Juin 2001 - Laboratoire de Physique des Solides

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DEA DE PHYSIQUE DES SOLIDES ET MILIEUX DENSES
Juin 2001
Structure de la matière condensée
Durée 3 heures. Notes de cours autorisées
La structure de l’ADN : la double hélice
L’ADN, l’acide désoxyribonucléique, est une macromolécule biologique contenant l’information génétique de la majorité des êtres vivants. Cette molécule a une structure en double
hélice, qui a été élucidée en 1953 par James D. Watson et Francis Crick. Dans son livre
« La double hélice », où il raconte l’histoire de cette découverte, Watson explique le rôle
joué par la di¤raction des rayons X. À propos du cliché de di¤raction de l’ADN reproduit
…gure 1, obtenu par Rosalind Franklin en 1952, Watson écrivit « Dès que je vis cette image,
je restais bouche bée et mon pouls s’accéléra... La croix noire des ré‡exions qui dominait
dans l’image ne pouvait provenir que d’une structure hélicoïdale... ». Le but de ce problème
est de comprendre ce qui paraissait si élémentaire au Dr Watson...
Figure 1: Cliché de di¤raction X de la forme B de l’ADN. La direction z est verticale.
I Étude de la di¤raction par une hélice continue
On peut comprendre la structure de la molécule d’ADN en imaginant une échelle vrillée
(Figure 2a). Les deux montants de l’échelle (les brins) sont formés d’un groupe phosphate
(constitué d’un atome de phosphore relié à quatre atomes d’oxygène) et de désoxyribose
(un sucre à cinq atomes de carbone), tandis que les barreaux de l’échelle sont constitués
d’une paire de bases azotées : adénine-thymine ou guanine-cytosine (chacune constituée
d’un ou de deux cycles contenant des atomes d’azote et de carbone). On connaît aujourd’hui
plusieurs formes d’ADN, mais la plus courante est la forme B, dans laquelle les paires de
base sont perpendiculaires à la direction d’enroulement de l’hélice. C’est cette forme dont il
sera question dans la suite.
1
A) Pour modéliser la molécule d’ADN, nous commencerons par étudier une hélice continue
in…nie. La …gure 2b) schématise une hélice droite in…nie de direction z, de pas P et de
rayon R.
1-a) Montrer qualitativement que l’on peut considérer cette hélice comme une …gure
périodique unidimensionnelle.
b) Qu’est-ce qu’implique la chiralité de cette hélice sur ses éléments de symétrie ? Donner
les opérations de symétrie de position de l’hélice. Quelles seraient les opérations de symétrie
d’une hélice gauche ?
c) Déduire des éléments de symétrie de position le groupe de symétrie d’orientation de
l’hélice continue.
2) On rappelle que les coordonnées cartésiennes (x; y; z) d’un point quelconque peuvent
s’exprimer en fonction des coordonnées cylindriques (r; '; z). Exprimer les coordonnées
cartésiennes (xh ; yh ; zh ) d’un point de l’hélice en fonction de la seule variable t, dé…nie Figure
2b), du rayon R de l’hélice et de son pas P . On utilisera le fait que lorsque t = P , ' = 2¼,
xh = R, yh = 0 et zh = P .
Bases azotées
z
Phosphate
Liaisons H
p
P
ϕ
P
Désoxyribose
R
x
t
y
b)
qz
t0
q
qz
ψ
a)
qx
R
qy
qr
c)
Figure 2: a) Structure de la molécule d’ADN et dé…nition de ses paramètres structuraux.
b) Coordonnées cylindriques (R; '; t) d’un point de l’hélice continue. c) Coordonnées cylindriques (qr ; Ã; qz ) du vecteur de di¤usion q.
2
B) On cherche maintenant à calculer l’amplitude de di¤usion de l’hélice continue.
1) Donner l’expression du déphasage entre deux ondes di¤usées par un point à l’origine
et un point de l’hélice de coordonnées (xh ; yh ; zh). On exprimera le résultat en fonction du
vecteur de di¤usion q de coordonnées (qx ; qy ; qz ) (pour simpli…er les calculs de la suite du
problème on prendra le signe de ce déphasage positif). Exprimer (qx; qy ; qz ) dans le système
de coordonnées cylindrique (qr ; Ã; qz ) dé…ni Figure 2c). En déduire l’expression du déphasage
dans ce système de coordonnées et le simpli…er en utilisant la trigonométrie.
2) En ne considérant que l’aspect unidimensionnel et périodique de l’hélice continue,
donner sans calcul le lieu des points de l’espace réciproque associè à l’hélice. En projetant
l’hélice sur l’axe z, montrer (également sans calcul) que l’intensité di¤usée est strictement
nulle le long de l’axe z pour qz 6= 0.
3) En utilisant le résultat du B1), rappeler l’expression intégrale donnant l’amplitude de
di¤usion d’un objet de densité électronique ½(r).
4) On appelle ½0 la densité linéïque constante de l’hélice continue dé…nie en A1). Donner
l’expression de l’amplitude de di¤usion A(qr ; Ã; qz ) de l’hélice en fonction des coordonnées
cylindriques de q. On exprimera le résultat sous la forme d’une intégrale sur la variable t.
5) En utilisant la périodicité de l’hélice, montrer que l’amplitude de di¤usion s’exprime
sous la forme d’un produit d’une fonction peigne de Dirac, que l’on précisera, par le facteur
de structure :
F (qr ; Ã; qz ) = ½0
Z
P
0
exp(iqr R cos(
2¼t
¡ Ã)) exp(iqz t)dt:
P
Que représente physiquement ce facteur de structure ?
6) Cette intégrale peut se calculer en utilisant l’identité suivante :
Z
0
2¼
exp(iu cos µ) exp(inµ)dµ = 2¼in Jn (u);
où u est un réel quelconque et Jn (u) la fonction de Bessel d’ordre n. Ces fonctions véri…ent les relations J¡n (u) = (¡1)n Jn (u) et Jn (¡u) = (¡1)n Jn (u). La Figure 3 donne les
représentations des cinq premières fonctions de Bessel dans l’intervale 0 < u < 10.
Ces fonctions de Bessel possèdent des extrema dont les coordonnées u sont données dans
le tableau ci-dessous.
ne extrema J0
1
u=0
2
u = 3:83
3
u = 7:01
4
u = 10:17
J1
1:84
5:33
8:54
11:71
Montrer que le facteur de structure pris en qz =
F (qr ; Ã;
J2
3:05
6:71
9:97
13:17
2¼n
P
J3
4:20
8:01
11:35
14:59
J4
5:32
9:29
12:69
15:96
J5
6:42
10:52
13:99
17:31
s’exprime :
2¼n
¼
) = ½0 P Jn (qr R) exp(in(Ã + )):
P
2
7) À partir des résultats précédents et du tableau ci-dessus, représenter schématiquement
dans le plan (qr ; qz ) l’intensité di¤usée par l’hélice continue. Montrer en particulier qu’il
3
Figure 3: Représentation des cinq premières fonctions de Bessel Jn (u).
apparaît la « croix » caractéristique de la di¤raction par une hélice. De quels paramètres
dépend l’angle que fait cette croix avec la direction z ?
8) Quel est la symétrie de jF (q)j2 ? Peut-on déduire la chiralité de l’ADN par une
expérience de di¤raction ?
II Modélisation de la double hélice.
On veut maintenant trouver un modèle se rapprochant de la molécule d’ADN réelle.
1-a) On considère le deuxième brin de la molécule, négligé jusqu’ici. Comme indiqué
Figure 2a), ce brin est décalé par rapport au premier d’une longueur t0 . Donner le facteur
de structure de ce deuxième brin et en déduire le facteur de structure d’un objet constitué
de deux hélices continues décalées de t0 . Donner l’intensité di¤usée par cette double hélice
continue et préciser le facteur reliant l’intensité di¤usée par la double hélice continue et celle
di¤usée par l’hélice simple. Quel est le rôle de ce facteur sur l’intensité di¤usée ?
b) Sans le justi…er à ce niveau, on considère que le cliché de la Figure 1 est principalement
dominé par l’intensité di¤usée par une double hélice. À partir de la distribution d’intensité
le long de la croix de di¤raction, estimer la quantité t0 .
2-a) La structure de l’ADN s’apparente en fait à celle d’une double hélice discontinue.
Pour la modéliser, on considère que la double hélice continue est coupée par un ensemble de
plans équidistants, de période p (voir Fig. 2a)). En considérant le type et la position des
di¤érents groupements d’atome de l’ADN, justi…er cette modélisation.
b) Rappeler la transformée de Fourier d’un ensemble de plans équidistants de période p.
En projetant la double hélice discontinue sur l’axe z, indiquer sans calcul l’intensité di¤ractée
le long de l’axe qz .
3) La molécule d’ADN est ainsi modélisée par le produit d’une double hélice continue
et d’un ensemble de plans équidistants. En utilisant les propriétés de la transformée de
Fourier, exprimer l’intensité di¤usée par la double hélice discontinue (on pourra utiliser des
arguments géométriques).
4) Si p et P sont dans un rapport irrationnel, quelle est la symétrie de l’intensité di¤usée ?
En supposant que Mp = P ou M est un entier pair, calculer l’intensité di¤usée dans le plan
4
qz = 0 en fonction de J0 , JM et J¡M . Quelle est la symétrie de l’intensité di¤usée dans ce
plan ? Commenter ce résultat ?
III Étude d’une mésophase en solution concentrée d’ADN.
En solution aqueuse l’ADN donne naissance à plusieurs phases. En augmentant la concentration en ADN on observe successivement la séquence de phases suivante : liquide isotrope
! cholestérique ! colonnaire hexagonale ! cristallines. On ne s’intéressera dans la suite
qu’à la phase colonnaire hexagonale. Dans cette phase, les molécules d’ADN s’empilent de
manière désordonnée le long de colonnes parallèles (voir Fig. 4). Ces colonnes forment un
réseau hexagonal bidimensionnel de paramètres a et b. Les molécules sont de l’ADN de
thymus de veau (hélices de longueur »500 Å soit 146 paires de base). On se propose de
calculer la fonction de di¤raction de cette structure.
Colonnes
Molécule d’ADN
500 Å
a
b
Figure 4: Représentation schématique de la phase colonnaire hexagonale de l’ADN. Les
molécules d’ADN sont schématisées par des cylindres grisés sur deux colonnes seulement.
A) Cette partie est indépendante des parties I et II.
1-a) On considère d’abord une colonne isolée constituée de N molécules d’ADN, dans
laquelle le désordre de position des molécules est celui d’un liquide. La distance moyenne
entre premiers voisins est de l’ordre de la taille de l’ADN (soit »500 Å). On supposera que
la niµeme molécule de la colonne est à la cote zn et que les molécules ont toutes la même
orientation. Montrer que l’amplitude de di¤usion C(q) d’une colonne se met sous la forme
F (q)S(q) où F (q) est le facteur de structure de l’ADN et S(q) est la fonction de di¤usion
d’un liquide unidimensionnel d’objets ponctuels, que l’on ne cherchera pas à calculer.
b) Représenter schématiquement la fonction jS(q)j2 . À quoi correspond son premier
maximum ? En comparant la distance moyenne entre molécules le long d’une colonne et le
pas de l’hélice d’ADN, montrer que la …gure de di¤raction d’une colonne est principalement
donnée par jF (q)j2 .
2) On considère maintenant le réseau hexagonal formé par des colonnes de N molécules
d’ADN. On note Suv (q) la fonction de di¤usion de la colonne située en ua+vb, u et v entiers.
a) Montrer que quelle que soit la répartition des molécules sur la colonne Suv (qz = 0) est
une constante.
5
b) Montrer que si qz 6= 0, la moyenne spatiale hSuv (q)iuv est nulle.
3-a) Exprimer l’amplitude de di¤usion par l’ensemble des colonnes. En déduire que
l’intensité di¤usée par maille est donnée par :
I(q) = jF (q)j2
X
uv
hS00 (q)Suv (q)i exp iq ¢ (ua + vb);
où h:::i représente la moyenne spatiale sur le désordre des colonnes.
b) En utilisant le résultat du III-2-a), montrer que l’intensité di¤usée dans la strate
qz = 0 se compose de taches de di¤raction, dont on précisera les positions dans le réseau
réciproque du réseau hexagonal (a,b).
c) Calculer l’intensité di¤usée pour qz 6= 0 en utilisant le résultat du III-2-b) et le fait
qu’il n’y a pas de corrélations de positions des molécules d’ADN d’une colonne à l’autre.
Figure 5: Cliché de di¤raction (à l’échelle) par une phase hexagonale colonnaire d’une
solution d’ADN concentrée. La direction z est verticale.
B) Le cliché de la Figure 5 a été obtenu avec le rayonnement synchrotron à LURE (Orsay)
dans une phase colonnaire hexagonale d’ADN concentrée. La longueur d’onde utilisée est
1.553 Å et la distance …lm échantillon est de D =85 mm.
1) À partir des résultats précédents, expliquer les caractéristiques du cliché de di¤raction
de la Figure 5.
2) En déduire le plus simplement possible le rayon R, le pas P , la distance entre paires
de bases p des molécules d’ADN et le paramètre a du réseau hexagonal.
D’après :
[1] W. Cochran, F. H. C. Crick & V Vand, Acta. Cryst. 5 (1952) 581.
[2] R. E. Franklin & R. G. Goslin, Nature 171 (1953) 740.
[3] F. Livolant, A. M. Levelut, J. Doucet & J. P. Benoît, Nature 339 (1989) 724.
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