L Quelle prothèse œsophagienne pour quelle lésion ?

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DOSSIER
L’œsophage : endoscopie
et troubles moteurs
Quelle prothèse
œsophagienne
pour quelle lésion ?
Which esophageal stent for which lesion?
Franck Cholet*
L
* Service d’hépato-gastroentérologie,
CHRU de la Cavale-Blanche, Brest.
es premières prothèses œsophagiennes étaient
rigides, non expansibles, en matière plastique.
Elles ont disparu au début des années 1990 au
profit des prothèses métalliques expansives (PME)
plus souples, plus flexibles, plus efficaces et surtout
dotées d’une morbidité et d’une mortalité moindres
après leur pose. Les PME sont faites d’un maillage le
plus souvent en nitinol (nickel-titanium) à mémoire de
forme. Elles sont contraintes dans un cathéter porteur,
dont le diamètre varie selon les modèles de 6 à 12 mm,
permettant de franchir la sténose sur un fil-guide sans
dilatation préalable, autrefois responsable de complications à type de perforation. Une fois déployées, leur
diamètre est supérieur à celui des prothèses plastiques
et peut atteindre entre 18 et 30 mm selon les modèles.
Il existe plusieurs modèles de PME dont le maillage est
entièrement ou partiellement couvert de silicone. Le
but est de limiter l’incarcération de la prothèse dans
la paroi œsophagienne et on parle alors de prothèse
métallique expansive totalement couverte (PMETC)
ou de prothèse métallique expansive partiellement
couverte (PMEPC). La prothèse métallique expansive
non couverte (PMENC), qui empruntait la technologie des prothèses endovasculaires des radiologues,
a été la première utilisée en 1990 (1), mais elle n’est
actuellement quasiment plus employée du fait de
l’envahissement rapide de ses mailles. Ces dernières
années, les firmes ont proposé de nouvelles prothèses
œsophagiennes, dont certaines sont polyvalentes,
et d’autres plus adéquates à une indication particulière. Sont apparues également plus récemment
des prothèses plastiques expansives (PPE) en polymère
et des prothèses biodégradables. Les caractéristiques
techniques de ces différentes prothèses œsophagiennes disponibles en France sont résumées dans
le tableau. Choisir telle ou telle prothèse œsopha-
276 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 6 - novembre-décembre 2013
gienne, c’est se poser plusieurs questions : s’agit-il
d’une pathologie maligne ou bénigne ? Va-t-on devoir
extraire la prothèse dans un deuxième temps ? Une
radiothérapie œsophagienne est-elle programmée ?
Quels sont les rapports de la sténose à la bouche de
Killian et au cardia ?
S’agit-il d’une pathologie
maligne ou bénigne ?
Les indications des prothèses œsophagiennes en
pathologie maligne sont le traitement palliatif des
sténoses néoplasiques intrinsèques ou extrinsèques
de l’œsophage responsables d’une dysphagie, le traitement palliatif des fistules œsorespiratoires et la
prise en charge de la dysphagie avant un traitement
par radiothérapie ou radio-chimiothérapie (RCT). En
pathologie bénigne, elles sont indiquées dans le traitement des sténoses bénignes de l’œsophage (peptiques,
radiques, anastomotiques et caustiques), dans la prise
en charge des fistules ou désunions anastomotiques de
la chirurgie bariatrique et de la chirurgie œsogastrique
carcinologique et non carcinologique, et parfois en
urgence lors des perforations œsophagiennes spontanées (syndrome de Boerhaave) ou iatrogènes (dilatation, mucosectomie œsophagienne).
Le stenting œsophagien pour les
sténoses néoplasiques de l’œsophage
est l’indication la plus fréquente
et la plus validée
La prothèse idéale pour le traitement palliatif
d’une sténose maligne devrait avoir les caractéris-
Points forts
Mots-clés
» Les prothèses métalliques expansibles partiellement couvertes (PMEPC) sont les mieux évaluées dans
la palliation de la dysphagie des sténoses malignes de l’œsophage.
» En cas de franchissement de la jonction œsogastrique par la prothèse, une étude randomisée n’a pas
montré de différence significative en termes de symptômes de reflux gastro-œsophagiens entre une
prothèse antireflux et une prothèse conventionnelle associée à un traitement par inhibiteurs de la pompe
à protons (IPP).
» La pose d’une prothèse œsophagienne couverte pour une période de 6 à 8 semaines est sûre et efficace
pour le traitement des ruptures spontanées et iatrogènes de l’œsophage ainsi que pour la cicatrisation
des fistules anastomotiques.
» Les résultats des prothèses œsophagiennes dans les sténoses bénignes réfractaires sont plus mitigés.
Tableau. Caractéristiques des prothèses œsophagiennes disponibles en France.
Types
Caractéristiques
Polyvalentes
Prothèses
métalliques
expansives
Antireflux
Tiers supérieur
Cardia
Postchirurgie
Prothèse
plastique
Prothèse
biodégradable
Highlights
Nom commercial
Largage
P/D
Diamètre
cathéter
(mm)
Aixstent®
Evolution®
Hanarostent®
Niti-S™
Ultraflex®
Wallflex®
Niti-S™ Double
Hanarostent®
Z-Stent®
Aixstent® ues
Niti-S™ Cervical
Hanarostent® NESA
Aixstent® cardia umbrella
Niti-S™ Beta™
Hanarostent®ECCB
Niti-S™ Mega™
D
D
D
D-P
D-P
D
D
D
D
P
D-P
D
D
D
D
D
8
8
6
5,3 à 9
7,3
6,2
6 à 7,3
8
10
8
5,3
6
8
6,6-7,3
6
6,6-7,3
20 à 24
18 à 20
20
16 à 28
18 à 23
18 à 23
16 à 28
22
18 à 25
20 à 24
16 à 18
18
24
20 à 26
30
22 à 28
6 à 14
8 à15
8 à 17
6 à 15
7 à 15
10 à 15
6 à 15
9 à 16
8 à 14
8 à 12
6 à 15
9-11
10-12
10 à 23
18 à 24
18 à 23
PC/TC
PC/TC
PC/TC
PC/TC
NC/PC/TC
PC/TC
TC
PC/TC
PC
TC
TC
TC
PC/TC
TC
TC
TC
Polyflex®
D
12 à 14
16 à 21
9 à 15
TC
SX-Ella
D
5,9
18 à 25
8 à 13
NC
Diamètre Longueur Couverture
stent (mm) stent (cm) NC/PC/TC
D : distal ; P : proximal ; NC : non couverte ; PC : partiellement couverte ; TC : totalement couverte.
tiques suivantes : une force d’expansion suffisante
pour garantir un diamètre interne de l’œsophage
permettant un régime alimentaire normal, un
cathéter introducteur souple et non traumatique
qui franchisse les sténoses angulées et anfractueuses mais suffisamment rigide pour franchir les
sténoses longues et serrées, une couverture évitant
l’envahissement tumoral des mailles et l’impaction
alimentaire, l’absence de création d’un tissu de
granulation réactionnel à ses extrémités et dont
la conception n’entraînerait pas de rétrodiffusion
des rayonnements lors de la radiothérapie externe.
Bien sûr, cette prothèse idéale n’existe pas mais il
existe différents types de prothèse présentant une
ou plusieurs de ces qualités, adaptés aux différentes
présentations anatomiques. Il a été suggéré que la
radiothérapie et/ou la chimiothérapie augmentent
le risque de complications après la pose d’une PME
chez les patients atteints d'un cancer incurable de
l’œsophage, mais cette relation est controversée
car parmi 9 études, 4 ont montré un risque accru de
développer des complications après RCT alors que les
5 autres n’ont pas trouvé une telle relation. Dans une
étude sur 200 patients, suivis de façon prospective,
Endoprothèse
œsophagienne
Cancer de l’œsophage
Sténose bénigne
œsophagienne
Fistule œsophagienne
anastomotique
il a été conclu que l’incidence des complications
n’a pas été affectée après mise en place d’une PME
après radiothérapie et/ou chimiothérapie pour un
cancer de l’œsophage. Seules les douleurs rétrosternales étaient plus fréquentes chez les patients
qui avaient subi une radiothérapie préalable (2). On
peut donc en conclure que la mise en place d’une
PME après radiothérapie et/ou chimiothérapie est
sûre ; cependant, les patients doivent être informés
qu’il y a un risque accru de douleurs rétrosternales
après la pose de la prothèse. Concernant les possibles
perturbations de la dose de rayonnement en fonction
de la nature du maillage de la prothèse, une étude
a été conduite en laboratoire sur un modèle de film
dosimétrique afin de quantifier l’écart par rapport
à la dose de rayonnement prévue en fonction du
matériau et de la densité du maillage de 16 prothèses
différentes. L’augmentation de la rétrodiffusion de
la dose de rayonnement liée à la prothèse variait
de 0 % à 7,3 %. Elle était proche de 0 % pour la
Polyflex® (PPE) et la biodégradable (SX-Ella). En
revanche, toutes les prothèses en alliage métallique
avaient une rétrodiffusion de rayonnement significative, en grande partie déterminée par la densité de
The partially covered selfexpandable metal stents are
the best studied in palliative treatment of malignant
stenosis of esophagus.
In case of crossing of œsogastric junction by the stent
a randomized study did not
found any significant difference
for GERD symptoms between
antireflux stent and conventional stent associated to PPI
treatment.
To set up a covered stent for
6 to 8 weeks is a safe and
efficacious method in case of
spontaneous and iatrogenic
perforations of the esophagus
and for anastomotic fistulas
healing.
In case of refractory benign
esophageal strictures the
results of stents are less
convincing, with a clinical
success in 50% of cases.
Keywords
Esophageal stent
Esophageal cancer
Benign esophageal stricture
Esophageal anastomotic
fistula
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 6 - novembre-décembre 2013 |
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L’œsophage : endoscopie
et troubles moteurs
Quelle prothèse œsophagienne pour quelle lésion ?
maillage et non pas par le type d’alliage utilisé (3).
À ce stade des données disponibles, les prothèses
à faible rétrodiffusion pourraient se révéler utiles
dans la période de transition de RCT préopératoire.
Quel type de couverture
en pathologie maligne ?
Ce sont surtout les PMEPC qui ont été étudiées dans
le cancer de l’œsophage car l’absence de couverture
des épaulements de la prothèse permet de limiter
sa migration (4). Mais ces études ont déjà plus de
10 ans. Une étude récente (5), qui compare une
prothèse de nouvelle génération (Evolution®) à une
autre d'ancienne génération (Ultraflex®), montre que
si ces dernières sont aussi efficaces dans le soulagement de la dysphagie et en termes d’étanchéité
des fistules, en revanche, les patients traités avec
la prothèse de la nouvelle génération avaient de
manière significative moins de réinterventions endoscopiques (10 % versus 38 %, p < 0,04). Les PMETC
ont été récemment évaluées dans les sténoses
malignes (6), mais il existe peu de recul dans cette
indication et elles n’ont pas été, à ce jour, comparées aux PMEPC. Les PMENC ne sont plus beaucoup
utilisées et leur dernière indication pourrait être les
sténoses néoplasiques extrinsèques de l’œsophage
bien que l’utilisation d’une prothèse PMEPC soit
efficace dans une étude rétrospective qui a inclus
50 patients atteints d'une compression extrinsèque
néoplasique de l’œsophage essentiellement due à
un cancer pulmonaire (7). Les auteurs n’ont observé
que 2 migrations (4 %), soit 1 sur les 30 prothèses
PMEPC et une 1 sur les 20 prothèses PMETC.
Et en pathologie bénigne ?
La mise en place d’une prothèse dans la sténose
bénigne de l’œsophage (peptique, radique ou
caustique) repose sur la présence d’une sténose
réfractaire (définie par l’impossibilité d’obtenir un
diamètre de la lumière œsophagienne de 14 mm
malgré 5 dilatations séparées de 2 semaines) ou
récidivante (définie par l’impossibilité de maintenir
une lumière œsophagienne à 14 mm pendant au
moins 4 semaines malgré 3 dilatations). Dans la
méta-analyse de T. Thomas et al. (8), qui a compilé
8 études ayant inclus seulement 199 patients en tout
(6 études avec des prothèses plastiques et 2 études
avec des prothèses métalliques), on notait une
amélioration de la dysphagie de 46 % (23 à 80 %)
278 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 6 - novembre-décembre 2013
et un taux de migration de 26 % (5 à 52 %). Une
revue systématique de la littérature s’est intéressée
aux résultats et à l’innocuité de la pose temporaire
de prothèses œsophagiennes en cas de perforation
spontanée (syndrome de Boerhaave) ou iatrogène
de l’œsophage (après une procédure endoscopique
ou chirurgicale) plus ou moins associée à une fistule
anastomotique (9). Vingt-cinq études ont été sélectionnées, soit 465 patients, et les résultats étaient
présentés selon le type de prothèse (PPE [n = 272] ;
PMETC [n = 48] ; PMEPC [n = 145]). Le succès clinique
a été obtenu chez 85 % des patients et n’était pas
différent selon le type de prothèse (PPE : 84 % ;
PMETC : 85 % ; PMEPC : 86 %, p = 0,97). La durée
moyenne du maintien de la prothèse à la guérison
était de 7 semaines et n’était pas différente quel
que soit le type de prothèse (variation de 6 à 8
semaines). La migration de la prothèse était plus
fréquente avec les PPE (31 %) et les PMETC (26 %)
qu’avec les PMEPC (12 %). L’apparition d’un tissu
de granulation réactionnel était logiquement plus
important avec les PMEPC (PPE : 3 % ; PMETC : 7 % ;
PMEPC : 12 %, p = 0,68), mais la différence n’était pas
significative. Bien qu’il manque d’études randomisées
et contrôlées, il semble que la pose d’une prothèse
couverte pour une période de 6 à 8 semaines soit
sûre et efficace pour le traitement des ruptures spontanées et iatrogènes de l’œsophage ainsi que pour
la cicatrisation des fistules anastomotiques. Le traitement des fistules anastomotiques à la suite d'une
chirurgie bariatrique est un défi car souvent il n’existe
pas de sténose et donc des prothèses spécifiques très
longues, jusqu’à 23 cm, ont été conçues pour les
fistules après sleeve gastrectomie avec des diamètres
allant jusqu’à 30 mm. Ces prothèses devront bien
sûr être comparées avec les autres prises en charge
des fistules postopératoires : colles, clip Ovesco®,
prothèses plastiques double queue de cochon, etc.
Le choix de la prothèse
œsophagienne
Le bilan anatomique lésionnel avant et lors de la pose
de la prothèse par la réalisation d’une endoscopie
digestive haute permet de définir les rapports de la
sténose avec la bouche de Killian et le cardia, et de
mesurer la longueur de la sténose (si celle-ci est franchissable par un endoscope standard ou mieux par un
nasofibroscope) afin de guider la taille et le type de
prothèse. En cas de sténose infranchissable par l’endoscope, on peut s’aider d’un transit œsophagien 7 à
10 jours avant la procédure pour mesurer la longueur
DOSSIER
de la sténose. La procédure endoscopique se fait
habituellement sous anesthésie avec un guidage
endoscopique et radiologique (une procédure purement endoscopique est possible). On insère, sous
contrôle endoscopique et/ou radiologique, un fil
guide que l’on pousse jusque dans l’estomac. On
place un repère radio-opaque externe (par exemple
un trombone scotché sur le thorax du patient) au
niveau du pôle supérieur de la sténose. Il n’est pas
recommandé de dilater préalablement la sténose
pour visualiser endoscopiquement le pôle inférieur
car cela augmente le risque de perforation. Pour le
repérage du pôle inférieur de la sténose, on peut
s’aider du transit œsophagien fait préalablement ou
injecter directement du produit de contraste dans
le canal opérateur de l’endoscope afin d’opacifier le
trajet de la sténose. On peut également se servir d’un
cathéter à ballonnet d’extraction que l’on descend
sur le fil guide à travers la sténose et en le remontant
gonflé dans l’œsophage sous-sténotique, il vient
buter sur le pôle inférieur de la sténose permettant
son repérage radiologique. Une fois les 2 repères
radio-opaques externes correctement positionnés,
on choisit une longueur de prothèse permettant de
déborder d’au moins 2, 5 cm au-dessus et en dessous
de la sténose (en cas d’hésitation entre 2 longueurs
de prothèse, toujours utiliser la taille au-dessus).
Enfin, on glisse l’introducteur sur le fil guide avec
une main, et avec l’autre on maintient le fil guide
en traction pour que le système glisse dans l’axe, en
poussant prudemment lors du passage de l’extrémité
de l’introducteur au niveau de la bouche de Killian
(il est parfois nécessaire de positionner la tête du
patient en hyperextension) ainsi qu’au niveau de
la sténose pour réduire le risque de perforation. Le
déploiement de la prothèse se fait progressivement
(bien vérifier au préalable s’il s’agit d’un largage
proximal ou distal) sous contrôle radioscopique en
s’aidant des repères radio-opaques externes ainsi que
de ceux de la prothèse positionnés en général en son
milieu et à ses extrémités. Ne pas essayer de franchir
la sténose immédiatement avec l’endoscope car on
risque de mobiliser la prothèse qui va se déployer
complètement en 24 à 48 heures. La complication
immédiate en est la perforation médiastinale ; elle
est rare et sa survenue diminue si on réserve la dilatation aux seuls cas où l’introducteur ne franchit pas
la sténose et si on réalise une dilatation minimale
adaptée au diamètre de l’introducteur, en général
inférieur à 10 mm (une bougie de 11 mm est souvent
suffisante). L’hémorragie est exceptionnelle, souvent
en rapport avec le saignement d’un gros vaisseau
médiastinal lors de l’introduction de la prothèse
ou de la dilatation préalable. Une compression
de la trachée lors de l’expansion de la prothèse
œsophagienne est possible : il faut vérifier avant
son installation qu’il n’existe pas de compression
ou d’envahissement de plus 50 % de la trachée (un
avis pneumologique est nécessaire pour la mise en
place d’une prothèse trachéale de façon préalable ou
concomitante). Les complications retardées sont la
pneumopathie d’inhalation, le reflux gastro-œsophagien, la migration ou l’impaction alimentaire de la
prothèse. Il va falloir également gérer l’obstruction
de la prothèse par la croissance tumorale ou par
un tissu de granulation réactionnel aux extrémités
de la prothèse, souvent par la mise en place d’une
autre prothèse dans la prothèse initiale.
Qu’advient-il lorsque la sténose
est proche de la bouche de Killian ?
L’extrémité supérieure de la prothèse peut être
ressentie par le patient comme un corps étranger
douloureux, et classiquement cette gêne est perçue
quand il existe moins de 2 cm entre la sténose et
la bouche de Killian. Malheureusement, il n’existe
que peu d’alternatives thérapeutiques dans ce cas.
Certains patients peuvent tolérer la prothèse, même
larguée à moins de 2 cm du Killian. En effet, une étude
comparant 5 groupes de 151 patients en fonction de
la distance de la sténose tumorale-Killian (≤ 2 cm,
entre 2 et 4 cm, entre 4 et 6 cm, ≥ 6 cm), n’a pas
trouvé de différence significative sur les scores de
dysphagie (10). Lorsque la distance entre la tumeur
et la bouche de Killian est inférieure à 2 cm, il faut
privilégier des prothèses avec une collerette proximale
courte (≤ 1 cm) et une couverture totale de la prothèse
dans cette partie. La difficulté est de bien positionner
le pôle supérieur de la prothèse au ras de la bouche
de Killian et d’éviter qu’elle ne migre sous la sténose
lors de son déploiement. Cette mise en place délicate
est facilitée par un largage proximal de la prothèse.
Qu'en est-il du choix
de la prothèse si elle doit
traverser le cardia ?
Lorsque les prothèses franchissent le cardia, leur
migration est plus fréquente si la partie distale de
la prothèse dépasse librement dans l’estomac et ne
peut donc se fixer sur le mur de l’œsophage. Pour
réduire la migration de la prothèse, il faut priviléLa Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 6 - novembre-décembre 2013 |
279
DOSSIER
L’œsophage : endoscopie
et troubles moteurs
L’auteur déclare ne pas
avoir de liens d’intérêts.
Quelle prothèse œsophagienne pour quelle lésion ?
gier un diamètre de prothèse d’au moins 28 mm
(11) ou utiliser un système antimigration de type
double maillage. Par ailleurs, l’extrémité inférieure
de la prothèse peut éroder la paroi postérieure de
l’estomac et entraîner une ulcération ou une hémorragie voire, plus rarement, une impaction dans la
paroi de l’estomac. Pour pallier cette éventualité,
il faut, lors de la pose, ne pas laisser la prothèse
dépasser de plus de 2 cm sous le cardia. Enfin, les
patients avec une prothèse traversant la jonction
œsogastrique sont plus exposés aux symptômes de
reflux gastro-œsophagien (RGO). Plusieurs prothèses
antireflux ont été développées mais présentent un
risque supérieur de migration, d’autant qu’une étude
randomisée entre prothèse antireflux (FerX-Ella®)
et prothèse conventionnelle (Ultraflex®) associée
à un traitement IPP ne montrait pas de différence
significative en termes de symptômes de RGO avec
respectivement 3/22 (13,6 %) et 2/26 (7,7 %) [12].
On recommandera ainsi de mettre systématiquement des IPP aux patients dont la prothèse traverse
le cardia et de n’envisager son remplacement par une
prothèse antireflux qu’en cas de RGO invalidant et
non soulagé par les IPP.
Conclusion
Les PME offrent un soulagement rapide de la
dysphagie dans le cancer de l’œsophage, mais le
nombre de procédures endoscopiques supplémentaires nécessaires pour la gestion de la
désobstruction de la prothèse reste plus élevé que
prévu initialement. L’introduction de nouvelles
générations de prothèses pourra peut-être réduire
à l’avenir leur migration et la prolifération tissulaire
non tumorale réactionnelle. L’utilisation de PME
pour le traitement des fistules anastomotiques et
des perforations iatrogènes a obtenu des résultats prometteurs. Cependant, les données sur les
sténoses œsophagiennes bénignes sont mitigées,
et des études prospectives sont nécessaires pour
évaluer le taux de complications tardives et l’efficacité à long terme dans cette pathologie difficile à
traiter que sont les sténoses œsophagiennes réfractaires et récidivantes. Les développements futurs
dans la conception de prothèses comprennent les
prothèses biodégradables, celles dont le revêtement
est radioactif, voire celles à élution médicamenteuse.
■
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280 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 6 - novembre-décembre 2013
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