M ise au point Mise au point Présentations réalisées au congrès de la SFOG à Lille en 2007 Mortalité et morbidité des exentérations pelviennes pour cancer gynécologique (hors ovaire) : résultats de 236 exentérations en 27 ans Mortality and morbidity of the pelvic eviscerations for gynaecological cancer G. Houvenaeghel*, B. Gurriet*, M. Buttarelli*, E. Lambaudie*, A. Tallet*, M. Minsat*, J.L. Blache** L es indications d’exentération pelvienne (EP) pour cancer gynécologique, en dehors des cancers de l’ovaire, s’adressent à des tumeurs localement évoluées ou récidivées non métastatiques (1-7). Les indications et les techniques lors d’exentérations pelviennes ont évolué au cours des années. Le but de cette étude a été de rapporter l’impact de ces EP sur la mortalité et la morbidité. Matériel De janvier 1980 à juin 2007, 236 EP ont été réalisées. L’évolution de la mortalité et de la morbidité opératoires à 90 jours a été analysée, en recherchant les facteurs prédictifs de survenue, en subdivisant la durée de l’étude en cinq périodes de 5 ans et une dernière période de trois ans (périodes de 1 à 6). Les facteurs étudiés étaient : les types de tumeur et d’EP, les modalités thérapeutiques, l’âge et le type de complication. L’âge moyen était de 54,5 ans (extrêmes : 26-82). Les EP ont été pratiquées 143 fois pour une récidive (60,6 %) et se répartissaient en 84 EP antérieures (35,6 %), 53 postérieures (22,5 %), 77 totales (32,7 %), 22 atypiques (9,3 %). Les EP ont été réalisées pour une récidive plus fréquemment après 1990 (p = 0,05). Les EP ont comporté des exérèses supralévatoriennes (type I) 168 fois (71,2 %), infralévatoriennes (type II) 50 fois (21,2 %) et associées à une périnéectomie (type III) 18 fois (7,6 %). Le cancer gynécologique correspondait majoritairement à un cancer du col utérin (175 : 74,2 %) puis à un cancer de l’endomètre ou un sarcome utérin (44 : 18,6 %) ou à cancer vulvaire (4 : 1,7 %) ou, enfin, à un cancer du vagin (11 : 4,7 %). L’exentération a pu être réalisée à visée curative dans 63 % des cas (exérèse en marge saine, sans métastase ou carcinose et sans envahissement ganglionnaire lomboaortique). Un élargissement de l’exérèse à d’autres structures (urinaire, digestive ou vasculaire) a dû être réalisé dans 20,8 % des cas (49/236). Une radiothérapie pelvienne préalable de 45 grays au moins avait été réalisée dans 48,3 % des cas (114/236). Les complications ont été évaluées de manière globale, en individualisant les complications médicales et chirurgicales et les complications chirurgicales majeures (fistules, hémorragie, * Service de chirurgie oncologique, Institut Paoli-Calmettes, 232, bd Sainte-Marguerite, BP 156, 13273 Marseille Cedex 9. ** Service d’anesthésie réanimation, Institut Paoli-Calmettes, Marseille Cedex 09. 28 occlusion). Les caractéristiques de l’exérèse et du traitement en fonction des périodes sont rapportées dans le tableau I. Les gestes de reconstruction réalisés ont comporté : 80 (49,38 %) dérivations transintestinales continentes de type Miami à partir de février 1993 (78,4 % des dérivations à partir de cette date : 80/102), 92 anastomoses colorectales parmi 136 résections rectales et 100 procédés de comblement pelvien et ou de reconstruction vaginale. Précédemment, ces procédés de reconstruction ont fait l’objet d’évaluations (8-11). Résultats Le taux de décès postopératoire a été de 8,1 % (19/236), avec une diminution significative au cours des périodes, et notamment à partir de 2000 : 10,4 % (15/144) avant 2000 et 4,3 % (4/92) par la suite (comparaison des six périodes, p = 0,006). Tableau I. Périodes 1 2 3 4 5 6 Total Curative 10 20 27 20 55 17 149 Palliative 14 16 20 17 17 3 87 Radiothérapie 10 5 14 20 50 15 114 Pas de radiothérapie 14 31 33 17 22 5 122 Type I 13 19 40 30 53 13 168 Type II 10 11 4 6 15 4 50 Type III 1 6 3 1 4 3 18 Récidive 12 17 31 26 44 13 143 Primitive 12 19 16 11 28 7 93 Antérieure 8 18 21 10 21 6 84 Postérieure 6 7 10 7 15 8 53 Totale 6 8 13 16 28 6 77 Atypique 4 3 3 4 8 0 22 Élargie 5 8 8 13 13 2 49 Non élargie 19 28 39 24 59 18 187 Total 24 36 47 37 72 20 236 p 0,004 < 0,001 0,014 NS NS NS La Lettre du Gynécologue - n ° 333 - juin 2008 Tableau II. Périodes 1 2 3 4 5 6 Total p Morbidité globale Nombre 14 % 58,3 19 21 19 52,8 44,7 51,3 43 59,7 14 70 130 55,1 NS Morbidité majeure Nombre 9 % 37,5 11 10 8 30,5 21,3 21,6 18 25 3 15 59 25 NS Réintervention Nombre 8 % 37,5 10 11 10 30,5 21,3 21,6 18 25 4 15 61 25,8 NS Tableau III. Morbidité globale Morbidité majeure Réintervention Nombre % Nombre % Nombre % patientes ayant présenté une ou des complications chirurgicales, ayant conduit à une réintervention dans 78 % des cas (46/59). En analyse multivariée, les deux facteurs significatifs de survenue d’une complication chirurgicale majeure étaient le type d’EP (p = 0,006) et celui de dérivation urinaire (p = 0,005) : le taux de complication chirurgicale majeure était plus élevé pour les EP totales et moindre pour les dérivations urinaires continentes par rapport aux autres dérivations urinaires (tableau III). Le taux de réintervention a été de 25,8 % (61/236) : le seul facteur prédictif significatif en analyse multivariée était la survenue d’une fistule digestive et/ou urinaire (p = 0,0001). En conclusion, nous avons observé une amélioration du taux de mortalité et de complications chirurgicales majeures, en rapport avec les progrès des techniques chirurgicales et d’anesthésie réanimation. La morbidité globale reste cependant importante, comme dans l’ensemble des séries de la littérature. Cependant, ces exérèses complexes représentent souvent la seule solution thérapeutique à visée curative. Une évaluation prospective multicentrique des EP avec une étude de qualité de vie et une analyse des procédés de reconstrucn tion apparaît nécessaire et doit être débutée sous peu. Type I 90 53,6 43 25,6 43 25,6 Type II 26 52 13 26 14 28 Type III 14 77,8 3 16,7 4 22,2 Pas de radiothérapie 66 54,1 26 21,3 29 23,8 Radiothérapie 64 56,1 33 28,9 32 28,1 Antérieure 34 40,5 12 14,3 14 16,7 Postérieure 34 64,2 13 24,5 14 26,4 Totale 53 68,8 27 35,1 27 35,1 Références bibliographiques Atypique 9 40,9 7 31,8 6 27,3 1. Moutardier V, Houvenaeghel G, Martino M et al. Surgical resection of locally Curative 76 51 30 20,1 33 22,1 Palliative 54 62,1 29 33,3 28 32,2 Récidive 81 56,6 38 26,6 40 28 Primitive 49 52,7 21 22,6 21 22,6 Élargie 30 61,2 11 22,4 17 34,7 Non élargie 100 53,5 48 25,7 44 23,5 Seuls trois facteurs étaient prédictifs en analyse multivariée : la survenue ou non d’un sepsis (p = 0,028), la nécessité d’une réintervention (p = 0,001) et le caractère curatif ou palliatif de l’exérèse (p = 0,042). Parmi les facteurs connus au moment de l’EP (période, localisation centrale ou non de la tumeur, stomie digestive ou non, élargissement de l’exérèse), seul le caractère élargi à d’autres organes de l’exérèse était prédictif du risque de mortalité en analyse multivariée (p = 0,03). Les taux de morbidité globale, de complications majeures et de réinterventions sont rapportés dans le tableau II en fonction des périodes de traitement et dans le tableau III en fonction des modalités de chirurgie et de traitement. Le taux de morbidité globale reste élevé au cours des différentes périodes, avec un taux global de 55,1 % (130/236). Le seul facteur significatif prédictif de survenue d’une complication en analyse multivariée était représenté par le type de l’EP (p = 0,001) [tableau III]. Les complications par patientes ont été médicales 36 fois (15,3 %), chirurgicales 51 fois (21,6 %) et médicochirurgicales 47 fois (19,9 %). Une complication chirurgicale majeure a été observée chez 59 patientes (25 %), soit 60,2 % (59/98) des La Lettre du Gynécologue - n° 333 - juin 2008 Mise au point M ise au point recurrent cervical cancer: a single institutional 70 patient series. Int J Gynecol Cancer 2004;14(5):846-51. 2. Houvenaeghel G. Mid-pelvic recurrences of cervix cancer: should a cystectomy be performed? Prog Urol 2004;14(2 Suppl.):8-14. 3. Carcopino X, Houvenaeghel G, Buttarelli M et al. Equivalent survival in patients with advanced stage IB-II and III-IVA cervical cancer treated by adjuvant surgery following chemoradiotherapy. Eur J Surg Oncol 2007;23. 4. Houvenaeghel G, Buttarelli M, de Troyer J et al. Surgical resection after chemotherapy for advanced cervical carcinoma. Cancer Radiother 2006;10 (6-7):471-6. 5. Classe JM, Rauch P, Rodier JF et al. Groupe des chirurgiens de Centre de lutte contre le cancer. Surgery after concurrent chemoradiotherapy and brachytherapy for the treatment of advanced cervical cancer: morbidity and outcome: results of a multicenter study of the GCCLCC (Groupe des chirurgiens de centre de lutte contre le cancer). Gynecol Oncol 2006;102(3):523-9. 6. Houvenaeghel G, Lelievre L, Gonzague-Casabianca L et al. Long-term survival after concomitant chemoradiotherapy prior to surgery in advanced cervical carcinoma. Gynecol Oncol 2006;100(2):338-43. 7. Houvenaeghel G, Buttarelli M, Grégoire E, Moutardier V. Locoregional recurrence of cervical and endometrial carcinoma: role of surgical resection. Bull Cancer 2005;92(9):782-8. 8. Houvenaeghel G, Ghouti L, Moutardier V, Buttarelli M, Lelong B, Delpero JR. Rectus abdominis myocutaneous flap in radical oncopelvic surgery: a safe and useful procedure. Eur J Surg Oncol 2005;31(10):1185-90. 9. Karsenty G, Moutardier V, Lelong B et al. 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