Adénomes plans

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Adénomes plans
● F. Mal*
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
Points
forts
Points
Points forts
forts
◆ La prévalence des adénomes plans en
Occident est plus élevée (12 à 20 % des
adénomes) que ne le laissaient supposer
les premières études.
◆ Un polype plan peut correspondre à un
adénome, un polype hyperplasique ou un
polype mixte.
a plupart des cancers du côlon surviennent à partir d’adénomes polyL
poïdes (1). Il y a une quinzaine d’années,
une autre voie de la cancérisation colique
a été décrite (2-4), à partir de lésions adénomateuses différentes, planes et/ou déprimées, qui, bien que souvent plus petites
que les lésions polypoïdes, seraient associées à une incidence plus élevée de dysplasie de haut grade et de cancer invasif
(atteinte de la sous-muqueuse). Ces lésions
planes, initialement décrites par les auteurs
japonais, ont été presque ignorées en Occident, jusqu’à une époque très récente où
elles ont été également observées dans la
population occidentale, avec une prévalence élevée (5-7).
* Institut mutualiste Montsouris, département
médico-chirurgical. de pathologie digestive, Paris.
◆ Le recours à des colorants au cours de
la coloscopie augmente probablement la
sensibilité du diagnostic.
◆ Un adénome plan a d’autant plus de
risque d’avoir une histologie défavorable
qu’il dépasse 10 mm et/ou qu’il est
déprimé.
DÉFINITION
Il s’agit de lésions adénomateuses peu
visibles en endoscopie, planes et/ou déprimées, dont la hauteur est inférieure à la moitié du diamètre (8) et de couleur différente
de la muqueuse normale (plus rouge). Elles
sont classifiées en IIa (surélévation plane),
IIc (légèrement déprimée) et IIa + IIc (surélévation plane et déprimée) (figure). Ces
lésions ont la particularité d’être difficilement visibles en endoscopie, et accentuées
par la coloration à l’indigo carmin (elles ne
sont pas colorées, à l’inverse des élevures
hyperplasiques). Il existe une autre définition purement histologique (hauteur de la
muqueuse de l’adénome plan supérieure à
deux fois la hauteur de la muqueuse normale), mais elle n’a pas d’intérêt pratique.
Histologiquement, les adénomes plans ont
une structure tubuleuse, avec, par définition,
des glandes dysplasiques.
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Il existe d’autres polypes plans dans le
côlon. Les polypes hyperplasiques plans,
qui sont caractérisés par une hyperplasie
des cryptes sans dysplasie. Il existe par
ailleurs des polypes où se juxtaposent des
glandes adénomateuses et des glandes
hyperplasiques. Parfois, il existe même
dans certaines glandes hyperplasiques des
cellules dysplasiques (adénomes dentelés).
PRÉVALENCE
La prévalence initiale était plus faible que
la prévalence actuelle, surtout dans la
population occidentale. Cela est probablement la conséquence d’une amélioration de la sensibilité des moyens de détection endoscopique (endoscope grossissant
et coloration). Ainsi, en 1991, elle était
chiffrée à 8 % parmi 340 adénomes de
taille inférieure à 1 cm (9). Des données
très récentes concernant la population
occidentale font état d’une prévalence
supérieure comprise entre 12 et 22 %
(6, 7), les lésions adénomateuses polypoïdes étant deux fois plus fréquentes.
Dans une étude récente, 60 % des adénomes plans n’ont été détectés que par la
coloration à l’indigo carmin (7). La prévalence des lésions adénomateuses parmi
les lésions planes est de 80 % plus élevée
que celle au sein des petites lésions polypoïdes (7). La distribution dans le côlon
semble se faire de manière comparable
dans les côlons droit et gauche (7). Dans
la population générale, les lésions planes
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IIa
IIb
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permettant de savoir, en cas de cancer invasif, si le traitement endoscopique est suffisant. Si une lésion ne se laisse pas déformer lors de l’insufflation-aspiration, s’il
existe une convergence des plis, une invasion doit être suspectée. Les lésions déprimées de plus de 10 mm ne doivent pas être
traitées endoscopiquement (13).
■
IIc
IIc + IIa
IIa + IIc
Les lésions coliques d’aspect endoscopique superficiel sont classées en type I
(polypoïde), II (plane avec trois sous-types), et III (franchement ulcérée).
IIa : lésion en plateau surélevé
IIb : lésion complètement plane
IIc : lésion déprimée (non ulcérée)
R É F É R E N C E S
1.
IIc + IIa : la dépression a la priorité
IIa + IIc : l’élévation périphérique a la priorité
Figure. Sous-type II du stade 0 du cancer colique.
ne semblent pas prédominer dans une ethnie particulière (7), mais elles sont rares
avant 40 ans s’il n’y a pas de prédisposition (5, 9). Chez les sujets ayant une prédisposition génétique, les adénomes plans
sont fréquemment observés, en particulier
au cours des polyposes adénomateuses
familiales, typiques ou atténuées (10). Il
existe un syndrome décrit par Lynch, dit
des adénomes plans héréditaires localisés
dans le côlon droit. Les adénomes plans
sont retrouvés dans le syndrome HNPCC,
avec une fréquence variable, faible en
Occident, plus élevée au Japon (11).
Prévalences de la dysplasie
de haut grade,
du carcinome intramuqueux
et du cancer invasif
Elles ont été comparées dans les populations japonaise et suédoise et sont respectivement de 24 versus 13 %, 7 versus
1 %, et 10 versus 1 % (12). Une étude américaine récente trouve 4,5 % de carcinome
invasif parmi les adénomes plans (7).
Il faut noter que, dans cette étude, toutes
les lésions ayant une histologie avancée
étaient détectables par coloscopie dans des
conditions normales, c’est-à-dire sans
coloration. La prévalence de la dysplasie
sévère ou plus dans les adénomes plans est
considérée comme nettement plus élevée,
Mots clés. Adénome plan – Dysplasie sévère –
Polype – Carcinome in situ.
à taille égale, que dans les adénomes polypoïdes (7). Mais une étude récente (6)
montre, pour les adénomes plans de moins
de 10 mm, une prévalence de dysplasie
sévère ou plus comparable à celle des adénomes polypoïdes (respectivement 4 et
6 %). En revanche, la prévalence de lésion
de grade supérieur ou égal à la dysplasie
sévère est plus élevée pour les adénomes
plans de plus de 10 mm par rapport aux
adénomes polypoïdes de même taille (29
versus 16 %). Les lésions déprimées sont
rares, mais la prévalence de lésions de
grade élevé est forte (75 %), alors même
que leur diamètre est modeste (9 mm en
moyenne). Une prévalence élevée, de la
dysplasie sévère (ou plus) dans les lésions
déprimées de moins de 10 mm a aussi été
retrouvée par les auteurs japonais (13).
TRAITEMENT
Le traitement des adénomes plans repose
sur la résection endoscopique à l’anse diathermique, de préférence selon la technique de mucosectomie. Les petits adénomes plans, non déprimés, de moins de
5 mm peuvent être réséqués à la pince
chaude. Les lésions planes de plus grande
taille peuvent être retirées par mucosectomie applicable jusqu’à une taille de
25 mm. L’analyse histologique de la pièce
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