Evidence-based medicine L’azathioprine et/ou le 6-mercaptopurine au long cours augmentent-ils le risque de cancer au cours des MICI ? ce qu’il faut retenir En dehors de cas cliniques rapportés, les études de cohortes n’ont pas démontré, à ce jour, un risque particulier de lymphome ou glo- Niveau de preuve 4 L e potentiel mutagène et carcinogène de l’azathioprine (AZA) et/ou le 6-mercaptopurine (6MP) est une question controversée. Une augmentation de l’incidence de lymphomes a été rapportée chez les patients transplantés recevant de l’AZA ou du 6MP. Il a été suggéré que le risque de cancer était une particularité liée à la transplantation. Cependant, des cas de lymphomes non hodgkiniens ainsi que d’autres cancers ont été observés chez des patients non transplantés, dont des MICI, recevant de l’AZA. L’azathioprine et/ou le 6-mercaptopurine augmententils le risque global de cancer et plus particulièrement de lymphome au cours des MICI ? RISQUE GLOBAL DE NÉOPLASIE Dans une étude de cohorte (1990-1999 ; prospective seulement après 1996), Farell et al. ont étudié 782 patients souffrant de MICI ; deux cent trente-huit patients recevaient des immunosuppresseurs (azathioprine, méthotrexate, ciclosporine) (1). Le risque global de cancer n’était pas augmenté chez les patients sous immunosuppresseurs, par rapport aux autres MICI et par rapport à la population générale (registre irlandais). L’étude rétrospective du Saint Mark’s hospital (755 MICI recevant de l’AZA) (2), ainsi que la série d’Oxford (2204 MICI dont 626 traitées par AZA) (3), n’ont pas 248 bal de cancer lié à la prise d’AZA ou de 6MP au cours des MICI. Des résultats de suivis prospectifs sur des larges populations sont attendus. montré d’augmentation du risque global de cancer par rapport à la population générale. La médiane de suivi de l’étude du Saint Mark’s étant d’environ un an, les conclusions sur l’absence de risque de cancer pouvaient être critiquées. Cependant, les auteurs montraient que l’incidence du cancer colo-rectal était augmentée dans la rectocolite ulcéro-hémorragique (RCH) en corrélation avec la durée d’évolution de la maladie, mais n’était pas supérieure chez les patients recevant de l’AZA par rapport aux autres RCH (2). RISQUE DE LYMPHOME Dans la cohorte de Farell et al., le risque de lymphome était augmenté dans le groupe recevant des immunosuppresseurs par rapport aux patients n’en recevant pas (p = 0,002). Mais il faut noter, que l’étude (1990-1999) n’était prospective qu’à partir de 1996, date à laquelle 3 des 4 cas de lymphomes avaient déjà été diagnostiqués. Utilisant une base de données britannique (registre GPRD 19881997), Lewis et al. ont étudié de façon rétrospective une cohorte de 16 996 MICI ainsi que 60 506 sujets contrôles (4). Le suivi moyen était d’environ 4 ans. L’incidence du lymphome n’était pas augmentée dans les MICI (RR = 1,2 ; 95 % IC, 0,67-2,06). Les patients recevant de l’AZA ou du 6MP (n = 1 465) ou pas ont été comparés : le risque relatif de lymphome sous AZA ou 6MP était de 1,27 (95 %, IC 0,03-8,20). Bien que le risque de lymphome ne pouvait pas être totalement écarté, cette cohorte ne démontrait pas l’augmentation du risque. La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. VI - novembre-décembre 2003 mici Au total, dans les études actuellement disponibles, l’évaluation du risque de lymphome ou de cancer lié à l’immunosuppression dans les MICI est limitée par l’hétérogénéité des études, la qualité des données sur le type d’immunosuppresseur, sa dose et sa durée. En dehors de cas cliniques rapportés, les études de cohortes n’ont pas démontré à ce jour un risque particulier de lymphome ou global de cancer lié à la prise d’AZA ou de 6MP au cours des MICI. Des résultats de suivis prospectifs sur des larges populations sont attendus. R É F É R E N C E S 1. Farrell R J, Ang Y, Kileen P et al. Increased incidence of non-Hodgkin’s lymphoma in inflammatory bowel disease patients on immunosuppressive therapy but overall risk is low. Gut 2000 ; 47 : 514-9. 2. Connell WR, Kamm MA, Dickson M et al. Long-term neoplasia risk after azathioprine treatment in inflammatory bowel disease. Lancet 1994 ; 343 : 1249-52. 3. Fraser AG, Orchard TR, Robinson EM, Jewell DP. Long-term risk of malignancy after treatment of inflammatory bowel disease with azathioprine. Aliment Pharmacol Ther 2002 ; 16 : 1225-32. 4. Lewis JD, Schwartz JS, Lichtenstein GR. Azathioprine for maintenance of remission in Crohn s disease : benefits outweigh the risk of lymphoma. Gastroenterology 2000 ; 118 : 1018-24. La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. VI - novembre-décembre 2003 249