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Le 14 décembre 2014
Failles du projet de loi 20
1. On croit que les médecins réduisent constamment la quantité de services offerts à
la population, suite à une statistique émise par la RAMQ basée sur le nombre d'actes
facturés par les médecins lors des quinze dernières années;
2. On pense que les médecins de famille ne travaillent pas assez, puisque le ministre
affirme constamment que 60% des médecins de famille travaillent une moyenne de 172
jours par année, pour une moyenne globale de 117 jours par année;
3. On conclut qu'imposer des quotas de patients par médecin de famille ainsi qu'un
taux d'assiduité mènera à une amélioration de l'accessibilité à un médecin famille
et de la qualité des soins apportés aux patients.
Nous vous invitons à nous lire pour nous permettre de vous démontrer combien ce projet
de loi 20 repose sur de fausses prémisses, et ne peut pas donc pas être adopté, et ce, pour le
bien de la population et de notre système de santé.
MYTHE 1
Les médecins ont réduit la quantité de services qu'ils offrent à la population, suite à une
statistique émise par la RAMQ basée sur le nombre d'actes facturés par les médecins
lors des quinze dernières années.
Il est aberrant d'estimer le nombre de services rendus par les médecins en se basant
uniquement sur le nombre d'actes posés qu'ils ont facturé à la RAMQ. En effet, beaucoup de
médecins ne travaillent pas uniquement à l'acte; certains travaillent à l'heure, et d'autres
travaillent par rémunération combinée, c'est-à-dire une combinaison de travail à l'heure et à
l'acte. Un grand nombre de services rendus par ces médecins n'étant pas des actes, ils ne sont
donc pas tous comptabilisés dans les statistiques citées.
De plus, le gouvernement a récemment simplifié la facturation en créant de nouveaux actes
uniques qui combinent un ensemble d'actes qui étaient autrefois facturés séparément. Le
médecin facture donc désormais un seul acte au lieu de plusieurs, mais effectue la même
quantité de travail qu'auparavant, ce qui ne peut que fausser l'interprétation du calcul.
Il ne faut pas oublier que de nombreuses activités essentielles à caractère médical,
demandant du temps, ne sont pas rémunérées par la RAMQ ni comptabilisées comme étant
des "actes". Celles-ci comptent notamment les comités non rémunérés, les prescriptions
téléphoniques, le temps passé à discuter d'un patient avec un spécialiste afin que ce dernier le
priorise si nécessaire, la révision des résultats d'imagerie et de labos, les appels aux patients
pour demander un retour en clinique et le remplissage de multiples formulaires.
À tous ces arguments doit se rajouter le fait que les visites entre médecins et patients sont
maintenant beaucoup plus longues qu'elles n'auraient pu l'être il y a quinze ans. Ceci est
largement causé par le fait que la médecine de famille a beaucoup changé. Les patients ne
veulent plus de la médecine paternaliste d'autrefois. Ils veulent se renseigner. Ils veulent que
leur médecin soit à l'écoute de leurs problèmes physiques, mais aussi psychologiques. Ils
veulent effectuer des prises de décision partagées avec leur médecin. Or, combinée au fait
que la médecine se complexifie jour après jour (développement constant de nouvelles lignes
directrices, nouveaux diagnostics, nouveaux tests de dépistage), cette exigence requiert
beaucoup plus de temps. La durée d'une seule visite est encore plus longue lorsqu'on ajoute le
facteur du vieillissement important de la population. Ce dernier mène à des discussions
nécessaires au sujet de la pertinence de cesser certains médicaments et du besoin de
relocalisation dans des centres d'hébergement. Or, une visite correspond généralement à un
seul acte quand même.
Pour toutes ces raisons, simplement comptabiliser le nombre d'actes que nous facturons à la
RAMQ est une mesure très inexacte de notre charge de travail.
MYTHE 2:
On pense que les médecins de famille ne travaillent pas assez, puisqu'une statistique
énoncée par Dr Barrette affirme que 60% des médecins de famille travaillent une
moyenne de 172 jours par année, pour une moyenne globale de 117 jours par année.
Il est inexact ici encore d'estimer que le nombre de journées de travail comptabilisées par la
RAMQ est un reflet de la productivité des médecins de famille.
Tout d'abord, les journées comptabilisées n'incluent pas toutes les journées durant lesquels
un médecin a travaillé. Entre autres, la RAMQ ne comptabilise que les journées durant
lesquelles le médecin lui a facturé un service quelconque. Ceci signifie que les journées
durant lesquelles le temps a été consacré à des activités non rémunérées par la RAMQ
(comités, mise à jour des connaissances médicales, paperasse inévitable tels que mentionnés
ci-haut) ne seront pas incluses dans leur dénombrement des "journées travaillées", alors que
la réalité en est toute autre.
Soulignons d'ailleurs que des données publiées par la RAMQ en 2013 indiquent plutôt que
qu'en se basant sur les journées ou les médecins ont facturé un dollar ou plus (tous types de
rémunération confondus), les spécialistes travailleraient en moyenne 193 jours par année,
contre 192 jours par année pour les omnipraticiens! Nous sommes très loin du 117 jours par
année cité par Dr Barrette!
Deuxièmement, la plupart des journées de travail d'un médecin ne correspondent pas à un 9 à
5. Par exemple, les gardes de 24h ne sont comptabilisées que pour une seule journée de
travail. Le type de profil de pratique fait aussi varier l'équivalence de ce qu'est un horaire de
médecin à temps plein. Ainsi, les médecins travaillant à l'urgence sont considéré "temps
plein" avec un horaire de trois jours par semaine, c'est-à-dire 13-14 quarts de travail par mois.
Chaque journée de travail correspond plus ou moins à deux journées de travail, puisqu'ils ont
besoin de journées pour s'adapter à la transition des quarts de travail de jour à des quarts de
travail de nuit ou de soir. Ceci diminue la moyenne des journées travaillées mais n'est
néanmoins pas représentatif de leur charge de travail.
Troisièmement, le calcul de Dr. Barrette ne fait pas la distinction des médecins qui ne
travaillent pas toute l'année pour la RAMQ. On compte également les centaines de nouveaux
médecins de famille qui commencent leur pratique en juillet seulement, après leur
graduation. Ces derniers peuvent seulement pratiquer pendant un maximum de six mois
durant leur première année de pratique. Ceci inclut aussi ceux qui sont députés, ceux qui
travaillent sur des bases militaires, ou ceux qui font occasionnellement du travail humanitaire
à l'étranger avec Médecins Sans Frontières, par exemple. Il est donc très trompeur d'associer
la productivité des médecins avec le nombre de jours moyens travaillés comptabilisés par la
RAMQ!
Plus important encore, et là est le plus désolant selon nous, est que le nombre de jours cité
par Dr Barrette tient compte des médecins en congé de maladie ou de maternité, ainsi que
des gens en préretraite, des personnes avec des invalidités partielles, des femmes enceintes
en fin de grossesse, et des gens devant prendre plus de congé afin de s'occuper de leurs
proches malades. Les médecins ne sont pas des superhéros. Ils ont besoin eux aussi d’un
équilibre entre le travail et la famille, surtout dans le contexte où la médecine est une
profession qui peut être extrêmement épuisante sur tous les plans. Sans une bonne santé
mentale, il est impossible de rendre de bons services à leurs propres patients!
MYTHE 3:
Dr. Barrette affirme qu'imposer des quotas de patients et des taux d'assiduité assurera
une meilleure qualité des soins.
Taux d'assiduité ne rime pas avec disponibilité
Dr Barrette annonce dans son allocution du 28 novembre sur la loi 20 qu'il établira la
création d'un taux d'assiduité du médecin avec son patient. Il affirme que pour être jugé avoir
une pratique "efficace", les rencontres d'un patient avec son médecin traitant devront compter
pour au moins 80% de ses visites médicales totales. Si cette condition n'était pas respectée, le
médecin serait pénalisé financièrement.
Le fait que ce concept même soit considéré nous inquiète. Selon nous, il y a un aspect peu
éthique dans le choix d'imputer la responsabilité de "l'assiduité" au médecin. En effet, ce dit
taux d'assiduité dépendrait de beaucoup d'éléments autres que la disponibilité du médecin,
tels que :
1. Le profil de maladie de chaque patient, ceci correspondant, à la base, a une
fréquence de visite différente chez son médecin traitant: Prenez par exemple un
jeune homme de 18 ans en bonne santé qui n'a pas besoin de voir son médecin
annuellement. Il se foule la cheville et craint avoir une fracture et avoir besoin d'une
radiographie et un plâtre. Il pense que son médecin de famille ne pourrait pas lui offrir
cela sur place, et donc, par manque de temps, préfère se rendre directement à l’urgence
au lieu d’aller voir ce dernier en premier;
2. La distance du patient du lieu de la clinique de son médecin traitant lorsqu'il a besoin
d'être vu: Il n'est pas rare, surtout en région par exemple, qu'un patient ait déjà un
médecin de famille qui est cependant situé à une grande distance d'où il se trouve, et que,
par manque de temps, il préfère se présenter à un établissement plus près de chez lui pour
une situation qu'il estime urgente;
3. Le libre choix d'un patient de vouloir chercher une seconde opinion auprès d'un autre
médecin ou d'un spécialiste dans un autre milieu;
4. La capacité d'un patient lui permettant de savoir clairement ce qui est urgent ou non,
et ainsi déterminer les moments qu'il est pertinent de consulter tout de suite à l'urgence ou
attendre de voir son médecin le lendemain.
Les dangers directement reliés à l'imposition des quotas
Le ministre reproche aux médecins de famille du Québec de faire moins de prise en charge
que ceux des autres provinces canadiennes. Il prétend qu'ils sont davantage présents en
établissement pour des motivations simplement salariales. Ce qu'il ne dit pas, c'est qu'en
1993, le gouvernement québécois les a forcés à pallier à la pénurie de médecins dans les
hôpitaux en créant et en imposant les activités médicales particulières (AMP), qui les oblige
à participer à des activités cliniques autres que la prise en charge. Les médecins de famille du
Québec sont ainsi devenus de véritables omnipraticiens qui ont aujourd'hui chacun des
champs de compétence qui leurs sont propres, et où ils jouent un rôle important, tels que
l'urgence, les soins palliatifs, la médecine sportive, les problèmes de dépendance,
l'obstétrique, etc.
Or, l'imposition du projet de loi 20 implique qu'en plus de cette pratique hospitalière
obligatoire, les médecins auront un quota de patients supplémentaires à prendre en charge en
clinique externe. Penser que ceci est une bonne idée comporte plusieurs risques qui nuiront à
la qualité des soins des patients. Ces risques sont présents même si Dr Barrette devait
annoncer que ces quotas seront ajustés en fonction de la quantité d'heures passées en milieu
hospitalier:
1. Jouant un rôle désormais très important dans les domaines où ils se sont
spécialisés, particulièrement en région éloignée où l'on ne retrouve parfois pas de
spécialistes, leur absence forcée mènera à une pénurie de médecins qui ne saura
être comblée par les spécialistes;
2. Afin de maintenir leurs connaissances dans leur mini-spécialisation, ces médecins
ne sont plus à jour par rapport aux développements de la médecine reliée à la prise
en charge, et ceci constitue un danger pour la qualité des soins procurés des
patients;
3. Le projet de loi continue à imposer des AMP, ce qui signifie qu'un médecin de
famille nouvellement formé et à jour voulant faire exclusivement de la prise en
charge se le verrait refusé.
De plus, tel que mentionné auparavant, le travail des omnipraticiens est plus que jamais
extrêmement demandant en terme de temps consacré à chaque patient. Leur imposer des
quotas plus importants de patients les empêcherait de fournir des soins d'une aussi grande
qualité. En effet, et très malheureusement, il est inévitable que, dû au caractère dissuasif des
mesures que ce projet de loi propose, certains médecins se verront obligés de changer leur
façon de pratiquer pour favoriser le débit et éviter d'être pénalisés financièrement. C'est ce
que Dr. Barrette promet, mais c'est plutôt ce qui nous effraie. Ces médecins, travaillant donc
sous pression de performance, diminueraient la qualité de leurs soins par, entre autres, par:
1. Une diminution du temps alloué pour les visites par souci de pouvoir assurer le
quota de patients, menant éventuellement à une perte d'efficacité des soins de ce
dernier et donc une fréquence de visites plus grande en clinique;
2. Plus de consultations, et ce, parfois inappropriées aux spécialistes, dû à un
manque de temps pour établir le bon diagnostic lors des visites, causant par le fait
même une décentralisation problématique des soins d'un patient. Le meilleur
exemple consiste en un patient ayant des douleurs à la poitrine qu'il craint être de
cause cardiaque. Si la durée de sa visite est trop courte, le patient ne pourra pas
établir la relation de confiance requise pour que son médecin découvre qu'il
souffre d'anxiété, qui est en fait la cause de ses douleurs. Le médecin pourrait
croire qu'il faut alors le référer pour des évaluations chez un cardiologue alors
qu'il avait en fait besoin de psychothérapie;
3. La crainte de prendre en charge de patients vulnérables ou complexes par
soucis d'avoir un bon taux d'assiduité et être dit "efficaces", puisque ces patients
ont tendance à avoir des problèmes plus graves, les menant à consulter plus
souvent à l'urgence que des patients généralement en bonne santé;
4. Une augmentation des coûts pour le système de santé et une diminution de
l'accessibilité des soins, suite aux points ci-dessus.
Dans son allocution du 28 novembre, Dr. Barrette estime qu'un grand nombre de médecins de
famille (au moins 50%) refuseront de changer leur façon de travailler par les façons décrites
ci-haut et accepteront la baisse de la rémunération de 30%. Sur ce point, nous sommes
d'accord avec le ministre, mais pas pour les mêmes raisons. Nous affirmons que ces
médecins le feraient non pas pour demeurer paresseux, comme il le prétend, mais plutôt pour
conserver la qualité des services qu'ils fournissent actuellement. Or, en quoi est-ce sensé
d'augmenter le nombre de patients requis par médecin de famille si ce dernier se juge
incapable de le faire tout en assurant la même qualité des soins? Qu'est-ce qu’il y a d'éthique
dans le choix de pénaliser les médecins qui choisissent de rester fidèles à leurs patients et
continuer à les traiter de façon appropriée, économisant ainsi énormément de coûts en bout
de ligne pour le système et améliorant ainsi réellement l'accessibilité aux soins? Leur
approche ne devrait-elle pas être louangée, plutôt que discréditée?
Enfin, il ne faut pas oublier les conséquences à long terme que ce projet de loi entraînerait si
appliqué. En dévalorisant à ce point la médecine familiale et en exigeant aux médecins
d'atteindre des cibles d'inscription et des taux d'assiduité qui sont complètement irréalistes, il
ne pourra que causer un désintérêt des étudiants en médecine à choisir la médecine de
famille comme carrière. Alors que dans les dernières années les programmes de résidence de
médecine familiale ont eu des taux record d'admission, jusqu'à devoir faire le choix entre
certains candidats, il est clair qu'avec la loi 20 le travail des dix dernières années à valoriser
la profession sera complètement perdu, au détriment de la population et de façon
contreproductive aux objectifs de ce projet de loi.
Nous sommes tous d'accord que les patients ont besoin d'une plus grande accessibilité à des
médecins de famille. Nous comprenons la frustration de la population, et nous désirons aussi
que les choses changent. Mais il n'est pas juste de blâmer les médecins de famille pour un
système qui est lui-même malade, et de les dévaloriser ensuite, sur de fausses prémisses, par
le biais des mesures proposées par le projet de loi 20.
Par contre, le fait que le projet de loi 20 n'est pas acceptable ne signifie pas qu'il ne peut pas
être pris comme étant une opportunité pour entamer un vrai dialogue. Les omnipraticiens
connaissant le mieux les problématiques de leur propre profession, ils sont les mieux placés
pour en identifier les solutions. Il faut les consulter à ce sujet. En effet, les alternatives pour
se rendre à une meilleure accessibilité sont nombreuses et plusieurs ont déjà été suggérés par
nos associations représentatives, sans être entendues. Parmi tant d'autres, on compte
notamment l'amélioration de l'efficacité du travail en clinique par l'instauration du dossier
médical électronique (toujours pas établi contrairement à beaucoup d'autres provinces
canadiennes dont l'Ontario), l'offre de plus de personnel dans nos cliniques pour nous aider à
voir, suivre et prendre en charge les patients (notamment les infirmières), et l'établissement
d'une meilleure accessibilité de la première à la deuxième ligne (corridor d'accès). On
suggère également l'abolition des AMP et l'investissement plus important dans la santé
publique (plutôt que les coupures). C'est ainsi que nous pourrons assurer une meilleure
qualité des soins et une plus grande accessibilité des patients à des médecins de famille.
A la lumière de toute cette information, nous vous encourageons vivement à dénoncer le
projet de loi 20, et à pousser le Dr. Barrette à avoir un dialogue avec les omnipraticiens pour
trouver des vraies solutions concrètes qui ne compromettront pas la qualité des soins
procurés à la population du Québec.
Notre lien vers la pétition à l'Assemblée Nationale contre la loi 20:
https://www.assnat.qc.ca/fr/exprimez-votre-opinion/petition/Petition-5029/index.html
Veuillez agréer, monsieur, madame, l'expression de nos sentiments distingués.
Un regroupement de médecins contre la loi 20
Plus de 250 médecins ont actuellement posé leur signature sur ce document afin qu’il soit
remis à l’ensemble des élus provinciaux.
Je vous invite à partager ce document avec l’ensemble de votre carnet de contacts
Il n’est pas trop tard, votre voix compte!
Merci!
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