme une atteinte aux privilèges du dollar , ils ont accompli , à l'automne 1979 , au moment du plan Volcker de souticii du dollar, une volte-face significative . Ils défendent maintenant ce projet de « compte de substitution » qui comporte désormais deux avantages essentiels pour leur monnaie . Premier avantage : le maintien de la stabilité du cours du dollar , au moment où l'émission de titres d'emprunt libellés en monnaies étrangères (« Carter bonds ») reporte le risque de change des Banques ( 1 ) L'idée de remplacer les avoirs en dollars des banques centrale* par des D.T.S. a été avancée, pour la première fois , au début des années 1970 dans le cadre du Plan de réforme globale examiné par le F.M.I. — 95 — centrales européennes et japonaise sur les autorités monétaires amé­ ricaines ; grâce au « Compte de substitution », le Trésor des EtatsUnis doit bénéficier de fonds déposés par les instituts d'émission sous forme de titres d ' État à long terme , iecueillis par ce nouvea : guichet du F.M.I. , ce qui revient à consolider les « balance » dollars en substituant des créances à échéance longue à des engagements à vue . Deuxième avantage : il est quasiment certain que le « Compte de substitution » deviendra un instrument d'intervention au profit du dollar, dollars tion de cement dans la mesure où les banques centrales , détenant moins de et plus de D.T.S. , auront à nouveau la possibilité et la tenta­ reconstituer leurs avoirs en dollars , ce qui permettra le finan­ de nouveaux déficits de la balance des paiements des Etats- Unis . Les autorités américaines ont d'ailleurs rappelé que cette nou­ velle procédure devait signifier tout à la fois un contrôle accru du marché de l'eurodollar et une extension du droit de regard du Fonds monétaire international sur la politique économique des Etats membres . De telles interventions dans les affaires intérieures de l' État ont déjà été pratiquées sur une vaste échelle . En 1969 , une délégation du Fonds a demandé au Gouvernement de la France de diminuer les subventions aux tarifs publics et d'aug­ menter les importations en limitant les hausses de salaires . En 1976 , en Italie , les experts du Fonds ont obtenu une remise en cause de l'échelle mobile des salaires . En décembre 1976 , les autorités britanniques durent accepter de réduire les dépenses publiques et de limiter le crédit intérieur . Les débats en cours , actuellement , sur les modalités de la « condi­ tionnalité » de l'aide du F.M.I. tendent précisément à rendre plus efficace l'action conjointe du F.M.I. et des autorités nationales sur la gestion interne . Sans doute est-il nécessaire de fixer des conditions pour l'octroi des prêts . Mais , comme le remarque la Commission indépendante 3ur les problèmes de développement international (« Commission Brandt »), dans un rapport présenté le 12 février 1980 au secrétaire des Nations unies , trop souvent , les Etats ont différé leurs tirages sur le F.M.I. et ils ont préféré emprunter auprès de banques interna­ tionales privées . Le F.M.I. formule en effet des exigences sur le fon­ dement d'une approche monétaire de l'analyse de la balance des paie­ ments , ce qui aboutit à des conclusions trop uniformes et rigides intéressant le calendrier d'exécution et le contenu appropriés des programmes . Il est , par ailleurs , extrêmement contestable de n'incri­ miner , comme le fait le plus souvent le F.M.I. , que l'excès de la demande intérieure . — 96 — b) Le contrôle des euromarchés. Les études entreprises en 1979 à la demande des représentants des banques centrales réunis h Bâle soulignent que les euromarchés ont une incidence sur le taux mondial de l'inflation et sur les politi­ ques monétaires des différents pays. Mais l'ampleur du phénomène des euromarchés peut difficilement être mesurée. Certains chiffres avancés ( 800 ou 900 milliards de dollars) ne tiennent pas compte des duplications d'écritures et des doubles emplois. Une évaluation raisonnable sembl: ramener ce mon­ tant à 350 ou 400 milliards de dollars . Signalons au passage que le Federal Reserve System (F.E.D.), aux Etats-Unis, recourt à une estimation encore plus hasse : 150 milliards de dollars. Le risque majeur est constitué par l'effet inflationniste de ces euromarchés ; leur taux de croissance annuel est supérieur à la pro­ gression de la masse monétaire de n'importe quel pays industrialisé. Les Etats-Unis, au moment où le rôle du dollar décline sur les euromarchés, ont intérêt à surveiller et à contrôler les opérations pra­ tiquées. Le: modalités techniques importent, eu définitive, assez peu : le F.E.D. souhaitait l'utilisation des réserves obligatoires ; d'autres proposaient l'institution de ratios entre le montant des fonds propres ou des liquidités des banques et leurs crédits internationaux. L'assou­ plissement de la thèse américaine a été nécessaire pour que les pays européens acceptent le principe de ce contrôle : la Grande-Bretagne. notamment, était très réticente pour accepter d'intervenir, par voie de réglementation , dans une activité dominée par la place de Londres. Les résultats obtenus ont cependant été assez modestes. Réunis à Bâle le 16 avril 1980, les gouverneurs des banques centrales ont annoncé, dans un communiqué, une surveillance ren­ forcée, « périodique et systématique », de l'évolution bancaire inter­ nationale ; ils ont chargé un « Comité permanent pour les euromarchés » d'examiner les statistiques élaborées par la Banque des règlements internationaux (B.R.I.), ainsi que les autres informations utiles, et de leur rendre compte au moins deux fois l'an. Cette nouvelle politique doit être appréciée compte tenu des inquiétudes des banques privées américaines, et notamment de la Morgan Guaranty Trust. Ces établissements multiplient, depuis l'année 1979, les avertissements, exposant qu'ils ne peuvent plus continuer à augmenter leurs opérations de financement indirect de? balances des paiements. En fait, le rôle des euromarchés est d'adapter les offres et les demandes de crédit au niveau mondial. Il représente, notamment — 97 — pour les partenaires industrialisés des Etats-Unis , un moyen d'équi­ librer leurs comptes sans puiser dans leurs réserves . Il est ainsi révélateur d' examiner l'évolution de l'attitude des Etats-Unis face aux euromarchés . Ainsi , au moment du premier grand « recyclage », à partir de 1973-1974 , des doutes extrêmement forts pesaient sur l'aptitude du système bancaire à procéder à de telles opérations . Ces craintes avaient même été renforcées , dès 1974 , par des mises en liquidation retentissantes . Mais les Etats-Unis n'avaient pas , pour autant , pris des initiatives décisives pour se prémunir contre de tels dangers ; une simple déclaration d'intention sur l'assistance susceptible d'être apportée aux établissements bancaires « temporairement en diffi­ culté » avait alors été publiée par les gouverneurs des banques centrales réunis à Bâle le 11 septembre 1974 . Il faut d'ailleurs rappeler que les autorités américaines avaient directement provoqué l'apparition des euromarchés en interdisant pratiquement , au début des années 1960-1970 , l'accès de l'immense marché financier des Etats-Unis aux non-résidents . La situation actuelle es - désormais inspirée , en particulier , par la crainte des milieux américains dc mettre en péril leurs structures bancaires . Cette volonté nouvelle de contrôler les euromarchés revient ainsi à limiter la contribution des établissements au « recyclage », qui avait pourtant permis aux Etats de supporter la hausse du coût du pétrole . Sans doute cette procédure de « recyclage » n'était-elle pio exempte de dangers : elle avait au moins le mérite d'exister. Il est même possible d'estimer que l'expérience acquise par les responsables bancaires , depuis les années 1973-1974 , devrait leur être extrêmement utile pour limiter leurs risques . Le « polycentrisme monétaire » devrait ainsi conduire , en quel­ ques années , à l' apparition de trois 'grandes zones : — une « zone yen » en Extrême-Orient ; — une « zone deutschemark » en Europe ; — une « zone dollar » partout ailleurs , sauf dans les Etats socialistes , qui continueraient à être dominés par le rouble ; mais la permanence de cette dernière « force » dépendrait de la propen­ sion des Etats producteurs de pétrole à conserver leurs avoirs en dollars . Sinut M • T l. — 7 — 98 — Ce « polycentrisme monétaire » est cependant inquiétant, car il fragmente les responsabilités des Etats face à l'importance crois­ sante des opérateurs privés sur le système international de règle­ ments . — 99 — IV . — L'ÉROSION DE LA PUISSANCE DES ÉTATS SUR LES RELATIONS MONÉTAIRES INTERNATIONALES Le « flottement » généralisé du cours des monnaies , depuis 1973 , a contribué à limiter l'influence des Etats sur le système monétaire international . Les banques centrales ont peut-être procédé à de nom­ breuses interventions sur le marché , d'un montant élevé , mais les perspectives de variations des parités ont facilité les initiatives des opérateurs . Les entreprises multinationales , qui disposent de tréso­ reries en devises très importantes , ont eu la possibilité de tirer profit des différences de cours entre les monnaies et sinon de provoquer, du moins d'amplifier des mouvements de hausse ou de baisse . La souveraineté des Etats subit d'ailleurs d'autres atteintes dans la mesure où les pouvoirs publics n'ont pas hésité , pour financer en partie le déficit de leurs balances des paiements , à emprunter auprès du système bancaire privé . Une telle évolution comporte des risques évidents pour la communauté financière internationale . A. — Le rôle croissant des entreprises multinationales. Le dérèglement du système monétaire international a coïncidé avec un développement de la puissance financière des entreprises mul­ tinationales . Cette évolution doit être interprétée compte tenu des nouvelles possibilités offertes à ces firmes par le flottement géné­ ralisé du cours des monnaies . En effet , une entreprise multinationale exerce ses activités dans plusieurs pays , mais l'existence d'un centre unique de décision , dans un État , permet à ses dirigeants de centraliser et de compenser les risques de change . Par leurs structures et leur fonctionnement , ces sociétés acquièrent peu à peu une véritable emprise sur le système monétaire international . En l'absence de chiffres plus précis , il est nécessaire de rappeler les estimations valant pour 1970 , contenues dans le fameux rapport de la commission des Tarifs du Sénat améri­ cain , publié en février 1973 : les auteurs de ce document évaluaient alors à quelque 270 milliards de dollars des Etats-Unis les liquidités des entreprises multinationales , ce qui représentait le triple des réserves de change des pays industriels ( 90 milliards de dollars) et le double des réserves mondiales recensées par le Fonds monétaire international ( 122 milliards de dollars ) ; elles constituaient également l'équivalent — 100 — des masses monétaires confondues de la France , de l'Angleterre , de la R.F.A. et de la Belgique , les deux tiers de la masse monétaire des Etats-Unis et le quart du produit national brut américain ; té déplacement de 1 % seulement de cette somme , en réaction à l'affai­ blissement ou au renforcement du cours d'une devise , pouvait per­ turber le fonctionnement normal des paiements internationaux . Ces évaluations ne devaient toutefois être acceptées que sous bénéfice d'inventaire , car tous les actifs comptabilisés ne correspondaient pas à des fonds disponibles à court terme : le recours à une méthode d'investigation plus rigoureuse aurait conduit à une réduction assez sensible du montant estimé des liquidités des enfeprises multina­ tionales . La commission des Tarifs du Sénat n'avait cependant observé , de la part des multinationales , que des mouvements de capitaux assez faibles ; elle en concluait que , seule , une minorité se livrait à une spéculation monétaire de grande envergure , sans exclure la possibi­ lité , pour toutes les multinationales , de pratiquer des opérations pure­ ment défensives menées en vue d'éviter les pertes de dévaluation ou de réévaluation . Cette analyse , assez ancienne , mérite d'être complétée par les ré­ sultats de l'enquête d'un organisme de la R.F.A. — l' Institut fur Wirtschaftsforschung de Hambourg — selon lesquels les multinatio­ nales n'auraient pas mis en jeu la totalité de leurs ressources finan­ cières dans des opérations monétaires . Tous ces travaux n'ont pas permis d'apprécier l'étendue exacte de la responsabilité des entreprises multinationales à l'occasion des crises de change . L'expérience suggère cependant que ces sociétés jouent , sur le marché , un rôle déséquilibrant dans la mesure où leurs impé­ ratifs de gestion les amènent à amplifier les mouvements de cours . Sans doute a-t-on pu dénoncer l'influence des multinationales lors du déclenchement des crises monétaires. Leur attitude a pu déjà être critiquée , en régimes de changes fixes , lors de la dévalua­ tion de la livre sterling , en 1967 , et lors de la réévaluation du deutschemark , en 1969 . Mais il semble qu'en général , depuis le « flottement » du cours des monnaies en 1973 . les entreprises multinationales ont surtout cherché à bénéficier de l' instabilité des cours pour réaliser , sans prendre de risques majeurs , des profits ou pour éviter des pertes . Cette attitude ne permet pas d'affirmer que ces sociétés se conduisent comme de purs spéculateurs , mais elle amène à constater que la varia­ bilité des parités peut servir leurs intérêts en leur offrant des possi­ bilité u rentabiliser au maximum leurs actifs : l'objectif des res- ponsabV : serait d'abord de minimiser les moins-values de change , puis de tenter d'obtenir un gain en suivant la tendance du marché , mais sans chercher à la provoquer . — 101 — Certains estiment que les multinationales seraient ainsi incitées à procéder à des transactions purement monétaires , d'une ampleur limitée , mais néanmoins critiquables dans la mesure où la part des bénéfices sur devises dans le montant total de leurs résultats aug­ menterait par rapport à celle de leurs profits sur marchandises . Cette évolution reviendrait à nier la fonction purement commerciale de l'entreprise multinationale . Le monde entrerait ainsi dans un système dominé par l'argent , où le fait générateur des bénéfices ne résiderait plus dans des opérations de commerce , mais dans des anticipations monétahes confirmées par la réalité . Cette analyse , tout en étant confirmée à certains égards , appelle un examen plus détaillé . Il n'est pas douteux , en premier lieu , que les banques multina­ tionales aient donné l'exemple de la spéculation aux entreprises . Il faut , en effet , distinguer , parmi les multinationales , les entreprises à objet spécifiquement financer et les autres , spécialisées exclusive­ ment dans le commerce des marchandises ; les premières manifestent une certaine aptitude à adopter des positions spéculatives ; la con­ duite des secondes est plutôt inspirée par le souci d'éviter les pertes de change . Mais dans les pays où des rappcits étroits existent entre le système bancaire et les entreprises , comme au Japon , il n'est pas exclu que les statégies des banquiers aient influencé celles des com­ merçants . La nécessité de gérer de façon optimale les trésoreries en devises , afin de profiter au maximum des différences de cours et d'intérêt , favoriserait ainsi le développement d'opérations de spécu­ lation . En second lieu , il faut bien constater que les opérations de change des multinationales excèdent les stricts besoins commer­ ciaux . En cas de crise monétaire , les trésoriers des multinationales cherchent à différer les règlements à l'égard d'un pays dont la mon­ naie est faible et à accélérer les paiements à l'égard d'un pays dont la monnaie est forte . Le jeu de ce « termaillage » peut provoquer de très sérieuses difficultés pour les autorités monétaires , comme le révèlent au moins deux exemples empruntés à l'expérience de la France . Le déficit commercial en transactions fut extrêmement élevé en 1968 ; mais cette détérioration fut amplifiée en règlements par le termaillage ( 1 ) des exportateurs et des importateurs , qui jouèrent les uns et les autres la dévaluation du franc . Au début de l'année 1976 , les autorités françaises ont été conduites à isoler le franc du mécanisme européen de flottaison concertée des cours sous l'influence , notamment , d'un brutal retour­ nement des termes de paiement , alors favorables pendant l'année 1975 . ( 1 ) « Termaillage » : jeu de* termes de paiement selon l'évolution du cours des devises . - 102 — Les variations du « termaillage » ne peuvent , pour autant , être assimilées purement et simplement à une opération spéculative : il s'agit en réalité de pratiques de gestion rationnelle de trésorerie . Celles-ci peuvent néanmoins amplifier la baisse ou la hausse du cours des devises , d'autant plus que les ressources liquides des multi­ nationales n'ont pas cessé , depuis dix ans , de s'accroître , que les techniques de communication se sont améliorées — ce qui permet aujourd'hui de transférer presque intantanément des sommes impor­ tantes — et que l'information sur l'évolution des cours est très rapi­ dement diffusée . La spéculation pure n'est donc pas exclusivement responsable de l' instabilité monétaire internationale . Mais la valeur du « termaillage » pour une entreprise multina­ tionale dépend de son aptitude au « cash management international », fondée sur un recours au « hedging (« endiguement » des devises par achat ou vente à terme des monnaies dans le sens inverse du risque encouru , afin de contrebalancer chaque perte par un gain et viceversa) ou au « netting » (« compensation » des devises entre plusieurs établissements). Notons d'ailleurs que ces techniques du « cash management in­ ternational » ont pour conséquence importante de faire passer une partie importante du pouvoir monétaire international au secteur privé . Selon des auteurs américains , les multinationales les plus effi­ caces pour maîtriser la gestion de leur trésorerie seraient les sociétés d'une dimension moyenne , dont le chiffre d'affaires ne serait pas trop important . Leur organisation demeurerait assez souple pour permettre à leurs responsables de coordonner les actions de leurs filiales à l'échelle internationale . En revanche , les firmes de grande taille auraient une structure complexe , qui affecterait leur liberté de mou­ vement . Enfin , les sociétés les moins puissantes interviendraient assez peu dans les mouvements de liquidités . En troisième lieu , les multinationales ont élaboré une extrême diversité de techniques de financement leur permettant d'échapper au contrôle des changes . Il existe d'abord le « prêt croisé ». Une société suisse peut prêter des francs suisses à une entreprise américaine qui , à son tour , crédite la société suisse d'un montant équivalent en dollars . La structure de cette opération élimine les contraintes de la réglementation . Il faut ensuite rappeler le développement récent des « Currency Swaps » : deux sociétés disposant chacune de liquidités dans la monnaie de leur pays respectif peuvent échanger ces disponibilités dans le cadre d'un achat et de vente de devises , et non plus de prêts réciproques . — 103 — Ces deux exemples révèlent l'étendue des possibilités offertes à ces entreprises pour échapper au contrôle des changes. Une telle attitude des dirigeants des entreprises multinationales n'est cependant pas exempte de risques. La spéculation offre alors des occasions de stabiliser le marché : l'existence d'anticipations excessives sur le marché des changes peut provoquer des prises de bénéfices et des dénouements de positions. Selon des observateurs bien informés , la société I.T.T. avait ainsi vendu à terme, en 1974, l'équivalent de 600 millions de dollars de devises, ce qui s'était traduit, en définitive, par une perte de 48 millions de dollars, sa prévision sur le renforcement de la monnaie américaine ayant été erronée. M. Raymond Barre pouvait ainsi souligner que si le rôle des entreprises multinationales dans les crises monétaires ne devait pas être sous-estimé , il n'était pas possible de leur faire porter la « res­ ponsabilité ultime » des flux massifs de capitaux à court terme. Mais il convenait pourtant que ces sociétés exploitaient le plus souvent avec rapidité une situation de désordre économique et monétaire ( 1 ). En réalité, il est frappant de constater que les analyses qui peuvent être conduites sur un tel sujet se trouvent assez vite éloignées de la réalité . Les techniques qui ont pour objet de protéger la valeur en une monnaie de référence d'éléments de patrimoine, reposant sur des anticipations relatives aux mouvements de change, ne peuvent être aisément contrôlées. Il existe, le plus souvent, dans des sociétés à localisations multiples , des possibilités réelles de spéculation. Des spécialistes estiment que les ventes de sterling, en juin 1972 , étaient en majeure partie imputables au « hedging » d'entreprises . Un autre rapport du Sénat des Etats-Unis a révélé, en juillet 1975 , que les sociétés multinationales avaient contribué à la crise ayant conduit à la seconde dévaluation du dollar ( 12-13 février -»073), par un déplacement important d'actifs du dollar vers Ir rriu:hemark, le franc suisse, le yen et le florin : il en trouvait ciV£rnsî;un dans le fait que les actifs en monnaies fortes d'un échantillon significatif » de 56 sociétés s'étaient accrus de 73 % au cours des douze mois se terminant le 31 janvier 1973 , alors que leurs avoirs de dollars fléchissaient de 16,5 % . Il est frappant, cependant, de constater que la vive progression des bénéfices des multinationales a coïncidé avec la généralisation des changes flottants . Des mesures devraient donc être prises pour limiter l'influence des entreprises multinationales, allant au-delà des « principes direc­ teurs » contenus en annexe de la « Déclaration sur l'investissement ( 1 ) Barra (Raymond) : « Sociétés multinationale* et relations monétaires internationales » in Essais en l'honneur de Jean Marchai, tome II, La monnaie, Cuise. Paris, 1975. — 104 — international et les entreprises multinationales », publiée le 21 juin 1976 et actualisée en 1979 , par les Etats membres de l'O.C.D.E. En effet , ces « principes » intéressent surtout la nature des informa­ tions que ces firmes devraient publier : structure de l'entreprise , résultats d'exploitation , emplois de fonds , etc. Il serait utile , en particulier, de réduire , voire de supprimer, les avantages fournis par les « paradis fiscaux », qui permettent aux filiales soumises à une forte fiscalité de minimiser leurs profits déclarés et , au contraire , aux filiales bénéficiant d'un régime favo­ rable , d'accumuler les leurs ; une autre réforme pourrait tendre à imposer aux entreprises multinationales d'informer confidentielle­ ment les banques centrales de la répartition de leur trésorerie entre les différentes devises possédées . Mais , en tout état de cause , l'influence des entreprises multi­ nationales constitue l'un des indices les plus sûrs de l'érosion de la puissance des Etats sur le système monétaire international . Les banques privées , en prêtant de plus en plus fréquemment à des orga­ nismes publics , aggravent encore cette situation . B. — Les emprunts des Etats auprès du système bancaire privé . Depuis les années 1973-1974 , l'augmentation du prix du pétrole a considérablement affecté les balances des paiements des Eu?ts consommateurs d'hydrocarbures . Ceux-ci n'ont alors pas hés'té à emprunter des ressources au système bancaire privé . Cette procédure était sans doute tolérable pour les Etats indus­ trialisés , dans la mesure où leur recours au marché n'était pas exces­ sif . Mais elle présentait des risques évidents quand des pays en voie de développement , dont la solvabilité était précaire , procédaient à de telles opérations . a) Les emprunts des Etats industrialisés sur les euromarchés. Immédiatement après la première crise du pétrole , l'année 1974 devait constituer le point de départ d'une évolution qui allait singu­ lièrement modifier la structure des emprunts sur les euromarchés . Dès le premier semestre de cette année , de nombreux pays impor­ tateurs de pétrole ont fortement recouru à l'euromarché pour financer leur déficit : les nouvelles lignes de crédit à long et à moyen terme ouvert à des gouvernements et à des organismes publics ont atteint quelque 16,5 milliards de dollars , le Royaume-Uni , la France et l' Italie entrant à eux seuls pour plus de la moitié de ce total . — 105 — La crise du pétrole avait , en effet , ébranlé la structure financière de la plupart des pays industrialisés , à l'exception des Etats-Unis , ce qui avait incité presque tous les pays de l'Europe de l'Ouest à recourir à des emprunts auprès du système bancaire international . Dans ces conditions , les euromarchés ont acquis une importance économique mondiale en permettant de transformer les dollars déposés à court terme par les pays de PO . P. E. P. en dollars prêtés à long terme aux autres pays . Un nouveau type d'emprunteur est même apparu sur le marché : les pays de l' Est . Les échanges commerciaux de ces Etats subis:ent une dégradation continue et le recours à l'endettement leur permet de se procurer des devises convertibles pour régler les déficits . La majeure partie des crédits bancaires consentis aux pays de l' Est est accordée par le marché des eurodevises : il s'agit de faci­ lités renouvelables à intervalles réguliers et selon un échéancier fixé à l'avance , de l'ordre de cinq à quinze ans ; le taux d'intérêt est modifié , environ tous les six mois , en fonction du taux offert sur la place de Londres . L'endettement t--Lil des pays de l' Est a été évalué , à la fin de 1977 , à une cinquantaine de milliards de francs , dont les crédits bancaires détenus sur le marché des eurodevises pouvaient repré­ senter quelque 60 % . En 1978 , les nouveaux emprunts contractés par ces pays ont atteint 9,3 milliards de dollars , soit deux fois plus que l'année précédente , au moment où leurs dépôts , qui n'avaient pratiquement pas varié en 1977 , progressaient de 2,3 milliards de dollars . L'U.R.S.S. , la Pologne , la R.D.A. et la Hongrie constituent les principaux emprunteurs . Un rapport publié en septembre 1978 par quinze experts inter­ nationaux réunis sous l'égide de la Brookings Institution , établisse­ ment de recherches économiques situé à Washington , estime que l'endettement des pays de l'Est a atteint un montant préoccupant , voire critique . Si l'on estime , en effet , que le rapport du Service de la dette aux exportations indique une situation alarmante quand il dépasse 0,25 , il est inquiétant de constater que le seuil a été franchi par tous les pays de l'Est . En définitive , certaines grandes banques — notamment les banques américaines — se montrent de plu en plus réticentes pour souscrire aux emprunts émis sur le marché international des capi­ taux par les pays de l'Est . b ) Le recours des pays en voie de développement eu marché des eurodevises et aux prêteurs privés . Une part sans cesse croissante de la dette extérieure des pays en voie de développement est constituée par des engagements envers — 106 — les banques internationales . L'ampleur de ce phénomène conduit à s'interroger sur la nature des risques afférents à de telles opérations . 1 . L'ampleur du phénomène. Les estimations relatives au montant de la dette des pays en voie de développement varient beaucoup selon les sources statis­ tiques . La Banque mondiale indique cependant que le total des encours est passé de 25 milliards de dollars des Etats-Unis en 1965 à plus de 270 milliards de dollars en 1977 . Mais son rythme de progression a été irrégulier , puisque, sous l'effet de la majoration du prix du pétrole , en 1973-1974 , le taux annuel de croissance a vive­ ment augmenté . La structure de la dette a évolué ca., selon le F.M.I. , les créan­ ciers privés détiendraient maintenant près de le révèle le graphique ci-dessous . PAYS EN DÉVELOPPEMENT AUTRES QUE LES .•> du total , comme PRINCIPAUX PAYS EXPOR­ TATEURS DE PÉTROLE : DETTE EXTÉRIEURE ( 1 ) PAR CATÉGORIES DE CRÉANCIERS, FIN 1970-FIN 1978 (1) Pourcentage de l'encours total de 1« dette . (Source : Système utilité par la B. I.R. D. pour l' établissement des rapports sur la dette et estimations des services du Fonds .) (1) Dette publique ou garantie par l' État dont l'échéance initiale ou prorogée est supérieure à une année . (2) Les institutions financières et les porteurs d' obligations . - 107 — Une telle situation est évidemment très préoccupante , d'au­ tant plus que le rythme d'octroi des prêts en eurodevises aux pays en voie de développement est passé de 11,3 milliards de dollars en 1977 à 24,7 millions de dollars en 1978 , au moment où les dépôts des inté­ ressés ne progressaient que de 4 milliards de dollars d'une année à l'autre , atteignant 16 milliards de dolleys en 1978 ; le montant des emprunts nets des pays en voie de développement sur ce marché a donc été de 8,7 milliards de dollars en 1978 . 2 . Les risques afférents à ces opérations . Le recours des pays en voie de développement au système ban­ caires privé menace assez gravement l'avenir des euromarchés . Sans doute les possibilités offertes par les diverses places financières ontelles pu contribuer à favoriser le « recyclage » des capitaux pétro­ liers : à cet égard , les euromarchés , dans un contexte de x flottement » généralisé des cours ont , sous réserve de quelques défauts de fonc­ tionnement , assez remarquablement joué un rôle indispensable d'in­ termédiaire . Mais l'évolution récente de la crise pétrolière incite à exprimer des doutes sur l'efficacité ultérieure du « recyclage ». Dans son rapport , la Commission indépendante sur les problèmes de développement international (« Commission Brandt ») ne pense d'ailleurs pas que les banques privées doivent exercer une influence majeure sur les modalités du financement du déficit de la balance des paiements courants : le marché est trop généreux avec certains pays et pas assez avec d'autres ; il tend à exacerber les difficultés du service de la dette ; il n'est pas facilement accessible aux pays les plus pauvres . Cette procédure est , en effet , dangereuse et « autodéréglante » dans la mesure où elle recèle trois risques majeurs pour l'équilibre monétaire international . D'abord, un « risque de souveraineté » : un pays peut se trouver dans l'impossibilité de rembourser ses dettes , en raison du déficit de sa balance des paiements , ou pour des motifs d'ordre politique ; mai ; alors que les entreprises privées sont mises en liquidation , un Etat cessera difficilement d'exister par suite de son insolvabilité exté­ rieure ; le danger réside plutôt ici dans un réaménagement des créances et dans un moratoire . Dans ces conditions , la défaillance d'un seul État peut mettre en danger une ou plusieurs banques , comme le prouve l'exemple du Zaïre qui , en 1975 , n'a pu rembourser un prêt de 800 millions de dollars , créant ainsi une situation inquiétante pour un « pool » de banques . Ce risque d'insolvabilité n'est sans doute pas nouveau . Au xix* siècle , la plupart des pays d'Amérique latine , l'Espagne, la — 108 — Turquie ne purent rembourser des dettes extérieures ; de 1920 à à 1930 , de grandes banques américaines ont même pu se retrouver à la tête de plantations de canne à sucre en faillite ... Mais le danger réside actuellement dans l énormité de la masse de capitaux ainsi immobilisés . Ensuite , un « risque financier » : les prêts que procurent à l'emprunteur des fonds qui accroissent ses réserves doivent être , en bonne logique , refinancés , et il n'existe pas , au plan international , d' institution capable de jouer officiellement le rôle d'une banque centrale . Un danger majeur pour l'avenir du système monétaire inter­ national est donc constitué par l'existence de créances immobilisées détenues par les banques sur certains Etats sans aucune possibilité de refinancement . Les caractéristiques propres des emprunts des pays en voie de développement soulèvent d'ailleurs de vives inquiétudes : ils sont en effet souscrits , le plus souvent , à taux « flottants » auprès d'un consortium . Le passage du coût de l'argent aux Etats-Unis de 5 % à quelque 20 % en 1980 entraîne , pour ces pays des difficultés multiples pour le service de leur dette . Les banques occidentales pourraient ainsi mettre des débiteurs importants en défaut , ce qui provoquerait évidemment en retour , des faillites retentissantes . Enfin . un « risque de gestion bancaire » : les banques commer­ ciales ne disposent pas de critères d'appréciation très éprouvés pour décider d'accorder des capitaux , le cas échéant , non plus à des entre­ prises , mais à des Etats ; la solvabilité de la puissance publique dépend de considérations très nombreuses , et les notions traditionnelles de rentabilité et de surface financières , adoptées pour juger la valeur d'une unité de production , ne peuvent sérieusement être utilisées pour évaluer l'exacte capacité de remboursement d' un pays . Au surplus , comme le constate la Banque des règlements inter­ nationaux , même si les établissements acquièrent les compétences nécessaires dans ce nouveau champ d'activité , il se peut qu'elles rencontrent des difficultés pour obtenir des pays débiteurs les ren­ seignements appropriés . Ajoutons à ces divers inconvénients que certains pays n'ont pas accès à ces marchés , où règnent des conditions assez sévères , notamment des taux d'intérêt élevés ; leurs responsables , déjà confron­ tés à la crise de l'énergie , estiment , à juste titre , que le système est inéquitable . Malgré l'étendue des risques ainsi encourus , certains pays — tels le Brésil et le Mexique — dépendent presque entièrement de la volonté des banques multinationales pour trouver les capitaux néces­ saires à leur expansion . — 109 — La conséquence de cette évolution est que , désormais , les banques multinationales se trouvent dans des positions de force vis-à-vis des Etats : elles peuvent influer de façon substantielle sur leur politique économique . • * Les rapports du Fonds monétaire international signalent donc , à juste titre , une très forte augmentation de ce que les experts ap­ pellent « la liquidité internationale privée », constituée par des avoirs détenus par le secteur privé , qui peuvent être facilement utilisés et réalisés pour régler des dettes internationales . Il était normal de constater , antérieurement , une progression de cette « li­ quidité internationale privée » quand les réserves publiques de changes ne s'accroissaient que modérément : il en avait été ainsi , notamment , de 1964 à 1969 . Mais il est infiniment plus grave de remarquer une évolution identique de ces facilités au moment où l'économie mondiale connaît une relative abondance de moyens de paiement . L'examen de la répartition des réserves de change , très inégalitaire , suggère que la concentration de la richesse à quelques pôles — et notamment au Proche-Orient — a directement favorisé cette évolution . CONCLUSION Être le garant et le gestionnaire de la monnaie de réserve mon­ diale est évidemment pour un État une responsabilité extrêmement lourde . Qu'elle s'accompagne également de certains avantages est dans l'ordre des choses une conséquence naturelle de la puissance . Mais responsabilités et avantages doivent être maintenus dans un certain équilibre . Apparemment la politique monétaire américaine a sacrifié les unes aux autres . Nous avons vu que ce n'était cependant pas une politique délibérée mais plutôt une attitude pratique . Nous sommes donc obligés d'y voir un des aspe du déclin américain bien en contraste avec la fermeté et la décision qu'avait manifestées le gouvernement de l' Amérique victorieuse à Bretton-Woods . Absence de direction monétaire , structures en voie de dissolu­ tion , réactions de défense contre l' inflation , recours à l'habileté des grandes banques privées , jeu mal connu des multinationales , jeu des toujours anonymes spéculateurs , débouchent sur un risque de désé­ quilibre brutal jusqu' ici évité mais d'autant plus menaçant que les sommes en cause ne cessent de croître . — n0 — 11 semble bien , dans ces conditions , qu'une telle situation n'a que deux issues : ou bien se perpétuer pour aboutir à un effondrement généralisé ou bien l'instauration d'un nouvel ordre monétaire inter­ national . Il n'est pas nécessaire de développer le premier volet de l'alternative dont on voit bien à quel chaos il peut mener. Il est bien évident, en revanche , que si la reconstitution d'un système i.ionétaire requiert la participation de la communauté internationale , elle ne pourra se réaliser que sur l'initiative du garant de la monnaie de réserve . Or, l'évolution nue nous avions décrite sous le nom de revanche des biens réels se nble bien indiquer que le nouveau système ne pourra pas faire abstraction de l'or . On peut se demander si cer­ tains propos , d'ailleurs peu clairs , d'un des candidats à la Maison Blanche reflétaient sur ce point une évolution de la mentalité dans les sphères dirigeantes américaines . En attendant , force est bien de mesurer lucidement que désordre des relations économiques entre E.ats et désordre monétaire vont de pair. — lit — CHAPITRE III PERSPECTIVES ÉNERGÉTIQUES La crise de l'énergie, qui domine depuis plusieurs années les relations internationales, revêt un double aspect économique et poli­ tique d'où résulte une inextricable imbrication entre deux séries de menaces . Pendant de nombreuses années, les Etats occidentaux ont favo­ risé, conformément à la rationalité économique du moment, la substitution du pétrole aux autres formes d'énergie : les sociétés bénéficiaient, à l'intérieur des pays producteurs, d'un régime de concessions qui leur conférait la faculté de tirer le meilleur parti des ressources ; elles devaient sans doute verser des impôts et des rede­ vances, mais elles pouvaient profiter de la concurrence entre les inégales conditions en vigueur dans les différents pays. Le marché était très solidement tenu par les acheteurs : il en résultait que le cartel international du pétrole obtenait pour ce pro­ duit un prix absolument constant, peu soumis à des variations d'une certaine ampleur. Les pays consommateurs pouvaient donc sans cesse accroître, à un faible coût, la part du pétrole dans leurs bilans énergétiques nationaux. Cette situation avait cependant été ébranlée, précisément en Iran, au moment de la nationalisation du pétrole décidée en 1951 . Le Dr Mossadegh avait remis en cause, pour la première fois, la propriété des gisements et le rôle des sociétés exploitantes ; cette expé­ rience, prématurée parce qu'intervenue dans monde étroitement dépendant des superpuissances, devait être brutalement interrompue à la faveur d'un bouleversement politique. La stratégie du Dr Mossadegh allait cependant être pour­ suivie vingt ans plus tard par l'Algérie, qui , en février 1971 , décrétait unilatéralement la prise de contrôle de toutes les sociétés exploitant le pétrole et le gaz sur son sol, suivie par la Libye, qui, en décembre 1971 , nationalisait les actifs de « British Petroleum », et par l'Irak qui, en juin 1972, réalisait la même opération sur les avoirs de l'« Irak Petroleum Company ». Ultérieurement, les pays de - 2 — l'O.P.E.P. obtenaient une prise de contrôle pratiquement intégrale de l'activité des sociétés pétrolières . Une seconde étape dans l'évolution du conflit énergétique mon­ dial devait être franchie au moment où les pays producteurs prenaient , en 1973-1974 , la maîtrise de la détermination des prix du pétrole . Ces Etats , préoccupés par l'épuisement de leurs gisements , allaient alors fixer le cours des hydrocarbures à un niveau très voisin de celui des énergies concurrentes , le gaz naturel ou le charbon : ils espéraient ainsi limiter sensiblement l'augmentation de la consom­ mation . Il apparaissait cependant , en 1980 , que le coût des investisse­ ments permettant de mobiliser les sources alternatives d'énergie avait beaucoup augmenté depuis cette date-charnière de 1973-1974 : cet accroissement n'incitait plus suffisamment les Etats consommateurs à rechercher des possibilités de substitution . Il est d'ailleurs assez troublant de constater que le prix des énergies de substitution est régulièrement révisé en hausse à chaque relèvement du prix du pé­ trole . Le conflit énergétique allait connaître une troisième et dernière phase : les pays producteurs envisagent désormais de ne plus retirer de leurs ventes de pétrole que les sommes nécessaires à leur déve­ loppement économique. Ils entendent alors ménager leurs réserves en exportant moins d'hydrocarbures , afin de mener à leur terme les plans d'industriali­ sation qui leur permettront d'assurer l'avenir. L' Iran , l' Irak , le Mexique , le Nigeria , le Venezuela , l' Indonésie , le Koweït et les Émirats arabes unis ont ainsi manifesté leur intention de réduire plus ou moins leurs livraisons . Ces trois étapes du conflit énergétique mondial — contrôle de la propriété des gisements et des sociétés , alignement du prix du pétrole sur le coût des énergies de substitution , limitations de pro­ duction — révèlent que la crise actuelle est d'ordre politique , dans la mesure où les Etats producteurs d'hydrocarbures peuvent dicter leurs conditions aux pays consommateurs . Il en résulte une certaine désorganisation des relations écono­ miques internationales , où l'accumulation des initiatives conduit à des situations explosives , comme le prouvent un examen des perspec­ tives énergétiques globales , ainsi qu'une description des difficultés rencontrées par la France et par ses partenaires européens . — 113 — A. — PERSPECTIVES ÉNERGÉTIQUES GLOBALES L'énergie est devenue un produit rare et cher. Les tensions internationales ont été aggravées par cette pénurie nouvelle ; il n'est pas possible de dissocier l'examen de la situation particulière de la France d'une analyse des perspectives globales de la consommation et de la production des ressources énergétiques . 1° Les perspectives de la consommation mondiale de produits énergétiques. De très nombreuses études ont estimé la consommation mondiale de produits énergétiques en 2000 : ces travaux aboutissent , en règle générale , à un chiffre compris entre 11 et 16 milliards de tonnes équivalent pétrole ( tep ). L'évolution de la demande devrait varier en fonction de la croissance de l'activité économique . Les différents scénarios qui ont été élaborés apprécient diver­ sement l' influence d'une forte ou d'une faible croissance sur le montant de la consommation énergétique . Le tableau ci-dessous fournit les résultats obtenus dans les deux cas : PERSPECTIVES DE L'ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION ÉNERGÉTIQUE MONDIALE EN 1980 ( En milliard» de tep .) HypotMee de Hypothèse Scénario» de Projet « Interfuturs » de l'O.C.D.E. ( 1979) a Workshop on alternative Energy Stratégies l'analyse jroêiauc* fort* on faible 14,60 13,10 15,44 12,95 14,40 11,35 » (W.A.E.S. ) a Institut international pour appliquée » (Vienne 1978) crlMaoee moiMrie fonctionnelle Sénat M - T. I. — 8 - 114 — La consommation mondiale de produits énergétiques est actue .lement de l'ordre de 5 à 6 milliards de tep , contre 1,7 milliard de tep en 1950 . De 1950 à 1975 , la croissance économique annuelle moyenne a été de 5,2 % ; pendant cette période , les besoins éner­ gétiques ont progressé à un rythme équivalent , ce qui suggère l'exis­ tence d'une relation égale à 1 entre ces deux grandeurs : tout point de croissance économique avait impliqué un point supplémentaire de consommation énergétique . La nécessité de réduire cette dépen­ dance a été vivement perçue, depuis les événements de 1973-1974 , par tous les grands Etats . En 1980 , il semble que l'élasticité de la consommation d'éner­ gie par rapport au produit national brut demeure largement supérieure à 1 pour les pays en voie de développement ; elle serait nettement inférieure à 1 pour les pays industrialisés . Cette constatation incite à procéder à une analyse ti ès détaillée de la structure géographique de la consommation mondiale de pro­ duits énergétiques . Selon le projet « Interfuturs » de l'O.C.D.E. , de 1976 à 2000 , la demande doublerait approximativement pour les Etats de l'O.C. D.E. ; mais , au cours de la même période , pour les pays en voie de développement , le coefficient multiplicateur serait compris entre 5 et 7 ; toutefois , en 2000 , un habitant des pays de l'Ouest ou de l'Est consommerait encore 7 fois plus d'énergie qu'un habitant des pays en voie de développement . Il existe , en effet , une part de consommation énergétique due simplement à l'accroissement démographique . Lors du précédent rapport nous avons indiqué que M. Robert Lattès évaluait à 3 mil­ liards de tep en 2000 cette proportion , sur un total de 14 milliards de tep ; ces 3 milliards de tep représentaient la demande mondiale de l' année 1960 . 2° Les perspectives de ressources. Le pétrole occupe une part prépondérante dans les bilans d'ap­ provisionnement en énergie primaire . Compte tenu de la longueur des délais de réaction à toute modification de la structure relative des prix de l'énergie , les différents Etats doivent affronter une pé­ riode de transition difficile : la reconversion des économies fondées sur l'utilisation des hydrocarbures devient ainsi une nécessité vitale . a) Les perspectives du pétrole. La consommation annuelle mondiale de pétrole est évaluée à 3 milliards de tonnes , ce qui représente plus de 50 % de la demande de produits énergétiques . - 115 — Le projet « Interfuturs » prévoit en 2000 une réduction de cette part relative du pétrole , qui reviendrait à 41 % selon un scénario de croissance forte . La transition au cours des vingt prochaines années sera difficile, car un recours intensif aux énergies de substitution exige de longs délais . Les difficultés énergétiques demeureront donc, jusqu'en 2000, des difficultés pétrolières . Si la croissance économique, de 1980 à 2000 , était, en moyenne annuelle, de 3 % , la consommation mondiale de pétrole atteindrait alors , en 2000 , 6 milliards de tonnes de pétrole (soit le double de la consommation actuelle). Selon l'enquête Delphi effectuée par Pierre Desprairies en 1976 et en 1977 pour la commission de conservation de la Conférence mondiale de l'énergie, les estimations fournies par les experts , portant sur le pétrole mondial restant à produire , ont varié entre 175 et près de 1 000 milliards de tonnes . Il existe donc une réelle incertitude sur l'état des disponibilités physiques . Pour M. Pierre Desprairies lui-même , le montant des réserves prouvées est de 100 milliards de tonnes ; celui des réserves à décou­ vrir serait de 200 milliards de tonnes ; la contribution des ressources en pétrole « non classique » ( schistes bitumineux , sables asphalteux , pétrole de charbon ) représenterait 300 à 600 milliards de tonnes . Les 300 milliards de tonnes de réserves prouvées et à découvrir permettraient donc de consommer, pendant cent ans, l'équivalent de la demande actuelle . Mais cette constatation doit être tempérée par le fait que le pétrole est actuellement un bien en voie de liquidation . Le tableau ci-dessous fournit l'évolution de la production de pétrole (ligne noire) et la moyenne annuelle des découvertes calculées sur des périodes mobiles de cinq ans. ÉVOLUTION DES DÉCOUVERTES MONDIALES (*) DE PÉTROLE PAR TAILLE DES GISEMENTS (moyenne annuelle sur 5 ans) 16 (•) En dehor* des pays socialistes. <So«rc« EXXON Juin 1978 .) - 117 — On peut remarquer que , depuis 1970 , la consommation de pétrole est plus importante que les découvertes . Les besoins ont augmenté plus rapidement que les découvertes , si bien que le rapport des « réserves prouvées » à la production annuelle a diminué très nettement au cours des dernières années , comme le révèle le tableau ci-dessous . RESERVES PROUVÉES ET PRODUCTION DE PETROLE BRUT DANS LES PAYS DE L'O.P.E.P. ( En millions de barils .) O.P.E.P. Réserves Ratio reenrtt Production [ O.P.E.P. Monde 3.180 68,6 39,5 5.230 49,8 32,2 37J annuelle i i 1960 218.030 1965 260.245 107A 434 333 8546 50.8 1971 433.393 9.244 46.9 36.1 1972 465.623 9.916 47,0 36,8 I 1973 420 315 11.311 37,2 31,1 1974 484.970 11.216 43,2 34,6 1975 449.370 9.925 45,3 33,5 1976 438.995 11.250 39,0 28,7 1977 439.915 1 11.460 38,4 29,4 1978 451.420 j 10.937 41,2 29,3 Le danger le plus immédiat pour les Occidentaux ne réside sans doute pas encore dans une éventuelle pénurie globale de pétrole ; mais il est lié aux probables ruptures d'approvisionnement . Plusieurs hypothèses méritent d'être envisagées . Le renouvellement d'événements politiques très graves peut , immédiatement , conduire à l'interruption des livraisons . Les Etats consommateurs ne se trouveraient certainement pas en état de supporter les effets d'une stratégie à long terme d'étouf­ fement . La crise iranienne souligne la validité de ce type d'analyse : au cours du premier trimestre 1980 , les exportations de pétrole iranien n'ont pas dépassé 1,3 million de barils par jour, contre 6 millions de barils avant la « révolution islamique ». La dépendance pétrolière vis-à-vis des pays de l'O.P.E.P. du lapon (87 % ) et de l'Europe de l'Ouest (78 % ) est un indice de leur - 118 — extrême vulnérabilité ; de plus , les réserves prouvées des pays de l'O . P.E.P. atteignent 61,5 milliards de tonnes , sur un montant total de 100 milliards de tonnes . Mais il serait illusoire de penser que seule la permanence de la menace politique peut créer des difficultés . En effet , même en l'absence fort improbable de toute aggrava­ tion des rapports entre puissances , un autre danger est constitué par la propension des Etsis de l'O.P.E.P. à ne pas accroître substantiel­ lement leur production pétrolière afin de conserver leurs richesses réelles , en évitant de les convertir en devises ou en actifs plus ou moins dépréciés . Du moins peut-on espérer que les pays peuplés de l'O.P.E.P. continueront à vendre leur pétrole ; mais ils ne disposent que de 32 % des réserves prouvées de l'O.P.E.P. Au contraire , les pays peu peuplés , que rien n'incite à augmenter leurs ressources financières , disposent de près de 70 % de ces réserves prouvées . A elle seule , l'Arabie saoudite , avec quelque 3 millions d'habitants , possède 37 % des réserves prouvées de l'O.P.E.P. Ces données ont incité l'Agence internationale de l'énergie ( A.I.E. ) à procéder à des révisions de plus en plus pessimistes sur l'ajustement de l'offre à la demande de pétrole . En 1979 , l'Agence internationale de l'énergie évaluait ainsi à 38 millions de barils ( 1 ) par jour la production des membres de l'O.P.E.P. en 1985 ; la demande des pays occidentaux devait être de 42 à 48 millions de barils par jour ; il était censé en résulter une pénurie de 600 millions de tonnes de pétrole par an dès 1985 . Une étude ultérieure de l'A.I.E. , publiée le 21 mai 1980 , rame­ nait à 31,5 millions de barils quotidiens la production de l'O.P.E.P. en 1985 ; comme cette réduction de l'offre devrait être acommpagnée par une forte progression de la demande des pays en voie de développe­ ment et des Etats socialistes , la quantité de pétrole disponible pour les pays de l'O.C.D.E. ne pourrait atteindre que 22,4 millions de barils par jour en 1985 et même 19,3 millions de barils par jour en 1990 . De même la « Central Intelligence Agency » ( C.I.A. ) estime que la contribution des cinq principaux Etats producteurs du Golfe est limitée par des facteurs techniques et politiques . En Arabie saoudite , par exemple , où une production de 8,5 mil­ lions de barils par jour suffit largement à assurer les besoins finan­ ciers du pays , tout dépassement de ce chiffre est considéré comme « une concession à l'Ouest ». Dans une déclaration faite le 21 août ( 1 ) Une tonne de pétrole = 7,3 barils. — 119 — 1978 , le ministre saoudien du pétrole et des ressources minérales affirmait déjà que les estimations de la C.I.A. , selon lesquelles l'Ara­ bie saoudite devrait produire 19 à 23 millions de barils par jour en 1985 pour satisfaire la demande mondiale étaient « exagérées » et que son pays « ne nmduirait jamais de telles quantités ». I a situation est d'autant plus grave que dans les autres zones de production d'hydrocarbures , les perspectives de production ne peuvent prétendre compenser la révision en baisse des pays de l'O.P.E.P. Le Canada a été une déception ; les importations des Etats-Unis ont augmenté à un rythme très important , car leur pro­ duction de pétrole est revenue , de 1973 à 1977 , de 511 à 469 mil­ lions de tonnes . ÉVOLUTION DES IMPORTATIONS NETTES DE PETROLE DES ETATS-UNIS (En millions de tep .) i960 Importations nettes de pétrole Consommation totale de pétrole 1975 l*T7 66,3 282,3 414,0 452,8 787,6 856,1 Il est alors intéressant d'étudier , avec M. Pierre Desprairies , quelles pourraient être les principales conséquences d'une rupture d'approvisionnement en 1990 . Le graphique ci-dessous révèle que si les pays de Ï'O.P.E.P. ré­ duisaient brutalement leur production , l'offre mondiale de pétrole reviendrait à 3 milliards de tonnes par an , et la croissance économique de la planète ne parviendrait pas à dépasser 3 % par an. — 120 — Si les exportations de pétrole des pays de l'O.P.E.P. étaient stabilisées à leur niveau de 1979 ( baisse de la production iranienne ; faible augmentation des contributions des pays arabes ), et si la croissance économique mondiale continuait au taux de 3 ou 4 % par an , le graphique reproduit ci-dessous montre l'écart prévisible croissant , à partir de 1987 ou 1988 , entre la demande et l'offre 1—21 - 122 — Il faut donc bien apercevoir que seules , des raisons de soli­ darité politique avec l'Occident peuvent justifier le maintien d'une production élevée , car les pays de l'O.P.E.P. ne sont soumis à au­ cune contrainte économique pour vendre leurs hydrocarbures . Il existe donc , en permanence, un risque évident de rupture des approvisionnements qui conduit, en s 'aggravant d'année en an­ née , à des perspectives de conflit : ces graphiques résument une — et non des moindres — menace qui pèse sur l'équilibre géopolitique mondial . b ) Les perspectives des autres ressources énergétiques. L'énergie nucléaire demeure la seule ressource capable de pal­ lier la diminution prévisible du rôle du pétrole . Mais la lenteur des adaptations impose encore un recours au charbon . Le tableau ci-dessous récapitule les prévisions de l' Institut in­ ternational pour l'analyse fonctionnelle appliquée et d ' « Interfuturs », relatives à la structure de la consommation mondiale d'énergie en 2000 . — 123 — L'APPROVISIONNEMENT EN ÉNERGIE EN L'AN 2000 (En million de ttp.) Hydfo- data MOone naturel «cctrldtf Nucléaire Autres 1 . Interfuturs : scénario de forte croissance. 250 1.045 420 100 625 100 2.540 Amérique du Nord 750 1.205 4% 175 650 100 3.300 Japon et Pacifique 130 670 120 40 170 30 1.160 1.130 2.920 990 315 1.445 230 7.000 O.C.D.E. Europe Total O.C.D.E U.R.S.S 580 755 640 95 185 45 2300 Europe de l'Est 360 240 130 15 40 15 800 2.070 3.9i5 1.760 425 1.670 290 10.100 Total paya développé» Chine 950 555 105 50 75 45 1.780 O.P.E.P. et autres pays en développement 270 1 490 44 ; 300 140 80 2.720 Total paya en développement 1.220 2.045 545 350 125 4.500 Total mondial 3.290 5.960 2.305 775 1.885 415 14.600 22 % 41 % 16 % 5 % 13 % J % 100 % 3.610 5.230 2.150 420 2.640 350 14.400 45 % 36 % 15 % 3 % r. % 3 % 100 % 2.915 4.023 1.610 410 2.100 290 11330 26 % 35 % 14 % 18 % 3% 100 % Part des diverses énergies I 2. I.I.A.S.A. (*) : scénario <ie forte croiaaance. Total momUa' Part des diverses énergies 3 . IJ.A.S.A. : scénario de faible croissance. Total mondial 0art des diverses énergies 4% (*) Institut International pour l'analyse fonctionnelle appliqués (Vienne). N.B. - Dam le scénario d'« Interfuturs • de croissance modérée. nos Mtqoé Id. la consommation mondiale d'énergie est de quelque 13.000 million de tep en l' an 2000 . Source» : 1 . [. A.S.A. , 1978 et « Interfuturs ». — 124 — B. — LE CAS DE LA FRANCE Les perspectives énergétiques mondiales laissent entrevoir la probabilité d'une rupture des approvisionnements . La France figure parmi les plus vulnérables des Etats occiden­ taux . Une étude de l'évolution du montant et de la structure de sa consommation d'énergie révèle ainsi l'étendue de ses faiblesses . Une pénurie brutale provoquerait des conséquences désastreuses sur son économie et , peut-être plus fondamentalement , sur sa civilisation . Les stratégies de riposte existent : mais elles impliqueraient une remise en cause du confort intellectuel et matériel de ses habitants . 1° L'évolution du montant et de la structure de la consommation nationale d'énergie . Un examen de l'évolution du montant et de la structure de la consommation nationale d'énergie révèle l'extrême dépendance de notre économie vis-à-vis des produits énergétiques importés . La part des achats d'énergie dans nos importations totales est ainsi passée de près de 15 % en 1966 à près de 20 % en 1978 . a ) L'évolution du montant de la consommation nationale d'énergie. En 1980 , le montant de la consommation nationale d'énergie devrait être , avec 195 millions de tonnes équivalent pétrole ( Mtep ), légèrement inférieur aux propositions de la Commission de l'énergie du VIIe Plan publiées en 1976 et qui portaient sur 202 millions de tep . Ce chiffre de 195 millions de tep doit être comparé aux résultats des années 1960 : 85,6 millions de tep ; 1965 : 111,2 millions de tep ; 1973 : i74,8 millions de tep ; 1977 : 178,4 millions de tep ; 1978 : 183,3 millions de tep ; 1979 : 188,0 millions de tep . — 125 — De 1950 à 1973 , la consommation nationale d'énergie avait augmenté au taux annuel moyen de 5,6 % , ce qui correspondait au rythme de progression de la production intérieure brute : l'élasticité de la demande d'énergie par rapport à la croissance économique était égale à 1 . L'action la plus importante pour réduire la contrainte énergé­ tique est de modifier ce rapport en cherchant à associer, à moyen terme , à un taux de croissance donné de la production nationale , un taux d'accroissement inférieur de la consommation d'énergie . Le Conseil central de planification , en janvier 1975 , dont les conclusions ont été reprises par la Commission de l'énergie du VII' Plan , retenait un objectif ambitieux , puisque , à un taux de croissance du P.N.B. de 5 % , il entendait parvenir à réduire le taux de croissance de la consommation d'énergie à 4 % , puis à 3 % . Ainsi , en 1985 , le montant des économies prévues devrait être de 45 millions de tep , la consommation globale passant de 175 mil­ lions de tep en 1973 à 240 millions de tep , alors que la poursuite des tendances antérieures aurait conduit à une consommation de 285 mil­ lions de tep . Cet objectif de 45 millions de tep d'économies d'énergie devait être globalement atteint selon la répartition suivante : — secteur résidentiel et tertiaire .... 20 millions de tep — secteur industriel 18 millions de tep — secteur des transports 7 millions de tep Mais les prévisions de consommation d'énergie pour 1985 ont été révisées en baisse au début de l'année 1979 afin de tenir compte du ralentissement de la croissance économique ( 1 ) ; le chiffre de 230 millions de tep a été substitué aux 240 millions de tep initia­ lement prévus ; de même , les 285 millions de tep qui avaient été envisagés au titre de la consommation sans économies d'énergie ont été ramenés à 265 millions de tep . Il en résulte que le montant des économies d'énergie à réaliser en 1985 a diminué de 10 millions de tep , puisque : — en janvier 1975 , il était de 45 millions de tep ( 285 millions de tep — 240 millions de tep ) ; — en février 1979 , il était de 35 millions de tep ( 265 millions de tep — 230 millions de tep). De 1973 à 1979, 18 millions de tep ont été économisés , ce qui représente , en termes de balance des paiements , environ 8 milliards de francs . ( 1 ) 3 % par an de 1976 à 1979 : les prévisions pour 1980-1985 portent sur 4 % par an. - 126 — Par secteurs , les économies ont été les suivantes en 1979 : — Industrie et agriculture — Résidentiel et tertiaire 3,5 millions de tep 10 millions de tep — Transports 3 millions de tep — Secteur énergétique et pertes 1,5 million Total 18 de tep millions de tep Mais la majorité des économies ( soit 12 millions de tep) avait été réalisée dès 1975 ; le rythme ultérieur de progression a donc été beaucoup plus lent . Pour atteindre les 33 millions de tep en 1985 , il faut épargner chaque année 3 millions de tep supplémentaires , ainsi répartis : — Transports 0,6 million de tep — Industrie 1,2 million de tep — Résidentiel et tertiaire 1,2 million de tep En 1978 , la consommation nationale d'énergie française a donc atteint 183,3 millions de tep, ainsi répartis entre les principaux sec­ teurs de l'économie : ÉVOLUTION, PAR SECTEURS. EN 1978, DE LA CONSOMMATION NATIONALE D'ÉNERGIE Eu ■mu— *• op Es pomme du Mal Sidérurgie 12,8 6,98 Industrie 48.1 26.24 Résidentiel et tertiaire 63.2 34,47 3.0 1.63 Transports 35J 19.25 Secteur énergétique et pertes 20,9 11,40 Agriculture Ce tableau conduit à formuler quatre observations : — La part du secteur résidentiel et tertiaire dans la consomma­ tion nationale d'énergie est la plus importante : elle atteint presque 35 % du total , soit 63,2 millions de tep ; les logements en utilisent les deux tiers et les autres bâtiments un tiers ; dans ce secteur, 500.000 tep supplémentaires se trouvent économisées en moyenne chaque année ; il reste à obtenir, selon les objectifs du Gouverne­ ment , 500.000 à 700.000 tep . - 127 — - La part du secteur des transports avoisine le cinquième du total de la consommation nationale d'énergie ; face à une économie annuelle de l'ordre de 250.000 tep, il reste à réaliser un gain de 350.000 tep supplémentaires . - La part de l'industrie (sidérurgie exclue) est * d'un peu plus d'un quart du total ; l'objectif de réduction de 1,2 million de tep a été atteint en 1979 , grâce à un montant d'investissements industriels de 2,9 milliards de francs. - L'agriculture est faiblement consommatrice d'énergie ; mais des progrès pourraient être réalisés grâce à une poursuite plus inten­ sive de la recherche de la réduction de notre dépendance en produits énergétiques nécessaires à l'industrie, notamment dans le domaine du séchage de certaines denrées (aliments destinés aux porcs, lait, etc.) ; tel est d'ailleurs l'objet du « programme vert pour l'éner­ gie » qui doit débuter en 1980 et dont l'objet est de parvenir à économiser 3,5 millions de tep en cinq ans dans le secteur agricole. Au surplus , la possibilité d'une forte augmentation de la contri­ bution de l'agriculture à nos ressources énergétiques ne saurait être exclue. Au total, le montant de la consommation d'énergie, de 1973 à 1980, n'a augmenté que de 11,5 % . Sauf en 1975 , la demande n'a pourtant jamais régressé. b) L'évolution de la structure de la consommation nationale d'énergie. L'évolution de la structure de la consommation nationale d'éner ­ gie devrait être la suivante de 1978 à 1980 : ÉVOLUTION, DE 1978 A 1980, DE LA STRUCTURE DE LA CONSOMMATION NATIONALE D'ÉNERGIE Mime Se tcp tm Charbon Pétrole Gaz naturel Nucléaire Hydraulique 1979 Pooncalata 19«0 1971 1979 total 1990 32,4 3W 33,5 17,67 17J1 17.44 107,7 108/0 1073 58,75 57,44 55.98 20,8 23,0 25,0 11,34 12,23 13J02 6,4 8 ,0 12 fi 3,49 4.25 6.25 16f0 15f0 14f 8,72 7,17 7.29 — 128 — Le Conseil des ministres du 2 avril 1980, qui a examiné les grandes lignes de la politique de l'énergie, et qui a précisé les objec­ tifs pour la décennie 1980-1990, a établi le bilan énergétique suivant pour 1990 (en pourcentage du total de la consommation) : — Pétrole 30 % — Nucléaire 30 % — Charbon et gaz 30 % — Hydraulique 5 % — Énergies nouvelles 5 % Ces tableaux permettent de déceler les principales caractéris­ tiques de l'évolution de la structure de notre consommation nationale d'énergie : — la part relative des hydrocarbures a tendance à diminuer ; — celle du nucléaire enregistre un progrès ; — celle du charbon et du gaz demeure stable, sous réserve des effets éventuels, dès 1980, de la relance de la consommation de char­ bon dans l'industrie et les chaufferies collectives annoncée par le Conseil des ministres réuni le 23 janvier 1980. La contribution des énergies nouvelles demeure assez limitée en l'état actuel des projets. 1 . La lente diminution de la part des hydrocarbures dans la consom­ mation nationale d'énergie. Les très fortes hausses du coût du pétrole décidées depuis 1973 par les Etats exportateurs d'hydrocarbures imposent de tout mettre en œuvre afin de parvenir à une diminution de la part des hydro­ carbures dans notre consommation nationale d'énergie. D'ores et déjà, la contribution du pétrole a pu être réduite de 66 % en 1973 à 56 % en 1980 ; le Conseil des ministres du 2 avril 1980 a envisagé de continuer dans ce sens, afin de parvenir au pour­ centage de 30 % en 1990. Le montant de notre « facture pétrolière » a été multiplié par 7,4 en huit années, comme le révèle le tableau ci-dessous : ÉVOLUTION DE LA « FACTURE PÉTROLIÈRE » DE LA FRANCE (En milliards de francs courants.) nu un »7« 1975 »7« 1977 1971 1(7* 14,9 4W 39,6 51.0 52.7 51,6 72 * 75 (FrMdaM) 110 - 129 — Le prélèvement sur notre produit national brut a lui-même forte­ ment augmenté au cours de la dernière décennie : ÉVOLUTION DE LA FACTURE PÉTROLIÈRE DE LA FRANCE EN POURCENTAGE DU P.N.B. (En pourcentage .) 1970 1974 1960 1,18 3,54 3,90 Le tableau ci-dessous révèle d'ailleurs que nos partenaires ont également été confrontés , au cours de la même période de référence, à une forte hausse du coût de leurs hydrocarbures exprimé en pour­ centage de leur produit national brut : ÉVOLUTION DE LA FACTURE PÉTROLIÈRE DE TROIS GRANDS ETATS INDUSTRIELS, EXPRIMÉE EN POURCENTAGE DU P.N.B. (En pourcentaae .) ■m 1MO lapon 1,4 4,7 R.F.A 1,0 3,7 Etati-Unii 0,2 3,2 Le coût total à supporter , compte tenu de l'extrême faiblesse de notre production nationale d'hydrocarbures ( 1,9 million de tonnes en 1978 ) est fonction de trois données : les quantités importées , les prix fixés en dollars des Etats-Unis par des fournisseurs , et , bien entendu , l'évolution du cours du dollar contre franc sur le marché des changes. a) Les quantités importées demeurent relativement stables, mais leur répartition géographique est critiquable. En 1979 , nos importations de pétrole devraient légèrement dépas­ ser 119 millions de tonnes , ce qui traduit un léger progrès par rapport aux résultats des années 1978 ( 111,9 millions de tonnes) et 1977 ( 114 millions de tonnes). Cette sensible augmentation correspond à un effort de restockage consécutif à la forte diminution des stocks enregistrée en 1978 (— 15 % en une année ). Sénat M - T. I. — 9 — 130 — La structure géographique de nos achats de pétrole justifiée par une certaine logique économique . Mais critiquée dans la mesure où les Etats qui nous offrent financières les plus favorables coïncident précisément dont la stabilité politique est incertaine . est sans doute elle doit être les conditions avec les pays Ainsi , nous achetons surtout le pétrole aux zones où ce produit est le plus abondant et le moins onéreux. Près de 78 % de nos importations de pétrole provenaient du Proche-Orient en 1978 ; ce chiffre était encore de plus de 74 % en 1979 . Au cours de ces deux années , l'Arabie saoudite nous vendait son pétrole à un prix inférieur et l'Iran à égal à 23,50 dollars le baril . En revanche, d'assurance politique » était incluse dans le cain ( variant de 30 à 32 dollars le baril ) et un prix inférieur ou une certaine « prime prix du pétrole mexi­ dans celui du pétrole de la mer du Nord (de 26 à 30 dollars ). Une alternative existe donc entre le souci de payer le pétrole à son prix le plus faible et la volonté de ne pas subordonner la sé­ curité des approvisionnements aux incertitudes politiques . Notre pays a parié plutôt sur le premier terme de cette alternative. Le tableau ci-dessous fournit l'origine géographique de nos im­ portations de pétrole en 1978 et en 1979 . ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DE NOS IMPORTATIONS DE PÉTROLE ( Millions de tonnes .) I 1971 ■m Moyen-Orient 87 88,5 • Chargés au golfe Persique 85 81,1 dont : Iran 9,9 7,3 Irak 20,1 19,9 22 4,6 38,4 35,6 7,0 7,5 Koweït Arabie Abu • Chargés en Dhabi Méditerranée : 2 7,4 15,2 17,7 3,2 3,3 Iran-Irak-Arabie-Koweit ) Afrique dont : Libye Algérie 3.3 3.6 Nigeria 7,2 8,7 9,7 12,9 3,2 4,0 3 5,1 Autres dont : Mer du Nord U.R.S.5 Total ( 1 ) 111,9 ( 1 ) Ce total représente les Importations pour besoins français , façonnage exclu . 119,1 - 13 — L'Arabie saoudite assure près de 30 % de nos achats en 1978 ; l'Irak , 16,7 % ; le Nigeria , 7,3 % . Par rapport à 1978 , la part de l'Iran est revenue , en 1979 , de 8,8 % à 6,1 % . b) Les prix du pétrole ont subi, de façon assez désordonnée, une nouvelle et brutale majoration à la suite de la réu­ nion de l'Organisation des pays exportateurs de pé­ trole tenue à Caracas en décembre 1979. Il existe actuellement plusieurs niveaux de prix : les prix of­ ficiels , les prix supérieurs pratiqués pour une partie des quantités par un certain nombre de pays , les prix du marché « spot ». Ces prix ne sont plus fixés , depuis la réunion de Caracas , par l'O.P.E.P. En fait , après toutes les décisions prises en 1979 et en 1980 par les différents Etats , le prix moyen du baril de pétrole a atteint près de 30 dollars en janvier 1980 et plus de 31 dollars en mai 1980. Le tableau ci-dessous fournit une récapitulation des prix pra­ tiqués par les principaux Etats exportateurs de pétrole de janvier 1970 à mars 1979 . ÉVOLUTION DU PRIX DU PETROLE BRUT A L'EXPORTATION (En dollar* /baril .) Prix affiché* (•) Prix de vente par l' Étal producteur (**) Densité janvier luta Nov. Janvier Juillet Octobre Janvier Juillet 4* tri. 1 « trlm A.P.I. 1970 »73 1973 1974 1975 1979 1977 1977 197S 1979 Arabie (léger) Ex-Golfe 34 1,80 2,898 5,176 11,651 10,463 11,510 12,09 12,70 12,70 13,34 Irak (Surah) 35 1,72 2,865 5,117 11,672 10,484 11,532 12.65 12,60 12,66 13,29 Iran (léger) 34 1,79 2,884 5,401 11,875 10,672 11,620 12,81 12.81 12,81 13,45 39 1,88 2,968 6,113 12,636 10,868 11,918 12,50 13,26 13,26 14,10 41 2,65 4,440 9,304 16,216 » » 14,25 (a) 14,40 » » 14,30 (a) 14,45 (a) 14,10 14,80 14,33 14,63 14,10 14.80 Abu Dhabi (Murban) Algérie Algérie ( mélange Sahara) 44 » Nigeria 37 2,17 ! * 4,003 » » » » 8,404 14,691 11,430 12,700 (o) (•) Prix eetiméa , non officiel! (*) Lee prix affichés étalent essentiellement <.» prix de référence totale servant de bue au calcul des taxes et redevances versées aux pays producteur». (**) La notion la plus courante autourd'hul et la plus re -é«enuthrt du coût d'accès au but est désormais celle du prix de vente par l'État producteur. Source : C .'.D P. - 132 — - 133 — Sur ces marchés « spot », la demande est constituée par des Etats soumis à un blocus économique ( Israël , l'Afrique du Sud) et par les grandes compagnies internationales . Or, les perspectives de réduction des quantités livrées par les Etats exportateurs de pétrole ( et notamment l'Iran) risquent d'ame­ ner les pays peu favorables à un approvisionnement sur les marchés « spot » à reconsidérer leur position . Les compagnies françaises ne doivent pas , en particulier, y avoir recours : il n'est pas exclu que cette situation puisse durer et , dans ce cas , la menace d'une nouvelle et très ample augmentation du coût moyen de notre pétrole importé devrait être redoutée . c) La « facture pétrolière » dépend enfin des variations de parité du dollar des Etats-Unis contre franc français. La faiblesse du cours du dollar diminue le coût des importa­ tions d'hydrocarbures de tous les grands Etats industrialisés . En ce sens , les pays à monnaie forte ( R.F.A. , Japon , Suisse) bénéficient d'un avantage certain : jusqu'en août 1979, le prix du pétrole exprimé en deutschemark , en yen ou en franc suisse était même inférieur à son niveau de 1974 , après le quadruplement du prix des hydrocarbures décidé par l'O.P.E.P. en septembre-décembre 1973 . Au contraire, le prix du brut exprimé en dollars , en livres sterling et en francs s'est trouvé fixé , pendant toute la période de référence, au-dessus de ce niveau. Le graphique ci-dessous fournit l'évolution du prix du pétrole importé, en monnaies nationales courantes, dans six grands Etats industriels : — 34 — ÉVOLUTION DU PRIX DU PÉTROLE IMPORTÉ , EN MONNAIES NATIONALES COURANTES, DE 1975 A IUILLET-AOUT 1979 ( Indice : base 100 en 1974 .) (Source : Bulletin de la Banque de Paris et des Pays- Bai .) (I) Moyenne trimestrielle , sauf dernier point ( moyenne juillet-août ). Ce phénomène explique en partie la compétitivité des Etats à monnaie forte . La diminution de la valeur des approvisionnements de leurs industries leur a permis de contenir, dans des proportions raisonnables , la progression de leurs coûts de production ; il s'est ensuivie une faible hausse des prix internes qui a plus que compensé les effets de l'appréciation du cours de leurs monnaies sur les mar­ chés des changes . Des taux annuels d'inflation de l'ordre de 2 à 5 % , enregistrés régulièrement, conduisent en effet à modifier la structure interne des prix relatifs et à supprimer les conséquences du renchérissement du coût des produits exportés dû à la hausse de la monnaie sur le marché des changes . - 135 — La France , elle , a subi toute la rigueur d'une inflation importée , causée par la majoration constante du coût des importations d'éner­ gie . Cette affirmation doit cependant être nuancée dans la mesure où le franc français a eu tendance , sur la période considérée , à s'ap­ précier par rapport au dollar des Etats-Unis ( 1 ) : mais la perte de substance de l'économie nationale n'a pu qu'être limitée . 2 . Les progrès de la part du nucléaire dans la consommation natio­ nale d'énergie. Le programme nucléaire doit assurer , en 1985 , la production de 43 millions de tep , ce qui représenterait 20 % de la consommation énergétique totale et 55 % de la demande d'électricité . Le Conseil des ministres du 2 avril 1980 a retenu , pour la part du nucléaire , le pourcentage de 30 % de la consommation énergé­ tique totale . Les économies d'importations que ce programme a permises ont atteint 2,5 milliards de francs en 1978 ; leur montant doit passer , aux prix actuels , à 6 milliards de francs en 1980 , pour progresser ensuite au rythme d'environ 3 milliards de francs en plus chaque année . La mise en œuvre de ce programme sera poursuivie grâce à l'engagement de centrales à eau ordinaire représentant une puissance de 5.000 MW chaque année sur la période 1979-1981 , ce qui cor­ respond à une réduction de 5 millions de tonnes par an de notre dépendance pétrolière . Ces données constituent , d'ores et déjà , un résultat positif. Mais suivant les prévisions actuelles de mise en service , notre pays devrait disposer , à la fin de 1985 , de 38.000 MW , ce qui tra­ duirait l'existence d'un retard de 2.000 MW par rapport aux objec­ tifs du programme initial . Cette relative lenteur trouve principale­ ment son origine dans la longueur des délais requis pour passer au stade de la fabrication industrielle , mais également dans la mise en œuvre de procédures plus contraignantes et plus complexes . Une accélération de la réalisation du programme nucléaire a cependant été décidée en 1979 par le Gouvernement , qui a autorisé , en 1980 et en 1981 , l'engagement de trois tranches de 900 MW au lieu de deux de 1.300 MW . ( 1 ) Le franc français s'est apprécié de 13.5 0/* par rapport au dollar des Etats-Unis du début de 1976 à octobre 1979 . — 3. 136 — Les perspectives du charbon et du gaz dans la consommation nationale d'énergie. Le 23 janvier 1980 , le Conseil des ministres a affirmé la néces­ sité de développer la part du charbon dans la consommation de l'in­ dustrie et des chaufferies collectives : l'objectif a été fixé à 10 mil­ lions de tonnes en 1985 et 20 millions de tonnes en 1990 , contre 3 seulement aujourd'hui . Des investissements ont également été dé­ cidés , à hauteur de 2,5 milliards de francs , pour valoriser les réserves du bassin de Provence et pour construire une nouvelle centrale élec­ trique d'une puissance de 600 MW. De même , le Conseil des ministres du 2 avril 1980 a fixé pour objectif de maintenir le niveau absolu de la consommation char­ bonnière aux environs de 50 millions de tonnes . CONSOMMATION DE CHARBON ( En millions de tonnes .) 1978 1990 Production électrique 25,4 13 Sidérurgie 13.1 15 Industrie 2,7 16 Foyers domestique* « S Divers 22 1 48,7 50 Total La part relative du charbon dans nos sources d'énergie devrait donc se stabiliser de 1979 à 1990 . L'effort de mise en valeur des ressources nationales exploi­ tables dans des conditions économiques satisfaisantes devrait donc être poursuivi . Mais la tendance de la production nationale est orientée à la baisse : face aux 21,2 millions de tonnes constatés en 1978 , les chif­ fres respectivement estimés pour 1979 et prévus pour 1980 portent respectivement sur 20,7 et 20,0 millions de tonnes . En effet , la France ne bénéficie pas de possibilités charbon­ nières équivalentes à celles des Etats-Unis ou de l'Afrique du Sud. Les politiques énergétiques de ces deux derniers pays , fondées sur l'abondance de leurs ressources , ne peuvent être transposées dans notre pays . — 137 — Il convient alors de tirer le meilleur parti des ressources en charbon disponibles à l'importation , car le coût moyen de production du charbon national est supérieur de 60 % au prix moyen du charbon importé . Jamais , depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale , la France n'avait importé autant de charbon qu'en 1979 ( 29,7 millions de tonnes , contre 25,9 en 1978 ). Cinq pays ont assuré , en 1979 , 95 % de l'approvisionnement extérieur en charbon : R.F.A. ( 8,9 millions de tonnes), Afrique du Sud ( 8,4 millions de tonnes ), Pologne ( 4,4 mil­ lions de tonnes ) et Australie ( 2,4 millions de tonnes ). L'Association technique de l'importation charbonnière ( A.T.I.C. ), qui dispose , dans notre pays du monopole de tous les achats de charbons étrangers , réalise ainsi un chiffre d'affaires de 8,5 milliards de francs ; elle assure plus de 11 % des achats mon­ diaux de houille . Les années 1980-1981 devraient être caractérisées par une très forte progression de nos importations de charbon ; cet aspect de la question intéresse d'ailleurs directement le sujet des « invisibles » évoqué par ailleurs dans ce rapport . En effet , seulement 40 % de nos importations de charbon se trouvent acheminées à bord de navires battant pavillon français . Le coût onéreux de l'exploitation de nos navires incite l'acheteur national à négocier librement avec les transporteurs étrangers pour bénéficier des taux de fret les plus bas. Dans ces conditions , la prochaine augmentation de nos impor­ tations de charbon impose que des efforts soient rapidement entrepris pour améliorer cette situation . L'étude ultérieure consacrée aux « transports maritimes » insistera , en particulier, sur les modalités concevables d'une telle entreprise . L'utilisation du charbon est d'autant plus nécessaire que les perspectives du gaz se trouvent assombries par l'attitude des Etats producteurs . L'Algérie demande ainsi à ses clients ( dont Gaz de France) un prix supérieur à 6 dollars le million de British Thermal Unit ( B.T.U. ) ( 1 ), ce qui correspond à une multiplication par 20 en une seule décennie . L'alignement du prix du gaz sur celui du pétrole brut semble donc , à terme , inévitable . Dans notre bilan énergétique . la part du gaz est de 11,3 % ; notre taux de dépendance atteint plus de 65 % . ( 1 ) Le B.T.U. équivaut à 293 kWh ou à 252 thermies . — 138 — STRUCTURE GÉOGRAPHIQUE DES IMPORTATIONS DE GAZ NATUREL ( En milliards de kW v 197» Production nationale Importation dont ou tWh .) 1979 83.2 81 179,2 204 : ( 40) — Algérie ( — Pays-Bas ( 00.6) ( 114 ) — Mer du Nord norvégienne ( 18,8) ( 24) — U.R.S.S ( 26,8) ( 26) 262,4 285 Total 33 ) 4 . Les énergies nouvelles : une contribution limitée. Le Conseil des ministres du 2 avril 1980 a prévu que les éner­ gies nouvelles pourraient procurer , en 1990 , 10 à 12 millions de tep ( soit 5 % de la consommation énergétique ). Il s'agit : — de « l'énergie verte » ( bois , paille , alcools , etc. ) ; — du chauffage solaire ; — de la géothermie . La répartition des contributions de ces trois sources d'énergie devrait être la suivante en 1 590 : ( En millions de tep .) Énergie verte ( s'uioutant aux économies d'énergie de l'agriculture) 7,5 à Chauffage solaire . 1,3 à 1,5 Géothermie 0,8 à 1 Microccntrales 0.4 à 0.5 Total 10 à 9 12 Les résultats ainsi obtenus permettraient de chauffer au bois 1,5 à 2 millions de logements ; de doter 2 millions de logements d'eau chaude d'origine solaire ; d'utiliser l'apport solaire pour 1,5 million de logements ; de chauffer par ïs géothermie 800.000 logements . — 139 — Il ne faut toutefois pas se dissimuler le caractère assez limité des perspectives offertes par les énergies nouvelles , dont l'importance demeure disproportionnée par rapport à l'enjeu du défi énergétique . 2° Un scénario de pénurie . La France ne dispose pas de ressources énergétiques naturelles ; elle figure, à ce titre , comme le Japon et l' Italie , parmi les Etats les plus vulnérables . ÉVOLUTION DU DEGRÉ DE DÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE DE QUELQUES PAYS EUROPÉENS ( 1 ) Uni Europe 9) R.F.A. France Itrtte Pan-Btt 1963 39 22 53 70 63 26 1464 58 44 65 80 56 49 1973 64 56 79 84 7 56 1978 57 59 76 82 5 25 Importations nettes - soutes ( t ) Défini par le rapport en pourcentage . Consommation Source Interleure brute Euroatat ( 1979 ). Notre pays doit , en effet , importer près de 80 % de son énergie primaire . Ainsi vulnérable , la France est aussi extrêmement dépendante , comme on l'a vu , des producteurs du Proche-Orient . Une part importante de nos approvisionnements repose sur nos rapports avec l'O.P.E.P. : or , ces pays sont l'enjeu d'une rivalité acharnée entre les Etats-Unis et l'U.R.S.S. , et , dans cette région du monde , nos moyens d'intervention sont quasiment nuls . Deux auteurs ont décrit les conséquences prévisibles d'une ré­ duction brutale de la moitié des ressources pétrolières dont dispose actuellement notre pays ( 1 ). A première vue , la situation ne serait guère catastrophique puisque cette indisponibilité nous ramènerait quatorze années en ( 1 ) Aujac ( Henri ) et de Rouville ( Jacqueline) : La France sans pétrole. (Calmann-Lévy . Paris . 1979 .) - 140 — arrière , les ressources énergétiques devenant alors sensiblement équi­ valentes , aussi bien pour leur total que par forme d'énergie , à ce qu'avaient été les consommations de 1966 ; or , à cette date la France était en pleine expansion et les Français , pour une bonne part d'entre eux, vivaient déjà fort confortablement . Mais depuis 1966 , les consommations spécifiques d'énergie , les techniques et les structures de production de l'industrie , du commerce , de l'agriculture , les comportements des ménages et de l'État ont évolué de telle façon qu'un retour à la consommation antérieure se révélerait impossible . Les conséquences de l'inévitable reconversion de l'économie française seraient assez dramatiques : 3.000.000 de chômeurs supplémentaires ; de nombreuses entreprises en faillite ; une production intérieure réduite en volume de 20 % ; l'investisse­ ment en baisse de plus de 26 % ; la consommation des ménages dimi­ nuée de près de 20 % , leur allocation de fuel et leur consommation d'électricité brutalement réduites de moitié ; ils ne disposeraient plus dorénavant que de 20 litres d'essence par mois et par voiture . Pour revenir aux consommations d'il y a seulement treize ans , tout l'éco­ nomie serait bouleversée et par conséquent la société elle-même. - 141 — CONCLUSION DU CHAPITRE III La brève évocation précédente d'une pénurie quantitative montre seulement la vulnérabilité de nos sociétés industrialisées et urbani­ sées . En réalité , une telle situation est devenue difficilement conce­ vable et elle s'apparenterait par ses résultats et par les remèdes qu'elle impliquerait à une catastrophe naturelle ou à une dévastation de guerre . Elle relève donc d'une autre optique que celle adoptée pour ce rapport . En revanche , l'aggravation progressive ou brutale de la facture pétrolière ne relève pas de l'hypothétique . Elle est inscrite dans les courbes des experts . On peut toujours être optimiste et espérer que les miracles du recyclage des pétrodollars et les endettements publics sans contrepartie assureront toujours la perpétuation du système actuel de production jusqu'à sa complète adaptation à la rareté et à la cherté de l'énergie . Il faut reconnaître que la période 19731978 a déjoué tous les calcul pessimistes et qu'après tout, l'économie de croissance s'est survécue quoique à un taux plus bas. Il reste que les grands pays ne peuvent s'endetter au point d'hypothéquer leur indépendance . Aussi , même en tenant compte d'un redéploiement industriel réussi et de la poursuite d'une politique énergétique vigoureuse , est-il difficile, si l'on se réfère d'une part à l'apparition de nouveaux concurrents industriels , d'autre part aux aléas résultant du désordre monétaire international et , enfin , aux risques de conflits qui généreront des dépenses d'armement , d'imaginer que les modes de vie des pays développés ne seront pas mis en cause . Le groupe estime que la non-information de la population en cette matière est une grave erreur. Habituées à la croissance , ayant organisé leur vie en fonction de ce qu'elle autorise , incitées à main­ tenir les positions acquises et à gagner de nouveaux avantages , les générations postérieures à la Seconde Guerre mondiale refusent les hypothèses régressives . Il est dangereux que toute la population active n'y soit pas préparée , en raison des réactions violentes que leur réalisation susciterait par incompréhension . — 142 — ANNEXE I AU CHAPITRE III LES RECOURS PROPRES AUX PRINCIPAUX ÉTATS MEMBRES DE LA C.E.E. Après un aperçu ponctuel des difficultés , les perspectives éner­ gétiques des principaux Etats membres de la C.E.E. seront rap­ pelées . 1° Un aperçu ponctuel des difficultés : l'évolution de la consomma­ tion d'énergie dans les principales branches de l'économie en R.F.A., en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et en France ( 1 ). Dans le secteur industriel et , au sein de celui-ci , dans le sec­ teur de la production d'énergie , il est possible de mettre en paral­ lèle l'évolution de la production et celle de la consommation d'éner­ gie . On peut ainsi comparer les « performances » des différents pays . Pour synthétiser le résultat de cette comparaison on peut utiliser un « indice de performance » qui se présente comme le rapport entre l'évolution de la production industrielle (en indice base 100 en 1973 ) et l'évolution de la consommation d'énergie ( base 100 en 1973 ). Par construction , cet indice est égal à 1 pour 1973 . S'il atteint par par exemple 1,20 en 1978 , cela signifie que l'accroissement de la pro­ duction a été supérieur d'un cinquième à l'accroissement de la con­ sommation d'énergie . Plus « l'indice de performance » est supérieur à 1 , plus l'économie d'énergie est importante . a ) Ensemble du secteur industriel ( cf. tableau n° 1 ci-dessous ). De 1973 à 1978 , les performances sont à peu près les mêmes en France ( indice 1,09 ) et en Allemagne ( 1,10). Mais on doit obser­ ver que , dans les années antérieures à 1973 , la tendance à économiser l'énergie était plus marquée en France qu'en Allemagne . S'agissant de la seule consommation de produits pétroliers , l'évo­ lution est beaucoup plus marquée en Allemagne ( indice 1,28) qu'en France ( indice 1,15 ), ce qui dénote un effort plus net pour remplacer le pétrole par d'autres énergies ( charbon ou gaz). ( 1 ) Étude réalisée par comparaison des séries statistiques de l'Office statistique des Communautés européennes. Les tableaux reproduits ci-dessous ne comparent que les données des années 1973 et 1978 : ils ne peuvent donc avoir que valeur d'illustration , car les tendances observées année par année sont l'objet d'amples fluctuations . - 143 — Pour ces deux pays , l'année 1973 ne connaît pas une inflej./ n de tendance marquée : la tendance à économiser l'énergie préexistait donc à la crise . L'industrie britannique se caractérise par des indices de perfor­ mance ( 1,23 pour toutes les énergies et 1,40 pour les produits pétro­ liers) nettement plus élevés qu'en France et en Allemagne , ce qui peut s'expliquer par le fait qu'au départ l'industrie britannique était peut-être plus grosse consommatrice d'énergie . En outre , à la diffé­ rence de ce qui a été observé plus haut pour la France et l'Allemagne , l'année 1973 correspond à une nette inflexion de tendance ( accélé­ ration des économies d'énergie). b ) Secteur de la production d'énergie ( cf. tableau n° 2 ci- dessous). On observe une nette amélioration en Grande-Bretagne de 1973 à 1978 ( indice 1,28 ) ainsi qu'en Allemagne ( indice 1,29 ), s'inscrivant , pour ce qui est de l'Allemagne , dans le prolongement de la tendance des années antérieures . En revanche, aucune amélioration ne peut être mise en évidence pour la France alors qu'une tendance à l'amé­ lioration était observable ( comme en Allemagne) entre 1969 et 1973 . c ) Secteur agricole ( cf. tableau n° 3 ci-dessous ). Dans l'agriculture , il n'est sans doute pas aussi justifié que dans le secteur industriel de mettre en parallèle l'évolution de la production ( sujette aux aléas des conditions naturelles ) et la consom­ mation d'énergie . Si donc l'on se borne à comparer l'évolution de la consomma­ tion d'énergie ( en l'occurrence , il s'agit des produits pétroliers ) de la branche agriculture en France , en Allemagne , en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas de 1973 à 1978 , on peut observer que : 1 . la consommation d'énergie de l'agriculture française a conti­ nué d'augmenter après 1973 au même rythme que dans les années antérieures à la crise , cette augmentation étant d'ailleurs supérieure à l'augmentation ( en francs constants ) de la valeur ajoutée de la branche agriculture (« l'indice de performance » est donc infé­ rieur à 1 ) ; 2 . dans les trois autres pays en revanche , la consommation d'énergie dans l'agriculture a diminué de 1973 à 1978 , ce qui cor­ respond ici ( différence avec l'industrie) à un renversement de ten­ dance par rapport aux années antérieures à la crise . Cette réduction de consommation s'est élevée à environ 8 % en Allemagne , 12 % en Grande-Bretagne et plus de 30 % aux Pays-Bas . — 144 — d ) Secteur des transports ( cf. tableau n° 3 ci-dessous ). L'augmentation de la consommation d'énergie dans le secteur des transports de 1973 à 1978 a été sensiblement plus lente en Grande-Bretagne ( 7,4 % ) que dans les trois autres pays étudiés ( 15 à 17 % ). L'année 1973 a été suivie d'un ralentissement de la croissance de la consommation d'énergie dans les transports en France et en GrandeBretagne , tandis qu'en Allemagne et aux Pays-Bas , il n'y a pas eu d' inflexion nette de tendance . TABLEAU N " 1 SECTEUR INDUSTRIEL Évolution de 1973 à 1978. "A.: > t i.- Inde* Indice de ' de production ooneommatloa consommation Industrielle d'énergie de produit! 197S « 100 197] » Indlce de 100 ■ Indice de performance » 1973 m 1 pétrolier» ( I) 0) ffl ( D /(D («)/(D Allemagne 104J 95.2 81,6 1.10 Î.28 France 107 ,4 98.2 93,4 1,09 1,15 Grande-Bretagne 102,7 83,3 73 1,23 1,40 N . B. : Lee produits pétroliers n' Incluent pas le gaz. TABLEAU N " 2 SECTEUR DE LA PRODUCTION D'ÉNERGIE Évolution de 1973 à 1978 . Indice de production 197J - Allemagne France Grande-Bretagne 100 Indice Rapport entre de eonsoremetlM cee deux tndkcs d'énerge 1975 « 100 (a « Indice de performenoe .) 119,5 92,6 1,29 99,5 98,5 1,01 154,9 121 1,28 — 145 — TABLEAU N' 3 SECTEUR DE L'AGRICULTURE ET SECTEUR DES TRANSPORTS Évolution de 1973 à 1978. ( Indice baie 100 en 1973 .) ConeomaaOoa du lecteur des transport» CoMOaunatkM do l'africain» Produits pétroliers TOM produit* 91,7 116.5 119,9 105,9 116,6 117,6 68.5 115.1 115.6 88,2 107,4 107,5 Allemagne France Pavs-Bas Grande-Bretagne 2° Les perspectives des principaux Etats. a) Le Royaume-Uni dispose en 1980 , avec le pétrole de la mer du Nord , d'une véritable autonomie pétrolière , censée durer , en l'état actuel des ressources , pendant au moins dix années ; les autorités britanniques refusent d'augmenter le rythme de la production au-delà dfs propres besoins intérieurs . ESTIMATION DE LA PRODUCTION PÉTROLIÈRE DE LA MER DU NORD ( 1975-1980) ( En million* de tonnes .) 1979 1,1 1979 15 - 20 Source : Économie Progreti Report , 1977 1971 1979 19M 35 - 45 55 - 70 75 - 95 95 - 115 n* 76 , juillet 1976 . L'incidence du pétrole sur la balance des paiements du RoyaumeUni a été estimée par le Trésor, compte tenu de l'hypothèse de la stabilité de la livre et du maintien, en termes réels, du prix du pétrole à son niveau de 1977 . L'effet total atteint 5,4 milliards de livres en 1980 , soit plus de 3 % du produit national brut . Sénat M - T. I. — 10 — 146 — UNE ESTIMATION DES EFFETS ÉCONOMIQUES DE L'EXPLOITATION DU PETROLE DE LA MER DU NORD ( 1975-1985) ( En millions de livret courantes .) 1971 1976 1977 197« 1979 19*0 1969 Valeur de la production pétrolière (économies d'im­ portation ) 40 1.090 2.250 3 400 5.150 6.600 14.300 — 870 — 1.130 — 900 — 850 — 850 — 800 — 1.300 230 270 300 300 350 450 1.200 200 — 750 — 750 — 1.250 — 1.750 — 2.600 20 60 150 350 550 900 4.300 Effet sur la balance courante — 610 90 1.050 2.450 3.950 5.400 15.900 En pourcentage du P.N.B — 0,7 2,5 3,1 5,2 3.300 4.600 5.800 16.000 2,4 2,9 33 5,2 Importations de biens et services liés à l'exploitation du pétrole Autres changements des flux commerciaux Profits payés k l'étranger Économies d'intérêt du — fait des meilleurs 30 — résultats antérieurs de la balance des paiements Effet net sur la balance courante En pourcentage du P.N.B 300 0,3 0,1 1.150 1,1 0,8 2.000 1,6 1,8 SoUKe : Économie Progress Report , Juillet 1976 et août 1977 . Les éléments-clés de la politique énergétique du Royaume-Uni sont la souplesse et le pragmatisme . Compte tenu des incertitudes qui pèsent sur de nombreux points de l'avenir énergétique du pays , il semble plus réaliste au Gouvernement d'envisager une évolution graduelle des politiques que de se fi.er des objectifs bien déterminés. Comme l'indique le Livre vert sur la politique énergétique , la politique du Royaume-Uni dans ce domaine vise à se procurer des sources d'approvisionnements suffisantes et sûres , et à les utiliser efficace­ ment avec un coût aussi faible que possible pour la nation . La pre­ mière priorité dans la mise en valeur des gisements de la mer du Nord consiste à atteindre dès que possible l'autonomie pétrolière nette, de façon à bénéficier des recettes fiscales correspondantes , à assurer la sécurité des approvisionnements et à améliorer la balance des paie­ ments . Les besoins totaux du Royaume-Uni en énergie primaire de­ vraient augmenter de 1,9 % par an au cours de la période 1977-1990 alors que le P.I.B. devrait croître à raison de 3 % par an. On admet que les prix du pétrole resteront stables en dollars à valeur constante jusqu'en 1985 et qu'ils augmenteront ensuite pour doubler à la fin du siècle . L'autonomie nette en pétrole devrait être obtenue en 1980 . La production pétrolière devrait atteindre 100 à 150 millions de tep en 1985 , et de 80 à 130 millions de tep en 1990 ( les grandes incer­ titudes sur la production future de la mer du Nord ont amené le Royaume-Uni à présenter ses estimations sous forme de « four­ chettes »). - 147 — b) La politique énergétique des Pays-Bas subit sa première rééva­ luation fondamentale depuis le Livre blanc de 1974 sur l'énergie, qui prévoyait un accroissement des économies d'énergie, une expansion de l'énergie nucléaire et de l'utilisation du charbon, et le remplace­ ment du pétrole importé par le gaz d'origine nationale. Quatre livres blancs sont en préparation . Les trois premiers , qui concernent la politique énergétique générale, le charbon, et le débat public sur l'énergie nucléaire, devraient paraître au début de 1979 . Le document concernant la politique énergétique générale contiendra de nouvelles projections pour la période se terminant en 1985 , ainsi que des scénarios pour 1990 et 2000. Le Livre blanc sur le charbon s'attachera aux possibilités et problèmes d'une utilisation accrue du charbon . Le troisième document décrira les modalités d'un débat public de deux ans sur l'énergie nucléaire. Dans le quatrième livre blanc, sur l'électricité, le Gouvernement proposera un dosage d'énergie nucléaire et de centrales à charbon pour satisfaire les besoins en électricité . Cette proposition fera l'objet d'un débat public. Selon les prévisions périmées qui ont été présentées , la consom­ mation d'énergie primaire totale devrait passer de 63,3 millions de tep en 1977 à 90,1 millions de tep en 1985 , le taux de croissance annuel moyen étant de 4,5 % . En revanche, le P.I.B. devrait croître de 3,5 % par an, si bien que l'élasticité de la consommation totale d'énergie primaire par rapport au P.I.B. pour la période corres­ pondante s'établit à 1,29. Cette valeur est supérieure à la moyenne de l'Agence internationale de l'Énergie (A.I.E.), mais correspond à une diminution par rapport au maximum absolu de 1,61 atteint entre 1960 et 1973 . Le taux de croissance de la demande d'énergie devrait se ralentir de 1980 à 1985 , par comparaison avec la période 19771980 . La position d'autonomie nette des Pays-Bas se trouvera sans doute modifiée après 1980, car les importations de pétrole continue­ ront à croître tandis que les exportations de gaz diminueront. L'ac­ croissement prévu des importations nettes de pétrole est très marqué (les importations passent de 23,9 millions de tep en 1977 à 48,0 millions de tep en 1985). Au cours de la même période, les impor­ tations de charbon devraient augmenter légèrement. Aucun accrois­ sement de la production d'énergie nucléaire n'est envisagé avant 1990. Le gouvernement néerlandais a fait savoir que le nouveau livre blanc mettrait en évidence les options qui limiteront les impor­ tations de pétrole à un maximum de 50 à 55 millions de tep pendant les deux dernières décennies du siècle. — 148 — c) En Italie, le plan national de l'énergie publié en août 1975 , constitue le cadre de la politique énergétique globale . Ce plan a été ultérieurement révisé et approuvé par le Parlement à l'automne 1977 . En février 1978 , les décisions de mise en application ont été prises au niveau de l'exécutif et , depuis cette date , plusieurs décrets et règle­ ments ont été publiés pour faire passer dans la pratique les directives figurant dans le cadre général du plan . La version mise à jour de ce plan conserve et renforce les stratégies fondamentales de diversification des sources d'approvi­ sionnement en énergie primaire et de modification de la structure des systèmes de production d'énergie . Le plan met l'accent sur les domaines suivants : — encouragement aux économies d'énergie ; — substitution de combustibles par utilisation rationnelle de sources d'énergie de remplacement ; — exécution accélérée du programme nucléaire par le biais d'une coopération entre le gouvernement , l'industrie et les collectivités locales . Les principes essentiels suivants ont été dégagés : — les économies d'énergie sont prioritaires ; — les conditions d'approvisionnement en hydrocarbures doivent être améliorées , et les activités de raffinage et de distribution doivent être rationalisées ; — l'énergie nucléaire doit jouer un rôle important après 1985 ; — les ressources et les coûts des entreprises du secteur de l'éner­ gie doivent être équilibrés ; — des sources d'énergie de remplacement doivent être mises en valeur dans toute la mesure du possible de façon à diversifier et améliorer les bilans énergétiques . d) En Allemagne, la politique énergétique est considérée comme faisant partie intégrante de la politique économique . Son but tradi­ tionnel est d'obtenir un approvisionnement en énergie suffisant pour permettre la poursuite de la croissance économique. En raison de l'importance du commerce international pour l'économie allemande , et comme à l'heure actuelle les importations de pétrole représentent environ la moitié des besoins en énergie primaire , le gouvernement estime que les décisions de politique énergétique doivent être prises sur la base de considérations valables à l'échelle mondiale . La coopération au sein de l'A . I.E. joue donc un rôle de grande impor­ - 149 — tance et les objectifs énergétiques de l'Allemagne accordent une impor­ tance considérable à l'objectif de groupe de l'A . I.E. de réduction des importations pétrolières , ainsi qu'aux douze principes de politique énergétique . Le principal objectif de cette politique consiste donc à réduire la dépendance par rapport au pétrole importé . Le programme éner­ gétique de base , qui a été élaboré juste avant l'augmentation des prix pétroliers en 1973-1974 , exposait une stratégie globale d'alimen­ tation en énergie . Deux révisions sont intervenues depuis cette date . La première révision a été effectuée en 1974 pour tenir compte du fait que des importations pétrolières massives ne pouvaient plus être considérées comme source économique et fiable d'énergie . La deuxième révision a été annoncée le 14 décembre 1977 . Elle modi­ fiait '.s priorités pour tenir compte des incertitudes créées par le débat sur le rôle de l'énergie nucléaire et par les retards dans la construction des centrales atomiques , et s'attachait plus particuliè­ rement à l'accroissement des économies d'énergie , l'énergie nucléaire « devant permettre d'obtenir l'énergie électrique nécessaire selon les besoins ». Ces planifications et révisions poursuivies pendant cinq ans ont permis d'obtenir un programme énergétique global et équilibré dont les points forts comprennent : — un plan d'incitation récemment mis en vigueur, avec des sub­ ventions ou des réductions d'impôts pour le réaménagement des cons­ tructions résidentielles en vue d'économiser l'énergie ; il s'agit de stimuler les investissement : à concurrence de 20 milliards de deutschemark au total ; — une interdiction de construire dc nouvelles centrales au fuel ou au gaz , sauf dans des circonstances spéciales ; — un plan combinant les subventions et les marchés garantis pour le charbon allemand , pour qu'il continue d'être employé et que la capacité de production ne subisse pas de nouveau déclin ; — la construction d'une infrastructure pour le gaz naturel te la diversification des sources d'importation de ce combustible, de façon à obtenir des approvisionnements suffisants jusqu'en l'an 2000 au moins ; — un effort notable de développement du nucléaire , qui per­ mettra d'obtenir une puissance installée de 24 à 25 GW en 1985 ; — des efforts considérables pour résoudre les difficiles pro­ blèmes d'évacuation des déchets nucléaires , et notamment des plans dynamiques d . retraitement et de stockage . -150 — Le gouvernement fédéral d'Allemagne ne prépare pas lui-même les bilans énergétiques prévisionnels . Il demande à trois instituts de recherche privés de réaliser ce travail en se basant sur des hypo­ thèses données de croissance économique générale entre 1975 et 1985 (4,0 % par an). Depuis 1973 , ces bilans ont été révisés trois fois . La demande totale d'énergie prévue pour 1985 a été réduite de 21 % et passe de 427 à 338 millions de tep . La plus grande partie de cette diminution provient du ralentissement prévu de la croissance écono­ mique ( qui passe de 4,7 % à 4,0 % par an ), mais les économies d'énergie devraient aussi jouer un rôle. Les prévisions de production intérieure d'énergie , et notamment d'électricité nucléaire , ont éga­ lement été révisées . Depuis 1974 , la puissance nucléaire installée prévue pour 1985 a été ramenée de 40 GW à 24 G'»Y . — 151 — ANNEXE II AU CHAPITRE III LES PRINCIPALES CONCLUSIONS DE LA ONZIÈME CONFÉRENCE MONDIALE DE L'ÉNERGIE (Munich , 8-12 septembre 1980.) La Conférence mondiale de l'énergie est un vaste forum d'ex­ perts en matière énergétique . Les décideurs politiques — à l'excep­ tion du Chancelier fédéral M. Helmut Schmidt , dont le discours d'introduction a été longuement commenté dans la presse , et des représentants des pays arabes producteurs (O .P .A.E P. ) d'une part , de l'Agence internationale de l'énergie ( A.I.E. ) d'autre part — étaient absents . La représentation occidentale était largement majoritaire . Les pays en voie de développement étaient sous-représentés et inorganisés (à l'inverse de la situation aux Nations unies). Enfin , la proportion d'experts des compagnies d'énergie élec­ trique et des partisans de l'énergie nucléaire était significative au point d'influencer les débats au fond . Cette Conférence a néanmoins permis de dégager un consensus sur un schéma de prévisions à moyen terme qui servira de référence aux dirigeants politiques . • • • Deux préoccupations majeures ont dicté les travaux de la Confé­ rence : — la situation énergétique des pays du Tiers-Monde ; — !a possibilité de développer pétrole . les énergies alternatives au i. — La situation énergétique des pays du Tiers-Monde et ses conséquences. La consommation d'énergie devrait croître de 80 % d'ici à l'an 2000 . Une telle progression sera beaucoup plus forte dans les pays en développement (y compris les pays en développement expor­ tateurs de pétrole ). Elle restera plus faible dans les pays industria- - 152 — Usés ; elle se situera à un niveau intermédiaire dans les pays à pla­ nification économique centralisée . ÉVOLUTION DE LA DEMANDE MONDIALE D'ÉNERGIE DE 1976 A 2020 1*7« 2000 Te» Pays industrialisés Pays en voie de développement Total . . Total Total (Gtep) ( Gtep) léte 5.0 4,5 1,7 0,6 6,7 8,7 5,3 14 2020 Tcp par Utc Toul (Giep) Tep Per tête 6,2 13,6 6.5 1,1 10 * 13 24 Le rapport présenté par M. Jean-Romain Frisch qui , pourtant , retient des prévisions de consommation par habitant très modestes ( 1,1 tep en 2000 , 1,5 tep en 2020 ) fait apparaître que la consom­ mation énergétique du Tiers-Monde , 1,7 milliard de tep en 1976 , pourrait dépasser 5 millions de tep en 2000, et 10 millions de tep en 2020 . Le Tiers-Monde pourrait ainsi concourir globalement à 37 % de la demande mondiale en 2000 ( 25 % en 1976 ) et approcher les 50 % peu après 2020 . Par sources d'approvisionnement , il semble que les énergies non commerciales ( bois , déchets , pailles de céréales ) devraient céder définitivement le pas aux énergies commerciales : elles couvraient 54 % de la demande du Tiers-Monde en 1960 , 35 % en 1976 ; elles n'y contribueraient plus que pour 17 % en 2000 et 10 % en 2020 ( résistant surtout en Afrique). En dehors de la Chine et de l'Inde , le charbon ne semble promis qu'à un rôle accessoire à cause de la faiblesse des réserves dans les autres pays en développement . L'hydraulique et le nucléaire demeurent marginaux , en raison des disponibilités actuelles des pays en dévelop­ pement en savoir-faire et en capitaux . Restent donc les hydrocar­ bures . D'ici à l'an 2000 , le pétrole —source d'énergie d'acquisition la plus rapide et d'utilisation la plus variée — constituera la source essentielle d'approvisionnement énergétique du Tiers-Monde . Le pétrole pourrait passer de 436 Mtep en 1976 à 1.850 Mtep en 2000 et 3.300 Mtep en 2020 ( 32 % de la demande du Tiers-Monde , contre 26 % en 1976 et 35 % en 2000), soit plus que le niveau de la consommation mondiale actuelle . — 153 — De telles perspectives ne laissent pas d'être préoccupantes . * * Elles le sont d'autant plus que les pays producteurs de pétrole ont clairement affirmé leurs objectifs : prolonger l'ère du pétrole afin de permettre à d'autres technologies de voir le jour et réserver à leurs besoins propres une part croissante de cette production . Leur consom­ mation d'énergie croît de 15 à 20 % par an. La production actuelle qui avoisine 3,5 milliards de tonnes par an plafonnera à environ 4 milliards et décroîtra ensuite à partir de 1990 . Le gaz naturel suivra très largement la même évolution . A l'intérieur du bilan énergétique global se pose donc le pro­ blème du bilan en énergie liquide ou gazeuse . Avec le plafonnement de la production de pétrole , le monde va manquer d'énergie liquide . D'après les prévisions faites pour les pays en développement , ceux-ci absorberaient la quasi-totalité des disponibilités . Or , la plupart des pays industrialisés continuent contre toute vraisemblance à prévoir une augmentation de leur consommation de pétrole . L'ajustement ne pourra donc se faire que par deux voies : — par les taux de croissance , en particulier ceux des pays en voie de développement , ce qui augmentera le risque de tension inter­ nationale ; — par une îépartition des besoins entre pays consommateurs ce qui suppose une coopération internationale sans faille et une volonté politique aiguë de développer les énergies susbtituables au pétrole . C'est la dernière partie de l'alternative qui a constitué le thème majeur de la conférence . - 154 — II . — La possibilité de développer les énergies alternatives au pétrole. La plupart des experts ont affirmé que les énergies nouvelles et renouvelables n'occuperaient qu'une place mineure dans le bilan énergétique mondial 1990-2000 . L'intérêt du développement des recherches entreprises , notamment au profit de la biomasse , a été souligné . Le développement des économies d'énergie doit être accompagné d'une utilisation plus rationnelle de l'énergie . Ainsi l'emploi d'hydro­ carbures liquides et gazeux pour la production d'électricité et de chaleur ne saurait-il être justifié à long terme . Ls disponibilités devraient être réservées aux secteurs dans lesquels ces ressources sont difficilement substituables , notamment les transports et la chimie . A cet égard , l'attitude de certains pays industrialisés qui prévoient une augmentation de leur consommation , voire de leurs importations de pétrole ( Etats-Unis ), a été critiquée . Le départ entre le résultai d'une politique d'économie d'énergie et les baisses de consommation dues à la récession économique est difficile ; aussi les experts ne considèrent-ils pas comme une panacée les mesures de conservation de l'énergie. Ils se sont employés à rechercher et définir une stratégie de développement des ressources alternatives , les plus compétitives et les mieux appropriées aux différents besoins . Trois sources d'énergie ont fait l'objet d'examens particuliers . 1° Le charbon redevient une source d'énergie primaire compé­ titive . Compte tenu de la répartition des ressources et de l'importance des quantités disponibles , les phénomènes de cartel du type O.P.E.P. semblent peu probables . L'incertitude demeure toutefois en ce qui concerne la fixation du prix du charbon . Si l'offre en charbon peut satisfaire le développement de la demande croissante , les prix pour­ raient conserver leur avantage sur ceux du pétrole , mais les décisions que pourraient prendre les Etats producteurs d'accroître les rede­ vances ou taxes perçues sur le charbon ne manqueraient pas d'avoir un effet de rattrapage . Par ailleurs , le charbon ne pourra assurer une relève importante que si les investissements requis sont réalisés sans délai . Les infra­ structures portuaires et les moyens de transports terrestres sont insuf­ fisants pour répondre à une augmentation importante de la demande . Or , actuellement , chacun tend à faire supporter le poids des inves­ tissements au partenaire . Les producteurs potentiels exigent des garanties des consommateurs et réciproquement . — 155 — Des obstacles d'ordre écologique existent également. Le déve­ loppement des exploitations à ciel ouvert ( aux Etats-Unis notamment), tout comme les risques d'accroissement des émissions sulfureuses et de gaz carbonique (CO2) constituent des menaces graves pour l'envi­ ronnement. Si la consommation de combustibles fossiles continue à progresser de 4 % par fln, comme cela a été le cas depuis le début du siècle, il est probable ' que la concentration de CO' dans l'atmos­ phère doublera avant le milieu du siècle prochain. Les procédés de gazéification du charbon ou de transformation de celui-ci en fuel ont fait l'objet d'échanges d'informations , mais une généralisation de ces techniques est improbable avant une ving­ taine d'années . La prise en compte des obstacles techniques, écologiques et financiers risque de renchérir les prix du charbon et de ralentir les processus de reconversion. Les prévisions de production pour l'an 2000 (production multipliée par 3 ) et de commercialisation (quintu­ plement du marché actuel ) établies par le Massachussett Institut of Technology, dans son rapport Wocol , ont été jugées largement opti­ mistes . 2° Les programmes nucléaires ont connu , depuis plusieurs mois, un ralentissement important à la suite de décisions gouvernementales . Les prévisions d'équipement pour 1985 ont globalement été réduites de moitié entre 1974 et 1979 . En 1974 , on estimait que la puissance nucléaire installée en 1980 dans les pays de l'O.C.D.E. serait de 270 gigawatts électriques . Elle n'est en fait que de 125 Gwe. Entre septembre 1977 et septembre 1980, on n'a commandé que 36 centrales (34,4 Gwe dont 10 en France), tandis qu'étaient annu­ lées 48 centrales (50 Gwe dont 32 pour les seuls Etats-Unis). La politique de la France, en ce domaine, a suscité « curiosité, perplexité et envie ». La délégation française a souligné combien l'avantage économique du nucléaire devrait contribuer à surmonter les obstacles politiques de son développement. Le perfectionnement des techniques devrait convaincre l'opinion publique de la fiabilité du nucléaire . Les disponibilités en uranium , très mal évaluées d'ailleurs, appa­ raissent peu préoccupantes à moyen terme. Le développement de surrégénérateurs doit, à terme, affranchir les pays consommateurs de cette contrainte . La poursuite des programmes nucléaires dépend, par contre, d'une politique à long terme de stockage de déchets et d'accroisse­ ment des capacités de retraitement , encore trop insuffisante . 38 Le gaz naturel est déjà parvenu à un développement rapide de sa production . Ses prix ont tendance à s'indexer sur ceux du pé­ — 56 — trole . Son commerce international équivaut à celui des échanges internationaux du charbon . Son développement suppose une coopé­ ration plus étroite entre les différents intéressés , notamment entre pays de l'Ouest et pays de l'Est ( la C.E.E. prévoit que les fournitures de gaz naturel des pays de l'Est vers ceux de l'Ouest atteindront 50 milliards de mètres cubes en 1990). La Conférence n'a pu dresser de conclusions précises . Elle n'en restera pas moins comme un pressant appel lancé aux gouvernements et également à l'opinion publique pour : — une utilisation plus rationnelle des sources d'énergie . C'est moins la pénurie des matières premières énergétiques et des sources d'énergie renouvelables que le gaspillage actuel , l'utilisation médiocre des possibilités de la technique et l'absence de décisions politiques qui constitue une menace pour la sécurité de l'approvisionnement au niveau mondial ; — le renforcement de la coopération internationale en matière énergétique . Il paraît urge*"> Je développer les moyens matériels et financiers , d'accroître les ./ ;es d'énergie alternatives au pétrole . A ce sujet , la Banque m >u ir ,le a annoncé la création d'une filiale spécialisée qui lui permettrait de réunir les 25 milliards nécessaires au financement de son programme de prêts pour l'équipement éner­ gétique du Tiers-Monde alors qu'elle ne peut actuellement le financer qu'à 50 % . • • La prochaine session de la Conférence mondiale de l'énergie se tiendra à New Dehli , dans deux ans. Elle devrait constituer une approche globale des problèmes de l'énergie en dépassant les seuls problèmes d'approvisionnement et en y associant les problèmes de transports , de consommation et de répartition . La participation plus active des pays en développement est prévisible , ainsi que celle des décideurs politiques et des représentants du secteur financier. — 157 — CHAPITRE IV LES RELATIONS DE PUISSANCE L'état du monde est en dernier ressort un équilibre entre des forces antagonistes . Mais ces forces étant sujettes à variations , l'équi­ libre lui-même change sans cesse et peut aboutir à une crise ou une guerre dont la fonction est de créer les conditions d'un nouvel équi­ libre lui-même instable . Nous allons tenter une analyse des rapports de puissance dans le monde au moment où les évolutions des secteurs vitaux de la vie internationale conduisent à des impasses . La vulnérabilité écono­ mique des pays développés est telle qu'elle risque de se traduire par une confrontation brutale . Qu'est-ce que la puissance ? Au xxe siècle , la puissance est un combiné de potentiel technique , industriel , d'une disponibilité en matières essentielles, mais aussi d'espace et de masse mis au service d'une politique et d'une stratégie appuyées sur un appareil militaire. Les Etats qui réunissent les conditions de la puissance peuvent devenir des pôles dominants entre lesquels l'équilibre dépend du degré de préparation . Cependant, si tous ces facteurs matériels sont nécessaires , ils ne sont pas suffisants ; on ne peut pas faire abstraction du facteur humain . Or, il est difficile d'évaluer la résolution ou la discipline dans les sociétés modernes : soit que l'idéal des individus les prédispose aux sacrifices, soit que la discipline obtenue par la contrainte ne se révèle artificielle . De surcroît, il est avéré qu'une civilisation raffinée se cantonne volontiers dans une stratégie de défense , c'est-à-dire dans une position de faiblesse . L'intrusion de la morale individuelle dans les compor­ tements étatiques , le respect de l'individu poussé au plus haut degré sont signes de civilisation mais aussi handicaps par rapport à des concurrents moins évolués . - 158 — Mais aussi certaines données de nature et le quasi-monopole que certains { ays ou groupes de pays peuvent avoir dans l'approvision­ nement du monde en certains produits essentiels peuvent conférer à des Etats qui n'ont aucun des attributs de la « puissance » une capacité qui risque de devenir un défi pour le reste du monde . En résumé, l'équilibre des forces des très grandes puissances ouvre un pouvoir à des Etats qui détiennent un seul facteur de puissance . Ceux-ci deviennent en même temps les enjeux de la compé­ tition entre les « Grands ». Nous verrons successivement le rapport des forces entre les Etats-Unis et l'U.R.S.S. Puis nous considérerons les facteurs de mise en cause de l'équilibre bipolaire : d'abord l'Islam , ensuite la Chine . - 159 — 1 . LE RAPPORT DE FORCES ÉTATS-UNIS - U.R.S.S. Si l'émergence de nouvelles puissances ou d'ensembles consti­ tuant des contre-pouvoirs dans des domaines déterminés a été rendue possible par la neutralisation réciproque des deux superpuissances issues de la Seconde Guerre mondiale, il est essentiel de noter que cette neutralisation qui devient relatif déclin est asymétrique . Avant de rappeler les résultats actuels de la partie mondiale engagée voici trente-cinq ans , nous examinerons les facteurs de force et de faiblesse des deux grands . L'U.R.S.S. recèle incontestablement toutes les faiblesses d'un régime de non-liberté : tout ce qui est sous sa domination aspire à se libérer , sur son territoire et plus encore dans les pays voisins soumis à son influence . Sur le plan économique , le système bureau­ cratique finit par nuire à l'efficacité de l'appareil de production . A l'extérieur enfin , il lui faut tenir compte des évolutions de la Chine qui , à sa manière et à son rythme , s * i.e à devenir à son tour super­ puissance , ainsi que de l'hostilité croissante du Tiers-Monde . En revanche , l'effet du déséquilibre démographique futur de l'empire soviétique ne paraît pas constituer un élément de faiblesse à moyen terme . Inversement , ce régime centralisé ne connaît pas l'obstacle d'une opinion publique et à condition de ne faire qu'une chose à la fois , il est d'une efficacité extrême . Manifestement et d'ailleurs officiel­ lement , les Soviétiques ont choisi de faire de leur armée l'instrument d'une finalité de la domination . Le résultat est que , depuis quelques années , l'instrument est devenu quantitativement et qualitativement le plus puissant du monde . Le progrès est continu car aucune limite n'étant programmée, la supériorité acquise a tendance à se maintenir d'elle-même . Face à ce développement apparemment illimité de la puissance militaire soviétique , les Etats-Unis se trouvent depuis au moins cinq ans dans un état de crise politique , économique et moule , dont ils z cherchent même pe3 à faire mystère. Le Watergate a laissé des séquelles destructrices sur l'autorité présidentielle : accroissement du nombre des personnalités du Congrès dont l'accord est nécessaire pour une prise de décision , barrage insti­ tutionnel du type « War Power Act », augmentation de la puissance des groupes de pression , influence de l'opinion du fait de la télé­ diffusion des débats . — 160 — Sur le plan économique, les difficultés sont grandes aussi : incapacité de définir ne politique énergétique , chômage , adaptation tardive des constructeurs automobiles, pénétration des produits japo­ nais, dégradation de la politique des syndicats. Sur le plan militaire , l'armée américaine n'est pas guérie du traumatisme vietnamien ; elle a peine à percevoir sa mission et n'est parvenue à restaurer ni son efficacité ni sa discipline. Mais le potentiel naturel et technologique des Etats-Unis est immense et ils sont capables de redressements spectaculaires . Mais même s'ils en préparent un , leur réveil menace d'être long et difficile . Pour le moment , cette faiblesse des Etats-Unis est perçue : par l'U.R.S.S. , qui n'ayant plus de « partenaire » consolide ses positions , accroît son influence et resserre son emprise sur l'Asie du Sud , l'Afrique et l'Europe ; par les pays occidentaux et pro-occidentaux qui sont obligés de tenir compte de la faiblesse de leur « protecteur ». Jusqu'au jour où leur redressement leur aura donné l'initiative, les Etats-Unis ne pourront que mener une politique de « containment » avec des moyens limités . L'U.R.S.S. aurait tort de croire que même dans la phase inter­ médiaire , il lui serait loisible de mener n'importe quel jeu . L'un des risques majeurs que court le monde est en effet la sous-estimation par l'U.R.S.S. de la capacité réelle des Etats-Unis . Il nous faut maintenant entrer davantage dans le détail pour mesurer avec plus de précision les effets du changement des équi­ libres entre les deux Grands . A. — Sur le plan militaire. Sur le plan militaire , il semble que l'équilibre global entre les deux Grands ne concerne plus que le rapport des forces stratégiques nucléaires . Il va désormais de pair avec des déséquilibres locaux , en particulier en Europe . a ) Les forces du Pacte de Varsovie l'emportent très nettement sur celles de l'Europe occidentale : 1° par le triple avantage qu'elles ont en matière de forces conventionnelles : une supériorité numérique croissante ; la mise en place de nouveaux types d'armes ; une logistique parfaitement unifiée : — 161 — 2° par une supériorité réelle dans le domaine des forces nu­ cléaires ( bombardier Backfire : 3.500 kilomètres à mach 2,25 ; missile SS 20 , invulnérable et très précis ). b ) L'U.R.S.S. s'est dotée d'une grande puissance d'intervention à longue distance ( marine à vocation mondiale ; potentiel de trans­ port aérien ). c) L'amélioration qualitative de l'arsenal nucléaire interconti­ nental de l'U.R.S.S. doublé d'un programme d'enfouissement des installations industrielles et d'un programme de dépense et de pro­ tection civiles très complet , constitue le troisième élément majeur de l'augmentation de la puissance militaire soviétique . Pour prudente qu'elle doive être , une conclusion sur le plan des forces armées peut difficilement faire abstraction du sentiment de bon nombre d'experts selon lesquels l'U.R.S.S. serait en passe de mettre en place les moyens de subir ou , le cas échéant , d'engager un conflit nucléaire . L'U.R.S.S. ne redouterait une frappe nucléaire que dans la mesure où celle-ci lui ôterait les moyens de poursuivre le combat . Mais tout un pan de sa stratégie a visé à une protection sélective des installations industrielles et des effectifs nécessaires à leur fonctionnement . Une telle doctrine implique l'acceptation de pertes considérables dans la population . Elle marque les limites du raisonnement occidental de dissuasion nucléaire . B. — Sur le plan de la géostratégie. Une constatation préliminaire s'impose . Les bases avancées des Etats-Unis ont été successivement perdues : dans le Sud-Est asiatique , au Proche-Orient et au Moyen-Orient ; ou bien deviennent fragiles ( cas de l'Europe et de la Turquie). Le rapprochement des U.S.A. et du Japon avec la Chine commu­ niste peut-il être considéré comme positif ? Quels que soient les avantages à court terme qui peuvent découler d'une « alliance », il faut être très prudent sur le long terme . Qui peut savoir, en effet, comment une Chine « communiste », élevée au rang de « Grand », se comporterait dans le monde ? En revanche, Cuba demeure comme une mfnace pour les EtatsUnis au moment où l'instabilité gagne peu à peu les Caraïbes , l'Amérique centrale, voire l'Amérique du Sud. Sénat M - T. 1 . - 11 - 162 — a) En Asie : Tout se passe comme si les Soviétiques considéraient comme inévitable à terme un affrontement avec la Chine . Inversement , les dirigeants chinois se déclarent convaincus des visées impérialistes de l 'U.R.S.S. Il y a là une tension latente dont on peut craindre qu'elle ne crée les conditions d'un conflit sous l'effet de divers facteurs , dont on imagine mal encore comment ils joueront : — normalisation des relations sino-américaines ; — traité de paix entre la Chine et le { apon ; — richesse économique potentielle du Pacifique ; — dévelopement industriel des nouveaux pays , développement du Sud-Est asiatique ; — fragilité des pays modérés membres de l'A.S.E.A.N. ; — amélioration cu détérioration des positions soviétiques dans la péninsule indochinoise ; — évolution toujours possible de la fédération indienne ; — conflits « régionaux » toujours possibles . b ) En Afrique : L'Afrique constitue un enjeu essentiel pour la recherche d'une position dominante mondiale du fait que l' Europe dépend d'elle pour ses approvisionnements en matière minérales rares . Les travaux préparatoires du VIIIe Plan ont été l'occasion d'une étude approfondie du phénomène de dépendance en matières pre­ mières . On peut y lire ce passage significatif : « Les analyses de vulnérabilité , faites notamment pour le compte de la Commission interministérielle d'information sur l'approvision­ nement en matières premières minérales (C.I.A.M. ), ont permis d'éta­ blir la liste des substances pour lesquelles l'approvisionnement de la France (et plus généralement du monde occidental ) dépend d'un très petit nombre de pays situés dans des zones politiquement ins­ tables du monde . « A cet égard , il apparaît , en l'état actuel de la situation poli­ tique mondiale et compte tenu des localisations géographiques des grands gisements miniers, que les principales difficultés pourraient provenir : « — d'une détérioration des relations entre le bloc commu­ niste et le monde occidental (l'U.R.S.S. joue un rôle important dans l'approvisionnement en certaines substances importantes) ; « — de difficultés en Afrique centrale qui joue un rôle prépon­ dérant pour le cobalt et important pour le cuivre ; - 163 — « — du développement d'une situation troublée en Afrique australe qui joue un rôle très important ?n matière notamment de chrome , de vanadium , de platine... « Les substances dont l'approvisionnement pourrait être per­ turbé sont les suivantes : « — la chromite : plus de 90 % des réserves mondiales sont situées en Afrique du Sud et en Rhodésie ; « — le cobalt : le Zaïre , la Zambie , Cuba et l'U.R.S.S. repré­ sentent plus de 60 % des réserves mondiales ; « — le manganèse : plus de 80 % des réserves mondiales sont situées en Afrique du Sud ( 45 % ) et en U.R.S.S. ( 37,5 % ) ; « — le tantale : le Zaïre et l' U.R.S.S. rep.ésentent plus de 60 % des réserves mondiales ; « — le tungstène : la Chine , l'U.R.S.S. et la Corée du Nord représentent plus de 60 % des réserves mondiales ; « — le vanadium : l'U.R.S.S. ( 75 % ) et l'Afrique du Sud ( 19 % ) représentent près de 95 % des réserves mondiales ; « — le platine : l'Afrique du Sud ( 71 % ) et l'U.R.S.S. ( 27 % ) représentent plus de 95 % des réserves mondiales . « Une analyse similaire appuyée sur les chiffres de production au lieu de ceux des réserves conduit à des conclusions tout à fait analogues . « Par ailleurs , l'examen des secteurs industriels qui pourraient être mis en difficulté en cas d'interruption des approvisionnements montre qu'il s'agit de secteurs vitaux de l'industrie comme l'arme­ ment nucléaire, l'aéronautique , l'industrie pétrolière ... « La probabilité sur une période de dix années , qu'apparaissent des difficultés temporaires plus ou moins longues sur l'une ou l'autre de ces substances , est élevée . » Il faut souligner aussi l'importance de l'Afrique australe en tant que détenteur d'un pourcentage important de métaux rares des réserves mondiales : 96 % pour le chrome ! Du seul point de vue géographique , l'Afrique australe constitue, pour l'Occident , un facteur essentiel dont l'importance économique et stratégique est évidente . Enfin , l'Afrique et son littoral constituent une voie de passage vitale pour l'approvisionnement du monde libre en produits pétro­ liers . Pour toutes ces raisons , l'interruption des courants d'échanges entre l'Afrique et l'Europe provoquerait chez cette dernière des difficultés qui lui ôteraient toute possibilité de défense extérieure sérieuse , voire toute possibilité réelle de développement économique — 164 — C'est pourquoi l'Europe doit suivre avec attention l'action sovié­ tique en Afrique . Certes , l'U.R.S.S. a connu quelques échecs : ten­ tatives d'implantations manquées , déclin de son influence au Soudan , en Somalie , en Ouganda , en Guinée , échec de la déstabilisation du Zaïre et récemment en Rhodésie . Mais elle a acquis des positions extrêmement importantes même si , à des degrés divers , dans le sud , l'est ou le nord du continent , ses objectifs semblent être la surveil­ lance , voire le contrôle direct des richesses minières et des sources d'approvisionnement en énergie . Les moyens mis en œuvre sont variés : aide aux mouvements de « libération », multiplication des conseillers militaires , ponts aériens en cas de nécessité , disposition d'un corps expéditionnaire « cubain » de 30.000 hommes . Certains observateurs font remarquer que l'influence soviétique ne fait que se superposer à des réalités et des rivalités tribales et revêt , de ce fait , un caractère fragile et réversible , comme on a pu le constater en plusieurs pays . C'est sans doute pourquoi dans ses implantations les plus récentes , l' U.R.S.S. a préféré installer des gouvernements de pur type communiste avec tout ce que cela com­ porte de risques et de sacrifices . La fragilité des régimes de nombreux Etats modérés peut faire craindre que cette stratégie de la tache d'huile ne mette un jour l'Europe en face d'une Afrique incertaine ou hostile . Ainsi , les positions tenues et l'influence acquise par les Sovié­ tiques en Afrique les mettent dans une position de domination poten­ tielle . Reste que l'invasion de l'Afghanistan aura probablement pour effet que les crises locales dans le Tiers-Monde seront automati­ quement élevées au niveau de la rivalité Est-Ouest , les Etats-Unis ne pouvant plus les considérer comme des péripéties locales sans courir un danger stratégique et politique majeur. c) Au Moyen-Orient : Le Moyen-Orient est peut-être l'enjeu stratégique le plus sensible du monde : il est le centre de gravité de 'a rivalité Est-Ouest . Or, les positions occidentales dans cette région se sont effritées dans les deux dernières années . La révolution iranienne a entraîné une perte sérieuse pour les Etats-Unis , l' Iran étant avec la Turquie un des deux arcs-boutants du « containment » de la poussée soviétique vers le Moyen-Orient . Le soutien apporté par les Etats-Unis à Israël et le processus de paix engagé à leur initiative avec l'Égypte ont affaibli leur position dans les Etats modérés et du même coup valorisé celle de l'U.R.S.S. , antisémite et propalestinienne . Toutefois, cet avantage semble povr le moment annulé par l'effet de l'invasion de l'Afghanistan . Mais à l'inversa , les régimes modérés apparaissent fragiles : c'est le cas de la Turquie, c'est le cas de l'Égypte qui apparaît isolée au sein — 165 — du monde arabe , c'est le cas de la Jordanie qui compte 50 % de Palestiniens dans sa population . Même l'Arabie saoudite ne semble pas invulnérable comme on pouvait le penser avant les événements de La Mecque en novembre 1979 . La forte immigration palestinienne dans les Émirats peut aussi être un facteur d'instabilité . L'affrontement irano-irakien peut enfin à lui seul provoquer de redoutables enchaînements . Face à cette situation , les Soviétiques se sont ménagés un point d'appui solide au Yémen du Sud , Aden offrant une position clef et une escale d'un prix inestimable pour la flotte soviétique . d) En Europe : Le déclin de l'Europe est devenu un lieu commun que n'arrive plus à masquer sa prospérité économique passée . L'Europe est sans doute la partie du monde qui cumule le plus de causes de vulnérablité : — absence de puissance politique faute d'unité ; — situation économique en déclin ; — vulnérabilité économique ( 65 % de l'énergie et entre 60 et 100 % de métaux industriels importés ) : — dépendance du commerce international et donc vulnérabilité aux déséquilibres monétaires , à la concurrence et agriculture insuf­ fisante ; — vulnérabilité stratégique ; — déclin démographique ; — absence de volonté politique . Il n'est pas besoin de souligner qu'en cas de conflit mondial , la « neutralisation » éventuelle de l' Europe aurait pour l' U.R.S.S. le double intérêt de lui épargner le souci d'un second front et de lui apporter son potentiel industriel . Or, on ne saurait se dissimuler que le dernier état de l'équilibre militaire Est-Ouest modifie les données du jeu de la dissuasion des Etats-Unis ; la protection hier apportée à l'Europe par le parapluie américain devient moins crédible , cependant que la possibilité d'un combat nucléaire limité à une aire donnée devient concevable . L'U.R.S.S. qui , à une certaine époque , aurait préféré une Europe vassale des Etats-Unis plutôt qu'une Europe unie politiquement , peut chercher à exploiter les divergences entre les pays européens et les Etats-Unis . Elle peut jouer à sa guise , soit de l'intimidation militaire , soit de l'ouverture sous des formes telles qu'une offre de pseudo-unification aux Allemands , ou qu'une alliance « sentimen­ tale » avec la France . Indépendamment de toute idéologie , l'Europe occidentale ne peut sauvegarder son identité qu'en se situant à l'intérieur d'un — 166 — ensemble plus grand et suffisamment puissant . Bon gré mal gré , elle ne peut survivre que comme acteur significatif du monde occidental . C'est bien d'ailleurs sa véritable situation depuis la Seconde Guerre mondiale . Aussi serait-il particulièrement grave qu'au prétexte des difficultés des Etats-Unis , elle laisse se créer un climat d'incompré­ hension avec les Américains . La place et le prestige de l'Europe seraient différents si elle avait su créer un système militaire cohérent . C'est une nécessité que les temps actuels interdisent encore d'évoquer . e) En Amérique : On considère habituellement que le Nouveau-Monde est relati­ vement protégé contre les tentatives de subversion . On ne saurait cependant sous-estimer le rayonnement de Cuba , véritable défi per­ manent aux Etats-Unis . On ne peut ignorer non plus l'activité de mouvements révolutionnaires en Amérique centrale et du Sud qui trouvent un terrain propice dans l'archaïsme des conditions écono­ miques et sociales de nombreux pays . Cependant , comparée aux autres continents , l'Amérique du Sud apparaît aux observateurs comme un pôle de stabilité relative . Cette assertion doit être nuancée car , à côté des pays à gouvernement militaire ou à parti unique qui luttent souvent avec brutalité contre les risques subversifs , on trouve des pays démocratiques ou en voie de démocratisation beaucoup plus fragiles , d'autant que Castro semble désireux de maintenir son action de déstabilisation , ce qui pourrait , au demeurant , lui faire courir un jour un risque majeur. Il n'est peut-être pas inutile , avant de conclure , de se remé­ morer les grandes phases de l'évolution des rapports entre les U.S.A et l'U.R.S.S. depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale . — Au cours des années 50 , c'est la doctrine de la riposte nu­ cléaire massive politique qui protège l'Amérique et ses alliés d'une expansion de l'empire soviétique . — Au cours des années 60 . c'est la doctrine de la riposte gra­ duée qui consiste à répondre à une agression soviétique par uns défense de même niveau et à passer en cas d'échec au niveau immé­ diatement supérieur en posant par là à l'adversaire soviétique le choix de reculer ou d'escalader . — Au cours des années 1970-1975 , la doctrine de la risposte gra­ duée se double d'une politique d'incitations positives et négatives économiques , militaires ( accords Salt ) et politiques ( carte chinoise ). Mais du fait des circonstances ( guerre du Vietnam puis Watergate), cette politique n'a joué que de 1972 à 1973 . — Depuis 1976 , la doctrine Carter comportait trois axes dans les rapports avec l'U.R.S.S. : les Salt qu'on poursuit de toute far on , les droits de l'homme dont le viol est dénoncé indépendamment de — 167 — toute autre considération et la relation é tico-locale . Cette der­ nière consiste à ne rien faire en cas d'agrès on d'un pays au-dessous d'un certain seuil . Mais cette « doctrine » n'a pas véritabl ment joué en ce sens que non seulement les Américains n'ont pas mis en œuvre des mesures coercitives , mais qu' ils ont sacrifié les Droits de l' Homme aux Salt . Quoi qu' il en soit , jusqu'en 1979 , la règle du jeu entre Sovié­ tiques et Américains était la suivante : en aucun cas , les superpuis­ sances ne laisseront leurs forces , même conventionnelles , s'affronter car tout affrontement conduirait à un conflit nucléaire . Trois conséquences découlent de la règle : 1° sanctuarisation de tout territoire où l'une des puissances risque de rencontrer les forces de l'autre ; mais l'action est permise aux forces de substitution ; 2° dans les zones où il n'y a pas de forces américaines ou sovié­ tiques , priorité pour celui qui s'installe le premier ; 3° sanctuarisation du terrain occupé si l'intervention est suf­ fisamment massive . Avec ce système , les engagements de modération expansionniste type Accord de Moscou de 1972 n'ont qu'une seule garantie : la capacité des Américains à sanctionner durement toute violation de cet Accord par les Soviétiques . Cette capacité s'est amenuisée depuis 1974 ; sur le plan éco­ nomique , l'amendement Jackson . qui subordonne l'octroi de la clause de la nation la plus favorisée à la reconnaissance d'un droit d'émi­ gration au profit des juifs d'U.R.S.S. , a retiré au gouvernement fédé­ ral tout moyen de contrôle sur les relations économiques avec l'Union soviétique . En conclusion , sur la relation fondamentale U.S.A. - U.R.S.S. , on peut retenir trois constatations : 1° le communisme a engendré en Russie une volonté d'expansion indéfinie . Comme la plupart des réalisations soviétiques sont en rapport avec la puissance de l'Armée rouge , on peut conclure , compte tenu du caractère offensif de sa stratégie , que l'expansion territoriale est le but que se sont assigné les dirigeants soviétiques ; 2° seule la puissance américaine peut encore y faire obstacle , encore qu'un doute subsiste sur ses capacités actuelles et la résolution de ses dirigeants ; — 168 — »" la défense des Droits de l' Homme constitue l'âme de toute résistance à l'expansion du communisme . Mais , pour des raisons historiques et idéologiques , l'Occident semble mal placé pour s'en faire le protag ste dans le i iers-Mon . e. Dans c ; conditions , on peut redouter que l'affaiblissement de la puissance américaine n'incite les dirigeants soviétiques à provoquer des tensions de nature à créer à leur profit des situations favorables . Le destin de la paix est suspendu à leur capacité de ne pas aller trop loin . La marge qui leur reste , après la corne de l'Afrique , l'Angola et Kaboul , s'est ... ilement rétrécie . Sauront-ils s'en tenir là ? — 169 — 2 . L ISLAM L'esprit occidental ne comprend pas sans difficulté l' Islam qui se présente aujourd'hui comme un amalgame complexe de valeurs tra­ ditionnelles — en opposition avec la pensée moderne— et de trans­ formations économiques — directement reçues de l'Occident indus­ triel et scientifique — qui se réalise dans une zone clef de la planète . A. — Des valeurs traditionnelles . La diversité e* les oppositions historiques des différents peuples de l'IsIP . — qu'il ne faut pas confondre avec les Arabes qui sont très minoritaires par le nombre — ont toujours davantage frappé l'observateur européen enclin à accorder une attention privilégiée aux dissensions et hostilités plutôt qu'au ferment d'unité inhérent à la religion islamique . Il n'est pas dans notre propos d'en tracer les caractères . Il nous suffit d'observer que ceux-ci lui confèrent la potentialité d'un double dynamisme : interne l'un , par une sorte d'uniformisation mentale applicable à des peuples et à des races très différents les uns des autres ; externe l'autre , par son rejet de la pensée moderne en tant qu'areligieuse et dont les trois mani­ festations majeures sont pour l'Islam le messianisme terrestre juif, la technologie industrielle (à cause de ses conséquences sociales) et le marxisme en tant qu'athée c'est-à-dire négateur de l'essence de l'Islam : l'affirmation de l'évidence métaphysique de l'Unité divine . Si l'on se souvient par ailleurs que des courants eschatologiques confèrent à l'Islam un rôle de premier plan , on peut concevoir qu'à l'âge de « l'apocalypse nucléaire », le « réveil » de l'Islam assume le sens , soit d'une opposition radicale , soit de la recherche d'un certain contrôle vis-à-vis des puissances détentrices des armes atomiques . Il faut par conséquent voir clairement que la conscience isla­ mique nourrit maintenant un certain complexe de supériorité vis-àvis de l'Occident et au surplus ne partage pas la peur de celui-ci devant le communisme comme on le voit bien actuellement en Afghanistan ( 1 ). La raison est à chercher dans l'attitude de sou­ mission — « d'islam » — devant la mort . ( 1 ) 11 semble bien que le produise actuellement un phénomène d'une importance consi­ dérable en Afghanistan . C'est un peuple entier qui , au mépris des pires dangers , des pires sévices , au mépris de la mort même, refuse activement la domination de l'Armée rouge alors même qu'il ne reçoit pas une aide significative de l'extérieur . C'est la première fois que le fameux « mouvement de l'histoire » semble s'arrêter. Il y a là une indication pleine de «ens . — 170 — En résumé , quoique l'Islam présente comme toutes les autres traditions un aspect de dégradation , il n'en demeure pas moins une source de dynamisme pour des peuples en accroissement comme nous allons le voir . B. — Une aire géographique essentielle . Du point de vue géographique , plutôt que d'un monde isla­ mique , mieux vaudrait parler d'un « monde afro-asiatique de civili­ sation islamique ». En expansion démographique — 58 % de la population mon­ diale pourrait être musulmane en 2010 — du Maghreb à l' Insulinde , ce monde occupe une position stratégique exceptionnelle . Il commande la Méditerranée , domine le croissant fertile, jouxte le flanc sud de l'empire soviétique et s'imbrique dans son glacis afro-asiatique . D'une part, parfois investi par les Soviétiques ( Afghanistan) ou en instance d'investissement ( Iran) ou contrôlé par eux ( Yémen), surveillés depuis le plateau éthiopien , porteur du kyste israélien qui sécrète indirectement la force de contestation des Palestiniens répan­ dus dans les pays du Golfe , soumis en d'autres lieux à l'influence américaine ( Égypte , Arabie saoudite), coincé entre l'Inde hostile et le soviétique menaçant ( Pakistan ), objets de tentatives de désta­ bilisation ( Etats africains), agent subversif original ( Libye ), ces pays islamiques offrent tout l'éventail des situations critiques . Il faut y ajouter les rivalités internes : Algérie-Maroc pour le Sahara , LibyeTchad , Libye-Tunisie , Libye-Egypte , le Liban déchiré , Irak-Iran , et quelques autres . Il n'est pas besoin de souligner que 60 % des réserves mondiales de pétrole se trouvent dans le sous-sol du Moyen-Orient isla­ mique . Cela signifie très clairement que le type de civilisation à do­ minante économique de l'Occident en général et de l'Europe en particulier est , dans l'immédiat , presque entièrement tributaire d'une énergie originaire des pays islamiques . L'exemple de la France est singulièrement frappant dont 84 % des hydrocarbures importés pro­ viennent du golfe Persique ( 75,2 % ) et des pays méditerranéens ( 9,8 % ) ( 1 ). Or, ce n'est faire injure à personne que de constater que les Etats producteurs de la péninsule arabique présentent des caracté­ ristiques géographiques , territoriales et démographiques qui leur con­ fèrent une certaine fragilité et une certaine vulnérabilité aux diffé­ rentes formes d'agression modernes . On peut observer par ailleurs à la lumière de la révolution iranienne que le destin des pays isla­ miques qui ont une réalité géopolitique ancienne récèle une répulsion ( 1 ) Source : Commissariat général du Plan . Rapport du groupe de travail « Matières de base - Approvisionnement et compétitivité ». - 171 — à l'égard sinon des avantages de la civilisation technologique du moins de ses conséquences sur la culture et donc sur l'être profond de l'homme islamique . Cette répulsion s'exerce d'ailleurs aussi bien vis-à-vis du type occidental que vis-à-vis du type soviétique de la civilisation économique quoique pour des raisons différentes . C. — Un théâtre des rivalités mondiales . Voici donc un monde qui n'a pas d'unité politique , qui recèle des tendances adverses , dont la solidarité se catalyse autour de ses hostilités et qui dispose d'un pouvoir économique exorbitant et hors de proportion avec ses structures politiques . Mais c'est un monde jeune , dynamique et auquel , au fond , l'aventure ne fait pas peur . Seulement , c'est un monde qui ne dispose pas de la puissance mili­ taire . Jusqu'ici , à cet égard , il est dépendant à son tour de l'Occident ou de l'U.R.S.S. A cette dépendance , s'en ajoute une seconde : l'in­ suffisance de production alimentaire le rend tributa de l'étranger et principalement des Etats-Unis . C'est ce qui explique en partie les projets esquissés entre les sept Etats du Golfe d'une intégration économique comportant un volet alimentaire . On peut aussi penser que cet état de choses ouvre une possibilité d'échanges complémen­ taires entre l'Europe et ces Etats . L'examen d'une carte géographique enseigne que l'Islam se situe à un des points cruciaux de la rivalité Est-Ouest et que le Golfe constitue un enjeu d'une telle importance qu'il peut déterminer des tentations irrésistibles de domination mondiale . Par ailleurs , le MoyenOrient se trouve également à la jonction de l'U.R.S.S. et de la Chine , ce qui fait une seconde raison de voir en lui le terrain d'une autre et non moins redoutable rivalité . Or, on n'a pas le sentiment que la politique pétrolière menée par les producteurs prenne en compte une appréciation réaliste des conséquences d'une pénurie provoquée d'une façon anticipée par rapport aux possibilités d'adaptation des pays consommateurs . Il est un point d'évolution où les problèmes cessent de se poser en termes économiques mais comme , en raison de la bipolarisation , ils ne peuvent plus être réglés par des méthodes colonialistes ou impé­ rialistes , ils renferment inévitablement des germes d'affrontement majeurs . C'est sur ce contexte qu'il convient de replacer la certitude que la décennie 1980-1990 connaîtra une pénurie physique de pétrole , soit par l'effet d'une décision politique de réduction de la production , soit par l'effet de l'insuffisance des investissements , soit à cause de tensions internes et qu'en toute hypothèse , le prix du pétrole augmen­ tera encore et dans des proportions importantes . — 172 — 3 . LA CHINE Plus encore que pour l'Union soviétique , la difficulté de com­ prendre la Chine est extrême car il s'agit de saisir à la fois et dans leur combinaison les spécificités d'un très vieux peuple et les cons­ tantes du communisme qui s'y superposent . Ce sont deux ordres d'idées généralement étrangères à la logique occidentale . Aussi ne saurions-nous prétendre à donner une interprétation sans faille . Du m'Il , savons-nous qu'il faut prendre avec la plus extrême réserve les informations concernant la Chine qui , en réalité , proviennent d'une unique source officielle à destination de l'étran­ ger . Il suffit pour notre propos de retenir que le type de régime ins­ tauré en Chine revêt le caractère d'un appareil centralisé aux mains d'une minorité très structurée — le Parti — et animée par une idéo­ logie qui ne reconnaît pas les droits de l'homme . Et cependant le peuple chinois est si profondément civilisé qu'il semble pouvoir supporter sans dommages les pires péripéties politiques . Il en résulte que , compte tenu du fait que la Chine dispose des éléments géographiques d'une superpuissance , tous les moyens lui seront bons pour acquérir ceux qui lui font encore défaut : la puis­ sance industrielle et la puissance militaire . Elle est donc actuelle­ ment en période de transition . Sa tâche est d'autant plus difficile que , ne pouvant faire seule et n'espérant rien de l'U.R.S.S. , elle est tentée de chercher appui en cet Occident qui est l'ennemi d'hier. Sous le bénéfice de ces observations générales , il nous faut tenter d'analyser les rapports de forces de la Chine avec Î'U.R.S.S. , le Japon et les U.S.A. A. — Chine et U.R.S.S. Les responsables soviétiques n'ont jamais fait mystère de l'appré­ hension que leur cause la perspective d'une montée en puissance de la Chine . On comprend que le voisinage de deux expansionnismes idéologiques doive normalement recéler des potentialités d'affronte­ ments . Il n'est pas exclu , ou du moins on peut le supposer , que le souci de l'U.R.S.S. d'avoir les mains libres le cas échéant pour cet affrontement ne l'incite à éliminer préventivement toute autre menace réelle ou potentielle telle que celle que constitue l'Europe libre . — 173 — Mais il n'est pas sans intérêt de noter qu'en 1969-1970 , l' Union sociétique pouvait anéantir les Chinois . Elle ne l'a pas fait parce que le bilan des avantages et des inconvénients d'une telle opération lui a paru négatif : réaction des mouvements communistes de l'Occi­ dent , réactions internationales , impossibilité d'exploiter militairement et politiquement l'avantage , réconciliation impossible avec la Chine , impossibilité d occuper le pays , etc. C'est donc un phénomène d autodissuasion analogue à celui qui a joué aux Etats-Unis dans les années 1946-1950 . Cependant , l'U.R.S.S. a su se constituer une série de bases pre­ nant la Chine à revers dont la plus importante est le Vietnam . Pro­ fitant de la dépendance où celui-ci se met par sa politique d'expansion dans l' Indochine , l'Union soviétique s'implante militairement d'une façon spectaculaire : reprise des anciennes bases américaines , mouil­ lages pour sous-marins nucléaires , installation de silos de missiles , disposition d'aéroports et multiplication des conseillers et autres coopérants . L'opération afghane fait coup triple puisqu'elle menace à la fois la Chine , l'Occident et l'Islam . Outre ces affrontements et tensions géostratégiques , il y a entre Moscou et Pékin l'inexpiable rivalité de deux pays qui prétendent à une même prépondérance idéologique . B. — Chine et U.S.A. Il est bien évident que les relations entre ces deux pays relèvent de considérations purement stratégiques tout comme , en d'autres temps , l'alliance de Roosevelt et de Staline . Il s'agit pour la Chine de dissuader l'U.R.S.S. de l'attaquer, d'obtenir de l'Amérique le maximum de technologie pour son développement . Pour les EtatsUnis , la Chine était conçue par Kissinger et Nixon comme une carte dans leur jeu vis-à-vis de l'Union soviétique , comme une pénalité applicable en cas d'expansionnisme soviétique . Le fondement de cette doctrine est le communiqué de Shangai dans lequel ChouEn-lai avait imposé à Kissinger la clause d anti-hégémonie . A vrai dire , les Américains n'ont pas développé leurs relations avec la Chine ou plus exactement ils n'ont pas eu de continuité pour l'application d'une politique de résistance à l'U.R.S.S. Ce n'est qu'avec l'invasion de l'Afghanistan qu'ils ont à nouveau brandi la menace chinoise . Il ne semble pas prouvé que leurs prestations en faveur de la Chine doivent être très importantes et il n'est pas exclu que les Chinois aient cédé à l'avertissement soviétique de ne pas recourir à l'Occident pour leur modernisation . - 174 — C. — Chine et lapon . Le Japon , qui subit encore l'influence américaine , a su profiter de l'occasion pour renouer des relations avec la Chine . Après avoir essayé en vain d'obtenir de l' U.R.S.S. la restitution de l'île Sakhaline et un accès aux sources d'hydrocarbures et de matières premières de la Sibérie , il a accepté la fameuse clause anti-hégémonie pour avoir accès au marché chinois . Quoique membre du camp occidental , le Japon est asiatique . Son alliance indéfectible avec les Etats-Unis n'est pas certaine , son attirance pour la Chine est probablement plus profonde . Mais une Chine communiste inquiète un Japon qui a bien retenu la leçon de l'efficacité économique reçue des Etats-Unis . La Chine considère essentiellement le Japon comme une puis­ sance industrielle , susceptible de lui fournir une aide technologique , le cas échéant dans le domaine de l'armement . La Chine est pour le Japon une source de matières premières . La complémentarité des deux pays est considérable . Dans l'immédiat , les réactions japonaises en cas de crise demeurent imprévisibles . Ajoutons que le Japon ne possède qu'une des composantes de la puissance : le développement industriel . L'espace et les ressources naturelles lui font défaut . En termes militaires , il est trop vulnérable pour songer à reconstituer une force armée majeure . - 175 — 4 . CONCLUSION Au terme de ce tour d'horizon , on peut considérer que quelques constatations sont dominantes . 1° L'U.R.S.S. n'a jamais fait mystère de ses visées expansion­ nistes : clic Icc a encore exprimées clairement au mois de juin 1978 . Tant qu'elle n'a pas eu la supériorité militaire , elle a tenté — et réussi — à faire basculer sans conflit majeur un certain nombre de pays. Dès qu'elle a considéré détenir la supériorité militaire , elle a semblé changer de style : ce fut l'invasion de l'Afghanistan. 2 " Faibles dans leurs analyses , hésitants dans leur comporte­ ment , handicapés par les jeux de la politique intérieure , les EtatsUnis se sont laissés distancer par leur adversaire . Leur sanctuaire n'est pas directement menacé car ils conservent une « deuxième frappe nucléaire » mais ils sont , semble-t-il , maintenant réduits à la défensive . Cette situation n'est pas exempte de dangers . 3° La multipolarité dont on a beaucoup parlé ne fait en réalité que refléter sur tel ou tel terrain la faiblesse d'une des supc-puissances . Cependant , les conceptions humaines dominantes de < Islam et les potentialités chinoises constitueraient certainement des freins et des obstacles sérieux à une tentative d'hégémonie globale . Il est en effet important de souligner que ce qui limite actuel­ lement l'hégémonie soviétique c'est moins la puissance américaine provisoirement paralysée que l'hostilité du Tiers-Monde et de l'es­ sentiel de l'Islam en particulier. La résistance afghane est exemplaire des risques que prendraient les Soviétiques en s'attaquant directe­ ment aux pays islamiques peuplés . 4° La prolifération nucléaire paraît inévitable. La soif d'expor­ tation du monde occidental , ses structures libérales qui permettent sans restriction la formation des ingénieurs du Tiers-Monde dans les universités américaines et européennes , les transferts de techno­ logies nucléaires civiles rendent inévitable , au terme d'une dizaine d'années , la possession de la bombe atomique par une ' quinzaine de pays . Les dirigeants de ces pays pourraient être tentés de régler leurs problèmes régionaux en utilisant la menace atomique . Les risques de terrorisme nucléaire pourraient se révéler importants . 5° Particulièrement inquiétante est la multiplication récente des facteurs de tensions : économiques , énergétiques , monétaires , locaux voire tribaux, religieux, militaires , internes et externes . Il en résulte — 176 — qu'il devient de plus en plus facile d'aboutir à une situation inaccep­ table par l'une des superpuissances . Guerre ou Paix ? Le Président de la République n'a pas hésité à poser la question au seuil de l'année 1980 . Ce sont de erreurs réaliser n'est pas être pessimiste que de reconnaître que les risques plus en plus nombreux , de plus en plus aigus et que les d'interprétation , les réactions préventives , la tentation de un avantage décisif , favorisent des éventualités redoutables . Personne ne veut la guerre peut-être , mais personne ni aucun accord international n'est capable d'enrayer à coup sûr des enchaî­ nements dangereux s'il s'en produit . Et il risque de s'en produire . Il suffit pour s'en convaincre de regarder le monde . C'est sur ce fond d'incertitude et de danger qui relativise les phénomènes économiques au profit du politique et du stratégique que doivent être désormais étudiés les échanges . — 177 — CHAPITRE V UNE MARGE DE MANŒUVRE ÉTROITE POUR LA FRANCE L'examen des perspectives économiques , monétaires et énergé­ tiques a mis en valeur l'ampleur des difficultés à affronter dans un contexte international en voie de dégradation constante . La marge de manœuvre de notre pays demeure donc étroitement limitée , face aux autres Etats et à sa propre capacité , encore trop faible , d'adaptation . I. — UNE MARGE DE MANŒUVRE ÉTROITEMENT LIMITÉE PAR LES DIFFICULTÉS DE L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL Le précédent rapport d'information sur les conditions et les enjeux des équilibres extérieurs de la France ( 1 ) procédait à une analyse en termes de « contraintes ». Le contexte international a encore évolué , depuis lors , défavorablement : les difficultés se sont multipliées et de nouveaux dilemmes sont apparus . La compétition internationale a donc revêtu un nouvel aspect , engendrant des risques majeurs de conflit : en deux années , les simples « contraintes » se sont ainsi transformées en de véritables risques de conflits ouverts . A. — Le nouvel aspect de la compétition internationale . La compétition internationale est désormais devenue sans merci entre tous les pays participant à l'échange international . Les Etats industrialisés occidentaux se livrent à une concurrence acharnée pour ( 1 ) Sénat n* 31 ( 1978-1979). Sénat M - T. I. — 12 — 178 — augmenter leurs parts de marché , au moment précis où un pays d'Extrême-Orient , le Japon , accomplit un effort sans précédent pour trouver les moyens de surmonter l'énorme déficit énergétique qu'il connaît devais 1973 . Mais cette compétition est singulièrement déséquilibrée : face aux Etats pétroliers, bénéficiant de la richesse du pétrole , se trouvent placés des pays très appauvris, sans perspectives immédiates de développement, et d'autres Etats qui représentent assez bien une menace potentielle pour notre économie . 1 . Une compétition internationale sans merci . La France doit affronter le défi de ses partenaires industrialisés , tout en s'efforçant de contenir les menaces apparues un peu partout ailleurs dans le monde. a) La concurrence entre pays industrialisés occidentaux : Face à nos concurrents industrialisés, nos difficultés tradition­ nelles se trouvent aggravées par le recours à un « protectionnisme déguisé » de la part de certains Etats . • Nos difficultés traditionnelles : Avec les Etats riches , notre commerce extérieur est chronique­ ment déficitaire et en voie d'aggravation . Selon les chiffres relatifs aux sept premiers mois de l'année 1980 , notre solde négatif est passé de 7,6 milliards de francs à 15,3 milliards de francs avec les Etats-Unis ; de 5,2 à 9,6 milliards de francs avec la R.F.A. ; de 2,5 à 3,5 milliards de francs avec le Japon. Notre « tissu industriel » est , en effet, beaucoup trop lâche par rapport à celui de nos partenaires ; il n'associe pas suffisamment les petites et moyennes entreprises à l'exportation . Les chiffres sont ici trop connus : seulement 2.000 entreprises assurent près de 80 % de nos exportations . De nombreuses P.M.E. figurent sans doute parmi ces 2.000 entreprises . Mais cette situation explique en partie l'inégalité des perfor­ mances commerciales sur la R.F.A. de la France — qui enregistre de mauvais résultats — et de l'Italie — qui , elle, obtient de réels succès . Le commerce franco-allemand est , en effet , déficitaire , alors que les échanges entre l'Italie et la R.F.A. se trouvent excédentaires . Le solde positif de l'Italie est lié à diverses activités industrielles (produits semi-finis et biens à forte valeur ajoutée incorporée) où — 179 - les petites et moyennes entreprises de la péninsule démontrent une redoutable efficacité . A côté des grosses firmes du secteur public , 100.000 P.M.E. , pratiquant au maximum le « travail noir », spécia­ lisées dans des produits de qualité , permettent ainsi à l'économie italienne d'affronter victorieusement la puissance allemande . Au total , en 1978 , l' Italie a enregistré un excédent de 8,5 mil­ liards de francs avec la R.F.A. ; la France a accusé un déficit de plus de 10 milliards de francs . Il conviendrait donc d'amplifier les efforts déjà réalisés pour mieux associer les P.M.E. à l'exportation . Cette entreprise suppose que de substantiels progrès soient accomplis : — dans le renforcement des fonds propres des P.M.E. , souvent insuffisants pour leur permettre d'investir à l'étranger : le recours à la formule des prêts participatifs pourrait être notablement déve­ loppé ; — dans la formation des cadres spécialisés dans les opérations de commerce international ; — dans la poursuite de l'implantation de structures régionales pour déceler les P.M.E. qui devraient parvenir à accroître le pour­ centage de leur chiffre d'affaires réalisé à l'exportation ; les conseil­ lers commerciaux ont ici un rôle majeur à jouer dans les régions . Comme le constate le rapport du Comité « Économie interna­ tionale - Échanges extérieurs » du VIII' Plan : « Sans une politique de développement des industries à carac­ tère stratégique et un renforcement des entreprises performantes ca­ pables d'affronter la compétition internationale , l'industrie française risque d'être prise en tenaille entre les « nouveaux concurrents » et les entreprises de grands concurrents développés qui ont déjà conquis des parts importantes des marchés mondiaux . » Encore faut-il que la concurrence puisse jouer pleinement entre les Etats industrialisés . Tel n'est malheureusement pas encore le cas. • Des règles du jeu faussées : réglementation protection­ niste et « européanisât ion » de produits étrangers : Chacun sait que les Etats les plus favorables au libéralisme pratiquent souvent une politique protectionniste qui fausse le com­ merce . Notre industrie éprouve ainsi des difficultés certaines à exporter en R.F.A. Cet État impose le respect de « normes » qui altèrent le fonctionnement du Marché commun . — 180 — Ces « normes » portaient , à l'origine , sur la sécurité offerte par les biens mis en vente . Mais elles sont Je plus en plus souvent de­ venues des labels de qualité , afin de jouer le rôle de véritables res­ trictions non tarifaires . Actuellement , le droit fédéral allemand recense environ 1.500 lois et 2.500 décrets ... en y ajoutant les législations propres à chaque Land , on aboutit à 40.000 « règles techniques », dont 20.000 norme?. Une loi sur le « matériel technique » est notamment entrée en vigueur en décembre 1968 . Mais le jeu de la concurrence n'est pas seulement faussé par ces réglementations protectionnistes . Depuis la fin de l'année 1975 , il est apparu que certains sec­ teurs industriels subissaient de plus en plus directement les consé quences de « l'européan'sation » des produits étrangers . Il arrive que certaines marchandises ( textiles , notamment ) soient fiscs en libre pratique et déclarées originaires d'un Etat-membre de la C.E.E. alors qu'ils sont , en réalité , originaire d'un pays tiers . Cette situation est évidemment la conséquence d" la politique commerciale libérale menée au niveau communautaire , notamment à l'égard des pays en voie de développement . Les pouvoirs publics ont donc intérêt à faire jouer , le cas échéant , les clauses de sauvegarde des différents accords préféren­ tiels conclus par la Communauté et à intervenir auprès des instances communautaires pour rechercher les moyens de restreindre les dé­ tournements de trafic . Ces difficultés liées aux relations entre pays industrialisés occidentaux se trouvent amplifiées par l'essor de certains Etats d' Extrême-Orient . b ) La concurrence entre pays industrialisés occidentaux et pays industrialisés d'Extrême-Orient : L'une des principales tendances du commerce international , de­ puis quelques années , est constituée par la vigueur de la concur­ rence des pays industrialisés d' Extrême-Orient , et notamment du Japon . Depuis l'année 1973 , ce pays a etc soumis à une redoutable contrainte énergétique : il a réagi avec une efficacité singulièrement renforcée par les caractères irtrinsèques d ; son organisation sociale . Le Japon est en effet une société hiérarchisée et disciplinée ; le maintien d'un certain esprit « féodal », révélé par l'attachement des employés à la famille qui représente l'entreprise , est un puissant — 181 — atout ; cet état d'esprit explique la formidable productivité des unités de production . Cette société est également fondée sur une étroite alliance entre l'État , les chefs d'entreprise et les salariés ; cette cohésion sociale , étonnament vigoureuse , est le résultat d'un véritable collectivisme ja­ ponais , qui crée les conditions d'une remarquable faculté d'adapta­ tion aux transformations du monde contemporain . Ne pouvant éluder les difficultés , le Japon est condamné à l'ex­ pansion : faute d'avoir pu être militaire , elle est désormais écono­ mique . Cette capacité à mobiliser les forces nationales vers la réalisa­ tion d'un grand dessein — la conquête de marchés de plus en plus importants et variés — lui permet de combiner les avantages des systèmes libéraux et interventionnistes . L'efficacité de l'action est , en effet , prouvée par une propension exceptionnelle à l'investisse­ ment , un sens de l'innovation et le recours à une planification éla­ borée grâce à un appareil statistique particulièrement axé sur les prévisions . Ainsi , à la suite de la formidable offensive commerciale du Japon , déclenchée après 1973 , ce pays a réussi , sur le plan mondial , à convertir son déficit commercial de 6,6 milliards de dollars en 1974 en un surplus de 4,6 milliards de dollars en 1977 . Ce résultat n'a pu notamment être obtenu que par un spectaculaire retourne­ ment de situation sur le marché américain (-+ 5,7 milliards de dollars pour le Japon en 1977 , contre un déficit de 0,2 milliard de dollars en 1975 ). Quant à la France , elle a enregistré un déficit de quelque 5 mil­ liards de francs en 1979 avec le Japon . D'autres pays d'Extrême-Orient adoptent d'ailleurs une stra­ tégie identique à celle du Japon ; la Corée du Sud , par exemple , lui emprunte , d'ores et déjà , ses propres méthodes pour mieux la concurrencer . * • • Cette compétition internationale n'est pas seulement acharnée ; elle est encore très déséquilibrée . 2 . Une compétition internationale déséquilibrée. La crise de l'énergie a provoqué l'apparition d'Etats riches , pro­ ducteurs de pétrole ; elle a sans doute différé quelque peu la me­ nace , pour notre économie, de la concurrence des nouveaux pays industrialisés ; mais elle ne l'a sûrement pas supprimée . — 182 — a) La domination énergétique et financière des Etats producteurs de pétrole : Les Etats producteurs de pétrole peuvent être scindés en deux catégories : les pays à faible densité de population et les autres . Cinq des membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole produisent environ la moitié du pétrole de l'O.P.E.P. , tout en ne comptant que 3 à 5 % de sa population ( 1 ). Ce premier groupe d'Etats , à faible capacité d'absorption , risque de ne pas pouvoir offrir , à terme , un marché pour les produits in­ dustriels . Une menace importante existe , dès à présent , du fait des in­ vestissements qui sont réalisés ou envisagés dans un certain nombre de domaines : raffinage du pétrole , chimie organique pour des pro­ ductions de grandes matières plastiques , de textiles synthétiques et de caoutchouc , engrais , sidérurgie , etc. On risque ainsi d'aboutir rapidement à des « surcapacités » généralisées . Les Etats peuplés , eux , vont devenir des pays industrialisés dont la capacité d'exportation peut aggraver la pénétration de pro­ duits étrangers sur notre marché intérieur. Dès lors , un monde vicieux se dessine , où l'accroissement du nombre des pays industrialisés augmentera la demande mondiale d'énergie confrontée à une production constante ou en baisse ( 2 ). b ) Les inégales perspectives de ln concurrence des pays en voie d'industrialisation : Comme on l'a déjà vu , la situation des pays en voie d'indus­ trialisation s'est nettement détériorée depuis les deux « chocs pétro­ liers » : déficit croissant des paiements courants , endettement important , etc. Ces Etats , incapables de maîtriser leur démographie , apparaissent les victimes désignées de la compétition , puisqu'ils ne pourront plus accéder à l'énergie devenue trop chère . Des difficultés particulières peuvent cependant être redoutées du fait de la « concurrence sauvage » de pays du Tiers-Monde bénéficiant de conditions de productions très favorables . En fait , comme le remarquait le rapport du Groupe chargé d'étudier l'évolution des économies du Tiers-Monde et l'appareil ( 1 ) Arabie uoudite, Koweït , Émirats arabes unis , Qatar et Libye. ( 2) Voir dans l'annere II au chapitre III les perspectives d'accroissement de la consommation de pétrole par IN pays du Tiers-Monde . — 183 — productif français, dans le cadre du Commissariat au Plan , les impor­ tations en provenance du Tiers-Monde n'ont sensiblement progressé , de 1972 à 1976 , que pour les produits suivants : 12 articles textiles et d'habillement, appareils de radio-télévision, scierie, panneaux de bois et sylviculture. Pour l'instant , la part des pays en voie de développement dans les importations de produits manufacturés ne représente que 4,3 % en France , contre 6,5 % en Italie , 8,3 % en Grande-Bretagne , 8,6 % en R.F.A. , 21,3 % aux Etats-Unis et 27,8 % au Japon . En termes d'emplois , le bilan , de 1970 à 1976 , a été positif pour la France ( 100.000 emplois créés ). Il l'était encore en 1978 ( environ 12.000 emplois créés ). Mais les perspectives pour 1978-1985 sont plus incertaines ( entre + 100.000 et — 200.000 emplois). Jusqu'à présent , les effets bénéfiques sur l'emploi des exportations d'équi­ pement ont précédé les effets négatifs des importations de produits manufacturés . Il serait donc excessif d'estimer que ces nouveaux pays indus­ trialisés ( N.P.I. ) puissent représenter aujourd'hui un danger réel pour notre économie ; mais la menace de leur concurrence est poten­ tielle ( 1 ). Selon l'étude « Interfuturs » de et de développement économique , la ces pays , qui représentait le tiers de dc celle des Etats-Unis en 1970 , leur l'Organisation de coopération valeur ajoutée industrielle de celle de la C.E.E. et le quart serait égale en l'an 2000 . Deux catégories de N.P.I. auront un rôle essentiel à jouer : — les N.P.I. détenteurs de main-d'œuvre à bas salaires ; — les N.P.I. dotés d'énergies et de ressources naturelles à faible coût . Cinq Etats disposent ainsi , par rapport aux autres , d'une position privilégiée : la Corée du Sud , qui commence déjà à produire des voitures à bon marché ; Taïwan ; Singapour ; la Malaisie ; Hong Kong. Il est de plus possible d'identifier les secteurs où la concurrence des N.P.I. sera la plus agressive : — biens intermédiaires : — tubes électroniques , — bois , pâte à papier , -- carton , — engrais , — produits de la pétrochimie ( 1 ) Voir annexe I tu chapitre V. - 184 — — biens de consommation et d'équipement ménager : — cuir, — chaussures , — vêtements , — textiles , — articles de voyage , — bijoux , — transistors , — calculatrices portatives , — matériel « haute fidélité », — photo , cinéma , — cycles . La France se trouve donc actuellement placée dans une situation qui n'est pas durable . Le nombre de pays nouvellement industrialisés va augmenter et la concurrence la plus dangereuse apparaîtra lorsque les exportations ne seront plus essentiellement le fait d'Etats tels que Singapour ou Hong Kong , mais de grands pays dont le développement est , pour le moment , autarcique , mais qui seront appelés à participer de plus en plus à l'échange international , avec l'appui d'un grand marché inté­ rieur ( Brésil , Mexique ). On sait déjà que grâce à la promotion des exportations par les gouvernements , l'industrie automobile de l'Amérique latine devrait connaître une croissance rapide et repré­ senter près de 10 % de la production mondiale en 1990 . Qui plus est , la gamme des produits exportés s'étendra : au fur et à mesure que les marchés locaux se développeront , les pays ne se contenteront plus d'effectuer de ? opérations simples , mais ils chercheront à assurer sur place l'ensemble de la production . Enfin, les transferts de technologie et la « délocalisation » de certaines activités , sous l'influence de la stratégie des entreprises multinationales , soucieuses de produire à des coûts de plus en plus faibles , contribueront directement à l'édification de nouvelles puis­ sances industrielles . Ces trois considérations laissent entrevoir la réalité de la me­ nace de l'ampleur des risques de conflits . - 185 — B. — Les économies face à la « montée des périls ». L'engrenage récent des événements a provoqué des prises de position officielles dépourvues d'ambiguïté. Il devient donc urgent de prendre les précautions économiques nécessaires . 1 . L'engrenage récent des événements. Chacun a présent à l'esprit les événements qui , depuis la fin de 1979, provoquent l'inquiétude des responsables : occupation de l'Afghanistan par l'U.R.S.S. , événements de Pologne, guerre ou­ verte entre l'Irak et l'Iran avec ses imprévisibles développements , développement du terrorisme en Europe. Il est inutile d'en faire l'analyse, l'important étant de montrer que la réalité économique se sur un fond de menaces qualifiées de plus en par les dirigeants politiques dans leurs prises de pour notre propos profile désormais plus ouvertement position . 2 . L'évolution des prises de position officielles. Des responsables politiques nationaux ont déjà évoqué la dé­ térioration de l'environnement international . Dès le 31 décembre 1979, le Président de la République a lui-même souligné, que le « danger de guerre existe », mais en rappelant que la France « tra­ vaille pour la paix ». D'autres dirigeants étrangers se sont montrés plus pessimistes. Le chancelier Schmidt, à Munich, lors de la 11' Conférence mon­ diale sur l'énergie a déclaré : « Il ne faut pas fermer les yeux devant les risques de conflit mondial que pourrait entraîner la course aux approvisionnements énergétiques » ( 18 septembre 1980). De même, le responsable du parti communiste chinois , Deng Xiao Ping affirmait, en septembre 1980 : « On ne sait pas quand le feu prendra dans les années quatre-vingts , mais on sait bien qui l'allumera... Les Etats-Unis sont sur la défensive et ils ont peur de l'Union soviétique... Ce sont les Européens qui seront les victimes de la prochaine guerre mondiale, laquelle est inévitable en raison des intentions soviétiques. » Ces divers propos devraient inciter les gouvernements à prendre un certain nombre de précautions économiques. — 186 - 3 . Les précautions économiques nécessaires. Face à l'accumulation des risques de pénurie , il est devenu indispensable d'adopter une véritable stratégie de survie . L'effort déjà accompli ne saurait être considéré comme suffi­ sant. Les stocks de produits stratégiques et de matières premières doivent être portés à un niveau suffisant pour permettre un fonction­ nement autarcique temporaire de l'économie . Le coût financier du stockage ne devrait plus constituer l'élé­ ment prépondérant de la décision . Ce qui a été fait pour le pétrole — et dont on se félicite à l'heure actuelle — doit être réalisé pour un certain nombre de matières premières . Nous n'ignorons pas que c'est une action difficile à mettre en place . Elle ne nous en semble pas moins nécessaire . - 187 — II . — UNE MARGE DE MANŒUVRE LIMITÉE PAR LE PLAN INTÉRIEUR Sur le plan intérieur, l'adaptation aux conditions de la compé­ tition bute sur une limite financière et sur une limite humaine. Face à ces limites, c'est par la mise en œuvre d'actions conver­ gentes que nous pourrons réduire la fragilité de nos équilibres . A. — Les limites de l'adaptation . Ces limites sont d'ordre financier et humain . 1 . La limite financière. Le coût de la reconversion d'une économie industrielle est énorme. Un seul exemple suffit à illustrer ce propos : celui de l'industrie automobile. Aux Etats-Unis, les pertes financières cumulées des « quatre grands » (« General motors », « Ford », « Chrysler », « American motors ») ont atteint le montant de 2 milliards de dollars pendant le premier semestre de 1980 ; le déficit de Chrysler, à lui seul, est supérieur au cours de la même période de référence à un milliard de dollars . Les constructeurs des Etats-Unis ont prévu un programme d'investissement de près de 80 milliards de dollars de 1979 à 1984 inclus . La moyenne annuelle est donc de plus de 13 milliards de dollars , soit, au taux actuel de conversion, d'environ 58 milliards de francs. Cette dernière somme représente plus de cinq fois la valeur de l'ensemble des investissements de la branche auto­ mobile française en 1978 . L'énormité du financement de reconversion explique pour une part que des entreprises , où l'État se trouve déjà financièrement engagé, finissent par accepter les propositions japonaises pour éviter la crise (Alfa-Roméo en Italie, S.E.A.T. en Espagne, British Leyland en Grande-Bretagne). 2 . La limite humaine. Un tel effort d'adaptation de l'économie se heurte à une résis­ tance sociologique qui, en France, traduit peut-être la crainte de perdre une identité spécifique en tant qu'il bouscule un certain type de psychologie héritée d'une France rurale, équilibrée et guidée par le bon sens. — 188 — L'œuvre d'adaptation doit donc tenir compte des mentalités , ce qui peut évidemment retarder l'orientation de l'appareil productif vers une efficacité accrue . En toute hypothèse , cet accroissement recherché de la productivité ne semble pas pouvoir se faire sans conséquences sociales . La société française ne saurait vivre dans un climat permanent d'hostilité : l'absence de cohésion , supportable en période de croissance , rend extrêmement difficiles et surtout très lentes les adaptations qui , économiquement , seraient de nature à assurer le maintien de la part française d'exportation de produits manufacturés . D'où la nécessité , comme l'avait souligné le premier rapport , d'un « lieu » de prévision et de concertation . La définition et la mise en œuvie d'actions convergentes contri­ bueraient el partie à faciliter les moyens nécessaires à une telle en­ treprise . B. — La nécessaire convergence des actions. L'étroitesse de notre marge de manœuvre nous incite à réagir avec pragmatisme face à des situations qui nous sont imposées . Il est possible de proposer un ensemble d'actions complémen­ taires tendant toutes à résoudre les difficultés sans cesse renaissantes : économies d'énergie , rejet d'un protectionnisme aveugle , reconquête du marché intérieur, accroissement des exportations , endettement ex­ térieur . Mais aucune mesure d'ordre technique ne pourra prétendre aboutir à des résultats significatifs en l'absence de toute volonté de redressement et de toute action opiniâtre . 1 . Économies d'énergie. Il n'y a pas lieu d'insister sur l'importance capitale de la poli­ tique d'économie d'énergie importée et du développement des éner­ gies d'origine nationale . Sous quelque aspect qu'on envisage le pro­ blème , c'est là vraiment l'action la plus urgente et la plus rentable . Mais sans doute ne sera-t-elle pas suffisante à terme . Il faudrait en réalité s'orienter dès maintenant vers la conception de structures économiques et sociales qui n'utiliseraient l'énergie importée qu'avec une extrême parcimonie . C'est incontestablement un projet à long terme mais, à vue humaine , tous les éléments d'appréciation conver­ gent pour affirmer sa nécessité. - 189 — 2 . Le rejet d'un protectionnisme aveugle. Quelques mois seulement après la signature des accords du « Tokyo Round », les Etats de la Communauté économique euro­ péenne , les Etats-Unis et le Japon s'affrontent vigoureusement sur tous les marchés mondiaux . L'âpreté de la lutte incite alors les gou­ vernements à recourir à des mesures protectionnistes . Sans prétendre chercher à contribuer de façon décisive au grand débat entre le libre-échange et le protectionnisme , il peut être tentant , compte tenu des circonstances , de justifier le rejet du protection­ nisme , au moins pour trois raisons fondamentales . Une première considération est fondée sur le caractère quasiment irréversible de notre participation à l'échange international . Le rap­ port des exportations au produit intérieur brut exportable classe la France au-dessus de nombreux autres pays industrialisés ( R.F.A. , Italie). Cette particularité est précisément l'indice d'une extrême vul­ nérabilité face à d'éventuelles mesures de rétorsion de nos parte­ naires . Le rapport du Comité « Économie internationale-Echanges ex­ térieurs » du VIIIe Plan estime d'ailleurs « qu'il n'est pas réaliste d'imaginer rééquilibrer nos échanges extérieurs par le protection­ nisme , même en le limitant aux pays développés , sans s'exposer à des représailles sévères et immédiates ». Une deuxième raison est liée à l'importance croissante des va­ riations de parités monétaires , sur les marchés des changes , qui peuvent sérieusement contrarier l'effet attendu de mesures protec­ tionnistes . En un sens , toute réglementation risquerait fort de se ré­ véler inefficace en l'absence totale d'une maîtrise du cours du franc , dont il est illusoire de chercher à décréter l'évolution . Enfin , l'étude « Interfuturs » de l'O.C.D.E. a souligné qu'un mouvement généralisé de protectionnisme freinerait la croissance éco­ nomique mondiale à long terme. Le protectionnisme se révélerait donc pratiquement dangereux , inefficace et récessionniste . En revanche , une vigilance très aiguë à l'égard de toutes les formes de pénétration du marché par l'exploitation des réglementa­ tions communautaires se révèle indispensable . 11 n'est pas possible non plus que les performances techniques , économiques et commer­ ciales de nos concurrents puissent aboutir à confisquer , secteur après secteur, le marché français . La position très ferme prise par les autorités françaises en matière d'importations d'automobiles montre bien que le libéralisme a ses limites . On ne s'en est peut-être pas toujours avisé à temps ; c'est pourquoi nous devons aujourd'hui nous battre sur notre propre marché intérieur pour en reconquérir une part. — 190 — 3 . La reconquête du marché intérieur. Dans plusieurs secteurs d'activité, la pénétration étrangère a augmenté au cours des dix dernières années. Les déficits sectoriels peuvent être parfaitement identifiés. Il y a d'abord des biens liés à la société de consommation dont la demande intérieure, malgré un contexte d'austérité, ne semble pas devoir être appelée à diminuer au cours des prochaines années . Dans les domaines de la radio, de la télévision , de la haute fidélité, du magnétoscope, de l'optique, du réfrigérateur, de la machine à laver, où la France importa massivement et exporte peu, le déficit atteint 4,5 milliards de francs. Pour le seul poste de l'électroménager, les importations ont augmenté de 14,70 % en juillet 1980 par rapport à juin 1980. Il est pourtant ici impossible de faire valoir l'argument des bas salaires des pays en voie de développement, puisque ces produits viennent essentiellement d'Allemagne fédérale et d'Italie. D'une façon plus générale, la situation se dégrade pour certains produits . Le tableau ci-après fournit, pour certains produits , l'évolution de la pénétration étrangère au cours de la décennie passée. ÉVOLUTION DES TAUX DE PÉNÉTRATION ÉTRANGÈRE DE CERTAINS PRODUITS ( 1970-1979) Et povrotoUf» 1170 197* Chimie organique 493 52,9 Machine-outil 37,2 43.4 Machines de bureau et informatique 35,1 74,9 Électronique professionnelle 233 30.1 Matériel électronique ménager 31,8 53,5 Équipement ménager 26,7 353 Instruments de précision 32J 383 Corps gras alimentaires 39,0 51.1 Fils et fibres artificiels 303 57J Bonneterie 1M 34j0 Cuirs et peaux 24,0 423 Pour quelles raisons de tels déficits subsistent-ils ? Certains secteurs présentent des insuffisances de caractère structurel (motocyclettes , appareils photographiques, moteurs hors bord, machines à écrire, armes, etc.). Les raisons de notre manque de dynamisme apparaissent alors clairement : la modestie des séries produites, qui ne permet pas de réduire les coûts (tondeuses à gazon , par exemple) ou la préférence systématique donnée par le consom­ mateur français, aux produits étrangers. 4 - 191 — Mais ces insuffisances d'ordre structurel n'expliquent pas, à elles seules, ce phénomène. Encore faut-il ne pas hésiter à évoquer le comportement de marge des circuits de distribution. On constate trop souvent, en effet, que les commerçants peuvent disposer d'une marge bénéficiaire plus importante sur certains produits importés que sur des produits nationaux de qualité semblable : boissons (bières) ou matériel électroménager. Les circuits de distribution ont donc intérêt, dans certains cas, à favoriser la consommation de produits importés, agissait ainsi à l'encontre des intérêts de notre commerce extérieur. Diane façon plus générale, le contrôle des prix a pu exercer un effet pernicieux : le blocage des prix des produits sidérurgiques a interdit aux entreprises d'augmenter les tarifs au moment où la conjoncture le permettait, ce qui leur aurait permis d'investir. Mais les anomalies les plus surprenantes de la pénétration étrangère sur notre marché intérieur n'intéressent pas vraiment les seuls biens évoqués précédemment . Il existe de nombreuses marchan­ dises et denrées que notre dotation en facteurs naturels pourrait nous permettre de produire et d'exporter à bon compte , mais dont le solde des échanges est, de façon inattendue, gravement déficitaire. Citons d'abord le cas de la filière bois. Le solde négatif avoisinait 6 milliards de francs en 1977. Notre forêt couvre pourtant 14 millions d'hectares, soit le quart du territoire national. Elle est la plus riche de toutes celles des pays d'Europe occidentale. Les deux tiers de cette forêt sont possédés par 1.600.000 propriétaires ; le reste appartient à l'État et aux collectivités locales. Le déficit de la « filière bois » est cependant moins imputable au coût de la matière première qu'à celui de la valeur ajoutée par nos concurrents qui nous vendent des produits transformés ou finis. Les secteurs industriels les plus déficitaires de la filière bois sont, en effet, les pâtes à papier (près de 2 milliards de francs) et l'in­ dustrie du meuble. Pour remédier à cette situation, le rapport de MM . Bétolaud et Meo, remis le 30 novembre 1978 aux ministres de l'Agriculture et de l'Industrie, affirmait qu'un investissement global de 300 à 400 millions de francs par an, dans le développement des actions fores­ tières, permettrait de réduire de 3 à 4 milliards de francs le déficit commercial , en créant au surplus 30.000 à 40.000 emplois . Suggérons au passage que les fonds disponibles du Crédit agricole trouveraient là un emploi des plus judicieux. Ce document proposait également que les règles du Marché commun régissant les usages commerciaux soient appliquées « sans bonne foi excessive » afin de freiner les exportations de feuillus fran­ çais chez un partenaire qui nous les retourne transformés en meubles. — 92 — Un projet de loi sur la protection et la mise en valeur de la forêt doit être présenté prochainement au Parlement . Évoquons ensuite le cas de certains fruits et légumes. Le taux de couverture de ces deux types de produits a toujours été très faible . Pour les fruits , les achats à l'étranger sont en moyenne supérieurs de 60 % aux ventes ; pour les légumes le taux de couver­ ture est de l'ordre de 75 % . Notre balance est négative pour les pêches , le r; isin , l'abricot , les fraises , les tomates , les aubergines ... Au total , le déficit des fruits et légumes est de l'ordre de 5 mil­ liars de francs , dont les quatre cinquièmes sont imputables aux fruits . Autre poste étonnant , cité par M. Chapelle , président de la Compagnie française pour le commerce extérieur (C.O.F.A.C.E.) : les « fleurs coupées », qui laissent un solde négatif d'un milliard de francs . N'oublions pas, enfin , les produits de la pêche et de l'aquacul­ ture (— 3 milliards de francs) ; le cas , déjà signalé dans le précédent rapport , de la viande porcine (— 1 milliard de francs) ; la filière cuir (— 948 millions de francs). Une série d'actions ponctuelles , à partir d' un véritable « éche­ nillage » des dépenses , devrait donc permettre de réaliser , dans tous ces secteurs , de substantielles économies . Le tableau reproduit ci-après récapitule le coût des quelques postes évoqués précédemment. RÉCAPITULATION DE CERTAINS DÉFICITS SECTORIELS ( En milliards de francs .) Filière bois 6.0 Produits de luxe ( radio , télévision , haute fidélité, magnétoscope, réfri­ gérateur, machine à laver, etc. ) 5.0 Fruits et légumes Fleurs coupées 1.0 Produits de la pèche et de l'aquaculture Jfi Viande porcine 1.0 Filière 1,0 cuir Total 21,5 — 193 — Cette perte globale de près de 22 milliards de francs est donc réalisée dans des domaines où notre capacité de production peut sans doute être augmentée sans trop de difficultés et à un moindre coût . En accordant une importance Particulière à la reconquête du marché intérieur, les pouvoirs puh ~s trouveraient déjà les moyens de financer au moins le sixième de notre « facture pétrolière ». Une telle action constituerait d'ailleurs la condition de la conquête de « créneaux » à l'exportation , en assurant à l'économie française une base solide pour mieux affronter les concurrences étrangères . 4 . L'accroissement des exportations. L'une des principales faiblesses de notre industrie consiste encore en une insuffisante spécialisation dans les activités où la demande mondiale est appelée à progresser au cours des prochaines années . Le Centre d'études prospectives et d'informations internationales ( C.E.P.I.I. ), placé auprès du Commissariat général du Plan , a récem ment procédé à un constat assez nuancé de la situation de notre pays (1 . Cette étude avait pour objet de déterminer dans quelle mesure les industries allemande , américaine , française , britannique et japo­ naise avaient pu s'adapter aux nouvelles données de l'économie internationale . Afin d'établir une hiérarchie entre les différents Etats , le C.E.P.I.I. a mis au point un « indicateur synthétique de spéciali­ sation » prenant en compte l'évolution des parts du marché mondial conquises ou abandonnées entre 1970 et 1977 dans plusieurs secteurs . Le résultat obtenu , dans cette compétition , par la France , est , a priori, surprenant : notre industrie vient immédiatement après ie lapon , au second rang , devant la R.F.A. , les Etats-Unis et la GrandeBretagne . Interprétant cette performance, les auteurs du rapport du Comité « Économie internationale - Échanges extérieurs », institué dans le cadre de la préparation du VII I e Plan , n'hésitent pas à évoquer , parmi les « facteurs de rééquilibrage », l'amélioration de la spécia­ lisation de l'économie française ( 2 ), tout en constatant cependant la persistance de certains motifs de préoccupation : la France se serait notamment moins engagée dans les activités de maîtrise techno­ logique que les Etats-Unis , le lapon ou la R.F.A. ( 1 ) « Économie prospective internationale », janvier 1980, n* 1 « Spécialisation et adaptation face à la crise >. (2* Rapport du Comité € Économie international Échange* extérieur! • du VIII' Plan. D . 62. 63 . Séaat II -T I - ll — 94 — En fait , le deuxième rang obtenu par la France . selon le C.E.P.I.I. , est dû surtout aux dégagements effectués dans les secteurs régressifs ( textiles , vêtements , cuirs ). Une telle évolution est le résultat d'une stratégie résolument défensive , marquée depuis plusieurs années par des liquidations d'entreprises et par des restruc­ turations souvent douloureuses Comme le remarque le C.E.P.I.I. , la reconversion de notre industrie est « dynamique , mais fragile » : nos firmes éprouvent de redoutables difficultés à s'engager sur les « créneaux » porteurs des produits de pointe de l'électronique ; !a position française demeure déficitaire dans le matériel informatique et les composants . Selon le C.E.P.I.I. , « il faut donc se garder de tout optimisme excessif ». L'amélioration de la spécialisation offensive de notre industrie constitue donc une impérieuse nécessité . Le seul renoncement à des activités en déclin , à faible taux de profit , ne constituerait qu'une amélioration illusoire de notre outil de production ; il susciterait rapidement plus d'inconvénients que d'avantages , en provoquant une disparition de nos entreprises de cer­ tains marchés et en favorisant ainsi la pénétration étrangère . Nos firmes devraient , au contraire , viser à la conquête de nou­ veaux débouchés . Cette recommandation semble d'autant plus fondée que de 1973 à 1978 , la France a perdu des parts de marché sur les pays pétroliers , sur la Communauté économique européenne et sur les Etats à éco­ nomie planifiée . Elle n'a que légèrement progressé sur les pays dé­ veloppés ( hors C.E.E. ) et sur les pays en développement non pétro­ liers . Le tableau reproduit ci-dessous fournit le détail de cette évo­ lution des parts de marchés détenues par la France dans les zones économiques : — 195 — PARTS DE MARCHÉ DE LA FRANCE DANS LES ZONES ÉCONOMIQUES (En pourcentage -) Zone* Rai * la Phmm C.E.E. — N* 2 (derrière la R.F.A.) 197« 1973 W78/ 1973 12,6 12 — 0,6 8,4 9 + 0,6 8,4 8 — 0,4 5.J 5,5 + 0.2 7,85 — 2,75 - N* 4 (derrière les Etats-Unis, le Japon Pays en développe­ ment non pétroliers . la R.F.A.) — Nc 4 ( derrière la R.F.A. , le lapon , les Pays è économie pla­ Etats-Unis) nifiée . — N* 4 (derrière les Etats-Unii , la RJA „ Autres le Japon ) pays de TO.C.D.E. — N* 6 (derrière les Etata-Unia, le Japon , la R.F.A. , la Grande-Bretagne , l'Italie ) Pays pétroliers . (IfMa r Rapport du Comtat « Repentais tatcrmrto— te 10,6 - Ecfc extérieurs » du VIII e Plan .) Les résultats présentés par secteur demeurent également préoc­ cupants , et à ct titre, imposent le recours à la « stratégie offensive » évoquée précédemment. Comme le montre le tableau ci-dessous , les exportations fran­ çaises n'ont progressé , de 1973 à 1978 , que sur les biens d 'équipe­ ment ; elles ont régressé partout ailleurs . PARTS DE LA FRANCE DANS CERTAINES EXPORTATIONS MONDIALES (En pourc«ntae .) Rang de h Fnan PnMM — N* 3 ( derrière les Etats-Unis) Agro-alimentaire . — N* 4 BqutpOMOIs — N' S Autres m 197« 197»/m3 143 13,9 — 0,4 U «,7 *.3 <qufr— cnt» + 1,1 — OJ manufacturés. Matières premières et pMdnti brun . 6,3 6 - 03 Énergie. 5,6 5,4 - 0,2 De 1973 I 1978, la France a sans doute maintenu son rang de quatrième exportateur mondial (si l'on fait abstraction de la rétro­ gradation du Japon à la fin de 1979 du fait du fléchissement du yen) — 196 — demi .» Lois économies très compétitives : les Etats-Unis , la R.F.A. et le ),pon . Trois atouts ont permis la consolidation de ce classe­ ment : l'automobile , les biens d'équipement et les produits agri­ coles ; une contre-performance sur les pays pétroliers a été enregis­ trée, due en majeure partie , il est vrai , à la diminution de nos expor­ tations sur l'Algérie. Ces résultats incitent donc à prendre conscience de l'urgence d'une spécialisation offensive de l'industrie . Encore convient-il de choisir avec discernement les « créneaux porteurs ». La logique d'une telle attitude obéit en fait à une inspiration « colbertienne » ; on détermine les secteurs d'activité où il est nécessaire d'accomplir un effort particulier ; on y concentre les moyens financiers suffisants. Mais le coût de ces opérations risque d'être élevé . Il faut, tout à la fois , éviter des erreurs et ménager l'avenir. Pour ne prendre qu'un exemple précis , les pouvoirs publics avaient ainsi envisagé , pour préserver l'emploi dans le Nord-Pas-deCalais , de verser 4 milliards de francs à Ford pour créer une usine dans cette région . Ce projet n'a pas été suivi d'effet : il aurait abouti à stimuler la concurrence étrangère sur le marché intérieur de l'auto­ mobile ... Mais , en revanche , il aurait été parfaitement concevable d'accorder une aide de montant équivalent à des entreprises fran­ çaises spécialisées dans la haute technologie. Il est ainsi pratiquement certain , aujourd'hui , que la demande mondiale des produits livrés par la bureautique ( équipement électro­ nique de bureau ) va augmenter de plus de 20 % pal an. L'effort d'investissement à entreprendre dans ce secteur est colossal . Mais le résultat escompté est à la mesure des ambitions : d'abord la recon­ quête du marché intérieur , couvert à 23 % par les importations : ensrite les perspectives d'un flux d'exportations . Le choix des activités à haute technologie devient ainsi une nécessité . L'emprunt sur les marchés extérieurs pourrait figurer parmi les moyens de financement d'une semblable stratégie . 5. L'endettement extérieur. Le montant de notre endettement extérieur demeure parmi les plus modérés des pays emprunteurs • il représente moins de 8 % du produit intérieur brut , soit environ quatre mois d'exportations , ce qui explique , compte tenu , au surplus, de l'importance relative de nos réserves de change , que le crédit . international de la France Suit resté très satisfaisant . — 197 — Le total brut de l'endettement extérieur a été évalué , par le Conseil économique et social , à 110 milliards de francs pour la dette à moyen et long terme et à 30 milliards de francs pour la dette à court terme , à la fin de l'année 1979 . Notre politique d'emprunt à l'étranger rencontre cependant trois limites . La première est d'ordre politique. Il ne faut pas se dissimuler qu'un endettement excessif porte atteinte à la souveraineté de l'État , en rendant la nation étroitement tributaire des créanciers étrangers . La deuxième est d'ordre financier. Le coût de l'endettement peut se révéler excessif compte tenu d'une possible évolution défavorable des taux d'intérêt et du cours des devises . Cette éventualité n'est sûrement pas à exclure dans un monde dominé par l'instabilité . Mais , pour l'instant , le Trésor a aménagé la dette afin que les plus grandes années de remboursement interviennent après 1985 , à une poque où les centrales nucléaires fonctionneront . Actuelle­ ment , la charge de la dette s'élève à 10 - 12 milliards de francs par an. Enfin, il existe une dernière limite , d'ordre technique. L'endette­ ment brut peut atteindre des montants plus ou moins importants selon la qualité des créances possédées sur l'étranger . Or, depuis quelques années , les débiteurs de la France sont principalement constitués par des Etats tels que l'U.R.S.S. , l'Algérie ou la Pologne ; il est difficile , dans ces conditions , de ne pas évoquer la possibilité de risques d'inci­ dents de paiement . Le risque est aussi de cumuler des créances en monnaies faibles et des dettes en monnaies fortes . En 1980 , 16 % des dettes ( mais seulement 1 % des créances) sont libellées en francs suisses ; en revanche , 58 % des créances sont en francs français , contre 5 % des dettes . Notre capacité d'emprunt risque donc de se trouver limitée par une croissance de l'endettement net , au fur et à mesure d'une détérioration de la qualité de nos propres créances . Mais le recours à l'endettement offre au moins trois avantages . Il conduit à soutenir le cours du franc en important des devises ; il permet de financer le programme énergétique ; il limite l'effet * 5cessionniste du prélèvement pétrolier . C'est un des instruments de l'équilibre . Il convient de continuer à n'en user que judicieusement . * • • Ce dernier chapitre ne visait qu'à souligner quelques orienta­ tions, to ît en soulignant les limites évidentes de la capacité d'action de notre pays . Mut M • T. I. — 14 — no — En fait , il est maintenant nécessaire d'être prêt à s'adapter à des situations dramatiques , à cause de l'incertitude qui frappe toute entreprise sérieuse et rigoureuse de prévision . Le monde est devenu de plus en plus incertain et partant, de plus en plus hostile : un effort permanent et soutenu est désormais nécessaire pour préserver notre économie des très graves perturbations qui ont déjà commencé à provoquer la déstabilisation de nos équilibres malmenés par un environnement international de plus en plus dangereux . — 199 — ANNEXE AU CHAPITRE V L'ÉVOLUTION RÉCENTE DE LA CONCURRENCE DES AYS NOUVELLEMENT INDUSTRIALISÉS Publié en 1978 , le rapport du groupe de travail animé par MM . Berthelot et Tardy sur le « Défi économique du Tiers-Monde » constatait que les effets de l'industrialisation des pays du Tiers-Monde sur l'appareil productif français restaient limités par rapport aux pressions dues à la concurrence des autres pays industriels et aux implications d'une rapide progression de la productivité . Les auteurs du rapport présentaient de surcroît l'industrialisation du Tiers-Monde comme une chance de développement pour la France en termes de valeur ajoutée et de débouchés . Deux ans après la publication de ce rapport , il peut sembler itile de mesurer la progression de la concurrence des pays en voie de développement et les conséquences de celle-ci sur l'appareil productif français . Le tableau n° 1 retrace, en valeur, les importations totales en provenance de pays du Maghreb , des pays de la zone franc et des pays en voie de développement non pétroliers ainsi que les expor­ tations totales de la France vers ces mêmes pays pour les années 1973 à 1979 . Ce tableau a été établi à partir des statistiques que publie chaque année la Direction générale des Douanes . — 200 - TABLEAU 1 FRANCE ■ TIERS-MONDE NON INDUSTRIALISE Importations et exportations ( 1973-1979). (Ea millions de fna .) Importations totales 1979 an 1974 166.123 254.651 231769 308.012 346.207 368.401 457.128 4.295 7.879 5.613 5.915 6.978 6.418 9.024 11.964 19.816 15.810 21.456 27.844 27.197 36.232 3.953 7.102 5.431 7.119 9.553 8.479 9362 20.212 34.799 26.854 34.490 44 .375 42.C94 55.118 12,16 13,66 159.714 220.213 6.089 10.368 12.710 4.722 im tm 1977 tm France (C.A.F.) Importations en provenance : - du Maghreb ( 1 ) - des P.V.D. non pétroliers (2) - des pays zone franc (3) . Total ( 1 ) (2) (3) ... En pourcentage des importationr totales Exportations totales 11,61 11,19 12,81 11,42 12,05 France (F.O.B.) 223.362 266.228 311.550 344.594 414.677 13.661 13.395 16.127 14.592 16.549 19.105 23.361 25.882 32.300 33.971 40.370 6.357 7.354 9.579 11.435 11.959 13.114 23321 35330 44.376 48.856 59362 60.522 70.033 14,72 14,07 19,86 18,35 19,21 17,56 16,88 + 3.309 + 1.031 + 17.522 + 14.366 + 15.487 + 18.248 + 14.915 Exportations vers : - Maghreb ( 1 ) — P.V.D. non pétrolier» (2 ) . - Pays zone franc (3 ) Totîl ( 1 ) (2) ( 3 ) ... En pourcentage des exportations totales Solde Le solde commercial vis-à-vis de ces pays est resté positif pendant toute la période . De plus , de 1973 à 1979 , les importations en provenance du Maghreb , des pays de la zone franc et des pays en voie de dévelop­ pement non pétroliers ont augmenté à un rythme moins élevé que n'ont progressé nos exportations à destination de ces mêmes Etats (+ 272,6 % contre + 297,7 % ). Il pourrait être tentant, dans ces conditions, de conclure à une relative faiblesse de la concurrence de ces pays . — 201 — Une telle analyse serait en fait erronée , car elle ne tiendrait pas compte de la dégradation de la situation survenue en une seule armée, soit en 1979 . Il est ainsi surprenant de remarquer que de 1.178 à 1979 , les importations françaises en provenpnce de cette zone économique ont crû en valeur de 31 % par rapport à leur montant de 1978 alors que les exportations de la France vers ces pays n'ont augmenté d'une année à l'autre que de 15,7 % seulement . Il s'ensuit une nette dégradation du solde positif, qui ne repré­ sente plus que quelque 15 milliards de francs , contre plus de 18 milliards de francs (— 20 % ). TAUX DE CROISSANCE EN VALEUR DES IMPORTATIONS ET DES EXPORTATIONS (France - Tiers-Monde.) ( En pourcentage .) Importations 208,2 272,6 Exportations 257,3 297 Ce résultat global dissimule donc en fait des situations très différentes selon les zones géographiques . Le taux de croissance des importations en provenance des pays en voie de développement non pétroliers a été le plus élevé . Une étude plus précise peut cependant être entreprise en agré­ geant les données disponibles sur certains types de produits manu­ facturés . Mais il convient d'abord de formuler quelques considérations d'ordre méthodologique . Sur la base de statistiques significatives , il sera alors possible de tenter d'apprécier la réalité de la croissance industrielle du Tiers-Monde . 1 Données d'ordre méthodologique. A partir des statistiques du Commerce extérieur de la France publiées chaque année par la Direction générale des Douanes , neuf types de produits manufacturés ont pu être retenus dans le cadre de cette étude . Ces types de produits , qui figurent dans la nomenclature douanière de Bruxelles , ont été sélectionnés pour la place importante qu'ils occupent dans les échanges commerciaux de la France avec le Tiers-Monde . - 202 — Il s'agit : — des machines et appareils (moteurs , machines-outils , laminoirs, etc. ) ; — des machines et appareils électriques ; — des véhicules automobiles et motocycles ; — des instruments d'optique , photo , cinéma , de précision ; — des vêtements et accessoires en tissu ; — des textiles synthétiques ou artificiels continus et discon­ tinus ; — des matières plastiques artificielles ; — des produits des industries chimiques et des produits en fer , fonte et acier . Seize pays en voie de développement ou nouvellement indus­ trialisés ( P.V.D. et P.N.I. ) représentent 90 % des importations françaises de ces neuf types de produits en provenance des pays du Tiers-Monde non pétroliers et à économie non socialiste . L'Asie du Sud-Est ( Singapour , Macao , Corée du Sud), Hong Kong, Malaisie , Taïwan , Thaïlande et Indonésie) représente à elle seule 52 % de ces importations . Israël , le Brésil , l'Argentine , le Mexique , la Tunisie , le Maroc , le Sénégal et la Côte-d'Ivoire se partagent environ 40 % de ces im­ portations . Pour chacun des neuf types de produits manufacturés retenus , les tableaux 2 à 10 font apparaître l'évolution des importations et des exportations françaises vis-à-vis de ces 16 pays entre 1976 et 1979 . Les tableaux fournissent également l'évolution du taux de couverture de ces échanges avec ces Etats . — 2C3 — TABLEAU 2 MACHINES ET APPAREILS (Chapitre 84 de la nomenclature de Brunets.) (Ba millier» d* francs courants ) an tm Importations 186.936 333.094 + 79 Exportations 3.223.860 4.625 J07 + 43 1.724 1J88 » Taux de couverture export. /import. en pourcentage TABLEAU 3 MACHINES ET APPAREILS ÉLECTRIQUES (Chapitre SS de la nomenclature de Bruxelles..) (En millier* de franc" courants .) 1*7« tm 331.039 Importations Exportations PovfoeMMfi 721.390 + 54 2 .018.941 2.488.193 + 23 573 344 » Taux de couverture export./import. en pourcentage TABLEAU 4 VÉHICULES AUTOMOBILES, etc. (Chapitre 87 de la nomenclature de Bruxelles.) (En minier* de franc» courants .) 1*7* m Importations 22.467 70.813 Exportations 1.698.870 2.441.228 IMI 3.447 + 218 + 43,7 Taux de couverture exDort./import. en pourcentage » — 204 — TABLEAU 5 INSTRUMENTS D'OPTIQUE . PHOTO, CINÉMA, DE PRECISION (Chapitre 90 de la nomenclature de Bruxelles.) (En milliers de francs courants.) 1479 1*7* Foifontap i Importations 19J97 1 Exportation» 277.037 54 1.846 1.413 1.245 43.515 + 122 + 95,6 Taux de couverture export ./ import . en pourcentage » TABLEAU 6 VÊTEMENTS ET ACCESSOIRES EN TISSUS (Chapitre 61 de la nomenclature de Bruxelles.) ( En milliers de francs courants .) 197» 197» Importations 1 37.904 218.480 Exportations 16.594 17.837 Posmli|i + 58 + 7* Taux de couverture export./ import . en 12 pourcentage 8 » TABLEAU 7 TEXTILES SYNTHÉTIQUES OU ARTIFICIELS CONTINUS OU DISCONTINUS (CLapitrea 51 et 66 de la nomenclature de Bruxelles.) ( En milliers de francs courants .) 197» 1979 Importations 37.003 51.971 Exportation» 264.801 250.844 715 482 POUftMfl|l + 40,2 - 5,6 Taux de couverture export./import . en pourcentage » — 205 — TABLEAU 8 MATIÈRES PLASTIQUES (Chapitre 39 de la nomenclature de Bruxelle*.) ( En militer* de francs courants .) tm 1*7» Pommada. Importations 27.716 52.734 + 90,2 Exportations 341.116 593.081 + 73,8 1.230 1.124 Taux de couverture export./import . en pourcentage » TABLEAU 9 PRODUITS DES INDUSTRIES CHIMIQUES (Chapitres 28 à 38 de la nomenclature de Bruxelles.) (En milliers de francs courants .) 1*7* 1*7» ?«Mf— tus Importations 212.368 410.960 + 93,8 Exportations 1.168.460 1.935.764 + 65,6 550 471 Taux de couverture export./import . en pourcentage » TABLEAU 10 FER, FONTE , ACIER (Chapitre 73 de la nomenclature da Bruxelles .) (En milliers de francs courants .) 197» 1*7« Pourcentage Importations 49.559 71.765 + 44,8 Exportations 1 . 127.798 2.659.933 + 63,4 3.258 3.706 » Taux de couverture export./ import . en pourcentage — 206 — 2 . La concurrence du Tiers-Monde, sa réalité. Au cours des trois dernières années , pour sept des types de produits retenus dans le cadre de cette étude , l'augmentation des importations françaises en provenance du Tiers-Monde non pétrolier à économie non socialiste a été plus forte que l'augmentation des exportations françaises de ces produits manufacturés vers ces pays . Dans un cas , nos ventes ont même régressé , alors que nos achats progressaient (« Textiles synthétiques ou artificiels continus et dis­ continus »). Les produits de la catégorie « Fer, fonte , acier » constituent une exception , dans la mesure où le taux de croissance de nos exporta­ tions a été supérieur à celui de nos importations . Ainsi , pour huit types de produits sur neuf, la thèse exprimée dans le "apport Berthelot-Bardy , en 1978 , paraît aujourd'hui quelque peu infirmée par les faits . L'industrialisation du Tiers-Monde crée une menace pour l'appareil productif français , dont on commence seulement à apercevoir les premiers effets . Toutefois , comme le montre l'évolution des différents taux de couverture, cette menace ne revêt pas le même degré d'intensité pour tous les produits . On peut ainsi distinguer quatre grandes caté­ gories : — les produits déjà gravement atteints par la concurrence des pays du Tiers-Monde : il s'agit des vêtements et accessoires en tissus et des textiles synthétiques qui incorportent beaucoup de maind'œuvre ; — '?s produits très menacés : citons les machines et appareils électriques , et les instruments d'optique et de précision avec une moins grande intensité pour ces derniers ; — les produits pour lesquels la concurrence du Tiers-Monde reste encore supportable : les matières plastiques , les produits des industries chimiques , les machines et appareils , les véhicules auto­ mobiles ; — les produits pour lesquels la concurrence du Tiers-Monde demeure marginale : il s'agit , dans le cadre de cette étude , des pro­ duits « fer , fonte et acier ». Pour ces deux dernières catégories , la concurrence la plus dan­ gereuse pour la production nationale vient beaucoup moins des pays du Tiers-Monde que des pays industriels . En fait, pour ces types de produits , l'industrialisation des P.V.D. rencontre deux catégories d'obstacles : les obstacles locaux au sein des marchés développés et des obstacles mondiaux qui tiennent — 207 — à la structure des coûts . Parmi les premiers , il s'agit notamment de l'inadaptation aux besoins du marché mondial , des structures de distribution . Parmi les seconds , on peut citer les nécessités d'une main-d'œuvre ouvrière très qualifiée ( 1 ), d'une dimension suffi­ sante des entreprises , les technologies évoluant rapidement et impo­ sant une recherche permanente . Toutefois , pour l'habillement , les textiles , les machines et ap­ pareils électriques , les instruments d'optique et de précision , l'évo­ lution des importations en provenance du Tiers-Monde devient très préoccupante pour l'industrie française . Pour ces catégories de produits , un certain nombre de pays apparaissent plus menaçants . Ainsi , Macao représentait , en .."9 , 91 % des importations françaises de vêtements et accessoires en tissus en provenance des seize pays retenus . Pour leur part , Israël et le Maroc représentaient respectivement 56 % et 40 % des importations françaises de textiles synthétiques en provenance des seize pays représentatifs alors que Singapour . la Corée du Sud et la Malaisie prenant 54,5 % , 18,3 % et 8,6 % des importations de machines et appareils électriques . Du reste , ces résultats constatés en 1979 correspondent tou­ jours à l'analyse faite par le Commissariat général du Plan dans son rapport précité de décembre 1977 . Après examen détaillé de 600 positions de "«nenclature N.A.P. (nomenclature d'activités et de produits), les - de ce rapport ont pu isoler 12 articles de textiles et d'habillemei. -t d'appareils de radio-télévision pour les­ quels les importations en provenance des pays du Tiers-Monde peu­ vent constituer une menace réelle pour l'appareil productif français . Mais il serait erroné et quelque peu excessif de rendre les importations en provenance des pays du Tiers-Monde responsables de toutes les difficultés que traversent plusieurs branches importantes de l'industrie française . La spécialisation de certaines régions et le nombre réduit de leurs activités manufacturières donnent en France un retentissemert plus particulier au processus d'adaptation et de reconversion qu'im­ plique la concurrence du Tiers-Monde . Dans une dizaine de dépar­ tements , les industries menacées représentent près de 40 % de l'em­ ploi . Même si elle demeure marginale au niveau national pour certains produits , la concurrence des pays du Tiers-Monde apparaît alors amplifiée . ( 1 ) Cf. le théorème ..e l'O.S présenté par M. Michel Albert , alors Commissaire adjoint du Plan , lors de son audition au Sénat , le 20 février 1978 , devant le groupe d'études c Commerce extérieur » : « Dans un pays comme la France , } niveau de vie élevé, toute entreprise soumise à la concurrence internationale qui emploie un pourcentage élevé d'O.S., de main-d'œuvre peu qualifiée , est vouée soit à la faillite , soit au départ , soit k la délocalisation vers les pays du Tiers-Monde . » — 208 — La riposte que doit fournil" l'appareil productif français à cette concurrence ne consiste pas en l'abandon de secteurs entiers de l'éco­ nomie nationale , comme on l'entend dire souvent . En effet , à côté de la spécialisation traditionnelle , entre les branches de production , est apparue une spécialisation à l'intérieur des branches . Dans ce dernier cas , un pays exporte et importe en même temps des produits voisins , différents par quelques caractéris­ tiques , mais non distingués par les nomenclatures de produits les plus fines . L'analyse empirique entreprise par deux économistes améri­ cains montre que le commerce intra-branche entre des pays à des stades de développement différents est loin d'être négligeable ( 1 ). De nombreuses études (cf. notamment l'article de MM . Lassu- drie-Duchêne et Mucchielli dans la « Revue économique », r ai 1979) montrent que la part du commerce intra-branche dans le commerce international n'a cessé de croître depuis le premier choc pétrolier . En fait , dans toutes les branches industrielles , y compris les plus menacées par la concurrence internationale , il existe des acti­ vités (2) qui peuvent se maintenir et se développer. Ainsi , par exem­ ple , la société Angenieux est-elle l'une des firmes mondiales d'opti­ ques de caméra de forte puissance alors que l'industrie française de la jumelle et de la caméra a presque disparu . Des entreprises suisses et belges ont pu s'assurer des pctitions dominantes dans certains crénaux de la transformation de métaux (Sulzer pour la grosse fonderie de précision et Beckaert pour le grillage). La défense de l'appareil productif d'un pays industrialisé passe de plus en plus par une forte position concurrentielle dans un nom­ bre limité d'activités d'une même branche . Parmi les pays du Tiers-Monde concurrençant certains secteurs de l'industrie française , il convient de bien distinguer les pays nou­ vellement industrialisés ( P.N.l .) des pays en voie de développement ( P.V.D. ). Une étude qui situe dans le prolongement du rapport Interfuturs conclut que les P.N.l . ont dépassé le stade où la concurrence ne s'exerce que grâce à la faiblesse des salaires et sur des produits à forte intensité de main-d'œuvre comme les textiles ( 3 ). Ils exportent aujourd'hui des produits à forte intensité de capital et exigeant des techniques de pointe comme l'acier , les navires , les véhicules à moteur, le matériel et l'appareillage électrique tandis que les P.V.D. ( 1 ) Grubel et Lloyd : « Intr*-Industry Traie », 1975 . (2 ) < Activités » est un sous-ensemMe de la branche . (3) Voir l 'Observateur de l'O.C.D.E. ( n* 99 - juillet 1979 ). — 209 — s'installent dans la production de biens utilisant une forte proportion de main-d'œuvre . Les P.N.I. seront les concurrents les plus actifs de l 'indusyie française dans les dix années à venir . Des pays comme le Brésil , le Mexique , la Corée du Sud , Taïwan , etc. , ont déjà su mettre en œuvre à des degrés différents une spécialisation intra-branche avant bon nombre de pays développés . La stratégie des P.N.I. consiste à se concentrer sur des produits et des marchés très précis . En 1974 , ils ont fourni 12 % de matériel électrique importé par les pays de l'O.C.D.E. , mais ce chiffre global couvre des disparités considérables entre les produits (1 % pour les appareils médicaux et radiologiques , mais 30 % pour les composants électroniques et les radios). CONCLUSION Le rapport Berthelot-Tardy , publié en 1978 , précisait que , de 1970 à 1976 , les échanges extérieurs avec le Tiers-Monde avaient permis la création de 100.000 emplois supplémentaires . Le rapport du Comité « Économie internationale - Échanges extérieurs » du VIIIe Plan constate qu'en 1978 ces échanges on' débouché sur la création de 12.000 emplois . Les perspectives pour 1978-1985 en termes d'emplois sont plus incertaines . Les effets négatifs des importations de certains biens manufacturés se feraient ressentir dans plusieurs bassins d'emplois très spécialisés (textiles , habillement , cuir, chaussures, machines et appareils électriques, etc.). L'étude précédente réalisée sur neuf types de produits et pour seize pays du Tiers-Monde non pétroliers montre que la concurrence du Tiers-Monde constitue bien une menace pour l'appareil productif français . Cette concurrence ne constituera vraiment une chance pour l'industrie française que si celle-ci s'oriente rapidement vers une spécialisation intra-branche complémentaire d'une spécialisation interbranche . Le redéploiement demeure une priorité pour l'appareil pro­ ductif français . — 210 — Le classement , en 1976 et en 1979 des seize pays représentant environ 90 % des importations françaises des 9 produits retenus en provenance des pays du Tiers-Monde non pétroliers à économie non socialiste , est le suivant : — 1976 : 1 e Singapour 19,80 % 2° Macao 11,60 % 3* Israël 10,30 % 4e Corée du Sud 9,55 % 5e Tunisie 8,70 % 6e 5,73 % Brésil 7e Hong Kong 5,68 % 8* Mexique 4,96 % 9' Maroc 4,10 % Malaisie 3,26 % 10* 11 ' Argentine 2,30 % 12' Taïwan 1,47 % 13' Sénégal 0,80 % 14' Côte d'Ivoire 0,5 % 15' Thaïlande 0,2 % 16' Indonésie 0,2 % — 1979 : 1" Singapour 19,27 % 2' Israël 10,54 % 3' Corée du Sud 10,23 % 4* Tunisie 9,98 % 5' Macao 9,00 % 6' Maroc 8,84 % 7' Hong Kong 5,83 % 8* 5,27 % Brésil 9* Taïwan 4,48 % 10* Mexique 3,38 % 11' 2,84 % Malaisie — 211 — 12* Argentine 1,80 % 13* 1,00 % Côte d'Ivoire 14* Sénégal 0,8 % 15e Indonésie 0,8 % 16* Thaïlande 0,2 % — 212 — BIBLIOGRAPHIE de l'annexe au chapitre V. — Annuaire abrégé des statistiques du Commerce extérieur de la France (Direction générale des Douanes) 1976 , 1977 , 1978 , 1979 . — Rapport du groupe de travail animé par Yves Berthelot et Gérard Tardy : « Le défi économique du Tiers-Monde », La Documen­ tation française, 1978 . — Rapport Interfuturs , O.C.D.E. , juin 1979 . — L'observateur de l'O.C.D.E. , n° 99, juillet 1979 . — Rapport du Comité « Économie internationale-Echanges exté­ rieurs » du VIIIe Plan , La Documentation française, juillet 1980. — Les mécanismes fondamentaux de la compétitivité. Étude faite par le Boston Consulting Group , Éditions Hommes et techniques , 1980 . — Éléments d'analyse approfondie de la politique économique. Christian de Boissieu , cours de la Fondation nationale des sciences politiques , 1979 . — Les cahiers français, n° 192 ( Redéploiement ou protectionnisme ?), La Documentation française, 1979 . Imprimerie du Sanat .