M I S E A U P O I N T Amyloses thoraciques Thoracic amyloidosis ● A. Hamzaoui*, H. Ghrairi* Résumé : Les amyloses sont dues à des dépôts de protéines sous forme fibrillaire. Leur diagnostic est histologique. Elles constituent un groupe hétérogène par la multiplicité de leurs étiologies et la diversité des manifestations cliniques. Elles sont classées selon la nature du précurseur protéique. Les manifestations respiratoires sont associées aux amyloses AL. Les localisations laryngées et trachéobronchiques représentent essentiellement des amyloses localisées et sont constituées de nodules, de plaques sous-muqueuses ou d’épaississement diffus d’aspect très évocateur en tomodensitométrie. Deux types d’atteintes parenchymateuses sont possibles : nodulaires dans les amyloses localisées, et interstitielles diffuses dans les amyloses systémiques. Des dépôts amyloïdes ganglionnaires et pleuraux sont souvent associés aux atteintes pulmonaires. Les biopsies transbronchiques et transpariétales sont utiles à la confirmation histologique. L’identification de la protéine anormale est indispensable au choix thérapeutique. Le traitement des amyloses systémiques AL associe chimiothérapie agressive et greffe de cellules souches. Les atteintes trachéobronchiques symptomatiques requièrent un traitement endoscopique. Les localisations parenchymateuses isolées ne nécessitent pas de résection chirurgicale. Mots-clés : Amylose - Nodules - Trachée - Poumon - Plèvre - Diagnostic - Traitement. Summary: Amyloidosis is a heterogeneous group of disorders associated with deposition of protein in an abnormal fibrillar form. A pathological confirmation is required. Classification is based on the nature of the precursor protein. Localised AL amyloidosis involves upper and lower respiratory tracts in various ways: isolated nodules, multifocal submucosal plaques or diffuse infiltration. CT findings are highly suggestive. Lung parenchymal deposits constitute either nodules (multiple or solitary) in localised amyloidosis or diffuse infiltrative lesions often associated with systemic amyloidosis. Lymph nodes and pleura are also amyloidosis sites. Transbronchial and transcutaneous biopsies are helpful. Identification of amyloid type is necessary before treatment decision. Management of primary systemic amyloidosis relays on high dose chemotherapy and autologous stem-cell transplantation with a median survival of 4.6 years. Symptomatic airways amyloidosis requires endoscopic treatment. Pulmonary nodules deserve no treatment. Keywords: Amyloidosis - Nodular - Trachea - Lung - Pleura - Diagnosis - Treatment. es amyloses représentent un groupe hétérogène de pathologies associées à un dépôt protéique sous forme fibrillaire anormale. Elles sont héréditaires ou acquises, localisées ou systémiques, potentiellement létales ou asymptomatiques. L’incidence est estimée à 12 cas par million par an (1). Les étiologies varient selon le type d’amylose. Les plus connues sont le myélome multiple (2) et les infections respiratoires chroniques : bronchectasies et tuberculose chronique (3), mais aussi toutes les pathologies inflammatoires chroniques (4) ou, plus rarement, cancéreuses (1). La fréquence respective L * Pavillon B, hôpital Abderrahmen-Mami de pneumologie, Ariana, Tunisie. 100 des étiologies varie selon les pays : les dysglobulinémies prédominent dans les pays occidentaux alors que les causes inflammatoires sont encore au premier plan en Turquie ou en Inde (3). Le diagnostic est histologique par la démonstration de la présence dans le tissu atteint de dépôts amyloïdes : dépôts amorphes, protéiques, éosinophiles, caractérisés par une biréfringence jaune vert en lumière polarisée (dichroïsme) quand ils sont colorés au rouge Congo (1). En microscopie électronique, quelle que soit la nature du précurseur protéique, l’ultrastructure observée est identique : des feuillets fibrillaires réguliers de 100 Å, sans embranchement, avec un croisement bêta. Cette structure explique leurs propriétés physicochimiques : résistance relative à la protéolyse, liaison selon une organisation spatiale au rouge Congo et liaison au composant sérique amyloïde P (SAP) [2]. La Lettre du Pneumologue - Volume IX - no 3 - mai-juin 2006 LA COMPOSITION DES DÉPÔTS AMYLOÏDES EST DÉTERMINANTE, LE TYPAGE DE L’AMYLOSE EST INDISPENSABLE La composition des dépôts amyloïdes associe des protéines particulières à l’étiologie, formées de molécules entières ou de fractions protéiques et des composants constants dont l’importance a été démontrée chez l’animal : le facteur amyloid enhancing, des glycosaminoglycanes (GAG) et le SAP. L’injection parentérale de concentrations minimes d’extraits de tissus amyloïdes favorise chez la souris le développement explosif d’une amylose AA. Les GAGS, héparane sulfate et dermatane sulfate, augmentent l’amylogenèse. Le SAP glycoprotéine sérique forme jusqu’à 15% des dépôts, contribuant à leur stabilité. Ces molécules constantes sont la cible d’essais thérapeutiques, et le SAP est utilisé comme marqueur scintigraphique. Les dépôts amyloïdes se renouvellent continuellement par l’apport de nouveaux substrats. Il est donc indispensable d’identifier la molécule précurseur pour envisager l’inhibition de sa production : l’arrêt de l’apport des précurseurs protéiques provoque la régression des dépôts amyloïdes (1, 2, 5, 7). Les formes héréditaires, bien que rares, telles que celles liées à une mutation du lysozyme, ont permis de décrire la pathogénie des dépôts amyloïdes : les protéines mutées moins stables que les protéines originelles forment in vitro des fibrilles amyloïdes après chauffage ou refroidissement. Ces fibrilles forment spontanément des agrégats en réseau parfaitement ordonné sur lequel vont s’accrocher les autres constituants. Ce processus est complètement réversible (2). Les dépôts s’accumulent dans les espaces extracellulaires. La toxicité des dépôts amyloïdes est en partie mécanique par envahissement et destruction de l’architecture tissulaire, mais aussi secondaire à un effet cytotoxique par induction d’apoptose (2, 5). La classification actuelle est fondée sur les précurseurs peptidiques. L’amylose AA est liée au dépôt de protéine SAA au cours des inflammations chroniques, et l’amylose AL à des fragments de chaînes légères d’immunoglobulines G (k ou l) associés dans les formes diffuses à une gammapathie bénigne ou à un myélome (5). Les amyloses ATTR, familiale et sénile, sont dues à une accumulation de transthyrétine (tableau I). Tableau I. Classification des amyloses (seules les formes plus fréquentes sont citées) d’après Grateau (5). Protéine amyloïde AA AL AH ATTR Précurseur Amylose ApoSAA (composant sérique P) Réactionnelle : infections, inflammations chroniques, tumeurs, maladie périodique, syndrome de Mückle-etWells Idiopathique, (primitive), associée au myélome ou à la maladie de Waldenström Chaîne légère d’Ig (k, l) Chaîne lourde d’Ig (g) Transthyrétine mutée Transthyrétine normale Héréditaire Sénile La Lettre du Pneumologue - Volume IX - no 3 - mai-juin 2006 L’amylose AA secondaire à une inflammation chronique était classiquement une complication des dilatations de bronches et des tuberculoses chroniques. C’est encore le cas dans les séries turques. Elle est désormais plus souvent associée aux pathologies rhumatismales, particulièrement la polyarthrite rhumatoïde. Elle provoque un syndrome néphrotique, un orthostatisme et une hépatosplénomégalie. Les atteintes pulmonaires sont très rares (2). L’amylose AL peut être localisée, liée à une prolifération lymphoplasmocytaire locale à proximité des dépôts amyloïdes. Les formes localisées touchent les voies aériennes, les tractus génital ou digestif, la peau et les orbites. Les formes diffuses sont provoquées par des chaînes légères monoclonales circulantes produites par une dyscrasie plasmocytaire médullaire clonale de bas grade. Dans 20 % des cas, un myélome multiple est présent. Les dépôts sont disséminés, l’atteinte des différents organes est très hétérogène. Des dépôts occultes, asymptomatiques, se manifestent cliniquement sous l’effet du stress secondaire à des interventions chirurgicales, des infections ou des défaillances organiques. Les atteintes silencieuses de découverte autopsique sont très fréquentes (1, 2, 5). LES MANIFESTATIONS CLINIQUES SONT TRÈS HÉTÉROGÈNES Les atteintes pulmonaires sont rares : la série de la Mayo Clinic a regroupé 55 patients en 14 ans (6). Deux types de circonstances conduisent à la découverte par le pneumologue d’une atteinte amyloïde : la présence d’anomalies parenchymateuses ou pleurales dans l’évaluation de l’extension d’une amylose systémique connue, et le diagnostic d’une atteinte trachéobronchique ou parenchymateuse isolée correspondant à une amylose localisée. Les tableaux cliniques évocateurs d’amyloses systémiques sont très variés. Les symptômes les plus évocateurs au cours de ces amyloses sont l’hématome périorbitaire en lunette, typique par l’absence de tuméfaction et par la discrétion du traumatisme déclenchant, la macroglossie avec des empreintes dentaires (19 %), le syndrome du canal carpien (25 %), et la neuropathie du système nerveux autonome responsable d’une hypotension orthostatique (18 %) et de satiété précoce. De même, un amaigrissement (49 %), un syndrome néphrotique (34-55 %), mais aussi une neuropathie sensitive (18 %), des éruptions cutanées ou une hépatosplénomégalie (34 %) peuvent constituer des signes d’appel (1, 2, 5, 7-9). Parmi les atteintes thoraciques, l’amylose cardiaque représente la localisation la plus fréquente au cours des amyloses systémiques AL et ATTR (47-54 %) [8, 9]. Elle conditionne le pronostic de la maladie. Les dépôts provoquent un épaississement important et concentrique du myocarde ainsi qu’une insuffisance cardiaque rapidement progressive, avec de bruyantes manifestations droites. Électriquement, un bas voltage diffus est évocateur. L’échographie objective un aspect scintillant des dépôts au sein du myocarde (2, 10). Les atteintes respiratoires sont principalement observées au cours des amyloses AL (7) [tableau II]. L’atteinte des voies aériennes : larynx, trachée et bronches ainsi que les dépôts intraparenchymateux nodulaires représentent des formes localisées AL, alors 101 M I S E A U P O I N T Tableau II. Manifestations respiratoires et médiastinales selon le type d’amylose (modifié de Gillmore) [7]. Amylose AL ATTR, AA, autres Distribution des lésions Larynx Nodulaire ou infiltrative diffuse, généralement localisée Trachéobronchique Nodulaire ou infiltrative diffuse, généralement localisée Parenchymateuse Signification clinique – nodulaire Nodules solitaires ou multiples/amyloïdome, souvent limitée – diffuse Pneumopathie infiltrative diffuse Adénopathie Adénomégalies hilaires ou médiastinales Pneumopathie infiltrative diffuse Découverte le plus souvent histologique que les atteintes interstitielles et pleurales s’observent au cours des amyloses AL systémiques. Les atteintes respiratoires interstitielles diffuses des amyloses héréditaires ATTR et secondaires AA sont asymptomatiques. Deux grandes séries font référence : celle de la Mayo Clinic (6) et celle de Cordier et al. (11). L’étude américaine fondée sur une étude systématique de tous les cas d’amylose regroupait 55 patients porteurs de dépôts amyloïdes pulmonaires prouvés histologiquement, dont 35 atteints d’amylose systémique primitive (AL) et d’atteinte pulmonaire interstitielle diffuse (20 cas), ou d’épanchements pleuraux (isolés dans 10 cas). Parmi les formes localisées, 4 atteintes trachéobronchiques et 7 atteintes nodulaires parenchymateuses étaient rapportées. Enfin, parmi les patients souffrant d’une amylose secondaire, 4 présentaient des infiltrats interstitiels des bases associés à des adénopathies hilaires de découverte histologique (5). L’étude française décrivait 21 patients dont 5 atteints d’amylose trachéobronchique symptomatique et multifocale dans 3 cas (sténoses, atélectasie), 2 amyloses nodulaires parenchymateuses et 15 atteintes interstitielles (11). Dans un cas d’amylose familiale, il existait un syndrome interstitiel asymptomatique (11). Les atteintes des voies aériennes représentent des formes localisées AL. L’amylose laryngée constitue 0,5 à 1 % des pathologies laryngées bénignes (7). Sa fréquence augmente avec l’âge. Elle a aussi été observée chez l’adulte jeune. Les dépôts amyloïdes affectent le larynx sus-glottique, provoquant un enrouement, un stridor, une dyspnée dans 75 % des cas avec une sensation de plénitude pharyngée ou d’étouffement. Des hémorragies fatales sont possibles. Une atteinte trachéobronchique, concomitante ou non, s’y associe une fois sur deux. Le diagnostic est suggéré à l’endoscopie par la visualisation de nodules typiques d’aspect pavimenteux (47 %), de plaques sous-muqueuses, d’un épaississement pariétal circonférentiel (28 %), ou d’un aspect pseudo-tumoral (7, 12). L’amylose trachéobronchique est rare. Jusqu’en 1983, 67 cas avaient été décrits : 57 patients souffraient d’une atteinte infiltrative diffuse par de multiples plaques sous-muqueuses ; dans les autres cas, il s’agissait de nodules suggérant une néoplasie dans les formes isolées. Cette pathologie se manifeste plus fréquemment au-delà de 50 ans, directement par une dyspnée, une toux ou des hémoptysies, ou indirectement par les conséquences 102 Dyscrasie lymphocytaire clonale focale Amylose systémique de l’obstruction bronchique : atélectasie, pneumonies récidivantes. Le pronostic varie selon les séries : bon dans celle de Cordier, avec une survie au-delà de 8 ans de 3 patients sur 4 (11), et mauvais dans celle de Hui : 3 décès (sur 7 patients) par insuffisance respiratoire ou pneumonie (13), ainsi que celle de la Mayo Clinic : décès de 75 % des patients à 79 mois (5). En tomodensitométrie, les images sont très suggestives : épaississement concentrique régulier ou nodulaire de la paroi trachéale sousmuqueuse, calcifications concentriques (incluant la paroi postérieure) ou en foyers, indépendantes du cartilage, sans malacie (14, 15) [figure 1]. Les atteintes parenchymateuses a sont les plus fréquemment rapportées sous deux formes : nodulaires pseudo-tumorales et infiltratives (16). Les formes nodulaires sont le plus souvent multiples, asymptomatiques (17) et correspon- b dent à une amylose AL localisée bien que quelques observations aient été rapportées au cours d’amyloses systémiques AL (18). Ce sont en général des nodules périphériques à contours lisses ou lobu- Figure 1. Aspect tomodensitomélés, sous-pleuraux, prédomi- trique d’une atteinte des gros troncs nant aux bases, à croissance bronchiques : calcifications cirlente, pouvant s’excaver ou se conférentielles de la trachée (a) et de la bronche souche gauche (b). calcifier (19). Leur taille varie de quelques millimètres à plusieurs centimètres. Les opacités ont une vitesse de croissance similaire. Le développement asynchrone d’un nodule nécessite une vérification histologique pour éliminer un cancer (20). Les tumeurs amyloïdes solitaires (amyloïdomes) sont rares. Elles représentent des amyloses primitives localisées (21). Elles ont aussi été associées au syndrome de Sjögren et à des lymphomes pulmonaires B de bas grade (22). Le diagnostic est anatomopathologique. Les atteintes parenchymateuses interstitielles diffuses, nodulaires ou réticulonodulaires, relativement fréquentes au cours des amyloses systémiques (28 %), sont le plus souvent asymptomatiques .../... La Lettre du Pneumologue - Volume IX - no 3 - mai-juin 2006 M I S E A U P O I N T .../... (7, 23). La cardiopathie présente dans la majorité des atteintes pulmonaires (91 %) domine le pronostic (20). Parmi les 15 atteintes interstitielles rapportées par Cordier et al., seules 2 ont provoqué le décès par insuffisance respiratoire mortelle (11). Ces lésions parenchymateuses diffuses étaient de découverte autopsique dans 10 cas, dont 8 présentaient une insuffisance cardiaque gauche et 3 étaient associées à une néoplasie. La gêne respiratoire était corrélée à l’extension des dépôts dans les zones d’échange (11). Des hémoptysies par dissection des artères pulmonaires ainsi que des embolies massives ont été rapportées (20). En tomodensitométrie, les anomalies associent nodules (75 %), verre dépoli (38 %), opacités linéaires irrégulières, épaississement des septums interlobulaires (75 %) et rayons de miel (38 %) (19). Les fibrilles amyloïdes ayant une forte affinité pour le calcium, des calcifications parenchymateuses sont visibles dans 20 % des cas, particulièrement dans les régions sous-pleurales des zones moyennes et inférieures (24). Le lavage bronchiolo-alvéolaire (LBA) serait d’un apport diagnostique intéressant en révélant une alvéolite lymphocytaire, avec un rapport CD4/CD8 élevé, associée à du matériel amorphe éosinophile ; une paraprotéine IgG 1 a été identifiée dans le surnageant (25). Quelques cas d’amylose localisée avec infiltration interstitielle ont été rapportés, suggérant la recherche systématique d’une amylose au cours des pneumopathies interstitielles diffuses (7). Ces formes localisées provoquent le décès dans 1 cas d’insuffisance respiratoire sur 2 (20). Dans les formes systémiques AL, les atteintes ganglionnaires hilaires et médiastinales fréquentes (75 % des cas) sont associées une fois sur deux aux atteintes interstitielles, mais elles peuvent être isolées. Le diagnostic peut alors être posé par ponction biopsie sous tomodensitométrie (7, 26, 27). Elles ont été exceptionnellement observées au cours des amyloses secondaires à une fièvre familiale méditerranéenne (20). Les épanchements pleuraux représentent une manifestation thoracique fréquente des amyloses AL. Elles sont souvent associées à une amylose cardiaque. Transsudatives ou exsudatives, de cellularité panachée, elles ont un impact négatif sur la survie quand elles résistent aux diurétiques et aux évacuations répétées. Elles sont dues à l’infiltration amyloïde des feuillets pleuraux, et la biopsie pleurale peut être diagnostique. Une pleurodèse est nécessaire à l’amélioration symptomatique (28, 29). L’hypertension pulmonaire est une complication rare et tardive des amyloses : 5 patients identifiés en 20 ans dans la série de la Mayo Clinic, parmi lesquels 4 souffraient d’une amylose AL et 1 d’une amylose AA secondaire à une fièvre familiale méditerranéenne. Elle témoigne d’une amylose très évoluée (découverte en moyenne deux mois avant le décès), envahissant les artères pulmonaires (30). Enfin, un cas d’amylose diaphragmatique avec myopathie a été décrit (31). LE DIAGNOSTIC EST HISTOLOGIQUE, LE TYPAGE INDISPENSABLE Le diagnostic positif d’amylose nécessite une confirmation histologique. Le type d’atteinte pulmonaire suggère l’amylose en cause. Les pneumopathies interstitielles nécessitent un bilan 104 poussé d’amylose systémique. Un bilan biologique de base apporte des arguments évocateurs : une discrète anémie, une vitesse de sédimentation accélérée malgré une protéine C réactive (CRP) normale, une baisse du rapport normalisé international (INR), du facteur X ou une protéinurie (1). D’autres sites sont éventuellement à biopsier si l’amylose n’est pas connue : les plus recommandés, car faciles d’accès, sont la graisse sous-cutanée périombilicale, prélevée par ponction, les glandes salivaires accessoires et la muqueuse rectale (1, 6). Les trois prélèvements peuvent être associés pour augmenter la rentabilité. Les biopsies hépatiques sont contre-indiquées à cause d’un risque hémorragique important (1, 2). L’évaluation de l’extension systémique de l’amylose peut s’appuyer sur la scintigraphie au SAP marqué à l’iode 123, qui se fixe sur les dépôts amyloïdes (1, 32). Cet examen permet aussi de surveiller l’évolution de la maladie. La spécificité de la scintigraphie en ferait selon certains un outil diagnostique positif. Le marquage est très faible dans les poumons, mais la tomodensitométrie par émission de positons serait alors intéressante : les dépôts amyloïdes pulmonaires auraient un marquage intense (33). Pour les amyloses respiratoires basses localisées, trachéobronchiques ou nodulaires parenchymateuses, les biopsies bronchiques, transbronchiques, avec un risque de saignement modéré acceptable, et transpariétales guidées par tomodensitométrie permettent la confirmation du diagnostic d’amylose (34). Les dosages préalables de l’INR et du facteur X sont obligatoires. L’identification de la protéine précurseur est indispensable (35). Elle se fait à deux niveaux : tissulaire sur les biopsies par immunohistochimie avec des anticorps vis-à-vis des chaînes légères d’immunoglobulines (AL), de la protéine SAA et de la transthyrétine, et systémique sanguin (ou urinaire) par immunoélectrophorèse, à la recherche de chaînes légères d’immunoglobulines. L’élimination d’une amylose AL est suivie d’une étude de l’ADN des gènes TTR. L’absence de mutation suggère une étiologie secondaire (AA) [1]. IL EXISTE DE RÉELLES POSSIBILITÉS THÉRAPEUTIQUES L’intérêt actuel pour les amyloses est secondaire aux possibilités thérapeutiques. L’arrêt de l’apport des protéines précurseurs permet la régression des dépôts. Pour cela, dans les formes systémiques AL, une chimiothérapie agressive est proposée (36), associant du melphalan à fortes doses (100-200 mg/m2) et une greffe autologue de cellules souches (37). Sur 701 patients, 50 % étaient éligibles pour ce traitement. À cent jours, la mortalité était élevée (13 %), mais la médiane de survie était de 4,6 ans, encore meilleure chez les patients avec réponse hématologique complète (40 % des cas). Une régression des atteintes organiques évoluées, pulmonaire, cardiaque et rénale, est possible (37) [figure 2]. Les amyloses AA sont traitées quand cela est possible par interruption de l’inflammation : résection des sites infectieux chroniques, chlorambucil pour la polyarthrite rhumatoïde et l’arthrite chronique juvénile (1, 38), et colchicine pour la fièvre familiale méditerranéenne (1, 39). Dans ce cadre, la colchicine empêche la formaLa Lettre du Pneumologue - Volume IX - no 3 - mai-juin 2006 tion de nouveaux dépôts et per- a met la régression de ceux déjà établis. Les amyloses familiales ATTR sont “guéries” par des greffes hépatiques, interrompant la production de la protéine anormale (40). Le second volet du traitement est celui des symptômes et des b défaillances organiques. Des transplantations rénales (6) et cardiaques (10) ont été réalisées, mais avec un risque de récidive sur l’organe greffé. Les formes localisées relèvent d’un traitement symptoma- Figure 2. Atteinte macronodulaire tique. Les amyloses laryngées parenchymateuse, réponse à la chiet trachéobronchiques bénéfi- miothérapie : avant traitement (a), cient des techniques d’endo- après traitement (b). scopie interventionnelle : résection bronchoscopique des formations endoluminales par pulvérisation au laser (CO2 et NdYag) et prothèses (41). Ces gestes, efficaces, requièrent un anesthésiste préparé aux risques liés à la nature friable des dépôts obstruant les sondes d’intubation et les endoscopes, et au saignement (12). Une irradiation externe est proposée par certains auteurs (42). Les résections chirurgicales sont exceptionnelles. Les nodules amyloïdes parenchymateux ne nécessitent pas de résection chirurgicale dans la plupart des cas. EN PERSPECTIVE Les perspectives thérapeutiques futures se fondent sur des agents qui stabiliseraient les protéines précurseurs dans leur conformation normale, inhiberaient la formation des fibrilles et leur propagation, ou augmenteraient la dégradation fibrillaire (43, 44). Les drogues à l’essai sont des composés GAG polysulfonés fortement chargés et les inhibiteurs de la liaison du SAP. ■ Remerciements au Pr H. Houman, service de médecine interne, hôpital La Rabta, Tunis, pour les photographies de la figure 2 illustrant l’atteinte pulmonaire et la réponse au traitement. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Khan MF, Falk RH. Amyloidosis. Postgrad Med J 2001;77:686-93. 2. Falk RH, Comenzo RL, Skinner M. The systemic amyloidosis. New Engl J Med 1997;337:898-909. 3. Akçay S, Akman B, Ozdemir H, Eyüboglu FO, Karacan O, Ozdemir N. Bron- chiectasis-related amyloidosis as a cause of chronic renal failure. Ren Fail 2002;24:815-23. Tuglular S, Yalcinkaya F, Paydas S et al. 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Il existe également une prédisposition familiale bien démontrée actuellement. La rhinite allergique est l’expression la plus courante de l’allergie. En France, 30 % de la population adulte présente une rhinite allergique. Les antihistaminiques agissent sur la plupart des symptômes de la rhinite allergique. L’ébastine (Kestin®) est le seul anti-H1 de deuxième génération offrant la possibilité d’adapter, dans la 106 rhinite allergique, la posologie en fonction de l’importance des symptômes ou de l’environnement du patient. Cette posologie modulable (un à deux comprimés à 10 mg par jour) est en accord avec la classification de la rhinite allergique proposée par ARIA. L’ébastine a une action puissante, spécifique et prolongée sur les récepteurs H1 périphériques. Son action est rapide et se poursuit sur 24 heures. L’ébastine agit sur l’ensemble des symptômes de la rhinite allergique (rhinorrhée, prurit nasal, éternuements, obstruction nasale). Les laboratoires Almirall viennent de mettre à la disposition du corps médical et des patients une nouvelle forme d’ébastine à dissolution instantanée : Kestinlyo®. Placé sur la langue, le produit se dissout immédiatement et se prend sans eau, partout et à tout instant. Kestinlyo® offre la même efficacité et la même tolérance que Kestin®, mais il se présente sous forme de lyophilisat oral aromatisé à la menthe. Un certain nombre d’études ont montré que plus de 9 patients sur 10 souhaiteraient changer leur anti-H1 en comprimé pour une forme lyophilisée. Cette nouvelle forme à prise simple et rapide serait un facteur d’amélioration de l’observance. Kestinlyo® est disponible en boîte de 30 lyophilisats. Il est remboursé à 35 % par la Sécurité sociale et agréé aux collectivités. Cette galénique originale à dispersion instantanée, offrant maniabilité et acceptabilité, apporte un progrès particulièrement apprécié des patients et des médecins, la rencontre d’allergènes pouvant se produire dans des contextes très variables. MP La Lettre du Pneumologue - Volume IX - no 3 - mai-juin 2006