Défis économiques et sociaux du Burkina Faso 1. L’économie nationale, son état, ses principaux secteurs et leurs potentiels, et la place du secteur informel dans la dynamique concrète de l’économie burkinabè et de ses équilibres macroéconomiques. Une économie en croissance mais vulnérable 1 1.1. Pays pauvre enclavé au cœur de l’Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso connait cependant une croissance économique continue depuis son Indépendance, et notamment une croissance appréciable au cours de la décennie passée (5,5% en moyenne), mais qui se traduit par une évolution très faible du PIB par tête (2,3%), compte tenu d’une expansion démographique sans précédent (3,1%), et par la stabilisation d’une large fraction de la société dans la grande pauvreté (45%)1. Avec un PIB par tête de seulement 520 USD courants, un taux d’analphabétisme élevé (70 %) et une espérance de vie courte (moins de 60 ans), le Burkina Faso se trouve dans le groupe de queue des pays classés par le PNUD selon l’Indice de développement humain (IDH). 1.2. L’appareil productif évolue peu, avec un secteur primaire qui contribue pour 1/3 au PIB (alors qu’il emploie plus de 80% de la population, ce qui exprime sa faible productivité), un secteur secondaire en expansion timide qui tend vers le ¼ du PIB (faute de capacité en termes de compétences à répondre à une demande pourtant forte), et un secteur tertiaire à 45 % du PIB, qui tire seul la croissance –ce qui explique aussi ses limites. 1.3. Le nombre d’entreprises du secteur formel déclaré est très faible : 482 grandes entreprises et 5 075 micros entreprises, d’après les Impôts (cités par la SCADD, 2010). Le niveau de vie et d’emploi de la majorité des burkinabè relève donc de leur capacité à conduire des activités dans l’informel, et cela dans tous les secteurs, non seulement le primaire, mais également le secondaire et même dans le tertiaire où, partout, les entreprises individuelles informelles dominent en termes d’effectifs au travail. A noter que ces entreprises informelles restent elles-mêmes relativement très limitées en nombre, l’ONEF les évaluant à environ 30 000 (ONEF, 2009). 1.4. L’économie du Burkina Faso est particulièrement vulnérable, soumise aux aléas climatiques, à la volatilité des prix des produits de base, aux changements de priorités des aides, aux effets de la crise mondiale (financière et énergétique Sauf mention spécifique, toutes les données de ce chapitre sont tirées de la SCADD, version d’octobre 2010. notamment), et enfin à une situation régionale particulièrement difficile, compte tenu de l’interdépendance et de l’interconnexion de l’économie burkinabè avec celle de la Côte d’Ivoire, en crise majeure depuis plusieurs années. Un Etat animateur du développement mais en manque de moyens 1.5. Dans ce contexte, l’Etat reste le principal animateur du développement, mais ses moyens sont limités. Le niveau de pression fiscale reste faible. Il évolue positivement mais difficilement (12,6%), ce qui est limitant pour la dimension des politiques publiques, mais compréhensible dans un pays sans rente d’aucune sorte (qui ne peut donc taxer que le commerce international et le travail, c’est dire la modestie de l’assiette), et dont même la contribution du secteur minier à l’économie repose en partie sur l’activité d’une multitude d’acteurs du secteur informel. 1.6. A noter positivement qu’avec l’initiative PPTE et la légendaire rigueur des finances publiques burkinabè, l’encours de la dette extérieure a été ramené à 20% du PIB, ce qui entraine un service de la dette réduit, donc peu encombrant pour l’investissement. Mais le pays garde une faible capacité de gestion de sa dette, compte tenu de sa pauvreté structurelle, et n’a quand même qu’une capacité d’investissements sur fonds propres limitée. 1.1. L‘investissement public, qui représente 7 ,5% du PIB, reste donc assez dépendant de l’aide extérieure. L’investissement privé progresse (12,8%) mais reste faible, malgré un environnement des affaires reconnu comme favorable. 1.2. Enfin, le pays attire peu d’investissements directs étrangers (IDE) qui n’évoluent pas, compte tenu du peu d’attractivité d’un pays sans débouchés maritimes, certes riche en main d’œuvre travailleuse et courageuse, mais relativement faible en personnel qualifié et en ressources naturelles. 1.3. Dans ces conditions l’épargne informelle des ménages et leurs petits investissements directs tiennent une place essentielle, mal évaluée parce que difficilement saisissable, mais certaine, pour faire fonctionner et progresser l’économie réelle et plus largement alimenter la création et le maintien de l’emploi informel pour le plus grand nombre. Un secteur agropastoral menacé et qui devrait doubler sa productivité 1.4. Le potentiel du milieu naturel, même au regard du secteur primaire -et particulièrement de l’agriculture et de l’élevage- reste limité. Le pays est confronté à un grave problème de dégradation accélérée des terres. La progression de la production agropastorale ne se fait pas par l’amélioration de la productivité mais se fait de manière extensive: grâce à la conquête incessante de nouvelles terres. Ce qui aggrave dangereusement les problèmes environnementaux du pays (cette conquête se fait évidemment au détriment des zones naturelles et des forêts, régulatrices du climat et gisements de ressources rares). Une saturation définitive de l’espace agropastoral à l’horizon d’une seule génération est à craindre, à moins qu’un sursaut national n’inverse la tendance en mettant désormais concrètement la priorité sur le développement des compétences en matière de conservation des eaux et des sols, par la généralisation des techniques de lutte anti érosive, de maîtrise des eaux pluviales et de protection des sols, de maintien et d’amélioration de la fertilité des espaces agropastoraux, de reboisement et de gestion/protection durable des zones naturelles (problématique et actions citées par la SCADD mais peu visibles car noyées dans l’ensemble). 1.5. Ce défi de la protection des sols et de la maîtrise des eaux est étroitement lié aux enjeux de la sécurité alimentaire qui ne peuvent que croître avec la croissance de la population. Et si l’on considère par exemple que le coton est la principale production d’exportation à haute intensité de main d’œuvre, il y a va aussi de la sécurité économique de la majorité de la population rurale qui, sans cela, risquerait de basculer massivement dans la grande pauvreté au fur et à mesure que les sols disparaitraient. Car alors les ruraux sans terre n’auront pas d’alternative d’emploi en dehors de l’agriculture, les secteurs non agricoles étant déjà saturés. Par contre, des ruraux sur des terres protégées, fertiles et retenant mieux les eaux pluviales, pourraient même doubler la production céréalière et, ainsi, non seulement assurer la sécurité alimentaire stabilisée du pays, mais contribuer en plus à celle de la sous-région, tout en faisant régresser la pauvreté monétaire dans les campagnes. Cela ferait aussi rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat, car les exportations agricoles alimentent substantiellement les finances publiques. 1.6. De même, la disparition des zones de pâturage par la dégradation du milieu ne serait pas une fatalité si des actions concrètes de protection des sols non cultivés et de gestion de l’eau, par des aménagements adaptés, étaient mises en œuvre aussi en zones pastorales, permettant de sauvegarder les pâturages existants et même de les améliorer (par exemple avec des parcs de production fourragère). Ce n’est pas seulement l’affaire des compétences des ingénieurs mais l’affaire des compétences de toute la filière pastorale, et d’abord des compétences des éleveurs de base, et particulièrement des jeunes massivement confrontés à la disparition de leur mode de vie et de production si rien n’est fait. Une éducation de base adaptée orientée vers le développement des compétences des jeunes éleveurs, comme le démontre l’action novatrice mais partielle des ONG, permettrait sans doute l’inversion des tendances. Des forêts et des lacs à mettre en valeur de manière durable 1.7. Dans le même ordre d’idées, le rétrécissement de l’espace forestier pourrait être combattu par des actions audacieuses de reboisement qui devraient se compter en dizaines de milliers d’hectares/an, selon les principes de la gestion durable des parcs forestiers, car le pays a toujours un besoin énorme de bois de services (artisanat, constructions, énergie domestique, etc.). Il y a là encore une activité à fort potentiel économique et d’emploi qui appelle le développement de compétences opérationnelles pour maîtriser toute la filière de manière dynamique, rentable et durable à la fois. 1.8. Toujours dans le secteur primaire, un potentiel important d’emploi et de revenus existe en saison sèche avec la mise en valeur et l’exploitation des nombreuses retenues d’eau (micro barrages et barrages) qui existent et pourraient se multiplier (si l’Etat, les collectivités territoriale et l’aide restaient mobilisés dans ce but) pour approvisionner les marchés en poissons et légumes locaux de qualité. Le développement de la pêche et de la production des fruits et légumes pourrait jouer un rôle important sur le quintuple plan de la sécurité alimentaire, de la réduction des importations, de la nutrition, de l’emploi et des revenus des producteurs, transporteurs et transformateurs (souvent des femmes), mais à condition que les compétences de la jeunesse rurale soient améliorées pour parvenir à un meilleur professionnalisme dans ces domaines. Cela permettrait de réduire le sous-emploi des ruraux en saison sèche, qui est massif (plus de 90% selon certaines études et QUIBB 2007). Des compétences pour développer les mines, l’artisanat et le génie civil 1.9. Concernant les secteurs non agricoles, les potentiels de développement sont assez élevés, mais exigent précisément un renforcement général de compétences peu abordées par le système éducatif ou de formation: des compétences managériales pour monter sa petite entreprise informelle et la faire prospérer (et le cas échéant la transformer en petite entreprise formelle), des compétences techniques adaptables pour répondre de manière satisfaisante à la demande telle qu’elle s’exprime sur le marché. 1.10. Dans le secteur secondaire il y a un fort potentiel au niveau des industries extractives, tant pour le formel que pour l’informel. Ce dernier pourrait mieux exploiter les filons rétifs à l’exploitation industrielle moderne, là aussi à condition que les compétences aillent de pair avec les initiatives. 1.11. L’artisanat et les industries manufacturières informelles pourraient aussi se développer fortement en fabricant localement tout ce qui pourrait l’être en remplacement de produits inutilement importés, ce qui suppose un renforcement des compétences en matière d’études de marché et de conception de projets adaptés, très faiblement développées aujourd’hui. Le développement des compétences des apprentis devrait aller de pair avec le développement des compétences adaptées des maitres artisans eux-mêmes, sur le triple plan des compétences en identification des marchés, en techniques de production ou services, et en gestion générale et analytique. 1.12. Enfin et surtout, le secteur de la construction et des travaux publics (BTP) dispose d’un potentiel extraordinaire et durable si, précisément, le développement des compétences permet l’accompagnement de la croissance du secteur au rythme soutenu de la demande. Tous les observateurs s’accordent pour estimer que le rythme de la demande sera soutenu sur le long terme. Cela est vrai non seulement pour le BTP formel mais aussi pour le BTP informel qui, faute de qualifications (et donc de reconnaissance administrative), ne peut pas toujours avoir accès aux petits marchés publics locaux (construction de classes et de divers petits bâtiments publics par exemple). Alors que ces marchés peu importants n’intéressent pas normalement le BTP formel (sauf en cas de surfacturation), plus intéressé et préoccupé à réaliser de grands chantiers. Il y a aussi une forte demande du côté de l’habitat privé moderne, à coût abordable, qui ne peut être totalement satisfaite par le formel, vu ses prix élevés et le fait que les entreprises formelles sont requises ailleurs pour des chantiers plus importants. Des services marchands formels et informels à fort potentiel 1.13. Concernant le tertiaire, le commerce, le transport, la mécanique, et surtout l’électricité, l’électronique et les télécommunications sont considérés comme des secteurs d’avenir et toujours plus porteurs, tant pour le formel que pour l’informel, chacun ayant son espace d’activités bien balisé et, chose souvent ignorée, en très forte interdépendance. Dans ce domaine des services marchands, le formel et l’informel travaillent ensemble et se renforcement mutuellement. Le développement improvisé et approximatif des compétences pour tenter de répondre sans frais aux besoins du marché est l’une des limites majeures de ces activités et de leur contribution à une croissance robuste du secteur. 1.14. Enfin, le Burkina Faso aspire à développer les services de l’hôtellerie, de la restauration, de l’organisation de séminaires et manifestations diverses, et bien entendu du tourisme et de la promotion de sa culture, tous ces sous-secteurs disposant d’un grand potentiel reconnu et documenté qui ne demande précisément à qu’à se réaliser grâce à des investissements pertinents dans le capital humain, les équipements et les infrastructures. Les services d’une société civile dynamique à ne pas négliger 1.15. Notons encore que les services non marchands privés, formels et informels (ONG, associations, groupements divers, etc.) sont assez développés au Burkina Faso et que cela constitue une richesse à reconnaître et à encourager, car ces structures jouent un rôle majeur dans la mobilisation sociale pour le développement dans tous les domaines (y compris l’éducation, l’alphabétisation et le développement des compétences) et sont capables de capter une rente de solidarité internationale privée importante et précieuse. Selon des statistiques de 2007 citées par la SCADD, le Burkina Faso compterait près de 50 collectivités territoriales en coopération décentralisée, 500 ONG et 20 000 associations. Autant de structures issues de la société civile porteuses de projets. Elles constituent d’incontournables supports pour la croissance durable et l’emploi décent pratiquement dans tous les domaines si elles sont reconnues, encouragées, normalisées et mises au service d’un projet de développement national clair et mobilisateur. La contribution importante du secteur informel au PIB 1.16. La place du secteur informel dans l’économie a été estimée par l’INSD à 53% en 2005. Il y a peu de chance que cette place ait diminuée depuis et qu’elle diminuera demain. Tableau 1 : Evolution du produit intérieur brut selon l'optique production (en milliards de FCFA) Rubriques 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 En valeur courante Production 2 617,6 2 706,7 2 967,1 3 170,7 3 457,5 3 686,8 4 142,2 1 369,9 1 377,4 1 626,8 1 758,8 1 879,5 1 919,9 2 219,2 Consommations inter 894,8 947,6 1 030,9 1 097,1 1 191,8 1 345,7 1 536,7 Valeur ajoutée 1 722,8 1 759,1 1 936,2 2 073,6 2 265,7 2 341,0 2 605,5 979,3 965,9 1 117,5 1 215,5 1 317,6 1 324,8 1 552,1 Impôts et taxes 132,1 115,4 141,3 160,7 178,7 215,1 Produit Intérieur brut 1 854,9 1 874,4 2 077,6 2 234,3 2 444,3 2 556,1 2 881,4 dont informelle dont informelle 275,9 En volume aux prix de 1999 Production 2 617,6 2 723,0 2 829,7 2 921,6 3 133,9 3 324,8 3 569,0 1 369,9 1 398,3 1 575,2 1 626,4 1 734,1 1 775,4 1 889,7 Consommations inter 894,8 945,6 947,2 965,7 1 026,3 1 143,9 1 225,6 Valeur ajoutée 1 722,8 1 777,4 1 882,5 1 955,9 2 107,6 2 180,9 2 343,4 979,3 983,7 1 105,0 1 150,5 1 236,7 1 249,2 1 343,9 Impôts et taxes 132,1 112,5 132,4 146,7 159,1 187,3 Produit Intérieur brut 1 854,9 1 889,9 2 014,9 2 102,6 2 266,7 2 368,2 dont informelle dont informelle Source : INSD Tableau 26.1 comptabilité nationale. 229,9 2 573,3 On observe une croissance moyenne appréciable mais des évolutions en dents de scie (voir aussi le tableau en annexe) dont il conviendra de se rappeler lors la lecture des projections et des prévisions qui suivent. 1.17. La contribution potentielle du secteur informel à la stratégie de croissance accélérée future reste essentielle. On peut s’en faire une idée à partir du tableau 2 ci-dessous du rapport sur la SCADD (voir en annexe d’autres données complémentaires). On notera l’importance du vivrier, de la construction, du commerce et des télécommunications, tous secteurs où le secteur informel joue un rôle crucial, même pour les volets formels des activités. A noter aussi que c’est l’artisanat qui a la croissance prévisible la plus faible (2%) et la construction qui a la croissance attendue la plus forte (jusqu’à 24%). Tableau 2 : évolution en % des croissances des valeurs ajoutées sectorielles - période 2008-2015 2008 Années Est SECTEUR PRIMAIRE 8,6 Agriculture vivrière 13,12 Agriculture de rente 33,60 Elevage 3,71 Sylviculture 1,98 Pêche 3,5 SECTEUR SECONDAIRE 3,8 Industries extractives 134,8 Boisson et tabac modernes 4,1 Egrenage coton 11,2 Electricité, gaz et eau 11,4 Autres industries manufacturières modernes -7,3 Industries manufacturières informelles (artisanat) -6,4 Travaux de construction -6,1 SECTEUR TERTIAIRE 2,7 SERVICES MARCHANDS 4,8 Commerce 9,2 Transports-0,1 Postes et télécommunications 6,0 Services financiers 4,5 Autres services marchands -1,6 SERVICES NON MARCHANDS 0,0 DROITS ET TAXES A IMPORT., TVA et TAXES SUR B&S 9,5 SIFIM (Services d'intermédiation financière indirectement mesurés) 4,5 P.I.B. (Prix du marché) 5,2 2009 Est -5,0 -13,93 -12,04 1,33 5,56 6,7 15,1 118,0 0,4 -29,1 1,3 -1,9 3,4 1,1 2,8 3,9 0,7 5,0 9,4 8,9 2,7 1,5 9,0 2010 Proj 4,3 4,14 18,40 2,89 3,00 4,5 11,0 24,9 20,7 83,9 2,0 19,9 1,4 1,8 5,0 7,9 3,8 75,7 0,9 19,6 7,7 1,1 2,4 2011 Proj 4,5 6,87 7,41 2,70 3,00 4,5 12,1 17,4 22,5 -34,9 15,6 14,8 2,0 19,7 8,3 13,7 4,8 49,7 5,2 37,7 16,1 0,7 9,2 2012 Proj 5,1 8,14 8,02 2,71 4,00 4,5 13,3 28,6 20,9 8,0 13,9 10,2 2,0 6,2 8,8 12,6 11,9 12,7 12,9 12,5 13,5 2,8 5,5 2013 proj 5,5 8,80 8,80 2,72 4,00 4,5 13,7 18,9 16,9 9,6 11,3 15,7 2,0 19,5 8,5 11,4 7,7 6,0 14,8 10,3 16,0 3,4 6,8 2014 Proj 6,6 11,32 9,24 2,72 4,00 4,5 12,1 18,1 18,6 10,0 12,7 11,3 2,0 11,4 9,9 13,2 14,0 9,3 16,6 10,9 11,8 3,7 8,4 8,9 3,2 19,6 37,7 12,5 10,3 10,9 12,3 5,5 7,6 8,5 8,8 9,4 10,3 Source : IAP/SCADD (En gras les lignes où le secteur informel est important ou significatif – note de l’auteur) Le secteur informel : un atout pour une croissance accélérée durable 1.18. Les données de ces tableaux interprétées objectivement et à la lumière d’une connaissance fine de la société burkinabè mettent en évidence l’erreur d’analyse trop répandue qui consiste à considérer le secteur informel comme 2015 Proj 7,0 11,82 9,68 2,73 4,00 4,5 12,1 7,0 20,7 10,9 14,4 17,5 2,0 24,4 11,1 14,2 15,3 8,5 18,7 12,3 11,7 4,8 10,7 un handicap pour l’accélération de la croissance économique. Dans ce contexte du Burkina Faso, il ne faut pas confondre les difficultés théoriques de la mesure de la contribution du secteur informel au regard des règles classiques de la comptabilité nationale d’une part, avec la réalité économique d’autre part. 1.19. L’économie réelle ne saurait s’appauvrir de l’initiative productive ou commerciale de millions d’opérateurs qui préfèrent travailler dans le secteur informel plutôt que de chômer et vivre en parasites des ménages (inactifs) ou de la société (délinquance). Il ne faut pas ignorer le fait que dans la réalité d’un pays comme le Burkina Faso, le secteur informel est le premier fournisseur et le premier client du secteur formel, auquel ce dernier doit une bonne part de son potentiel de croissance effectif. Les bonnes questions sont celles du renforcement de ses compétences, de son financement et de sa capacité contributive, pour qu’il évolue vers les normes socialement admises du travail décent et d’une juste contribution aux dépenses communes (fiscalité), et non pas sa liquidation ou sa persécution stérile. Car pour longtemps encore, ses fonctions productives et de services sont sans alternatives, ainsi d’ailleurs que ses fonctions sociales et culturelles, absolument indispensables à l’équilibre et au dynamisme de la société telle qu’elle est au Burkina Faso. 1.20. Il ressort de cette analyse que le secteur informel pourrait ou devrait représenter encore au moins la moitié de la croissance escomptée par la SCADD d’ici 2015 selon les estimations, sachant que les valeurs de l’informel sur chaque point sont toujours estimées à minima, compte tenu des modes de calcul des contributions sectorielles qui privilégient les valeurs ajoutées issues directement de la comptabilité nationale formelle. Le développement des compétences dans le secteur informel lui permettrait d’atteindre les meilleurs résultats et serait un atout, voire une clef, de l’atteinte effective de l’objectif de la SCADD d’aller vers une croissance durable à deux chiffres. 1.21. A noter que la mesure de l’estimation de la contribution du secteur informel devrait être affinée ligne par ligne pour la rendre plus fidèle à l’état de l’économie réelle d’un pays comme le Burkina Faso. Car il conviendrait d’abandonner cette illusion que la croissance ne peut être tirée que par le secteur formel, alors qu’il ne représente directement ou indirectement que 5 à 10 % de l’emploi. Non seulement cela serait contraire à l’équité mais ce serait économiquement absurde dans la mesure où cela reviendrait à négliger 90 % du potentiel du capital humain du pays : vivier où se prépare en partie le secteur formel national de demain, notamment les petits entrepreneurs performants de l’informel qui deviendront grands. A noter que la plupart des grandes entreprises nationales actuelles sont issues à l’origine du secteur informel (KANAZOE, SAVANE COMMUNICATION, SODEPAL, etc.).