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Les nouveaux triptans dans la migraine
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J.M. Senard*, N. Fabre**
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■ Comme le sumatriptan, ce sont des agonistes sérotoninergiques 5HT1B/D ayant une action périphérique (vasoconstriction artérielle et inhibition de l’inflammation neurogène).
■ Contrairement au sumatriptan, ils auraient de plus une
action centrale : il s’agit d’un argument de marketing plus
qu’une action prouvée dans la migraine.
■ Ils ont une meilleure biodisponibilité que le sumatriptan.
■ Les contre-indications sont celles du sumatriptan.
■ Les triptans ne doivent pas être associés aux dérivés
ergotés utilisés dans le traitement de la crise.
■ Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine constituent une association à prendre en compte pour la plupart
des triptans.
■ Leur efficacité a été démontrée dans des essais cliniques
rigoureux contre placebo, mais ils n’ont pas été comparés
entre eux.
■ Malgré les modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques, leurs efficacité, effets indésirables et
taux de récurrence s’avèrent globalement semblables à
ceux du sumatriptan.
■ Le zolmitriptan et le naratriptan sont remboursés à 65 %
par la Sécurité sociale. Seules les formes orales sont actuellement disponibles.
L
e terme “triptan”, aujourd’hui largement utilisé,
désigne les antimigraineux, agonistes sélectifs des
récepteurs 5HT1D de la sérotonine. Il s’agit d’un suffixe extrait de la DCI (Dénomination Commune Internationale)
des médicaments déjà commercialisés ou près de l’être, tous
obtenus par des modifications mineures de la molécule de la
sérotonine, la 5-hydroxytryptamine, à laquelle le radical “trip-
* Laboratoire de pharmacologie, INSERM 4317,
faculté de médecine, Toulouse Cedex.
** Service de neurologie, hôpital Rangueil, Toulouse.
La Lettre du Neurologue - n° 6 - vol. II - décembre 1998
tan” fait référence. La présence de ce radical dans la DCI d’une
molécule n’implique pas une activité antimigraineuse ; seuls
quelques “triptans” parmi les centaines synthétisés possèdent
une activité antimigraineuse. On connaît d’autres molécules
dont la structure chimique est différente de celle des triptans
mais qui possèdent les mêmes propriétés pharmacodynamiques
et font l’objet d’un développement clinique dans le traitement
de la migraine. L’absence de médicaments ayant une efficacité
chez l’ensemble des migraineux, les inconvénients des produits
existants (efficacité variable d’une crise à l’autre, récurrences
fréquentes, et incidence élevée des effets indésirables) constituent un argument en faveur de la recherche de produits plus
performants. L’intérêt s’avère aussi commercial pour les firmes
pharmaceutiques, qui voient dans le marché de la migraine un
secteur en expansion et source de bénéfices.
MÉCANISMES D’ACTION
La physiopathogénie de la migraine demeurant inconnue, et en
l’absence de modèle animal, le mode d’action d’un antimigraineux reste hypothétique. Tous les triptans possèdent une action
périphérique, mais, à la différence du sumatriptan, les nouveaux
auraient de plus une action centrale, supposée renforcer leur
efficacité dans la crise migraineuse.
Action périphérique
• Vasoconstriction artérielle
L’hypothèse selon laquelle la douleur migraineuse est due à une
vasodilatation cérébrale (on pense actuellement qu’il s’agit vraisemblablement des artères méningées) et l’efficacité des médicaments sur cette douleur à une action vasoconstrictrice a
conduit à la synthèse des triptans, agonistes sérotoninergiques
des récepteurs 5HT1D. Ces récepteurs comprennent deux soustypes appelés 5HT1B (anciennement 5HT1Db) et 5HT1D
(anciennement 5HT1Da). Identifiés par leurs ARNm, ils sont
indiscernables sur le plan pharmacologique faute de ligands
spécifiques, et leur spécificité d’action est encore hypothétique.
C’est la raison pour laquelle les triptans sont désignés comme
des agonistes 5HT1B/D. Les triptans contractent des fragments
isolés de tronc basilaire ou de veine saphène. Sur les artères
coronaires humaines, in vitro, on observe également une vasoconstriction parfois moins importante avec les nouveaux triptans qu’avec le sumatriptan. Les triptans provoquent une redis281
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tribution du débit sanguin cérébral dans le territoire carotidien
chez des animaux anesthésiés par une vasoconstriction sélective
des anastomoses artérioveineuses (dont l’existence est mise en
doute chez l’homme), sans qu’une modification de la fréquence
cardiaque, de la pression sanguine ou des débits sanguins régionaux n’intervienne. L’effet vasoconstricteur du sumatriptan sur
les artères cérébrales n’a pas reçu de preuve directe in vivo chez
l’homme.
• Inhibition de l’inflammation neurogène
Des neurones du trijumeau (V) innervent la paroi des vaisseaux
méningés et des gros vaisseaux cérébraux, se projettent sur les
neurones des noyaux du V et sur les cornes dorsales de la moelle cervicale en C1 et C2, neurones qui font ensuite relais vers le
thalamus pour transmettre au cerveau la perception douloureuse. Dans le modèle animal de la douleur migraineuse de
Moskowitz (5), la stimulation du ganglion du V provoque, au
niveau des vaisseaux de la dure-mère, la libération de neuropeptides [Calcitonin Gene-Related Peptide (CGRP) et substance P (SP)] à l’origine d’une intense vasodilatation locale, d’un
œdème de la paroi vasculaire, du recrutement des cellules de
l’inflammation et de l’extravasation de protéines plasmatiques
(figure 1). Les triptans, tout comme l’ergotamine, par leur
action sur des récepteurs 5HT1B/D préjonctionnels, s’opposent
à la libération de CGRP et de SP, inhibant ainsi l’extravasation
plasmatique. Néanmoins, il n’existe pas de preuve directe du
rôle de l’inflammation neurogène dans la genèse de la douleur
migraineuse. Seule la constatation de taux élevés de CGRP dans
la veine jugulaire chez des patients au cours d’une crise migraineuse et leur diminution sous l’effet du sumatriptan plaident en
faveur de sa réalité.
Action centrale
Les nouveaux triptans, contrairement au sumatriptan, traversent
la barrière hémato-encéphalique et agissent sur les récepteurs
5HT1B/D cérébraux. Néanmoins, les concentrations cérébrales
sont probablement très faibles aux doses utilisées chez l’homme.
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Une preuve directe de l’action centrale des nouveaux triptans a
été apportée chez l’animal anesthésié lors de la stimulation
électrique du sinus longitudinal supérieur. Celle-ci active les
neurones dans le noyau du V et au niveau C2 de la moelle cervicale (par la mise en jeu directe du V innervant le sinus et non
par le biais de récepteurs périphériques 5HT1B/D, comme dans
l’inhibition de l’inflammation neurogène de la dure-mère).
Cette activation diminue après administration par voie veineuse d’un triptan. On a montré chez le chat, par autoradiographie,
la présence de récepteurs 5HT1B/D dans le noyau du V, la
corne dorsale de la moelle cervicale en C1 et C2 mais également dans le noyau du tractus solitaire et de l’area postrema,
jouant un rôle vraisemblable dans la genèse des nausées et des
vomissements.
Il faut souligner que l’on ne sait actuellement rien du rôle des
récepteurs 5HT1B/D centraux dans la migraine. Il s’agit là d’une
voie de recherche passionnante, mais qui ne permet en rien d’attribuer un avantage thérapeutique aux nouveaux triptans.
PROPRIÉTÉS PHARMACOCINÉTIQUES
ET INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
Pharmacocinétique
Le tableau I résume les principales caractéristiques pharmacocinétiques des triptans les mieux connus après administration par voie orale. Les voies métaboliques seront traitées à
part en raison de leur importance pour le risque d’interaction
médicamenteuse. Leurs biodisponibilités s’avèrent comparables sauf pour le sumatriptan, dont l’absorption aléatoire
varie largement suivant les sujets. Pour le zolmitriptan et le
naratriptan, la biodisponibilité s’avère moins importante chez
l’homme que chez la femme pour des raisons encore mal comprises. Le délai d’obtention du pic plasmatique (Tmax), reflet de
la vitesse d’absorption, est comparable pour tous les médicaments. Quant à la demi-vie, elle n’a pas vraiment été influencée par les modifications chimiques, sauf pour le naratriptan
(t1/2 : 6 heures).
Nerf trijumeau (V)
Substance P
5-hydroxytryptamine (5HT)
Vasodilatation
Bradykinine
Douleur
Histamine
Neuro-excitation
Figure 1.
L’inflammation neurogène
selon Moskowtitz.
282
ipsilatérale
Extravasation des
protéines plasmatiques
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Tableau I. Principales caractéristiques pharmacocinétiques des triptans déjà commercialisés ou en fin de développement clinique.
Biodisponibilité (%) Tmax (h) 1/2-vie (h)
Sumatriptan
14
Zolmitriptan
46
Rizatriptan
45
Naratriptan 63-74
1,5
1,5
1,6
2-3
Élimination
2
2,5-3
1,8
6
rein
rein
rein
rein
La vitesse de l’absorption conditionnant la rapidité de l’effet
sur la douleur, on recherche des formes galéniques alternatives
à la voie orale mais mieux acceptées que les formes injectables.
Le spray nasal de sumatriptan a une biodisponibilité (16 %) qui
reste faible par rapport à la voie injectable et un Tmax (1-1,5 heure)
qui le rapproche du comprimé. La forme lyoc du rizatriptan est
absorbée plus lentement que la forme comprimé, ce qui explique
qu’au cours des essais cliniques, l’efficacité sur la céphalée se
manifeste plus tardivement qu’après la prise d’un comprimé.
Métabolisme
La connaissance du métabolisme des médicaments s’avère
essentielle pour préciser les précautions d’emploi dans les
populations à risque (insuffisance rénale ou hépatique) et prédire le risque d’interactions médicamenteuses. Pour les triptans, la
dégradation est assurée par la MAO-A ou le cytochrome P450.
La MAO-A, enzyme clef du métabolisme de la sérotonine,
inactive le sumatriptan et le rizatriptan. La MAO-A inactive
également le dérivé actif du zolmitriptan : le desmethylzolmitriptan. Des études de pharmacologie ont montré l’accumulation de molécules actives sous l’influence d’inhibiteurs sélectifs des MAO. Ces études ont mis en évidence l’activité IMAO
de certains bêtabloquants et en particulier du propranolol, d’où
les précautions d’emploi figurant sur les mentions légales du
rizatriptan et du zolmitriptan. En revanche, bien que le sumatriptan soit également catabolisé par la MAO-A, aucune mention particulière n’incite à une quelconque précaution lors de
l’association du propranolol à cet agoniste 5HT1D.
Diverses isoenzymes du cytochrome P450 interviennent dans le
métabolisme du zolmitriptan, du naratriptan et de l’élétriptan,
encore en développement clinique. L’isoforme CYP1A2 dégrade le zolmitriptan en son métabolite actif, lui-même métabolisé
par la MAO-A. Cette réaction est entravée par les inhibiteurs du
CYP1A2 comme la cimétidine ou certains antidépresseurs sérotoninergiques, d’où les précautions d’emploi et la limitation des
posologies en cas d’association de ces deux médicaments. Quant
au naratriptan, plusieurs isoenzymes se partageant sa détoxification, le risque d’interactions reste faible. Certains des nouveaux
triptans pourraient avoir des voies métaboliques différentes,
réduisant ainsi le risque d’interactions médicamenteuses.
Interactions médicamenteuses
• Avec les médicaments de la crise
Aucun de ces produits ne devra être associé aux dérivés ergotés,
qui se comportent comme des agonistes des récepteurs 5HT1D
La Lettre du Neurologue - n° 6 - vol. II - décembre 1998
de la sérotonine et alpha1-adrénergiques. Cela explique la
contre-indication d’utilisation, pour le traitement d’une même
crise, d’un dérivé ergoté et d’un triptan. Un délai d’au moins
24 heures après la prise de l’ergoté doit être respecté avant la
prise d’un triptan. Inversement, il est conseillé d’attendre au
moins 6 heures après l’utilisation d’un triptan avant d’administrer un médicament contenant du tartrate d’ergotamine ou de la
dihydro-ergotamine. Le risque d’une telle association est la survenue d’une HTA et d’accidents ischémiques par addition d’effets vasoconstricteurs.
• Association aux antidépresseurs
L’association aux antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la
recapture de la sérotonine (fluoxétine, paroxétine, citalopram,
fluvoxamine, sertraline), pour des raisons à la fois pharmacodynamiques et pharmacocinétiques, expose au risque potentiel
d’HTA, de vasoconstriction coronaire ou de syndrome sérotoninergique, et constitue pour la plupart des triptans une association à prendre en compte.
Pour des raisons développées précédemment, l’association du
sumatriptan, du rizatriptan et du zolmitriptan aux IMAO conduit
à l’accumulation du produit actif. Un délai de deux semaines
entre l’arrêt d’un IMAO non sélectif et le début d’un traitement
par un triptan s’impose. Un délai de 24 heures semble suffire
pour les IMAO sélectifs A (moclobémide, toloxatone) ou B
(sélégiline). Les choses sont moins claires avec le naratriptan,
en raison de ses voies métaboliques particulières, bien que des
interactions d’ordre pharmacodynamique (addition d’effets
sérotoninergiques) puissent se rencontrer au moins en théorie.
• Associations avec les traitements de fond
Le propranolol inhibe l’activité de la MAO-A et ralentit le métabolisme des molécules dégradées par cette enzyme (sumatriptan, zolmitriptan et rizatriptan). Toutefois, les données cliniques
ne semblent pas montrer une influence de cette association sur
la survenue et la sévérité des effets indésirables.
Pour le rizatriptan, la position n’est pas encore totalement
arrêtée, mais la firme conseille l’utilisation d’une posologie
inférieure de moitié aux doses usuelles. Pour le zolmitriptan,
l’association reste possible, mais le risque d’interaction fait
l’objet d’une précaution d’emploi : la dose maximale à ne pas
dépasser est de 5 mg/24 h. En revanche, rien n’est spécifié
pour le sumatriptan. Relativement peu d’études spécifiques
ont été consacrées aux autres médicaments antimigraineux utilisés dans le traitement de fond. Cependant, le méthysergide,
de par sa structure chimique ergotée, ne doit pas être associé
aux triptans.
EFFICACITÉ CLINIQUE ET EFFETS INDÉSIRABLES
Le développement clinique du sumatriptan a été l’occasion de la
mise au point d’une méthodologie rigoureuse qui continue d’être
appliquée aux nouveaux triptans. Nous n’envisagerons que les
résultats des triptans les plus avancés dans les études cliniques :
le zolmitriptan, qui vient d’être mis sur le marché, le naratriptan
et le rizatriptan, en ne considérant que les formes orales.
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Efficacité
• Critères d’évaluation
Le critère principal d’évaluation de la plupart des essais est l’amélioration de la douleur liée au traitement, c’est-à-dire le passage
d’une douleur sévère ou modérée à une douleur légère ou nulle.
Le délai le plus souvent choisi entre la prise du médicament et la
réponse est de 2 heures. Toutefois, en raison de la lenteur de sa
biodisponibilité, le délai choisi pour la naratriptan est de 4 heures.
Ce délai semble trop long, car une crise de migraine peut spontanément s’arrêter au bout de 4 heures. L’évaluation d’une douleur
légère ou modérée étant subjective, le critère principal des essais
à venir devrait être la disparition totale de la douleur (“pain-free”)
à 2 heures. Ce critère n’est pas disponible dans les études pour
tous les triptans. Les critères secondaires d’évaluation sont l’efficacité sur les nausées, les vomissements, la phono- et la photophobie, ainsi que la survenue des récurrences. Certaines études
utilisent de plus des échelles de qualité de vie : l’échelle validée
Short Form 36 (SF 36), ou une échelle récemment mise au point,
Migraine-Specific Quality of Life (MSQoL).
Les résultats sont exprimés en pourcentage de patients répondeurs.
Lors de l’analyse des résultats, il convient de considérer, outre les
valeurs moyennes, l’intervalle de confiance à 95 %, car il reflète la
variabilité de la réponse au sein de la population à l’étude.
• Résultats
Les essais cliniques ont comparé les nouveaux triptans au placebo (1, 4, 6, 7) et au sumatriptan (8) mais pas les nouveaux triptans entre eux. Pour pouvoir les comparer entre eux, il faut “gommer” l’effet placebo, qui s’avère très variable d’un essai à l’autre.
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C’est pour cela que Goadsby (2) propose de calculer le “gain thérapeutique”, défini comme le pourcentage de patients ayant
répondu au médicament actif moins le pourcentage de patients
ayant répondu au placebo.
Le tableau II montre le pourcentage de répondeurs à 2 heures,
le pourcentage de patients sans céphalée à 2 heures, les gains
thérapeutiques correspondants, ainsi que les taux de récurrence
pour le sumatriptan, le naratriptan, le zolmitriptan et le rizatriptan. On voit ainsi que tous les triptans, à l’exception du naratriptan, ont sensiblement la même efficacité à 2 heures. La
récurrence (réapparition dans les 24 heures, à un degré modéré
ou sévère, d’une douleur qui avait disparu ou était devenue légère) est un des écueils du traitement par le sumatriptan. Les nouveaux triptans devraient théoriquement, par une demi-vie plus
longue et par une supposée action centrale sur d’éventuels
“générateurs”, diminuer les récurrences. Toutefois, les études
comparant les nouveaux triptans au sumatriptan ne montrent pas
de différence significative des taux de récurrence.
Les nouveaux triptans sont efficaces sur les autres symptômes de
la crise migraineuse (nausées, vomissements, phono- et photophobie), jugés en détail ou par une évaluation globale du patient
(meaningful response). Les échelles de qualité de vie, quand
elles sont disponibles, montrent une amélioration sous traitement
actif. L’efficacité des triptans reste la même qu’il s’agisse d’une
migraine cataméniale, d’une migraine du petit matin et quel que
soit le délai entre l’apparition de la douleur et la prise du médicament. Les triptans restent le traitement de la douleur installée,
et, en l’absence de données nouvelles, sans efficacité préventive
s’ils sont administrés au moment de l’aura.
Tableau II. Efficacité clinique et taux de récurrence des principaux triptans.
Réponse à 2 h*
Disparition de la céphalée à 2 h
% répondeurs
Gain thérapeutique
% répondeurs
Gain thérapeutique
Sumatriptan
. 50 mg
51 % - 61 %
26 % - 40 %
26 % - 36 %
14 % - 30 %
. 100 mg
56 % - 60 %
30 % - 36 %
29 % - 41 %
18 % - 34 %
Naratriptan
. 2,5 mg
45 % - 51 %
19 % - 24 %
20 % - 26 %
12 % - 18 %
Zolmitriptan
. 2,5 mg
59 % - 69 %
27 % - 41 %
21 % - 29 %
14 % - 24 %
. 5 mg
62 % - 70 %
30 % - 44 %
30 % - 38 %
23 % - 33 %
Rizatriptan
. 5 mg
. 10 mg
54 %
59,3 %
27 %
33 %
28 %
32 %
22 %
27 %
Récurrence
30 - 35 %
28 %
31 %
42 %
43 %
* Réponse : céphalée modérée ou sévère devenant légère ou nulle.
Les résultats représentent les valeurs maximum-minimum des différents essais.
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Les effets indésirables
Le sumatriptan est considéré comme dangereux par de nombreux médecins, qui hésitent à l’utiliser, craignant notamment
un risque coronarien. Pourtant, le risque, s’il existe, reste faible
dans les conditions d’utilisation correcte du médicament. Des
milliers de patients ont été étudiés, des millions de crises ont
été traitées dans de nombreux pays où ce médicament est commercialisé. Les très rares complications cardiaques sont dues
au non-respect des contre-indications (antécédents cardiaques,
passé d’hypertension artérielle, sujet de plus de 65 ans, facteurs
de risque vasculaire). Les nouveaux triptans partagent avec le
sumatriptan “l’effet triptan” : sensation de striction dans la
gorge et la poitrine, impression de chaleur et parfois exacerbation momentanée de la céphalée. Ces effets indésirables sont
généralement modérés et moins marqués pour les formes orales
que parentérales. Toutefois, si l’on prévient et rassure les
patients, ces effets s’en trouvent minimisés. Un fait important à
considérer dans les études est la proportion élevée d’effets
indésirables dans le groupe placebo. Fait remarquable, médicament actif et placebo provoquent le même type d’effets indésirables ; parfois même, l’intensité en est plus sévère dans le
groupe placebo. Cela peut être dû en partie à la difficulté de
reconnaître les effets propres d’un médicament et ceux de la
crise de migraine. Ainsi, les évènements indésirables fréquemment rapportés sont nausées, sensation vertigineuse, paresthésies, oppression thoracique.
Pour aucun triptan, il n’a été noté de modification significative
de la pression artérielle, de l’ECG, des paramètres hématologiques et biochimiques.
PLACE DES TRIPTANS DANS LA STRATÉGIE
THÉRAPEUTIQUE
La stratégie préconisée se fait étape par étape en commençant
par les antimigraineux non spécifiques (antalgiques et AINS) et
en réservant les antimigraineux “spécifiques” (dérivés de l’ergot
de seigle et triptans) aux formes résistant aux précédents. Deux
situations peuvent alors se présenter : quand la forme orale est
applicable, que choisir entre ergotamine et triptans ? Si la forme
orale est impossible en raison des vomissements, comment
choisir entre les formes parentérales de la DHE et des triptans ?
Lorsque la forme orale est applicable, il est d’usage de commencer par le tartrate d’ergotamine, cela pour des raisons économiques. En cas d’échec, il est légitime d’essayer un triptan.
Quel triptan choisir alors ? Il faut tenir compte des éventuels
essais antérieurs du patient. En l’absence de différence nette en
termes de rapport bénéfice/risque des différents triptans, un des
élements du choix pourrait être la prise en compte des médicaments prophylactiques (méthysergide, propranolol) et des autres
médicaments associés (antidépresseurs). Le naratriptan apparaît
comme ayant une meilleure tolérance, peut-être un moindre
taux de récurrence, mais au prix d’une efficacité beaucoup plus
lente, sans doute trop lente pour les patients.
Quand les vomissements empêchent la prise orale, on discute
alors la voix nasale ou injectable de DHE, ou encore le sumatriptan sous-cutané. Le sumatriptan intranasal (10-20 mg) et en
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suppositoire (12,5 et 25 mg) a montré son efficacité, mais n’est
pas encore commercialisé.
Comme pour le sumatriptan, l’utilisation des nouveaux triptans
est strictement réservée à la migraine, à l’exclusion des autres
céphalées et en particulier des céphalées de tension. Il faut en
limiter l’usage pour éviter la survenue de céphalées induites par
l’abus médicamenteux. Il faut bien souligner que les triptans
sont réservés au traitement de la céphalée migraineuse et qu’ils
ne doivent pas être pris au moment de l’aura.
CONCLUSION
Le traitement de la crise de migraine se trouve réellement amélioré par l’apport des triptans. Les nouveaux triptans ont vu
leurs propriétés pharmacocinétiques modifiées par rapport à
celles du sumatriptan dans l’objectif d’une meilleure efficacité.
Toutefois, le rapport bénéfice-risque et le taux de récurrence de
ces nouveaux triptans restent comparables à ceux du sumatriptan. La forme orale a sans doute des limites, que dépasseront
peut-être les autres formes galéniques. Le fait important pour le
patient est le remboursement à 65 % du zolmitriptan et du naratriptan, remboursement qui sera suivi sans doute par d’autres.
Nous avons insisté sur la rigueur des essais cliniques. Nous
avons vu combien les voies de recherche qui permettraient
d’avancer dans la compréhension de la migraine étaient nombreuses. Des éléments économiques sont à prendre en considération : il s’agit d’un énorme marché (12 % de la population,
dont près de 50 % ne consultent pas), expliquant l’intérêt de
nombreuses firmes pharmaceutiques. Il faut espérer encore des
progrès, améliorer le pourcentage des “pain-free” à 2 heures et
pourquoi pas espérer, sur la migraine, le résultat brillant du
sumatriptan sous-cutané, soulageant en quelques minutes la
douleur insupportable de l’algie vasculaire de la face.
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B I B L I O G R A P H I Q U E S
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